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jacquesloyal

2007-11-12, 17:03:07
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Copié-collé, piégé...

Démarré par JacquesL, 28 Mars 2012, 11:54:26 PM

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JacquesL

Découvrant combien ses élèves se reposaient sur des anti-sèches trouvées sur le Net, ce professeur de lettres a organisé un superbe chausse-trappe :
http://www.laviemoderne.net/lames-de-fond/009-comment-j-ai-pourri-le-web.html

Quelques réactions :

CiterLà où ce monsieur excelle c'est dans l'art de l'autosatisfaction de geek de bac à sable.

Une vingtaine de paragraphes sur sa « manip », une dizaine de « morale » et ... aucune trace de solution, de méthode de travail a proposer à ses élèves. Rien que sa « gloire ».

Travailler avec des sources web, utiliser le copier coller, la citation et l'approche critique est possible, même avec des élèves plus jeunes, ce n'est pas facile mais il *faut* l'apprendre aux gamins.

De plus de manière générale « piéger » des gamins n'a *aucun* intérêt, c'est juste leur montrer un total manque de respect.

CiterCa c'est facile à dire. Oui, il *faut*, certes. On en est très loin.

Rien d'étonnant à ce que les élèves arrivant au lycée se sentent perdus et dépourvus de tout repère dès qu'on leur demande un travail exigeant une réflexion personnelle: dans l'essentiel de leur parcours jusque là, c'est le bachotage qui a été encouragé et parfois même explicitement recommandé.

CiterMmmhh... Je veux bien qu'on m'exhibe des adultes, capables de mener un travail critique sur leurs sources.
Anatole Abragam s'est vanté qu'en physique plus personne ne vérifie les sources, les mémoires originaux : selon lui, la rumeur, le bouche à oreilles fait amplement l'affaire.
Aux 16e et 17e siècle, pour les naturalistes l'anthias des auteurs grecs antiques, cher aux plongeurs du temps, était le minuscule "anthias sacer" bijou des profondeurs inaccessibles aux apnéistes, et invisible de la surface. Il s'agissait en réalité bien évidemment du mérou, un tout autre calibre.
Pourquoi ? Parce que "De hac scribit Rondeletius", et pas de bol, il s'était trompé, Rondelet.
Pour Hawkins et Mlodinow, l'électron en route dans votre tube cathodique entre le canon à électrons et l'écran, va explorer "jusqu'à la planète Jupiter". Pourquoi ? Parce que "De hac scribit Feynmanius". Encore de nos jours, les auteurs se recopient les uns les autres. Et il a gourré son self, le Richard Feynman. Oh l'erreur était bien cachée : il a pris le formalisme lagrangien, qui bien sûr, 18e siècle oblige, n'est pas relativiste, donc ne laisse rien soupçonner des deux fréquences intrinsèques d'un électron, ni des contraintes de Fermat sur la largeur réelle du fuseau de propagation.
Plus de détails techniques à
http://citoyens.deontolog.org/index.php/topic,1569.0.html
http://citoyens.deontolog.org/index.php/topic,887.0.html

La maturité scientifique, ça ne tombe pas tout cuit dans s'bec. Il faut drôlement se remuer et se cogner partout, pour épurer le fatras des erreurs personnelles, et surtout pour épurer le fatras des erreurs héritées. Il y faut du courage, et ce n'est pas tout le monde qui naît avec.

CiterLes élèves ont toujours manifesté une inventivité sans bornes pour optimiser le rapport résultat/effort de leur travail scolaire. Nul ne peut les en blâmer.
Contrairement à ce que voudraient croire les professeurs, le résultat qu'ils cherchent à optimiser n'est pas la maîtrise de la beauté de la littérature.
Le problème n'est pas chez les élèves, ni dans la généralisation de l'accès aux sources d'information. Il est dans la nature des contrôles dans le système scolaire français. Le problème à toujours existé. Il s'est juste généralisé.

CiterD'accord avec ça. Ca rejoint ce que je disais plus haut sur l'encouragement au bachotage.

Pendant des années on habitue les élèves à ne surtout pas produire un travail personnel, donc il n'est pas très étonnant qu'au moment où on leur en demande un, ça coince.

Dominique Ginet, professeur à Lyon 2, faisait le parallèle entre notre longue scolarité, et les épreuves d'initiation dans les sociétés sans écrit : en deux à trois semaines, les adolescents apprennent tout ce qu'un adulte doit savoir, assorti d'épreuves effrayantes et douloureuses, après quoi le passage est effectué, ils sont adultes conformes, et ont le droit de chasser et de se marier.

Chez nous, les connaissances à assimiler sont nettement plus grosses, et l'initiation devient indéchiffrable.
Pourtant, il y a du travail d'ethnologie à faire, pour déchiffrer cette rage de conformisme qui biffe le système d'éducation. La rage du conformisme sévit aussi dans la sélection des futurs profs, à l'IUFM, et dans les concours. Le pire dans le conformisme est justement le plus élevé, l'agrégation. Ce qu'on te demande est de courir très vite sans réfléchir.
Encore du travail d'enquêteur ethnologue à faire : du temps que la spécialité Physique et Electricité Appliquée existait encore, les deux tiers des lauréats sortaient de l'ENSET de Cachan. Féodalités ? Tribalités ? Qui parlait de féodalités et tribalités déjà ? La plupart des sujets étaient rédigés pile poil pour éliminer ceux qui n'avaient pas suivi l'enseignement du suzerain de Cachan, et n'étaient pas familiarisés avec ses tics de langage.

Remarquez, pendant ce temps-là, les grands chefs de l'E.N. qui utilisent les moyens de l'état pour leur enrichissement personnel, font-ils un travail créatif personnel, ou obéissent-ils juste à la tradition locale qui les a cooptés ?
Qui feust premier ? Soyf ou beuverye ?

Je suggère cet élément de diagnostic :
Les techniques généralistes de la coopération interprofessionnelle sont dramatiquement sous-développées, jusque dans l'enseignement supérieur, et même surtout là. On ne leur apprend rien de la méthodologie générale de résolution des problèmes. On ne leur apprend rien du savoir-être ni du comportement efficace. On ne leur apprend même pas à interrompre et questionner avec respect et efficacité. On ne leur apprend évidemment pas à inventer les solutions, ni même préalablement à reposer un problème à l'endroit. Or combien de fois la tradition présente les problèmes à l'envers ou tout de travers ?

Pourquoi ? Parce qu'il s'agit de corporations crispées dans leur défensive sur quelques micro-privilèges peu excusables. L'une des plus nocives dans le genre est la corporation des matheux (mais je crains qu'on en ait à dire de sévères aussi de celle des profs de philo) : ils profitent à fond du fait qu'ils remplacent désormais le latin pour la sélection sociale des élèves selon leur origine. Du coup ils impriment à tout l'enseignement quelque peu scientifique leurs délires corporatifs propres : tous les concepts tombent indéfinis et incréés du ciel abstrait, incarnés sous forme d'axiomes. Ils ne paient aucune de leurs dettes envers les millénaires de technologie dont ils héritent. Ils sont infoutus de préciser les limites de validité des concepts qu'ils enseignent. Alors qu'elles sont drastiques, et que la physique paie encore un prix exorbitant de la non-prise en compte de ces horizons de validité. Mais leur privilège qu'ils défendent jalousement est de ne JAMAIS travailler sur cahier des charges, en fonction des besoins exprimés par des clients. Or il y aurait énormément à travailler en ce sens, les besoins réels ne sont pas satisfaits du tout.

La première fusée Ariane V et son satellite ont été perdus parce que la subroutine de maintien des gyroscopes ne prévoyait pas de conditions contractuelles de validité des entrants. On l'aurait prévu, la subroutine eût été modifiée à temps. Dans l'enseignement tel que nous le pratiquons, aucune contractualisation interprofessionnelle des entrants et des sortants. Juste la crispation sur les délires locaux et les privilèges locaux. François de Closets nous avait expliqué pourquoi : c'était déjà pareil sous l'Ancien Régime, avant la Révolution, la caste des grands privilégiés redistribue de menus privilèges à des supplétifs, afin que ces grades intermédiaires exaspèrent chacun le peuple par leurs privilèges intermédiaires et leurs exactions intermédiaires, et que personne n'ait plus le temps de regarder la corruption au sommet.

Citer>>>
>>> Les élèves ont toujours manifesté une inventivité sans bornes pour
>>> optimiser le rapport résultat/effort de leur travail scolaire. Nul ne
>>> peut les en blâmer.
>>
>> Si, quand il y a fraude non seulement on peut mais on doit.
>
> Le mot /fraude/ introduit une notion morale

La fraude n'est pas qu'une question de morale.

Aucun des machins-bidules techniques qui font à présent notre environnement ne pourrait fonctionner si les ingénieurs et techniciens pratiquaient le culte du mensonge et de la fraude que pratiquent les juristes, beaucoup de commerciaux et les maîtres de la finance : "Oui il y a six mois je vous avais dit qu'il y aurait du -12 V sur la pinuche n° 62, mais ce n'était pas vrai !"

La coopération technique interprofessionnelle ne peut fonctionner qu'entre gens de confiance, qui ne mentent pas, qui corrigent à temps leurs erreurs et imprécisions.

CiterC'est normalement vrai, encore que les techniciens sont soumis à une forte pression commerciale pour cacher les défauts tout en faisant des simagrées.

Pour en revenir au sujet initial, tout élève normalement constitué sait qu'il ne faut pas attribuer le même sens aux mots selon qu'ils sont prononcés par un professeur de sciences ou de lettres (exemple, le mot démontrer dans un commentaire sur Pirandello). Il apprend que la marge de manœuvre pour jouer, plus ou moins honnêtement, avec le sens des mots et des idées dépend beaucoup de la matière enseignée.

Le point sur lequel je voulais insister est que, que ce soit une fraude ou non, le copier-coller n'est pas nouveau. Avec un bon moteur de recherche sa détection est devenue plus facile. Elle n'est que le sous-produit naturel d'un procédé de contrôle défectueux. Si tous les produits d'un système ont le même défaut, il est bien possible que le défaut résulte du système lui-même.

Si le but caché du système, mais but principal néanmoins, est de reproduire les inégalités sociales héritées, alors il se pourrait que son système de contrôle réponde à cet objectif. Qui est contradictoire avec les objectifs de la méritocratie, qu'on soupçonne de ne servir que de façade présentable.