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La thérapie contextuelle de Böszörmenyi-Nagy

Démarré par JacquesL, 18 Février 2007, 05:45:03 PM

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JacquesL

La thérapie contextuelle de Boszormenyi-Nagy
Une nouvelle figure de l'enfant dans le champ de la thérapie familiale
Pierre Michard

Préface : Jean-Georges Lemaire
Avant-propos : Catherine Ducommun-Nagy

Collection : Carrefour des psychothérapies
De Boeck Université.


Où que je le mette, cet aparté avant rédaction de la vraie note de lecture, va faire désordre.

Il s'agit du livre sur la thérapie contextuelle, mise au point par Ivan Böszörmenyi-Nagy, un des deux les plus théoriciens parmi les pionniers fondateurs de la thérapie familiale, livre écrit par Pierre Michard.

Depuis trois semaines que le lis, je suis pris dans un Mælstrøm de sentiments et de souvenirs revenant en flux continu. Innombrables semblent les faits, les lectures et les apprentissages qui méritent d'être revus, relus à la lumière des concepts de loyauté créés par Böszörmenyi-Nagy. Par exemple, de nombreux cas décrits par Milton Erickson méritent d'être ainsi relus.

Il faut donc maintenant démêler tous les biais d'autothéorie au service de sa légende biographique personnelle, et tous les biais d'adressages qui nous affectent, tous ceux impliqués dans cette chaîne de transmission : moi-même, l'auteur de ce livre Pierre Michard, Ivan Böszörmenyi-Nagy lui-même et ses assistants.

Je n'avais pas encore été frappé de plein fouet par l'évidence de la déloyauté et de la fourberie de ma famille d'origine, ni par l'impunité pénale garantie à l'auteure du plus délirant des faux témoignages. Je n'avais pas encore mis en ligne la version papier de mes Mémoires, ni été re-confronté à ma motivation à l'éthique et la discipline scientifique. Dans pratiquement tous mes écrits, le sentiment directeur est bien fondé sur cette question de la loyauté et de la déloyauté. Exemple parmi des dizaines, le titre de l'article : « Vecteurs ? » 151 ans de déloyaux services. En autonome ou en réponse aux problèmes posés sur les forum paternet et SOS papa, je traite constamment de loyauté envers nos clients de connaissances, nos lecteurs ou nos élèves, loyauté dans la famille, loyauté dans le ménage. Pas de variations, c'est très répétitif.
Un biais biographique est monumental ici même, chez moi : pourquoi ce Mælstrøm de sentiments et de souvenirs ne me survient-il qu'à cette lecture-là, et non pas quatre ans et demi plus tôt, à la lecture d'un recueil dirigé par Framo et Böszörmenyi-Nagy ? Donc mon esprit à l'époque n'était pas encore prêt ? Ou l'auteur Michard est-il incomparablement plus concerné par cette question que ne l'étaient  Framo et Böszörmenyi-Nagy à l'époque de ce recueil, antérieur de quatre ans (1969) à la publication de « Invisible loyalties » ? Sans doute aussi.
Par exemple ce bref article Certaines familles ont pour but d'avarier et de rendre infirmes tout ou partie de leurs membres, le plus souvent les enfants, date d'avril 2005, et prouve que ma préparation à lire ces thèmes avait grandement avancé.

De par les problèmes de sa biographe personnelle, personne ne choisit sa profession et son déroulement par l'effet du hasard ; le besoin de réparer quelque chose dans les bêtises de ses ascendants y joue un rôle majeur. Ainsi Sigmund Freud a visiblement drainé une clientèle attirée par son postulat de « Tout est d'origine sexuelle », hérité des problèmes de sa propre famille. Böszörmenyi-Nagy et Michard ont visiblement orienté leurs clientèles, donc leurs biais d'adressages, vers des clients situés du côté de la loyauté, blessés dans leurs loyautés filiales ou fraternelles. Ce qui fait que l'antithèse dialectique est peu présente dans leurs publications : la déloyauté comme mode de vie appris et transmis. Je ne vis pas dans le même environnement : on ne choisit pas sa famille d'origine, ni les établissements où l'on est affecté par le ministère. Je suis donc surtout confronté à la reproduction de modèles de diverses déloyautés et perversités.

La question du pouvoir est largement abordée dans les pages 102 à 105, 117 à 119, puis 184-185, où Michard compare les techniques et les principes de la thérapie systémique, au moins dans sa première forme trop brillante, illustrée par Paradoxes et contre-paradoxes  de l'école milanaise :
Le systémiste risque de consacrer bien trop d'efforts à reprendre le pouvoir de conduire l'entretien et la thérapie, à une famille soudée qui joue plus fin que lui, à un jeu partiellement psychotique dont elle est encore seule à connaître les règles.
Il y avait alors dans cette école milanaise un fantasme panoptique : on va tout comprendre !
Non, on ne comprendra jamais tout ce qu'il faudrait... Le caractère toujours pluriel et multidimensionnel des réalités de chacun, persistera à nous échapper largement. Le thérapeute contextuel s'en tire autrement, en questionnant et en faisant parler sur les injustices perçues, en rétablissant le droit à parler des injustices subies, ou dont il/elle a été témoin. Ce n'est pas nouveau, mais cette fois c'est systématique.

L'auteur s'oppose aussi aux astuces des freudiens, notamment lacaniens, pour vous faire endosser à vous seul toute la responsabilité de vos échecs de vie, au nom d'un prétendu masochisme inconscient, d'une prétendue omniscience de l'inconscient. Harold Searles avait lui aussi répertorié ce genre d'astuces, de doubles contraintes diaboliques, comme des trucs pour rendre l'autre fou, dans son fameux article "The effort to drive the other person crazy". C'est bien évidemment pour cette aptitude à couvrir les pires fourberies envers son prochain, que la bourgeoisie baratineuse a adopté avec un tel enthousiasme les amphigouris à la freudienne.

Mais que fait-on de l'autre terme de l'antithèse : l'organisation de la perversité, de la fourberie, et de l'injustice ? La naïveté consistait à croire que c'était le rôle de l'appareil judiciaire de s'en occuper. Tarataboum, ils ont en pratique une toute autre mission réelle : être aux ordres du pouvoir politique pour d'une part faire semblant, afin de calmer l'opinion publique et les média, d'autre part terrifier, soumettre et pressurer le petit peuple. Re-tarataboum, le parti de la perversité, du mensonge organisé et de la calomnie à gages, est fortement représenté, et gagne fort bien sa vie, dans et surtout à la périphérie de l'appareil judiciaire, parmi les monopoles d'auxiliaires de justice.

Ceux là ne consulteront jamais un psychothérapeute pour le mal qu'ils font. C'est le même problème qu'avec un pervers sexuel : il trouve du plaisir à sa perversion, il ne demande surtout pas à changer.

Je crois être en train de préparer une solution partielle avec la fondation de Caton, censeur de la République : Al Capone n'est pas tombé sur aucun des meurtres qu'il a ordonnés, ni sur le trafic d'alcool, ni sur les innombrables corruptions de policiers et de magistrats qu'il a organisées. Non, il est tombé sur ses impôts. Aux Etats, il faut payer des impôts. Une fois Al Capone coffré pour ses impôts jamais payés, on a pu délier des langues sur le restant des crimes...

Je me propose de faire tomber l'organisation de la perversité sur ses fautes professionnelles caractérisées, qu'elle ne peut pas ne pas commettre, sur les preuves de leurs mensonges. Sinon toute l'organisation, c'est au delà de l'échelle humaine, mais au moins des pans suffisants pour faire peur à une part notable des autres pervers organisés qui ont barre sur nos vies. Au moins faire peur aux carriéristes, si les cas des fanatiques resteront incurables.


L'autre problème théorique posé par les postulats contextuels de Böszörmenyi-Nagy est celui de l'évolution comparée, et du support neuroanatomique des fonctions d'évaluation de la justice et de la loyauté. A première vue, rien de plus égoïste qu'un chimpanzé... Les meurtres en bandes folles donnent une vilaine image de nos cousins. Aucun dresseur n'a jamais exhibé non plus de chimpanzé mâle, autre qu'enfant. A sept ans un chimpanzé est adulte. S'il est mâle, il veut sa place, la meilleure, et il est bien assez fort pour tuer le dresseur humain qui occupe la place de caïd.
Sauf que d'autres anecdotes donnent des pistes plus positives. Le cas de cette bande de chimpanzés de savane encerclée par les lionnes, dans les herbes hautes. Selon les observateurs – mais je ne retrouve pas trace de la source – le plus vieux chimpanzé, mâle, a imposé le silence le plus absolu et l'immobilité à sa bande, est allé en catimini inspecter l'encerclement, a trouvé le trajet de fuite, a fait défiler sa troupe par là... Puis en sécurité dans un arbre ou deux, ils ont bruyamment manifesté leur joie. Les lionnes sont reparties chercher un gibier moins rusé.
De plus, aucun de ces accès de guerre civile chez les gorilles ni chez les orang-outangs, qui forment des sociétés strictement hédonistes et solidaires.
Le comportement de meute de nos chiens aussi, donne une idée de ce dont nous héritons. Sur le trottoir, peu après être sortis de l'appartement, nous nous séparions, ma soeur vers sa destination, ma mère vers une autre. La chienne sloughia – lévrière de chasse à courre, nullement une chienne de berger – pile net, signifiant à ma mère qu'elle perdait une partie de sa meute, et qu'il fallait immédiatement faire quelque chose pour la rameuter. On contait aussi le cas d'une femme célibataire, qui adopta un gros chien de la SPA, pas beau à longs poils, et qui téléphonait affolée pour des conseils, et pour demander qu'on la débarrassât d'une telle catastrophe : un chien changé d'environnement a généralement la diarrhée, et ça fait du dégât dans un appartement... Puis en soir en rentrant chez elle, moins de deux semaines après, elle s'écroula sur le carrelage de son entrée : infarctus du myocarde. Le gros chien pas beau à longs poils se coucha sur elle, ne facilita sûrement pas la respiration, mais la maintint au chaud et en vie jusqu'au matin, où on put la secourir. Inutile de vous préciser que ce couple maîtresse-chien resta soudé pour la vie.

Un autre exemple encore plus émouvant de solidarité est fourni par ces minuscules capucins, que l'on peut dresser – pas tous, certains seulement – à servir d'aides de vie à des paralysés tétraplégiques. On peut discuter de la moralité de notre exploitation de ces capucins, mais pas de leur capacité à se lier, et à aimer faire plaisir, à aimer faire vivre quelqu'un d'autre.

Quant aux circuits neuroanatomiques des fonctions de Böszörmenyi-Nagy, comme du reste ceux de l'appareil psychique groupal, ou des fonctions de genius loci, inventées par Claudio Neri, la question est vierge, on ne sait rien. J'ai juste des raisons de présumer ce que ce sont surtout des fonctions d'hémisphère droit, et avant tout frontales, et qu'elles sont élaborées comme surcouches des marqueurs somatiques.

Et puis se pose le problème complémentaire : Quid des circuits nerveux de la perversité, du fanatisme, de l'addiction à la guerre civile, du misandrisme victimaire ? C'étaient des solutions d'hier. C'est donc encore une élaboration à partir des marqueurs somatiques.

JacquesL

#1
Delphine, selon Pierre Michard

Delphine est une assistante sociale devenue psychologue, l'aînée d'une importante fratrie d'une vieille famille française. Elle a contribué à élever les puînés et à détourner les violences d'une mère maltraitante. Delphine est maintenant toute seule « à maintenir sa mère en vie », elle subit les critiques acerbes : « mère Térésa n'a pas coupé avec Folcoche », la fratrie ne fréquente la mère que dans les occasions sociales (mariage, communion, etc.). Elle peut raconter avec humour les tentatives d'assassinat de sa mère par ses frères et soeurs qui auraient pu aboutir à des catastro­phes si Delphine n'avait pas « limité la casse ». « La méchanceté conserve », dit Delphine de sa mère presque centenaire. Elle raconte, dans ce groupe de formation, avec le même humour, les tentatives d'empoisonnement par sa mère dont elle a été la vic­time. Elle ne doit la vie qu'à la vigilance du médecin de famille. Delphine a sauvé sa mère de diverses tentatives de suicide specta­culaires. Elle se souvient des larmes de son père lui demandant « pardon pour la mère que je vous ai donnée » et en même temps recommandant « une grande méfiance au moment des repas », « tu fais attention à toi et, si tu as le courage, à ta mère ». Del­phine se sentait davantage navrée pour son père que pour elle-même. « J'ai toujours su que j'étais la plus forte, que j'avais raison contre tous de faire ce que j'avais à faire, sans doute parce que mon père comptait sur moi, consciemment, pour protéger la fra­trie, inconsciemment pour protéger sa femme ».

Dès le plus jeune âge, Delphine a repris les traditions familiales d'histoire de vie, elle a écrit autant les exactions maternelles que des tentatives pour comprendre la cruauté de sa mère. Femme issue d'une famille noble ruinée par des aventures financières, éle­vée par des domestiques violents, elle était destinée à un mariage prestigieux que l'endettement paternel rendit impossible. Sa vocation artistique s'arrêta à son mariage avec le père de Del­phine, un militaire peu fortuné et de surcroît homme de gauche, amoureux et respectueux de la culture d'un pays colonisé. Cet homme, dit Delphine, plus savant anthropologue que militaire, n'eut pas de carrière militaire honorable à cause de son respect et de sa fascination pour les colonisés. « Ma mère n'a jamais pensé qu'un jour il lui faudrait faire la bouffe pour sa famille, il n'y avait pas de domestiques le week-end lorsque le père était nommé en Europe. »

Delphine est la seule de sa fratrie à avoir osé reparler à sa mère de la honte de celle-ci lorsqu'elle fréquentait les dispensaires coloniaux avec des prostituées pour soigner la syphilis transmise par le père. Delphine a toujours voulu comprendre, elle s'est inscrite dans ce groupe de formation pour apprendre à parler avec sa mère. La jeune femme veut saisir ce qu'elle appelle « son aura ». Malgré les sarcasmes dont elle fait l'objet de la part de ses frères et soeurs qui critiquent ses engagements professionnels de peu de rapport financier, Delphine s'étonne toujours de la confiance que sa fra­trie lui accorde, chacun vient chercher « clandestinement et naturellement » appui en cas de problème.

Delphine est la « conseillère des princes », elle qui n'a jamais eu d'ambition malgré une période de militantisme se retrouve solli­citée par un homme politique ayant des responsabilités importan­tes pour « avis sur la France profonde ». Ce contact permanent lui assure crainte et respect de son entourage professionnel et de ses chefs de service, « les rôles sont renversés ! », dit-elle.

C'est vers elle qu'un de ses neveux atteint du sida est venu parler et vivre, « j'étais terrorisée pour mes enfants ». Elle soutint le jeune homme, l'aida à parler, aida les parents à être parents et lui permit de mourir chez lui. C'est aussi vers elle, qu'un jeune frère évoqua les abus sexuels qu'il faisait subir à de jeunes adolescents dans un pays étranger, en contradiction avec ses responsabilités diplomatiques et familiales : ce petit frère étant le père adoptif de plusieurs enfants de nationalités différentes. Delphine l'encoura­gea à retrouver « l'inénarrable » des attouchements sexuels maternels et entre la fratrie masculine. C'est toujours vers elle qu'une jeune nièce d'une quinzaine d'années évoqua un viol col­lectif de camarades de son âge, camarades qui n'étaient ni de son milieu ni de son origine, mais qu'elle fréquentait autant par com­passion que par admiration.

Delphine, dans ce stage, définit d'elle-même la légitimité comme la surprise de la confiance et de l'approbation qu'on lui accorde secrètement dans sa famille, en plus pour des choses qui lui paraissent « évidentes, impossibles à ne pas faire ». Centre de ressources des difficultés de la famille, Delphine se « creuse la tête » pour tenter de saisir les liens entre tous ces « drames sexuels » que les protagonistes vivent chacun, mais cachent aux autres. Del­phine avec un art comique se livre à une imitation des conversa­tions plaquées dans les réunions de famille où l'écart entre la vie et les propos est à son comble !

Delphine s'engage comme professionnelle : « c'est un choix, un projet, ça aide à respirer, à sentir la vie », elle s'engage dans la famille « mais ça lui tombe dessus », elle ne demande rien.

Elle est venue au stage pour chercher une confirmation : elle veut ouvrir avec sa mère presque centenaire une vieille histoire d'abus sexuels par des domestiques dont elle aurait été victime il y a 90 années ! Delphine souhaiterait que sa mère meure en paix ayant pu dire son secret. Elle est persuadée qu'elle n'a pas oublié ou peut retrouver les traces dans ses souvenirs de cet abus. Elle imagine diverses stratégies pour évoquer avec sa mère les moments diffici­les qu'elle a subis et les épisodes tout aussi difficiles que la fratrie a fait subir à cette femme.

Avec le même humour et la même sincérité, Delphine affirme que son projet de vie personnelle et professionnelle est à mettre au crédit de sa mère, toute sa vie est orientée vers comprendre, exo­nérer ajoutera-t-elle en utilisant le vocabulaire de l'approche contextuelle et, continue-t-elle, « j'ai eu la chance par rapport à mes frères et soeurs de pouvoir aider mon père à travers ma mère ». Le reste de la fratrie ayant privilégié le père.

Actuellement, Delphine dit que donner à sa mère, c'est ne céder sur rien, elle veut que sa mère devienne « une grand-mère potable ». « J'ai toujours voulu éduquer ma mère, j'ai pas réussi et je suis en passe de réussir la grand-mère ». Delphine, par exemple, refuse ou partage avec les autres petits-enfants les cadeaux finan­ciers clandestins donnés à ses enfants : la mère de Delphine répé­tant des tentatives d'alliance avec l'un ou l'autre de ses enfants pour séparer la fratrie. Lors d'une dernière rencontre, Delphine mêle rires et larmes : sa mère incontinente a sali « de manière grandiose » son lit au moment où Delphine était sur le point de la quitter. « Je crois que c'est la première fois que je vois ma mère pleurer », de plus elle demanda pardon à sa fille, celle-ci répondit par un baiser. Delphine trouve cet événement et la parole de sa mère « extraordinaires ». Elle se dit contente et se pose une question : « je ne sais pas pourquoi, mais je n'arrive pas à penser, je ne voudrais pas que ma mère meure chez moi ».