On ne soulignera jamais assez la responsabilité de l'éditeur, en matière de vulgarisation scientifique. Bien trop souvent, celui-ci se conduit en margoulin, irrespectueux envers son public, et se contente de lui resservir ce qui s'est déjà bien vendu.
A sa décharge, bien vulgariser est difficile... Difficile, en ne partant que de la culture du journaliste ou de l'éditeur, de ne pas se laisser bluffer par l'argument d'autorité. On a même quelques collègues qui tempêtent contre toute vulgarisation, puisqu'elle dispense le public des efforts et du travail. Ils poussent le bouchon bien trop loin, mais le problème de la bonne place de la vulgarisation reste entier.
Ainsi on a eu droit à xx versions réécrivant le même vagissement plaintif de Bernard d'Espagnat et de son "
réel voilé". Du moment que ça se vend, l'éditeur en re-réclame à un auteur aussi épuisé que le maréchal Pétain... Mais il n'y avait aucun contenu physicien nouveau, si tant est qu'il y eût du contenu physicien au départ, ce dont personnellement je doute. La réalité microphysique "
n'en a rien à branler" de nos état d'âme, de nos poignants sentiments de
cruelle incertitude... Par argument d'autorité que personne n'a le cran de descendre en flammes, Niels Bohr et Eugen Wigner ont joué le plus sale des tours à la postérité, quand ils ont mis l'observateur macroscopique humain et ses états d'âme au centre du tableau. Et c'est toujours enseigné... Il n'y a pas de physique là dedans, il n'y a que de l'autothéorie transféro-transférentielle, de la fuite derrière les mots creux.
Charpak et Omnès se vendent bien, donc Odile Jacob nous en ressert, et c'est consternant de malhonnêteté et d'incompétence, pour ne pas dire pis, ce "
Soyez savants, devenez prophètes", de Georges Charpak et Roland Omnès.
Pour l'essentiel, ils sont hors de leur domaine de compétence. Bien sûr, ils ont le droit de prendre ce risque. Nous prenons tous des risques, gens des sciences dures, quand nous traitons d'histoire des sciences et de leur insertion dans les affaires politiques des royaumes : nous ne sommes pas historiens, pas sociologues, nous n'avons pas eu le temps de chercher toutes les sources et d'en faire la critique comparée. Avons-nous tort de prendre ces risques ? Non, parce que les historiens de profession n'ont pas nos compétences pour tout comprendre de l'histoire des sciences. La coopération et le dialogue interprofessionnels sont donc indispensables.
Et là, ces deux sommités se sont-elles fait contrôler par un historien qui puisse les interrompre et leur dire de refaire leur copie ? Non.
Ils se sont fait plaisir à deux, pour composer leurs contes de fées, et se prétendre qu'ils allaient jouer là un rôle social salvateur.
Le rôle de l'éditeur était de leur crier casse-cou, mais elle ne la pas fait.
Et dans leur spécialité, au moins, la quantique ? C'est tout aussi consternant.
Voici une pièce à conviction parmi d'autres, la figure page 87 :
(http://deonto-ethics.org/resources/ivrognesR.png)
en résolution propre à l'écran.
Si vous voulez la résolution maximale, enlevez le R majuscule.
Et tout le reste est à l'avenant.
Evidemment, on peut argumenter qu'ils ont été trahis par leur dessinateur, tout comme Olaf Magnus a été trahi par son dessinateur qui, lui, n'avait jamais vu en Italie de skis des lapons et des suédois.
Alors voici la suite :
(http://deonto-ethics.org/resources/mur_murant_Paris_R.png)
Et le texte, qui vaut son pesant de cacahouètes :
CiterLa particule est lâchée, cette fois avec une certaine vitesse et les clones se dispersent à nouveau, se cognent contre le mur et rebondissent un certain nombre de fois jusqu'à ce qu'ils sortent par une des portes et se répandent en zigzag à travers la place.
Or, vous avez chez vous, dans votre salon, la contre-expérience : le canon à électrons de votre téléviseur. Si la physique des électrons était tortillonnante comme ces deux sommités vous l'ont expliqué, aucun téléviseur n'aurait jamais pu fonctionner, aucun oscilloscope cathodique n'aurait jamais pu fonctionner, aucun microscope électronique n'aurait jamais pu fonctionner, aucune des machines graveuses de microprocesseurs qui fabriquent les circuits de toute l'électronique actuelle, n'aurait jamais pu fonctionner, aucun accélérateur d'électrons, ni le synchrotron de l'ESRF n'auraient jamais pu fonctionner, aucun écran radar n'aurait jamais pu fonctionner, etc... Peut-être on aurait pu sauver les triodes, tétrodes et pentodes, peut-être, peut-être aurait-on pu sauver les tubes générateurs de rayons X auxquels nous devons une large partie de la médecine et toute la radiocristallographie, peut-être avec beaucoup de chance, et en changeant la géométrie des anticathodes, mais c'est toute l'architecture de la collimation du faisceau X qui serait très différente, etc...
Mais alors pourquoi ces deux sommités vous ont-ils asséné de pareilles énormités ? Parce qu'ils sont sûrs que vous n'êtes pas de niveau pour pouffer de rire devant leurs supercheries. Ils sont sûrs de ne pas être pris la main dans ce pot de confiture. Leur vertu scientifique est tout aussi folâtre que la vertu tout court de Dorabella et de Fiordiligi : elle dépend du regard des autres et du
qu'en dira-t-on.
Cosi fan tutti !Oui, pourra-t-on objecter,
Mais à l'extérieur de l'enceinte, leurs électrons volent en ligne droite, conformément à l'optique connue ; ce n'est qu'à l'intérieur de l'enceinte mystique qu'ils ont un comportement mystique et farfadique ! Donc comme cela, il y aurait à nouveau deux physiques, comme avant Galilée et Kepler : une physique terrestre, connaissable expérimentalement, et une métaphysique céleste, accessible aux seuls théologiens... Admirez le progrès !
Admirez l'autre victoire de la théologie : en dehors de l'enceinte, leurs électrons demeurent des corpuscules, mais persistent à obéir aux lois de l'optique, avec franges d'interférences... Oui, mais c'est mystique, ce qui prouve encore une fois la supériorité du théologien sur le profane...
Quand ils calculent dans le cadre de leur métier, ces deux sommités emploient le formalisme standard, qui, ouf, demeure ondulatoire et déterministe. Mais quand il s'agit de se faire mousser, et de duper le public, qu'il s'agisse des étudiants ou du grand public, les contes de fées reviennent immédiatement :
La "particule" redevient clairement un corpuscule, avec trajectoire définie, sauf que pour faire hasardeux, la trajectoire se tortille vers toutes les directions, afin d'être la plus longue possible.
Ils expliquent que c'est comme cela qu'ils ont compris Feynman et le principe de moindre action. Or dès 1924, un certain Louis Victor de Broglie avait fait l'union entre le principe de moindre action de Hamilton (en mécanique) avec le principe de Fermat (en optique) : si toute "particule" est ondulatoire, alors le trajet de moindre action est aussi celui qui est isophase, où tous les trajets voisins au premier ordre, arrivent en phase, au premier ordre au moins.
Exception à cet énoncé simplifié : si deux ou plus de deux branches de trajet non simplement connexes sont
simultanément empruntées par le quanton (photon, électron, atomes d'hélium neutre, fullérène, molécule d'insuline, etc.) alors ce qui compte est d'arriver en phase, à une ou plusieurs périodes près. Depuis Young et Fresnel, cela s'appelle des interférences.
Visiblement, Omnès et Charpak oublient les apports de Broglie, vieux d'octante ans au moment où ils écrivent, sans doute bien trop récents pour eux... Ah oui, mais depuis le coup d'état de 1927, il n'y a plus en physique que des vainqueurs et des vaincus, et comme Broglie et Schrödinger furent vaincus en 1927, au congrès Solvay, leurs résultats sont passés au
Trou de Mémoire par les vainqueurs... L'équation de Schrödinger est soigneusement dé-Schrödinguérisée, entre autres : le terme périodique de sa solution disparait au tout début des manuels après une fugitive apparition limitée à une seule ligne.
Et puis dans la foulée, Omnès et Charpak oublient les apports de la physique du début du 19e siècle, les Thomas Young et Augustin Fresnel déjà cités.
A leur décharge, Feynman aussi l'avait oublié. Jeune étudiant en Licence d'ancien régime, j'étais en 1964-1965 de ceux qui se jetaient en B.U. sur les Feynman tout nouveaux, et encore jamais traduits. Comme tous les autres, j'étais fasciné par la conférence spéciale sur le minimum d'action.
Je ne suis plus un jeune débutant, et la faille me saute aux yeux : ce principe de moindre action reste un miracle mathématique tant qu'on ne le rattache pas à l'optique des ondes brogliennes. Il devient alors une évidence physique, simple prolongement des travaux de Christiaan Huyghens au 17e siècle.
J'insiste pour les débutants : "
Quantique", ça désigne "périodique et ondulatoire", tout en le cachant au maximum.
C'est juste codé ainsi pour éviter que vous compreniez quelque chose d'aussi simple. Pourquoi ce codage secret ? Pour que la frontière entre "
Nous les initiés qui savons" et "
Vous les profanes qui ne savez pas" reste bien étanche.
Le même collègue, chercheur à Jussieu, qui plus haut tempêtait contre la vulgarisation (il est irrité par les cranks qui nous bassinent sur Usenet), m'oppose volontiers l'argument suivant : "
Oh ! Mais je connais un physicien de haut niveau qui ne fait pas la confusion que tu dénonces ! Donc personne ne pratique cette confusion dans l'enseignement, voyons !"
Voilà, on a désormais la preuve imprimée que même des physiciens de haut niveau, dont l'un est prix Nobel, pratiquent et enseignent des confusions que je déplore depuis pas mal d'années. Alors des profs d'IUFM, j'vous raconte pas...
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La science diffère des autres modes de transmission des connaissances:
nous croyons que les experts sont faillibles, que les connaissances
transmises peuvent contenir des fables et erreurs, et qu'il faut prendre
la peine de vérifier, par des expériences.
http://jacques.lavau.deonto-ethique.eu/Quantique_pour_les_nuls.html
Bon, on tient le coupable premier. Hélas, c'était bien Feynman lui-même.
L'article original de 1948 : "
Space-Time approach to Non-Relativistic Quantum Mechanics", occupe les pages 321 à 341 du recueil par Julian Schwinger "
Selected Papers on Quantum Electrodynamics", Dover ed.
La mauvaise nouvelle est que les loupes sont indispensables pour lire : c'est vraiment imprimé très réduit.
Les hypothèses de Feynman ne sont pas explicitées et sont soigneusement ensevelies sous le formalisme lagrangien. En fait le mérite de Taylor, Vokos et O'Meara (http://scitation.aip.org/getpdf/servlet/GetPDFServlet?filetype=pdf&id=CPHYE2000012000002000190000001&idtype=cvips) est justement de les avoir mises en évidence, et là seulement leur irréalisme saute aux yeux.
CiterThis fundamental and underived postulate tells us that the frequency f with which the electron stopwatch rotates as it explores each path is given by the expression : [tex]f=\frac{KE-PE}{h}[/tex].
Or cette fréquence, explicite chez ces auteurs - merci à eux -, implicite chez Feynman, est totalement fictive, immensément variable, et des millions voire des milliards de fois inférieure à la fréquence réelle, intrinsèque. Or Feynman, interné dans la pensée de groupe issue de la meute de Copenhague, était persuadé que l'onde électronique était fictive, juste un magique artifice de calcul : corpusculistes, ils croyaient aux corpuscules, juste dotés de pouvoirs magiques. Fréquence fictive et irréaliste pour une onde supposée fictive... Le résultat est que les trajets imaginables par Feynman et ses lecteurs étaient bien trop mous et peu exigeants, et que leurs calculs devaient embrasser des espaces gigantesques pour un résultat parfaitement nul. Pas étonnant qu'ils se soient battus avec des intégrales toutes divergentes, bien que condamnées à donner zéro...
Finalement les tortillonnasses de Charpak et Omnès ne sont que les symptômes poussés au delà des limites de l'absurde, d'une maladie collective.
En voici d'autres preuves, fournies paraît-il par Hawking et Mlodinow :
CiterI am just inhaling "The Grand Design" and am stuck in the chapter on the "buckyballs" double slit experiment.
The authors say that in case of the experiment, a particle may take any possible way ("perhaps to Jupiter and back"), which then Feynman depicts as adding vectors to a result vector (as I understand).
However, I wonder how this can be real, as the buckyball (or photon) has a definite speed s (or c) on the result vector path. But in case the particle takes the path to "Jupiter and back" the length of the path it has taken cannot fit the speed of the particle on the result vector, resulting in the (presumably false) supposition, that it had a speed greater than s (or c).
Un électron réel ou un neutron réel ont des propriétés bien plus contraignantes que celles postulées par ce genre d'auteurs.
Voici deux illustrations scannées du Greiner :
(http://deontolog.org/resources/physics/Greiner_paths_R.png)
Walter Greiner. Quantum Mechanics, special chapters. Springer Verlag 1989. Chapitre 13.1 Action Functionnal in Classical Mechanics and Schrödinger's Wave Mechanics.
Lui non plus n'explicite pas la fréquence fictive utilisée par Feynman. Et là sont dessinées des tortillonasses en guise de trajectoire.
(http://deontolog.org/resources/physics/Greiner_2paths_R.png)
Cet irréalisme total découle du choix initial fait par Feynman d'une "onde fictive", à l'horloge fictive, où il confond vitesse de phase et vitesse de groupe.
Mais bon, il avait été élevé en tribu corpusculariste...
Quant à Joseph Louis Lagrange, qui travaillait au 18e siècle, on lui pardonnera volontiers d'avoir élaboré un formalisme non relativiste.
Richard Feynman est moins pardonnable d'être retourné au formalisme lagrangien, non relativiste donc, qui lui donnait une fréquence donc des contraintes de Huyghens et de Fermat totalement irréalistes, si contraires à l'expérience.
C'est la conséquence d'avoir été élevé chez les corpuscularistes.