Nouvelles:

Notre mission est de former les citoyens de référence de l'avenir, les aider à coévoluer et créer.

Main Menu
Welcome to Pratiquer les vertus citoyennes. Please login or sign up.

02 Mai 2024, 05:15:28 PM

Login with username, password and session length

Crier !

jacquesloyal

2007-11-12, 17:03:07
Etre loyal et ne pas mentir

Récents

Membres
Stats
  • Total des messages: 5,904
  • Total des sujets: 3,197
  • En ligne aujourd'hui: 59
  • Record de connexion total: 368
  • (22 Janvier 2020, 03:52:27 AM)
Membres en ligne
Membres: 0
Invités: 38
Total: 38

Dans les usines prisons du «Made in India»

Démarré par JacquesL, 20 Septembre 2010, 10:36:34 PM

« précédent - suivant »

JacquesL

Dans les usines prisons du «Made in India»

http://www.liberation.fr/economie/01012290916-dans-les-usines-prisons-du-made-in-india

CiterSalaire, liberté, droits sociaux : les sous-traitants textiles indiens exploitent leur main-d'œuvre.

Par JULIA PASCUAL



«Ici, les filles sont heureusesC'est ainsi que reçoit A. Sekar, l'un des dirigeants de KPR. KPR ? Un atelier de la misère, un sweatshop ? Pas officiellement. La preuve, ce jour-là, l'équipe dirigeante nous reçoit avec faste - bouquet de fleurs, haie d'honneur - dans la plus grosse de ses cinq usines. A Arasur, aux abords de la «ville textile» de Coimbatore. Ici, 5 000 personnes sont employées. 90% sont des femmes. Jeunes, très jeunes. Heureuses ? Dina (1) est arrivée dans le monde des petites mains de la confection à 14 ans. Pour un peu plus de 50 roupies par jour, moins de 1 euro. Pendant trois ans, à force d'inhaler des fibres, elles se sont agglomérées dans son organisme. «On m'a retiré une boule de coton de l'estomac», désigne-t-elle, incertaine. Elle n'est pas la seule victime de conditions de travail indécentes (lire page 4) mais elle a eu la chance d'être opérée. Dina, une ouvrière parmi les 250 000 qui officient dans le textile au Tamil Nadu (sud de l'Inde), a travaillé pour KPR. L'entreprise est sous-traitante pour de grandes marques occidentales : Carrefour, Pimkie, Les 3 Suisses, Décathlon, Kiabi (groupe Auchan). Mais aussi Tesco, Walmart, Marks&Spencer. Récemment, trois nouveaux groupes d'importance - Gap, C&A et H&M - lui ont passé des précommandes . KPR double sa capacité de production tous les deux ou trois ans. Et ne se dédie qu'à l'export.

Le Tamil Nadu est l'un des plus gros pôles de l'industrie textile en Inde. Des hôtels chics y accueillent des businessmen venus du Nord du globe. Ils dînent dans des lieux au nom de «Tee-shirt» ou «Polo». Sur les routes goudronnées, d'immenses murs de pierres, parfois ornés de barbelés, dissimulent quelque 7 000 usines. C'est très fier de lui et de son business que P. Nataraj, le numéro 2 du groupe, brandit un polo rouge H&M: «Regardez, ce sont les premiers sortis des lignes !» Le coton brut entre dans les hangars de KPR pour en ressortir transformé en tee-shirts, sweat-shirts, sous-vêtements...

Promesses de dot.
Les ouvrières, elles, ne ressortent pas. C'est le système «Sumangali» : 60 000 jeunes femmes en seraient victimes dans le seul Tamil Nadu. Sumangali signifie femme mariée, en hindi. Il y a dix ans, les industriels textiles ont eu cette idée de génie : proposer aux filles issues de zones rurales déshéritées et majoritairement illettrées de venir trimer pour eux. Pas indéfiniment. «Juste» trois ans. Avec la promesse de recevoir à la sortie entre 30 000 et 50 000 roupies (de 500 à 800 euros). De quoi payer leur dot, malgré l'interdiction de cette pratique il y a plus de cinquante ans. A. Sekar justifie cela ainsi :«Avant, ces filles se levaient à 5 heures du matin pour aller chercher du bois. Leur père alcoolique les tapait. Ici, le PDG est comme un père.» Un père qui n'aimerait que les filles. «Elles sont plus disciplinées que les garçons, explique-t-il très sérieusement. Elles ne fument pas, démissionnent moins. Les hommes veulent toujours plus, ils sont attirés par les salaires, ils préfèrent sortir. Ils sont soumis à des influences politiques

Enfermées dans l'usine.
A KPR, il n'y a pas de syndicats. «100% des filles vivent dans nos foyers, les syndicats ne peuvent pas les contacter, jure le manager. Sans ça, on ne peut pas réussir dans l'industrie.» La moitié des ouvrières du textile sont logées par leur employeur. Au prix d'un enfermement contraint. Les filles peuvent rendre visite à leur famille huit jours tous les six mois. Uniquement lors de festivals religieux. KPR chapeaute aussi une «sortie touristique» mensuelle. Le reste du temps, impossible de quitter leur usine prison. «Si une fille veut rentrer chez elle parce que ses parents sont malades, par exemple, on les appelle pour vérifier, explique A. Sekar. Si ce n'est pas vrai, on ne la laisse pas partir

Le site de KPR tient du labyrinthe. On y emprunte des coursives, on croise des surveillantes, on remarque des barreaux aux fenêtres et on surprend des regards. Ce sont les chambres. KPR n'a pas prévu de les montrer. «Elles sont fermées en journée, les filles travaillent», dit un manager. On insiste. Dans l'une d'elle, une fille s'empresse de finir de lustrer le sol. Le carrelage brille. La pièce est vide. Ni chaise, ni table. Des petits casiers tapissent un pan de mur. Des paillasses sont empilées. Les filles dorment à même le sol. A douze, dans 10 mètres carrés.

Dans les ateliers, des centaines de visages aux traits juvéniles. Les ouvrières sourient. Cachent leur visage dans leurs mains. Saluent dans un anglais balbutiant, avant de pouffer. «Nous les recrutons à 18 ans dans des familles très pauvres des zones rurales», jure A. Sekar. 18 ans ? Ranjini et Gayathri, qui s'affairent à ranger des rouleaux de tissu, glissent avoir 16 ans. Sur leur badge, leur date d'arrivée. Il y a un an et demi pour Ranjini, trois mois pour Gyathri. Dans le grand atelier de couture, une ouvrière contrôle la qualité de tee-shirts Waïkiki. Elle est arrivée il y a deux mois. Elle a 17 ans.

La majorité des filles recrutées dans le textile ont entre 14 et 18 ans, assure une ONG indienne, qui lutte contre le Sumangali. Parfois moins. Le travail des enfants est proscrit en dessous de 14 ans. Depuis le début de l'année, les autorités locales ont pourtant recueilli 56 enfants. La partie émergée de l'iceberg. Pure fiction, se défend KPR. «Nous ne faisons jamais faire d'heures supplémentaires au-delà des huit heures quotidiennes», martèle aussi la firme. Dina confie pourtant «avoir dû travailler douze heures deux jours de la semaine», pour rattraper son repos dominical.

Réseau de recruteurs. Pour appâter ses clients, KPR se targue d'avoir une masse salariale très faible, qui pèse 7% du chiffre d'affaires, contre 11 à 12% chez ses concurrents. «Les ouvrières ne restent que trois ans, justifie A. Sekar. Donc les salaires ne sont pas très élevés.» Mieux, ajoute-t-il, «les jeunes filles affichent une productivité de 95%. C'est 20% de plus que dans une usine avec des gens de 45 ou 50 ans». Officiellement, KPR rémunère ses ouvrières 2,90 euros par jour (175 roupies), un peu plus que le minimum légal. Mais une étude à paraître diligentée par des ONG indo-européennes (2) assure que le paiement du salaire minimum n'est même pas respecté. Pis, KPR reprend vite d'une main le peu qu'elle donne de l'autre. Pour la nourriture. Pour les uniformes.

Et rogne sur l'hygiène et la sécurité. Malgré les machines-outils assourdissantes, les filles portent rarement des bouchons d'oreille. Malgré les particules de coton qui flottent dans l'air surchauffé, elles laissent autour de leur cou le tissu censé leur servir de masque. Anémie, asthme, retards de puberté... «Toutes les filles ont des infections urinaires, des problèmes de constipation et des règles irrégulières», dit R.Gayathri, de l'université de Bharathidasane. Dans l'unique infirmerie, quatre lits et un pèse-personne : l'usine emploie un médecin et deux infirmières, pour 5 000 salariés. Beaucoup d'ouvrières, épuisées ou malades, ne tiennent pas trois ans. Et tirent un trait sur la cagnotte promise.

KPR ne fournit pas de contrat à ses employées mais il vend du rêve dans ses brochures. Un modèle «unique», dit P. Nataraj. Où des salariées choyées bénéficieraient de salle de fêtes, de cours de yoga, de scolarisation... «40% du personnel participent aux activités optionnelles», vante P. Nataraj. Avec seulement vingt ordinateurs pour les cours d'informatique ? Ou une piscine pour des filles qui ne savent pas nager ? L'hindouisme, en revanche, n'est pas négociable. Avant chaque prise de poste, 1 500 filles s'alignent pour la prière.

P.Nataraj l'assure : il n'a pas besoin de recruter, tant les candidates affluent. En réalité, tout un réseau de «brokers» sillonne les villages de la région. Payés à la commission: 30 euros par fille embrigadée. Les ouvrières se font abuser, mais les clients de KPR (lire page 3), eux, sont au courant. Ils visitent l'usine au moins deux fois par an, voient les conditions de travail déplorables et constatent les violations des droits humains. Pourtant, P. Nataraj les juge autrement : «Ils sont très stricts


(1) Son prénom a été modifié.

(2) La Coalition européenne pour la responsabilité sociale et environnementale des entreprises (ECCJ) rassemble plus de 250 ONG, syndicats, organisations de consommateurs et instituts de recherche.

JacquesL

CiterUsines textiles en Inde. Repères

18/09/2010 à 00h00

Sumangali

Littéralement, le terme signifie femme mariée, en hindi. Ce système, introduit il y a dix ans au Tamil Nadu, consiste à fournir des emplois d'ouvrières textiles à des jeunes filles non mariées des zones rurales pauvres, pour trois ans. Les filles sont logées à l'usine. L'employeur promet de leur verser entre 30 000 et 50 000 roupies (de 500 à 800 euros) à leur sortie, pour payer leur dot.

Tamil Nadu

Dans cet Etat du sud de l'Inde vivent plus de 60 millions d'Indiens. Les villes de Coimbatore et Tirupur concentrent une importante industrie textile, destinée majoritairement à l'export vers l'Europe et les Etats-Unis.

KPR

Le groupe textile indien emploie 10 000 personnes dans ses cinq usines et a réalisé, en 2009, 28 millions d'euros de bénéfices pour un chiffre d'affaires de 139.

L'industrie textile représente 4 % du PIB de l'Inde, 14 % de sa production industrielle et 17 % de ses revenus d'exportations. C'est le deuxième employeur du pays après l'agriculture. Il fournit du travail à plus de 35 millions d'Indiens, parmi lesquels un nombre important de femmes et de membres de basses castes. Le secteur est en constante croissance.

Audit social

Il permet à un groupe de faire contrôler, par un cabinet externe, le bon respect par ses sous-traitants de son code de conduite relatif aux conditions de travail. Nombre d'organisations considèrent qu'ils sont inefficaces pour lutter contre les violations des droits de l'homme.

http://www.liberation.fr/monde/01012290914-reperes

JacquesL

#2

CiterLes grandes enseignes jouent les ingénues
Analyse

Les clients occidentaux s'abritent derrière leurs chartes ou la fin récente de leur relation avec KPR.

Par JULIA PASCUAL

Comment réagissent les grandes marques qui sous-traitent auprès de KPR une partie de leur production textile ? Que répondent-elles face aux nombreuses violations de droits humains constatées par Libération ? Si l'enseigne Kiabi se contente d'assurer «ne plus y travailler depuis six mois», d'autres firmes tentent de se justifier.

Carrefour «La dernière commande en janvier»


«KPR est historiquement un fournisseur important, explique le numéro 2 mondial de la distribution. Mais nous avons progressivement réduit nos commandes.» A la suite d'une visite d'usine fin janvier, avec la Fédération internationale des droits de l'homme - son partenaire depuis treize ans -, Carrefour a même décidé de «cesser de s'approvisionner» chez KPR. «Nous avons passé une dernière commande en janvier, juste avant l'audit», nuance Pierre-Alexandre Teulié, chargé du développement durable. A partir de quand le groupe n'aura-t-il plus affaire à KPR ? Nos demandes sont restées sans réponse. Carrefour se targue d'avoir dix-sept années d'expérience dans la pratique d'audits sociaux. Pourquoi, alors, avoir mis plus de cinq ans à réaliser que les ouvrières de KPR sont confinées à l'intérieur de leur usine ? «Vous rentrez dans le culturel, esquive Teulié. On dit aux filles de venir se faire une dot. Elles ne sortent pas sans être chaperonnées. Culturellement, je peux entendre ce raisonnement.»

Décathlon «Il y a une salle de ciné...»

«Ce qui nous a plu chez KPR, c'est son projet pédagogique et la dimension de progrès social, dit Fabien Brosse, directeur qualité de Décathlon. Ils font faire des études aux salariées, il y a une salle de ciné, la possibilité de faire du sport...» La marque a un bureau à Tirupur. «Nos responsables qualité visitent une à trois fois par semaine les usines.» Tous les ans, un audit externe est effectué. «Il y en a eu trois avant de commencer la relation commerciale en 2007», décrit Fabien Brosse. Ils auraient permis de régler des anomalies liées à la prévention incendie dans les dortoirs et au respect du salaire minimum. Et les pièces de 10 m2 où s'entassent douze filles ? «Ce n'est pas remonté jusqu'à nous», dit Brosse. Décathlon avait bien noté une moyenne de 2 m2 par fille, mais «là, il n'y a pas de cadre légal, botte en touche Brosse. Nos échanges [avec KPR] n'ont pas porté sur les mètres carrés». Et la liberté syndicale ? «Ça ne fait pas partie de notre charte.» Un audit externe a été réalisé en juin 2009 chez KPR... qui a obtenu 100% de conformité avec la charte de Décathlon. L'audit suivant remonte à la semaine dernière. Il aurait «révélé des dysfonctionnements critiques, reconnaît Décathlon. Liés à l'absence de libertés de mouvement, à la rémunération et aux heures supplémentaires». La production aurait été suspendue deux semaines, le temps de corriger ces «anomalies».

H&M «Ils sont libres de quitter l'usine»

La marque suédoise dit avoir envoyé des auditeurs chez KPR. «Les ouvrières confirment qu'elles reçoivent le salaire qui leur est dû et sont libres de quitter l'usine quand elles veulent, assure H&M. Les responsables de notre code de conduite ont rencontré le management [de KPR] dans notre bureau de New Delhi. Il nous a assuré qu'il n'appliquait pas le système Sumangali», dit des «camps de travail».

C&A «Nous n'y avons jamais travaillé»

Lors de notre visite chez KPR, nous avons pu voir des tee-shirts et des leggings en coton produits pour C&A. Pourtant, l'enseigne nie tout partenariat : «Nous n'y avons jamais travaillé.» Parade : il s'agissait d'échantillons, et la commande aurait été passée par un intermédiaire, un importateur européen. C&A ne s'assure-t-il pas du bon respect de son code de conduite tout au long de la chaîne ? D'après la marque, un audit social aurait été effectué «en août», et aurait conclu à l'existence du système Sumangali. C&A affirme avoir «transféré la production des 58 000 échantillons» chez un autre fabricant.

Gap «De grandes inquiétudes»

«Ce que nous avons entendu de votre part est source de grandes inquiétudes, nous assure l'enseigne. Nous avons immédiatement envoyé nos représentants pour enquêter.» Gap tient à préciser qu'elle n'a commencé à travailler avec KPR qu'en juillet, «après avoir procédé à l'évaluation complète de l'usine».

http://www.liberation.fr/economie/01012290913-les-grandes-enseignes-jouent-les-ingenues

JacquesL

http://www.liberation.fr/terre/01012290912-esclaves

CiterEsclaves
Par PAUL QUINIO

La mondialisation n'est pas un enfer, mais elle prospère souvent sur le dos des damnés de la terre. Les statistiques le prouvent : la mondialisation a du bon, le niveau de vie dans les pays émergents progresse, et la liste des pays pauvres est aujourd'hui moins longue qu'il y a dix ans. Et le sommet qui s'ouvre lundi à New York sur les objectifs du millénaire, censés lutter contre la pauvreté et la faim dans le monde ou améliorer le niveau d'éducation des plus démunis se réjouira des progrès enregistrés à travers la planète. Notre reportage en Inde dans une usine prison où des milliers de jeunes filles travaillent dans des conditions inhumaines d'enfermement montre une facette nettement moins reluisante de cette mondialisation. Ces enfants ouvrières ont été arrachées à la misère de leurs campagnes, expliquent leurs patrons. L'argument n'est pas faux, mais il est faible. Car comment Carrefour, Décathlon, H&M et Cie peuvent-ils justifier cet esclavagisme moderne autrement que par la recherche, toujours et encore, de davantage de profits ? Il suffirait pourtant à ces grandes marques du prêt-à-porter d'ajouter quelques centimes au prix unitaire de leur tee-shirt vendus sur tous les Champs-Elysées du monde pour améliorer nettement le sort de leurs salariés. Un effort dérisoire qui éviterait à des millions de travailleurs de devoir passer par la case XIXe siècle avant de pouvoir goûter à la prospérité du XXIe.

JacquesL

http://www.liberation.fr/economie/01012290917-le-premier-jour-j-ai-perdu-4-doigts

Citer«Le premier jour, j'ai perdu 4 doigts»
Portrait

Malati, 21 ans . Ouvrière textile depuis ses 12 ans.

Par JULIA PASCUAL

Elle a arrêté l'école à 12 ans pour travailler. Les revenus de ses parents, journaliers dans un village de l'ouest du Tamil Nadu, ne suffisaient pas. Elle a connu quatre usines. «A Centwin, la dernière, je suis restée deux ans, comme travailleuse à la journée, payée 120 roupies [2 euros, ndlr].» Centwin travaille pour des marques comme Disney, VF Corporation (Lee, Wrangler, JanSport, Eastpak, Vans, The North Face, etc.), Philips-Van Heusen (Calvin Klein, Arrow, etc.), WalMart... Malati a longtemps été en poste sur une machine de filage textile Simplex. «J'étais plutôt heureuse. Et puis on m'a demandé de changer de poste.» Elle a refusé, parce qu'elle ne savait pas travailler sur la nouvelle machine, une Comber. Son superviseur l'y a forcée. Elle a été insultée, harcelée sexuellement. «Le premier jour à mon nouveau poste, j'ai perdu 4 doigts à la main droite. L'entreprise m'a amenée à l'hôpital, m'a payé les soins et m'a demandé de revenir travailler.» Elle n'a pas voulu et a demandé une indemnité pour son accident. Son employeur lui a rétorqué qu'il lui donnerait de l'argent si elle revenait travailler. A 21 ans, épaulée par une ONG, elle est en procès. Et fait une croix sur le mariage : «Avec ma main, personne ne voudra de moi.»

http://www.liberation.fr/economie/01012290919-personne-ne-voudra-m-epouser

Citer«Personne ne voudra m'épouser»
Portrait

Tusharkana, 22 ans. enrôlée à 17 ans, elle est tombée malade chez KPR.

Par JULIA PASCUAL (au Tamil Nadu)

Elle a d'abord fait des réactions allergiques. Puis des cicatrices ont maculé ses mains. Sa peau s'est éclaircie. Les doigts de ses mains se sont figés. «Aujourd'hui, je ne peux plus les tendre ; j'ai le même problème aux genoux», dit Tusharkana, 22 ans. C'est ainsi qu'elle a quitté une des usines de KPR, après un an et demi de travail. «Je ne sais pas ce qui a causé cette maladie. Peut-être la chaleur des machines, ou les produits chimiques que j'utilisais pour les nettoyer.» A 17 ans, un broker l'a entraînée à KPR. Lui faisant miroiter une enveloppe de 30 000 roupies (500 euros) au bout de trois ans. L'école, elle n'y a plus mis les pieds depuis qu'elle a 9 ans. «Je vivais avec mon oncle et travaillais aux champs, pour 30 à 40 roupies par jour [entre 50 et 67 centimes]». A KPR, elle en gagnait 1 000 par mois, vivait en foyer. «Aujourd'hui, je vis de nouveau avec mon oncle et personne ne voudra m'épouser», croit-elle, résignée. L'ONG Arunthathiyar Human Rights, qui défend les intouchables, a sollicité la Commission nationale pour les femmes. «KPR n'avait pas cotisé à l'assurance maladie.» Le groupe a fini par lui verser 12 000 roupies (200 euros). Un procès est en cours pour non-respect du salaire minimum.

http://www.liberation.fr/economie/01012290918-une-boule-de-coton-dans-les-poumons

CiterUne boule de coton dans les poumons
Portrait

Sulhaba, 19 ans. Embauchée comme nettoyeuse à 14 ans.

Par JULIA PASCUAL

«J'ai commencé à travailler à 14 ans. Des 35 roupies par jour que je gagnais comme nettoyeuse, 15 étaient retirées de mon salaire pour la nourriture et le logement que mon employeur me fournissait.» Sulhaba amassait donc péniblement 20 roupies (0,33 euro) pour huit heures trente de travail. L'usine était située à près de 300 km de son village natal. Elle y est restée deux ans et demi. «Lorsque je voulais sortir m'acheter un en-cas, un surveillant m'accompagnait.» Du repos dominical promis, elle n'a pas vu la couleur. Ses parents ont été autorisés à lui rendre visite, lorsqu'elle est tombée malade, au bout d'un an. «Il m'arrivait de m'évanouir. J'ai eu des problèmes respiratoires, et des saignements continus pendants deux mois.» Elle a quitté l'usine et s'est fait opérer. Les médecins lui ont retiré une boule de coton. D'où ? «Je crois que c'était les poumons», hasarde-t-elle. Ses parents ont dépensé 20 000 roupies (330 euros) pour l'opération. Son ex-employeur lui a assuré qu'elle serait indemnisée. «Ça fait deux ans que j'attends.» Les saignements ont disparu mais Sulhaba a toujours des règles irrégulières et des douleurs chroniques à l'estomac. Avec une ONG, qui lui vient en aide, ils envisagent des recours en justice et lui font prendre des cours de couture.