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Un cerveau ancestral de 600 millions d'années...

Démarré par JacquesL, 17 Septembre 2010, 02:50:42 PM

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JacquesL

Un cerveau ancestral de 600 millions d'années...

http://www.pourlascience.fr/ewb_pages/a/actualite-un-cerveau-ancestral-de-600-millions-d-annees-25812.php

CiterUn cerveau ancestral de 600 millions d'années

Le cortex cérébral des animaux vertébrés a évolué à partir d'une structure nerveuse apparue chez un animal marin, peut-être un ver, au Précambrien.
Jean-Jacques Perrier

Chez les animaux, le système nerveux central intègre les informations sensorielles et envoie des ordres moteurs dans l'organisme. Le cerveau des vertébrés comprend à sa périphérie un cortex, organisé en couches cellulaires, tandis que celui des arthropodes et des vers annélides se caractérise par la présence de structures sensorielles arrondies, les corps pédonculés. Or l'équipe de Detlev Arendt et Raju Tomer, du Laboratoire européen de biologie moléculaire (EMBL), à Heidelberg, propose que le cortex cérébral des vertébrés et les corps pédonculés des annélides ont la même origine ancestrale : une structure nerveuse qui s'est différenciée chez un ancêtre commun vivant dans la mer au Précambrien, il y a 600 à 550 millions d'années.

Le cerveau des vertébrés ressemblerait-il donc à celui de simples vers ? Pas du tout, selon Philippe Vernier, responsable du Laboratoire Neurobiologie et développement de l'Institut Alfred Fessard, à Gif-sur-Yvette : plus de 500 millions d'années d'évolution divergente les ont rendus très différents. En fait, le travail des chercheurs de l'EMBL indique seulement qu'un plan de base du système nerveux des vertébrés était déjà établi au Précambrien.

Au cours de l'évolution animale, les neurones — cellules douées d'activité électrique apparues chez les cnidaires (méduses, anémones) il y a quelque 680 millions d'années — se sont regroupés en ganglions lorsque les organismes ont acquis une symétrie bilatérale. Cette symétrie définit, chez les animaux dits bilatériens, des axes antéro-postérieur (avant-arrière), dorso-ventral (dessus-dessous) et médio-latéral (du milieu vers les côtés). Les bilatériens sont aujourdhui divisés en trois groupes : les lophotrochozoaires (mollusques, vers plats, vers annélides), les ecdysozoaires (arthropodes, vers nématodes et autres organismes croissant par mues successives), et les deutérostomiens, comprenant les échinodermes (oursins, étoiles de mer, etc.) et les cordés, dont les vertébrés.

La présence de centres nerveux à l'avant du corps, chez les différents bilatériens, est parfois interprétée par les spécialistes comme résultant de convergences évolutives fortuites dépendant de l'expression des gènes du développement : des réseaux de gènes similaires, sortes de boîtes à outils, codent des structures semblables mais dont les fonctions diffèrent selon les groupes de bilatériens. D'après une autre interprétation, un plan du corps, un « zootype », commun aux bilatériens, est apparu chez leur dernier ancêtre commun, nommé Urbilateria — dont on ne connaît aucun fossile. Ce plan, qui comprenait un système nerveux central primitif, aurait été conservé dans les trois groupes de bilatériens qui en sont dérivés.

C'est effectivement ce que montrent Detlev Arendt et ses collègues. Ils ont perfectionné une méthode alliant microscopie confocale, biologie moléculaire et imagerie 3D, qu'ils ont nommée profilage par enregistrement d'images. Cette méthode consiste à analyser l'expression moyenne d'un certain nombre de gènes choisis dans des territoires déterminés chez plusieurs vers à des stades de développement identiques, puis à reconstituer la répartition spatiale de ces expressions en fusionnant les images obtenues. Elle permet ainsi de reconstituer en trois dimensions la topographie de l'expression d'un ensemble de gènes dans un embryon. En étudiant des larves du ver annélide marin Platynereis dumerilii, les chercheurs ont produit une carte génétique 3D des corps pédonculés en développement, qu'ils ont comparée à celle des corps pédonculés de l'embryon de drosophile et à celle du cortex cérébral, ou pallium, de l'embryon de souris.

Il en ressort qu'une combinaison unique de gènes s'exprime dans les structures nerveuses de Platynereis et de la souris. Les deux empreintes moléculaires sont « trop similaires pour être d'origines indépendantes et doivent partager un précurseur commun », concluent les chercheurs. En particulier, la combinaison de gènes qui contrôlent la position et la multiplication des cellules dans les structures nerveuses en développement est semblable. L'empreinte moléculaire cérébrale de Platynereis diffère en revanche davantage de celle de la drosophile, vraisemblablement parce que certains gènes exprimés au cours du développement ont acquis des fonctions différentes chez les arthropodes. On sait en effet, précise Ph. Vernier, que le génome de Platynereis, séquencé partiellement en 2005, ressemble plus à celui des vertébrés qu'à celui des ecdysozoaires, donc des insectes ; ce groupe se serait éloigné génétiquement plus vite de l'ancêtre commun Urbilateria que ne l'ont fait les lophotrochozoaires et les deutérostomiens.

En 2007, D. Arendt et ses collègues avaient mis en évidence des topologies moléculaires similaires entre le système nerveux du tronc de Platynereis et le tube neural en développement des vertébrés, rappelle Guillaume Balavoine, responsable du Laboratoire Évolution et développement des métazoaires de l'Institut Jacques Monod (CNRS, Université Paris Diderot). De même, en 2004, l'équipe de Heidelberg a caractérisé chez Platynereis un type de photorécepteur visuel dont l'empreinte moléculaire le rattache aux photorécepteurs de la rétine des vertébrés, suggérant que l'œil des vertébrés a évolué à partir d'une structure photosensible différenciée chez Urbilateria. En fait, aucun autre groupe d'invertébrés ne semble présenter autant d'expressions géniques homologues avec les vertébrés que les annélides.

Tous ces arguments font penser qu'Urbilateria, il y a 600 à 550 millions d'années, ressemblait à une sorte de ver marin doté d'un ou plusieurs noyaux de neurones capables d'intégrer les signaux sensoriels de l'environnement. Ce plan neuronal de base aurait évolué en architectures nerveuses plus complexes dans certains groupes de bilatériens et atteint un maximum de complexité chez les mammifères.