La Russie et l’Iran ont signé un accord global

[JacquesL]

La Russie et l'Iran ont signé un accord global



par Alexandr Svaranc

La conclusion de l'accord de coopération russo-iranien pour une durée de 20 ans établit une base pour de nouvelles transformations dans le système des relations régionales et englobe un large éventail de questions.

La signature de cet accord global entre la Russie et l'Iran était un événement attendu et logique. Les relations russo-iraniennes ont une longue tradition historique, caractérisée à la fois par des conflits et des partenariats. Elles se distinguent par leur stabilité et par leur capacité à respecter mutuellement le rôle de chacun dans le système de sécurité globale et régionale.

Dans la période récente, après l'effondrement de l'URSS, à la différence de certains autres pays du monde islamique, l'Iran n'a pas soutenu les tendances séparatistes ethniques et l'extrémisme religieux dans le Caucase du Nord et n'a pas été impliqué dans des activités subversives lors du conflit civil en Tchétchénie. Le facteur idéologique (communisme et chiisme) dans nos relations appartient au passé, le pragmatisme ayant pris le dessus. La Russie a aidé l'Iran à construire sa première centrale nucléaire à Bouchehr. Moscou a également soutenu en 2015-2016 la décision de lever partiellement les sanctions contre l'Iran liées à son programme nucléaire et a toujours défendu le droit de Téhéran à développer un programme nucléaire civil.

La Russie a hautement apprécié le pragmatisme et le rationalisme de l'Iran pour garantir la paix et la sécurité régionales dans le Caucase du Sud et en Asie centrale. À son tour, dans les années 1990, Téhéran s'est opposé aux projets ambitieux de l'Occident visant à pénétrer dans le bassin énergétique de la mer Caspienne à travers des politiques de pipelines axées sur l'Azerbaïdjan et à modifier les routes de transit des ressources stratégiques (pétrole et gaz) en contournant la Russie.

Un aspect clé des relations russo-iraniennes est la question d'empêcher l'expansion de l'OTAN à l'est post-soviétique et de maintenir le rôle stabilisateur politico-militaire de la Russie dans le Caucase du Sud et en Asie centrale. À cet égard, Moscou et Téhéran ont longtemps formé un tandem pour protéger la sécurité de la mer Caspienne contre toute présence militaire étrangère. Grâce aux efforts diplomatiques des pays riverains, une convention célèbre a pu être signée à Aktau en août 2018.

Avec le début de l'opération militaire spéciale en Ukraine, l'Iran a été l'un des rares pays à soutenir la position de la Russie, consistant à empêcher l'expansion de l'OTAN dans l'espace post-soviétique et à défendre les intérêts de Moscou contre les menaces du bloc nord-atlantique. Les médias étrangers publient périodiquement des informations sur la coopération militaro-technique entre la Russie et l'Iran, ce qui, en réalité, est le droit souverain des États indépendants.

Une expérience positive du partenariat russo-iranien réside dans leur coopération au Moyen-Orient, notamment dans la lutte contre le terrorisme international en Syrie. En particulier, les forces aériennes russes et les Gardiens de la révolution iraniens ont collaboré efficacement en Syrie pour vaincre l'État islamique et Al-Qaïda (organisations interdites en Russie), tout en menant des négociations équilibrées dans le cadre du processus d'Astana. La chute du régime de Bachar al-Assad à Damas en décembre 2024 a cependant surpris à la fois Moscou et Téhéran, entraînant des changements significatifs dans les rapports de force au Moyen-Orient.

La Russie et l'Iran partagent la tragédie du peuple palestinien, soutiennent la création d'un État palestinien indépendant et condamnent les méthodes agressives utilisées pour résoudre la question palestinienne par Israël et ses alliés occidentaux. La Russie défend un règlement pacifique du conflit entre Israël et le Hamas dans la bande de Gaza et dénonce les politiques de nettoyage ethnique visant la population arabe de Gaza.

La coopération entre la Russie et l'Iran est également efficace dans le domaine de la sécurité régionale dans le Caucase du Sud, où l'Iran, par l'intermédiaire de l'Arménie voisine, a pu développer un commerce libre avec l'Union économique eurasiatique (UEE). Moscou et Téhéran jouent un rôle clé dans la plateforme «3+3» pour discuter des questions politiques et économiques liées au développement de la région du Caucase, en défendant le principe de non-ingérence des forces extérieures.

Dans un contexte de changements globaux et de la formation d'un monde multipolaire, Moscou et Téhéran condamnent la politique de l'hégémonisme américain. L'Iran et la Russie sont également partenaires dans des organisations internationales clés, telles que l'Organisation de Shanghai et les BRICS.

Tenant compte des transformations systémiques de l'économie mondiale et de la politique de formation de corridors de transport internationaux (CTI) influencées par des facteurs géographiques et politiques, la Russie et l'Iran sont des acteurs majeurs dans la construction de la route stratégique «Nord-Sud» . Ce projet permettra d'optimiser le trafic de marchandises et de passagers avec un accès au golfe Persique et à l'océan Indien.

Confrontés à des sanctions économiques sévères imposées par l'Occident collectif, la Russie et l'Iran s'adaptent aux nouvelles réalités. Contrairement à d'autres pays de la région, comme la Turquie, l'Iran reste pratiquement indépendant de la pression financière des États-Unis et ne manipule pas ses relations commerciales avec la Russie en menaçant d'étendre les sanctions. Moscou et Téhéran développent leur commerce en utilisant leurs monnaies nationales et leurs propres systèmes financiers de paiement.

En résumé, tous ces facteurs ont stimulé un processus de coopération plus étroite entre les deux pays, rendant nécessaire la signature d'un accord global. Cela ne signifie pas qu'il n'existe pas de divergences sur certains sujets, comme les approches concernant le corridor de Zanguezour ou les routes du CTI «Nord-Sud» . De telles différences sont naturelles dans les relations entre États souverains et ne sont pas sources de conflits.

Quelles sont les sphères de partenariat stratégique couvertes par l'accord global entre la Russie et l'Iran ?

De nombreux experts pensaient que cet accord serait signé en marge du sommet des BRICS à Kazan à l'automne 2024. Cependant, le format du forum et le travail sur le projet d'accord ont manifestement nécessité un certain temps. Finalement, le 17 janvier à Moscou, les présidents de la Russie et de l'Iran, Vladimir Poutine et Massoud Pezeshkian, ont signé un accord de partenariat stratégique, marquant une nouvelle ère de coopération bilatérale.

Le contenu de cet accord global va au-delà de la simple coopération économique et englobe plusieurs domaines clés, notamment le transport, l'énergie, la défense et la sécurité. Il repose sur les principes d'équité et de multipolarité.

Un élément central de la coopération dans le domaine des transports et de la logistique est la mise en œuvre du corridor international de transport «Nord-Sud». Ce projet pourrait inclure plusieurs itinéraires traversant les pays voisins du Caucase du Sud, de l'Asie centrale ainsi que la mer Caspienne. La réalisation de ce projet ambitieux simplifiera la logistique entre l'Europe, l'Asie et le Moyen-Orient, stimulera la croissance économique en Russie et en Iran, et renforcera les échanges commerciaux entre les deux pays. Le fonctionnement du corridor «Nord-Sud» aura également un impact positif sur la sécurité régionale dans le Caucase et en Asie centrale.

La coopération dans le secteur énergétique ouvrira de nouvelles opportunités pour moderniser l'industrie pétrolière et gazière iranienne avec la participation des entreprises russes. Moscou a déjà soutenu la proposition iranienne de créer un hub gazier sur les rives du golfe Persique. Les deux parties discutent également d'un projet de construction d'un nouveau gazoduc reliant la Russie à l'Iran via le territoire terrestre de l'Azerbaïdjan.

À l'issue des négociations, le ministre russe de l'Énergie, Sergueï Civiliov, a annoncé que le projet de gazoduc Russie-Iran avait été signé et qu'il passerait par l'Azerbaïdjan. Il s'agira d'un gazoduc d'une capacité de 55 milliards de mètres cubes de gaz par an.

Ainsi, Moscou et Téhéran démontrent leur capacité à contourner efficacement les sanctions occidentales tout en établissant des liens économiques robustes.

Évidemment, un autre aspect essentiel du nouvel accord est le partenariat russo-iranien dans le domaine de la sécurité et de la défense. Moscou et Téhéran souhaitent renforcer leur coopération dans la lutte contre le terrorisme international, le développement de la coopération militaro-technique et l'échange de technologies de pointe dans le secteur de la défense.

Ces éléments permettent d'affirmer que l'accord global signé entre la Russie et l'Iran renforcera les relations bilatérales et constituera une nouvelle étape vers la formation d'un monde multipolaire.

source : New Eastern Outlook

https://reseauinternational.net/la-russie-et-liran-ont-signe-un-accord-global/