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Le Yémen, une équation incontournable du pouvoir décisionnaire régional du fait

Démarré par JacquesL, 29 Octobre 2024, 02:43:31 PM

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JacquesL

Le Yémen, une équation incontournable du pouvoir décisionnaire régional du fait de son engagement dans la guerre de Gaza



par René Naba

Le Yémen, une reproduction miniature de Gaza ; Une répétition générale avant terme de la Guerre de Gaza.

En proie à une agression pétro monarchique depuis 2015, en superposition à un blocus, tant terrestre de la part des pétromonarchies, que naval de la part de la Ve flotte américaine dont le point d'ancrage est à Manama, le Yémen a été une reproduction miniature de Gaza. La répétition générale avant terme de la guerre de Gaza de 2023-2024.

En dépit de la considérable disproportion des forces et la destruction systématique des infrastructures du Yémen par l'aviation saoudienne, à l'instar des Israéliens à Gaza, les Houthis ont tenu la dragée haute à leurs adversaires, infligeant des dégâts aux centres vitaux de l'économie de leurs adversaires, l'ARAMCO saoudienne et les installations pétrolières d'Abou Dhabi, à l'instar du Hamas contre Israël.

Si contre Gaza, les Américains ont dépêché en Israël une task force de 2000 soldats pour protéger le périmètre du centre nucléaire de Dimona et du Centre d'espionnage électronique d'Ourim, les Britanniques ont, eux, aménagé au Yémen, un important centre d'espionnage électronique pour le décryptage des communications des Houthis à la suite d'une série de revers des forces pro monarchiques en Août et Septembre 2021, culminant avec la chute du fief d'Al Qaïda au Yémen, dans la district d'Al Bayda, désigné habituellement de Tora Bora yéménite.

Le centre d'espionnage britannique a été édifié dans le district d'Al-Mahra, situé au sud de la Péninsule arabique à la frontière du Dhofar (Sultanat d'Oman). Al-Mahra est une zone convoitée par l'Arabie saoudite et le sultanat d'Oman. Les Britanniques ont aménagé ce centre, en septembre 2021, à la suite de l'attaque du pétrolier israélien Mercer Street dans la mer d'Oman. Un tanker géré par le milliardaire israélien Eyal Ofer. Le centre a pour mission le décryptage, non seulement des communications des Houthis, mais également les communications maritimes de cette zone hautement stratégique à l'intersection de la mer Rouge, du golfe d'Aden de l'océan Indien et du golfe Persique.

Les Britanniques ont établi un périmètre de sécurité autour de cette base le long des rivages du district, interdisant la pêche aux riverains, suscitant le mécontentement de la population privée d'une source de revenus.

L'aménagement de cette base britannique vient en complément du dispositif occidental de Djibouti, qui constitue un véritable carrefour de câbles sous-marins, le «point de chute des câbles sous-marins d'interconnexion entre l'Europe, le Moyen Orient, l'Asie et l'Afrique». Doté de 8 câbles sous-marins, Djibouti est le quatrième État le plus connecté du continent africain. Depuis 2013, il abrite le premier Data Center de la région. Aujourd'hui, le pays se rêve en hub numérique régional.

Victorieux de leurs adversaires coalisés, les Houthis se sont néanmoins engagés depuis l'opération «Déluge Al Aqsa», en octobre 2023, dans une guerre contre Israël en solidarité avec le Hamas palestinien, perturbant le trafic maritime international dans une zone qui constitue une veine jugulaire du système énergétique mondial.

Une promenade de santé qui vire au cauchemar

Le Yémen sert habituellement de balise de sécurité à l'Arabie saoudite sur son flanc sud, une fonction identique à celle de Bahreïn sur son flanc nord, au point que pour sécuriser son trône, la dynastie wahhabite est intervenue militairement dans ces deux pays aux premières lueurs du printemps arabe, pour mater, en février 2011, le soulèvement populaire de Manama et faire refluer le soulèvement populaire arabe vers les pays à structure républicaine de la rive méditerranéenne (Libye, Syrie), puis contre le Yémen afin de terrasser l'hydre houthiste du Yémen à l'aide de son syndicat pétro monarchique et de ses pays satellites.

Pendant trente-cinq ans de 1960 à 1995, l'Arabie saoudite a ainsi exercé une emprise totale sur la vie politique du Yémen, aussi bien sous la mandature d'Ali Abdallah Saleh que de ses prédécesseurs, notamment le colonel Ibrahim Al Hamdi, qu'elle fera assassiner, au point de s'opposer à la constitution d'un ministère de la défense pour pouvoir effectuer des subventions directes tant aux forces armées yéménites qu'aux grandes confédérations tribales.

Le baptême de feu du roi Salmane Ben Abdel Aziz au Yémen, le 25 mars 2015, deux mois après son accession au trône, se voulait une démonstration de force et de vigueur du monarque, au terme de dix ans de léthargie induite par son prédécesseur le nonagénaire Abdallah.

Œuvre de son fils, le prince héritier Mohammad Ben Salmane, l'expédition punitive de ce monarque octogénaire, de surcroît pâtissant d'une maladie handicapante (Alzheimer), contre le plus pauvre pays arabe, a tourné au cauchemar. La promenade de santé a viré au voyage au bout de l'enfer.

Le souverain, prudent, avait pourtant pris toutes les précautions : Pour la première guerre frontale de la dynastie wahhabite depuis la fondation du Royaume il y a près d'un siècle, une coalition de sept pays avait été mise sur pied alignant 150 000 soldats et 1500 avions. Une task force secondée par des mercenaires des compagnies militaires privées du type Blackwater de sinistre mémoire et la connivence tacite des «Grandes Démocraties occidentales».

Le châtiment se devait être exemplaire et dissuader quiconque se dresserait contre l'hégémonie saoudienne dans la zone, particulièrement les Houthis, secte schismatique de l'islam orthodoxe sunnite, d'autant que la dynastie wahhabite considère comme sa chasse gardée absolue, son sas de sécurité, le Yémen, ce pays situé à la droite (Yamine) sur le chemin de La Mecque, selon sa signification étymologique.

De 2015 à 2023, le bilan des pertes yéménites est lourd : 150 000 personnes tuées, plus de 227 000 Yéménites ont également péri à cause de la famine et du manque de soins de santé pendant la guerre. La crise humanitaire se poursuit encore aujourd'hui.

L'expédition punitive pétro monarchique -«La tempête de la fermeté»- s'est pourtant révélée catastrophique, malgré le blocus naval de la Ve flotte américaine de la zone (golfe Persique-océan Indien), en dépit du puissant coup de main de la France à un mini-débarquement de troupes loyalistes à Aden, depuis la base militaire française de Djibouti. Malgré l'encadrement français des troupes saoudiennes assuré par le contingent de la Légion étrangère stationné sur la base française d'Abou Dhabi, «Zayed Military City». Malgré l'aménagement d'une base arrière saoudienne dans la ville portuaire d'Assab (Érythrée), sur la mer Rouge, pour le recrutement et la formation des cadres de l'armée loyaliste pro-saoudienne.

Mais la solidarité avec le combat palestinien n'est pas l'unique motivation des Houthis.

Des enjeux stratégiques du golfe arabo persique et du détroit d'Ormuz

Le golfe arabo-persique, un des principaux ravitailleurs du système énergétique mondial, sert en même temps de gigantesque base militaire flottante de l'armée américaine, qui s'y ravitaille à profusion, à domicile, à des prix défiants toute concurrence, auprès de ses protégées pétromonarchies. Tous, à des degrés divers, y paient leur tribut, accordant sans états d'âme, des facilités à leur protecteur. La zone est, en effet, couverte d'un réseau de bases aéronavales anglo-saxonnes et françaises, le plus dense du monde

Voie d'eau d'un millier de km de long et dont la largeur avoisine 50 km dans sa partie la plus resserrée, le golfe est une zone de jonction entre le monde arabe et le monde perse, entre le sunnisme et le chiisme, les deux grands rameaux de l'islam.

Elle borde l'Iran, qui se veut le fer de lance de la Révolution islamique, l'Irak, qui s'est longtemps présenté comme la sentinelle avancée du flanc oriental du monde arabe, ainsi que six monarchies pétrolières de constitution récente, faiblement peuplées et vulnérables, mais dont la production de brut vient au premier rang du monde.

C'est aussi une zone intermédiaire entre l'Europe, dont elle est le premier fournisseur de pétrole, et l'Asie, qui seraient les premières touchées par une éventuelle interruption du trafic maritime. Le Golfe soutient, enfin, selon les stratèges occidentaux, le fameux «arc de l'islam» de la confrontation dans le tiers-monde, qui va de l'Afghanistan à l'Angola en passant par la Corne de l'Afrique.

La plus forte armada de l'après Vietnam y était concentrée durant la guerre irako-iranienne (1979-1989). Pas moins de 70 navires, avec au total 30 000 hommes, appartenant aux flottes de guerre américaine, soviétique, française et britannique croisaient dans les eaux du Golfe, le détroit d'Ormuz, la mer d'Arabie et le nord de l'océan Indien. À cette armada s'ajoutaient les flottes consacrées à la défense côtière des pays de la région.

Lors de l'extension du conflit irako-iranien, à la suite de la décision de l'Irak de décréter une «zone d'exclusion maritime», 540 bâtiments (pétroliers, cargos) ont été coulés ou endommagés -soit près double du tonnage coulé pendant la 2ème Guerre mondiale (1939-1945), transformant cette voie d'eau en un gigantesque cimetière marin.

Une fermeture totale du détroit d'Ormuz, par où transitent 90 pour cent du pétrole produit par le Golfe, priverait l'Occident du quart de sa consommation quotidienne d'énergie. Vingt mille navires empruntent cette autoroute maritime chaque année, transportant le tiers du ravitaillement énergétique de l'Europe.

La flotte américaine a installé à Manama (Bahreïn), le quartier général de la Ve flotte, en charge de l'océan Indien. Elle dispose en outre de facilités à l'île de Masirah (Sultanat d'Oman), ainsi que sur la rive africaine de l'océan Indien, à Berbera (Somalie), à Mombasa (Kenya) et dans l'île britannique de Diégo Garcia.

Signe de l'importance stratégique de la zone, le Royaume-Uni, du temps du protectorat britannique sur l'Arabie du Sud avait fait du port d'Aden, la grande ville du sud Yémen, la place forte de la présence britannique à l'Est de Suez pour la sécurisation de la route des Indes.

La militarisation des voies maritimes figure d'ailleurs parmi les objectifs de Washington dans cette zone de non droit absolu qui relie la Méditerranée à l'Asie du Sud-est et à l'Extrême-Orient par le canal de Suez, la mer Rouge et le golfe d'Aden. Dans ce périmètre hautement stratégique, les États Unis ont procédé au plus important déploiement militaire hors du territoire national, en temps de paix.

Le monde arabe regroupe trois des principales voies de navigation transocéaniques, mais n'en contrôle aucune. Le détroit de Gibraltar, qui assure la jonction entre l'océan Atlantique et la mer Méditerranée, est sous observation de la base anglaise située sur le promontoire de Gibraltar, une enclave située sur le territoire de l'Espagne.

La jonction Méditerranée-mer Rouge est sous le contrôle des bases anglaises situées aux deux extrémités du canal de Suez (les bases de Dhekelia et d'Akrotiri (Chypre) et la base de Masirah (Sultanat d'Oman).

Enfin, le passage golfe arabo-persique océan Indien est sous l'étroit contrôle du chapelet de bases de l'OTAN : le camp franco-américain de Djibouti, la base aéronavale française d'Abou Dhabi, le QG du CENTCOM du Qatar, et la base aéronavale américaine de Diego Garcia.

En vertu du principe de la liberté de navigation, la totalité des voies de passage transocéaniques, à l'exception du détroit de Béring, sont sous contrôle de l'Occident. Du détroit de Gibraltar au détroit du Bosphore, au détroit des Dardanelles, au détroit de Malacca, au détroit d'Ormuz.

Si la Chine a réussi à contourner ce goulot d'étranglement en développant sa «stratégie du collier de perles» par l'aménagement d'un chapelet de ports amis le long de ses voies de ravitaillement, du Sri Lanka à l'Afrique orientale, à l'Europe avec la zone franche du Pirée, de même que la Russie avec Tartous et Banias, sur la côte syrienne de la Méditerranée, cela n'a pas été le cas pour le monde arabe. Au-delà de la mise au pas de ce pays récalcitrants à l'hégémonie occidentale, l'épreuve de force sous-tend en complément une opération de contournement du détroit d'Ormuz par substitution de la voie terrestre à la voie maritime du transport des hydrocarbures du Golfe vers l'Europe, via les ports méditerranéens de la Turquie, à travers le projet TAP, l'oléoduc trans-anatolien chargé d'acheminer vers l'Europe la production de brut des pétromonarchies et de l'Irak.

Le développement de la capacité de l'oléoduc de l'ancienne IPC (Irak Petroleum Cy) des champs pétroliers du nord de l'Irak vers le terminal syrien de Banias figure également dans les projets des pétroliers, dans l'hypothèse de la chute du régime syrien, réduisant ainsi la trop grande dépendance de l'Europe occidentale vis-à-vis des hydrocarbures de l'Algérie et de la Russie, deux pays hors de la sphère de l'Alliance Atlantique. Un impératif au regard de l'évolution du trafic maritime mondial : sur les vingt plus grands ports porte-conteneurs du Monde, treize se trouvent en Asie, un continent qui assurera, en l'an 2020, plus de la moitié des productions mondiales.

Dans la perspective d'une épreuve de force, les États-Unis ont parachevé un nouveau système radar au Qatar en complément de ceux déjà installés en Israël et en Turquie pour former un vaste arc régional de défense antimissile.

Près de 80 ans après leur indépendance, les pays arabes demeurent sous contrôle. Sous couvert du principe de la liberté de navigation couve une mise sous tutelle drastique du monde arabe et de ses gisements pétroliers.

Il en va de la navigation comme du Droit l'autodétermination, qui confère bizarrement l'indépendance au Kosovo et au Sud Soudan, mais pas à la Palestine ou au Sahara occidental, réduisant ce principe à une variable d'ajustement conjoncturel.

L'empire maritime d'Abou Dhabi

Sous l'impulsion de son président, Mohamad Ben Zayed, les Émirats arabes unis ont mené depuis près de dix ans une diplomatie des ports et de la canonnière, du Yémen à la Corne de l'Afrique, cherchant à étendre leur emprise jusque dans l'océan Indien. Si Abou Dhabi se plaint des visées expansionnistes de l'Iran, reprochant à Téhéran son annexion du temps du Chah d'Iran de trois ilots du golfe arabo-persique (l'île d'Abou Moussa et la grande et la petite Tomb), il n'a pas hésité, lui non plus, à annexer l'Île yéménite de Socotra, à l'entrée du golfe d'Aden.

La présence israélienne en mer Rouge

Mais au-delà de la solidarité avec les Palestiniens, l'engagement des Houthis dans la guerre contre Israël répond à un objectif stratégique : desserrer l'étau qui enserre le Yémen tant par l'OTAN que par Israël.

Israël a considérablement renforcé sa présence en mer Rouge pour contrer l'Iran. La marine israélienne est présente dans la zone dans des ports en Érythrée, et de petites unités navales dans l'archipel de Dahlak et à Massawa, et un poste d'écoute sur le Mont Amba Sawara. «La présence d'Israël en Érythrée est très centrée et précise, impliquant des collectes de renseignements en mer Rouge et surveillant les activités iraniennes», soutient Stratfor, la firme de consultance stratégique américaine.

En superposition, Israël et les Émirats arabes unis, qui ont normalisé leurs relations diplomatiques en 2020, ont signé un accord «historique» de libre-échange, le premier du genre entre l'État hébreu et un pays arabe.

Dubaï et Bahreïn ont d'ailleurs discrètement contribué à alléger le blocus maritime qui frappe Israël depuis la décision des Houthis du Yémen d'empêcher le ravitaillement du port d'Eilat. Les cargos à destination d'Israël déchargent leur cargaison à Manama et Dubaï pour y être acheminée par camions vers l'État Hébreu.

Et Dubaï Port Authority (DPA), la compagnie de gestion des ports DP World de Dubaï, s'est associée à un groupe israélien pour soumissionner pour l'un des deux principaux ports d'Israël et étudier l'ouverture d'une ligne de navigation directe entre les deux États du Moyen-Orient. La société publique de DP World, qui exploite des ports de Hong Kong à Buenos Aires, a signé une série d'accords avec la Dover Tower israélienne, notamment une offre conjointe pour la privatisation du port de Haïfa sur la Méditerranée, l'un des deux principaux terminaux maritimes d'Israël : Les ports d'Ashdod et de Haïfa sont ciblés. DPA est en outre présente en Afrique notamment au Sénégal et Abou Dhabi a entrepris une colonisation économique rampante de l'Afrique.

Israël a justifié sa présence en mer Rouge par le fait que la prise du pouvoir par les Houthis aurait pour conséquence immédiate d'encourager le trafic d'armes de la bande de Gaza contrôlée par le Hamas, via la péninsule égyptienne du Sinaï. Pendant des années, les armes iraniennes destinées à cette enclave, soumise à un blocus israélien, ont transité par le Soudan. Mais les autorités soudanaises, à la suite de plusieurs attaques de drones attribuées à Israël contre des convois d'armes, ont refusé que les Iraniens ouvrent une base permanente sur leur territoire.

Les Houthis ont donc un vieux compte à régler avec Israël en raison de ses interventions secrètes répétées dans la guerre civile au Yémen, qui remonte à la décennie 1960, du fait de la grande importance que revêt ce pays aux yeux des stratèges israéliens en tant que débouché d'Israël vers l'océan Indien et l'Extrême-Orient.

La vassalité est si bien intériorisée qu' Abou Dhabi s'est même appliqué à contraindre le Yémen à normaliser ses relations avec Israël bien avant la conclusion du «pacte d'Abraham» dans la première décennie du XXIe siècle, du temps du président Ali Abdallah Saleh, au point que l'agression pétro monarchique contre le plus pauvre pays arabe est apparue rétrospectivement comme une tentative de mettre au pas ce pays récalcitrant, considéré comme un carrefour stratégique majeur de la navigation maritime internationale.

Ali Abdallah Saleh, assassiné le 4 décembre 2017, a dirigé le Yémen pendant 34 ans, d'abord en tant que président de la République arabe du Yémen de 1978 à 1990, puis en sa qualité de président du Yémen unifié de 1990 à 2012.

L'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis ont utilisé contre le Yémen les mêmes méthodes employées par les Israéliens à l'encontre des Palestiniens : Éliminer les civils sans défense pour semer la terreur et détruire de manière systématique les infrastructures du pays en vue de saper les fondements de la vie culturelle et sociétale avec pour objectif sous-jacent de contraindre le Yémen de souscrire à l'ordre pétro monarchique régionale. Et normaliser ses relations avec Israël. Telle est la principale révélation contenue dans un document publié par le journal libanais Al Akhbar en date du 9 octobre 2020. «Israël a apporté son expertise à la coalition pétro monarchique dans sa guerre d'agression contre le Yémen, déclenchée en 2015, et a cherché, en compensation, à obtenir la restitution de la nationalité yéménite à plusieurs dizaines de milliers de juifs yéménites qui avaient fui le pays pour Israël au moment de la proclamation de l'indépendance de l'état hébreu», ajoute le journal rapportant les propos de M. Yehya Sarih, porte-parole des forces armées yéménites.

La rivalité entre Abou Dhabi et le Qatar

La guerre picrocholine entre Abou Dhabi et le Qatar constitue au premier chef une guerre des incendiaires du Golfe en vue de se défausser sur autrui de la dévastation de la planète que le pétrolier (Abou Dhabi) et le gazier (Qatar) ont infligé au reste du monde par la désagrégation programmée du monde arabe.

La promotion des anciens corsaires de la piraterie maritime de la «Côte des Pirates», ces «nains pétro monarchiques», au rang de Maîtres du Monde arabe par le camp atlantiste, au nom de la «Carbon democracy» passera à la postérité comme le symptôme d'une grave aberration mentale, contreproductive, en même temps qu'une souillure morale indélébile à inscrire au passif du Monde occidental.

Au-delà de cette aversion mutuelle, Abou Dhabi manifeste une agressivité non contenue à l'égard du Qatar pour son rôle d'incubateur du Djihadisme erratique lors de la séquence dite du printemps arabe, particulièrement lors de la guerre de Syrie (2011-2014). Abou Dhabi avait accusé les Frères musulmans, dont le Hamas en est la branche palestinienne, d'avoir fomenté un coup d'État contre la dynastie Ben Zayed. Prenant le contrepied de Doha, Abou Dhabi avait alors témoigné de sa solidarité avec Damas, maintenant en activité avec pleins pouvoirs consulaires, l'ambassade syrienne dans la capitale des Émirats arabes unis.

Depuis lors, Abou Dhabi a pâti de la réhabilitation de l'image hideuse du Qatar dans l'opinion occidentale notamment à la suite du rôle de Doha dans l'évacuation des ressortissants occidentaux d'Afghanistan après la chute de Kaboul aux mains des Taliban, le 15 Août 2021, et son rôle dans la libération des otages israéliens et occidentaux détenus par le Hamas à Gaza, novembre 2023

Quatrième producteur mondial de gaz (après les États-Unis, la Russie et l'Iran), membre de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), le Qatar a refusé d'adhérer à la Fédération des Émirats arabes unis. Il gère de ce fait pour son propre compte de fabuleuses richesses.
Parrain de la Confrérie des Frères musulmans, il est à ce titre le financier attitré de Gaza et du Hamas.

Pour damer le pion à son rival gazier, Abou Dhabi s'est d'ailleurs impliqué dans la restauration de l'Autorité palestinienne en vue de substituer cette instance décriée au Hamas à Gaza à la fin des hostilités, conformément aux vœux des Israéliens et des Américains.

Les États-Unis réactivent la guerre du Yémen, via les tribus yéménites sous tutelle d'Abou Dhabi afin de brider les attaques contre Israël

Les Houthis, soucieux de ne pas compromettre leur trêve avec l'Arabie saoudite, ont avisé Ryad de leur intention de procéder à des tirs balistiques contre Israël, dans une démarche qui est apparue comme une demande de passage inoffensif de leurs projectiles. Échaudés par leur mésaventure yéménite, les Saoudiens ont adopté un profil bas face à cette nouvelle crise régionale, se contentant de lancer des appels à la «retenue», forme polie de désintérêt.

Cette neutralité apparente n'a toutefois pas empêché l'Arabie saoudite de participer à la mi-juin 2024, à Manama, à une réunion conjointe du chef d'état-major israélien, Herzi Halévi, avec ses homologues de cinq pays arabes (Égypte, Jordanie, Arabie saoudite, Émirats arabes unis et Bahreïn). Cette réunion secrète tenue sous l'égide du Centcom, le commandement central américain, visait à coordonner la défense de ces pays face aux tirs balistiques des pays de «l'axe de la résistance» (Yémen, Irak, Liban) et à envisager «le jour d'après» à Gaza, notamment la participation de forces arabes au maintien de l'ordre dans l'enclave en substitution au Hamas.

L'Arabie saoudite fait indirectement pression en outre sur Sana'a par le biais des restrictions imposées aux activités bancaires arabes et islamiques opérant au Yémen, mais, les Houthis, en réplique, ont installé un bureau de coordination à Bagdad avec la milice irakien Al Hachd Al Chaabi.

Mais ce comportement ambivalent des Saoudiens n'a pas eu l'heur de plaire aux Américains, qui se sont appliqués à réactiver la guerre du Yémen, via les tribus yéménites sous tutelle d'Abou Dhabi afin de brider les attaques contre Israël. Mieux, les dirigeants sud yéménites pro Abou Dhabi se sont précipités pour faire leurs offres de service. Ainsi Aidarous Al Zoubeidi, président du Conseil Transitoire du Sud Yémen, s'est mobilisé en soutien à Israël, faisant des offres de service aux Américains, leur proposant même d'ouvrir un nouveau front au Nord Yémen même en vue d'alléger la pression sur l'État Hébreu.

Soucieux toutefois de prévenir une extension du conflit entre Israël et Gaza au périmètre ultrasensible du golfe arabo persique, l'océan Indien et la mer Rouge, les Américains ont conditionné leur accord au fait que les Sud Yéménites soient placés sous le commandement du général Tarek Saleh, chef d'état-major du gouvernement sud-yéménite, dont les forces sont positionnées à proximité du détroit de Bab El Mandeb, coordonnant de surcroît ses opérations avec le commandement de la Ve flotte américaine basée à Manama.

Le général Tarek Saleh a été investi par Abou Dhabi de la défense du Golfe d'Aden.

Quoiqu'il en soit de ses arrangements, l'Égypte s'est chargée de neutraliser les premiers missiles yéménites tirés en direction d'Israël, conduisant les Houthis à modifier leur trajectoire.

Au-delà de son traité de paix avec Israël, Le Caire paraît soucieux que la tension en mer Rouge n'entrave la navigation sur le canal de Suez, privant l'Égypte de substantiels revenus résultant du droit de passage via la voie d'eau reliant le golfe arabo-persique à la Méditerranée.

Plus de 68 navires par jour transitent par le canal de Suez pour acheminer 12% des marchandises échangées dans le monde. De surcroît, le déroutement du trafic maritime via le Cap de Bonne Espérance va considérablement accroître les coûts du transport maritime et partant relancer l'inflation en Europe déjà affectée par la guerre d'Ukraine.

Le transit via la mer Noire a été largement perturbé après l'invasion de l'Ukraine par la Russie ; la sécheresse a réduit les débits d'eau dans le canal de Panama, limitant le transport maritime et augmentant les coûts.

À tous égards, la guerre de destruction israélienne de Gaza, par ses rebondissements, parait calamiteuse, tant pour l'image d'Israël fortement dégradée au sein de l'opinion occidentale, que pour le crédit des États-Unis qui ne parviennent pas à briser les pulsions vindicatives de son poulain israélien, que pour l'économie européenne et l'Occident en général.

En initiant «l'incursion militaire la plus réussie du XXIe siècle», selon l'expression de William Scott Ritter, un ancien inspecteur de la commission spéciale des Nations unies en Irak entre 1991 et 1998, le Hamas s'est réhabilité aux yeux de l'opinion arabe de sa déviance du début du printemps arabe, en ralliant, en 2011, la coalition islamo-atlantiste, contre ses frères d'armes de Syrie et du Hezbollah libanais.

En se posant en véritable défenseur de la Mosquée Al Aqsa, le mouvement islamiste palestinien est désormais perçu par une large fraction des Palestiniens, comme le représentant authentique du combat national palestinien, face à une Autorité palestinienne déconsidérée. Il en est de même de la chaîne transfrontière arabophone du Qatar Al Jazeera, qui a payé un lourd tribut à la liberté d'information d'une guerre voulue par Israël comme devant se dérouler à huis clos.

Depuis le déclenchement de la riposte israélienne contre Gaza, le 8 octobre 2023, les Houthis ont lancé plus d'une centaine d'attaques contre des navires croisant en mer Rouge. Ils tirent des drones fabriqués par leurs soins pour 2000 dollars pièce. En réponse, la marine américaine tente de les abattre à l'aide de missiles coûtant entre 1 et 4 millions de dollars l'unité.

C'est finalement le mouvement de résistance le plus pauvre et le moins armé qui a créé la principale surprise de cette fin d'année 2023 : les Houthis qui ont commencé à cibler de manière sélective les navires à destination d'Israël ou affiliés au pays. Le résultat net de cette action est la réduction de 85% du trafic du port israélien d'Eilat.

Les combattants yéménites appliquent leur propre version de la politique du double standard occidental, en ce que tous les autres navires sont libres de passer. Les navires russes, chinois et iraniens, ainsi que les navires enregistrés dans le reste du monde, traversent sans encombre le détroit de Bab el-Mandeb pour emprunter la mer Rouge en direction du canal de Suez.

La bataille de Radfan

Pour mémoire, les bombardements anglo-américains sur le Yémen ont coïncidé avec le 60ème anniversaire de la révolte dite de Radfan, en 1964. Un fait tombé dans les oubliettes de l'histoire dans la mémoire des anglo-saxons, mais pas dans celle des Houthis

Le Radfan est une région montagneuse située à une cinquantaine de kilomètres au nord d'Aden, le principal port du sud du Yémen. Au début de la décennie 1960, elle faisait partie d'une création coloniale britannique – la Fédération d'Arabie du Sud, un regroupement de cheikh doms et de sultanats établi par Londres.

Le Royaume-Uni était prêt à accorder l'indépendance à l'Arabie du Sud, sous certaines conditions. Sir Kennedy Trevaskis, le Haut-Commissaire à Aden, a noté que l'indépendance devait «garantir que les pleins pouvoirs passent de manière décisive entre des mains amies». Le territoire resterait ainsi «dépendant et soumis à notre influence».

Une grande partie de la population a refusé de coopérer avec les plans britanniques. En janvier 1964, des tribus du Radfan déclenchèrent des raids contre des cibles de la Fédération et des convois britanniques dans la région.

Dans la mémoire vive des peuples, les blessures ne cicatrisent jamais. La lutte contre le colonialisme occidental demeure vivace au Yémen, qui explique l'ardeur des Houthis.

Fait notable, le trafic maritime des pays «du Sud global» (Asie, Amérique latine, Afrique) n'a pas été affecté par cette épreuve de force entre le plus pauvre pays arabe et le plus puissant pays du monde.

En reconnaissant la capacité de nuisance régionale d'un mouvement confiné jusqu'à présent dans le très complexe théâtre yéménite, les États-Unis font le jeu du pouvoir houthiste. Face aux nouveaux conflits en Europe (Ukraine) et au Moyen-Orient (Israël-Palestine), et à des tensions en Indo-Pacifique, Washington doit mobiliser ses forces sur tous les fronts, ce qui exacerbe les vulnérabilités de son appareil militaire à une période politique charnière.

Les Houthis, le défi majeur à la marine américaine de l'époque contemporaine

La bataille de la mer Rouge menée par les Houthis constitue le défi majeur à la marine américaine de l'époque contemporaine en ce qu'elle remet en question le primat de la marine américaine dans cette zone névralgique par où transite les deux tiers du ravitaillement stratégique d'Israël.

En application de la «théorie des anneaux maritimes», les États Unis visaient, en effet, à contenir la Chine et la Russie, perçues déjà comme les deux grands concurrents des États Unis du XXIe siècle.

Au 6ème mois du conflit israélo-palestinien, une manœuvre navale conjointe des pays du BRICS (Russie, Chine, Afrique du sud) en sus de l'Iran, du Pakistan, du Kazakhstan et de l'Azerbaïdjan, s'est déroulée dans la zone de confrontation des Houthis avec la marine occidentale (États-Unis, Royaume-Uni France), le 12 mars 2024, dans le secteur de la mer Rouge-golfe d'Aden, dans une démarche subliminale destinée à contester à la marine des trois pays de l'OTAN la libre disposition de ce périmètre hautement stratégique.

En superposition à ces manœuvres, les Houthis ont bombardé l'archipel de Socotra, précisément l'ilot Abd al Kuri, qui abrite une base conjointe d'Abou Dhabi et des Américains, dans une démonstration des capacités d'intervention des milices yéménites. Le bombardement de Socotra visait en outre à prévenir la transformation de la base américano-émiratie en plateforme de guidage de la navigation en direction du port israélien d'Eilat (Oum Al Rachrach dans sa désignation palestinienne).

Socotra est la plus grande île de l'archipel de Socotra composé, outre Socotra, d'Abd al Kuri, Darshas, et des îlots rocheux de Sabuniyah et Kal Firawn. Socotra mesure 133 kilomètres de longueur et une quarantaine de kilomètres de largeur, pour une superficie de 3579 km 2. Située à 1000 kms de Sana'a, longue de 140 km sur 40 km de large, Socotra est un archipel de quatre îles isolées et de deux îlots rocheux, elle se trouve dans le nord-ouest de l'océan Indien, au large de la Corne de l'Afrique.

Pour rappel : Les Américains ont procédé, dès la fin de la 2ème Guerre mondiale, à leur déploiement géostratégique selon la configuration de la carte de l'Amiral William Harrison, conçue en 1942 par la marine américaine, en vue de prendre en tenaille la totalité du monde eurasiatique, articulant leur présence sur un axe reposant sur trois positions charnières : Le détroit de Behring, le golfe arabo-persique et le détroit de Gibraltar.

Avec pour objectif de provoquer une marginalisation totale de l'Afrique, une marginalisation relative de l'Europe et à confiner dans un cordon de sécurité un «périmètre insalubre» constitué par Moscou-Pékin-Delhi-Islamabad, contenant la moitié de l'humanité, trois milliards de personnes, mais aussi la plus forte densité de misère humaine et la plus forte concentration de drogue de la planète.

85 ans plus tard, les Houthis tiennent la dragée haute à la flotte occidentale, alors que la marine iranienne contrôle la totalité d'une des deux rives du golfe arabo persique et que la Chine qui dispose d'une base à Djibouti, est par ailleurs fortement présente économiquement en Éthiopie, de surcroît parrain de l'accord de normalisation des relations entre les deux puissances régionales du golfe pétrolier, les deux chefs de file antagoniste du monde musulman, l'Arabie saoudite et l'Iran.

La nouvelle mouture de la guerre de Gaza le confirme : Aux extrémités du monde arabe, les combattants furtifs des plateaux du Yémen, dans la zone du Golfe, et les combattants du Hezbollah, en mer Méditerranée, par leur implication, se posent désormais en équation incontournable du pouvoir décisionnaire régional ; indice patent de l'amorce de la désoccidentalisation de la planète.

source : Madaniya

https://reseauinternational.net/le-yemen-une-equation-incontournable-du-pouvoir-decisionnaire-regional-du-fait-de-son-engagement-dans-la-guerre-de-gaza/