Pratiquer les vertus citoyennes

Libres commentaires => Politique française => Discussion démarrée par: JacquesL le 15 Mars 2024, 11:51:10 AM

Titre: Macron s’en va-t-en guerre, mironton, mirontaine…
Posté par: JacquesL le 15 Mars 2024, 11:51:10 AM
Macron s'en va-t-en guerre, mironton, mirontaine...

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par Olivier CHAMBRIN

Les récentes déclarations «dont chaque mot est pesé, mesuré et assumé (https://www.lexpress.fr/monde/guerre-en-ukraine-poutine-va-sadresser-a-la-nation-russe-V7JUUT7KLBHCTPZSCWPRBOSVQI/)» du chef de l'État français, puis de ses ministres, évoquant un déploiement militaire de troupes au sol en Ukraine, ont initié de nombreux commentaires. Sans être ni psychiatre, ni responsable politique, et en s'interdisant toute position contraire aux intérêts de la France, il paraît cependant utile de proposer quelques réflexions sur le sujet, avant les clarifications et orientations qui seront faites devant les chefs de partis et le Parlement français.

A splendid little war1 (https://reseauinternational.net/macron-sen-va-t-en-guerre-mironton-mirontaine/#easy-footnote-bottom-1-391430)

Alors que les thuriféraires du régime français ont vanté «l'ambiguïté stratégique» qui résulterait de cette proposition, certains (notamment des opposants intérieurs) ont qualifié les propos présidentiels «d'erreur servant les intérêts de Poutine» ; les homologues internationaux du chef de l'État rendant publics des commentaires moins tranchés mais réfutant l'hypothèse, et le Kremlin prenant acte en rappelant les conséquences d'une cobelligérance officialisée.

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À l'analyse, la tenue de ces propos semble pouvoir s'expliquer par différents motifs, éventuellement cumulés : On ne peut totalement écarter des explications psychanalytiques (narcissisme compensatoire, tendance avérée à la provocation et à la recherche de «buzz», sentiment de rivalité personnelle à l'encontre du président russe), ni un dessein tactique à l'occasion des élections européennes (par une stratégie de la peur comparable à celle suivie relativement au COVID en 2020), dans une volonté stratégique de promotion de l'européanisme (en valorisant l'UE comme unique sauvegarde contre la pseudo menace Russe). Tous ces mobiles sont compatibles, en une probable recherche d'un leadesrship européen avec l'onction de Washington.

Il parait envisageable que, loin d'être une erreur, cette menace ait été effectivement mûrement calculée et intégrée dans la stratégie globale occidentale définie Outre-Atlantique. En effet, le conflit en Ukraine a essentiellement servi les intérêts étatsuniens :


L'objectif affiché était d'obtenir ce découplage en défaveur de Moscou, de discréditer la politique internationale hostile à l'hegemon (ce qui semble moins réussi), de saper économiquement la Fédération de Russie au terme de sanctions financières et d'une guerre industrielle d'attrition (ce qui semble également discutable en l'état).

Le désengagement apparent des USA ne remet pas en cause leur leadership, mais permet d'épuiser davantage encore les États de l'UE, devenus fournisseurs de fonds et de matériels et qui semblent rivaliser pour devenir le vassal préférentiel de Washington.

Dans ce cadre, le maintien du conflit apparaît nécessaire. Actuellement, la Russie a démontré une capacité de passer en économie de guerre et de mener une guerre industrielle de haute intensité sans remettre en cause ses objectifs de développement interne, ni sa politique internationale. L'Occident collectif a fait montre de faiblesses insoupçonnées à cet égard et il lui faut du temps pour relancer la machine de guerre (pour les USA) et rebâtir des instruments militaires performants (pour les États de l'UE). Différentes options ont été explorées pour parvenir à ces résultats : Perfuser l'armée de Kiev en moyens, doctrine, commandement et renseignement ; la main d'œuvre, malgré les pertes, reste hélas la plus grande richesse que l'Ukraine puisse offrir ; elle est encore suffisante pour continuer les combats, même au prix de retraits territoriaux et de la mobilisation des forces vives dont les femmes.

C'est l'option que semble suivre le nouveau CEM Oleksander Sirsky2 (https://reseauinternational.net/macron-sen-va-t-en-guerre-mironton-mirontaine/#easy-footnote-bottom-2-391430), catastrophiquement favorable à tenir sans esprit de recul à Artyemovsk/Bakhmut, malheureux à Lyssitchansk, mais auréolé de succès autour de Kharkov en 2022. Son surnom de «boucher» évoque plutôt bien sa tendance à accepter les pertes et à tenir les positions. Or, une stratégie défensive consomme moins de ressources, est plus facile à exécuter par des troupes de qualité déclinante, est relativement aisée à mettre en oeuvre en étant adossé à des alliés à l'Ouest et en s'appuyant sur des moles urbains (Nord, Est et Centre). En revanche elle est peu «vendeuse» ; ce n'est pas très gênant en interne puisque le régime de Kiev dispose des outils de coercition nécessaire (les élections étant même remises sine die) mais davantage vis-à-vis des alliés dont les populations se lassent. Une intervention directe de ces derniers trouverait alors son sens.

Dans cette optique, on remarquera que les propos du président français font écho à ceux, depuis un mois et demi, de responsables britanniques, Allemands, Polonais, Danois, Suédois, Finlandais, de la Commission européenne, du Pentagone et de l'OTAN, qui tous ont évoqué sous un délai variable la nécessité de se préparer à une guerre avec la Russie. Les dénégations actuelles ne signifient pas grand-chose, pas davantage que les différentes «lignes rouges» qui ont été successivement violées, sur la fourniture d'équipements non létaux, puis d'armes de défense, puis d'artillerie à longue portée, puis de chars de combat, puis d'aéronefs de combat. L'énoncé du traité signé par Kiev et Paris (et Berlin) parait un pas significatif vers la cobelligérance et l'engagement (pour dix années) à assister Kiev dans sa guerre contre Moscou. Peu après les déclarations françaises, Londres évoquait d'ailleurs l'envoi possible de deux unités britanniques (volume inconnu) en Ukraine, et le Canada d'engager des troupes «non combattantes». Dans ce schéma, les propos de Emmanuel Macron peuvent aussi bien tenir de «coups de sonde» de l'opinion, que ressortir de son conditionnement préparatoire, ou les deux.

Le secret de Polichinelle

Dans les faits, la présence d'Occidentaux en Ukraine est avérée ; elle était connue sinon reconnue. Elle explique en particulier les frappes réussies sur les bâtiments de surface de la flotte de la mer Noire. Servants de matériels sophistiqués comme les complexes de missiles anti-aérien, opérateurs ISR, myriades de techniciens au sol nécessaires au maintien en condition et à la conversion au standard OTAN des moyens techniques, et même opérateurs spécialisés dans l'infiltration, le sabotage et l'assassinat, sont identifiés et parfois localisés3 (https://reseauinternational.net/macron-sen-va-t-en-guerre-mironton-mirontaine/#easy-footnote-bottom-3-391430). Leur statut varie, de volontaires (mercenaires pour Moscou), à assistants techniques, retraités ou en disponibilité, contractuels et pour certains opérationnels clandestins4 (https://reseauinternational.net/macron-sen-va-t-en-guerre-mironton-mirontaine/#easy-footnote-bottom-4-391430).

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Caricature affichée sur les arrêts de bus devant l'ambassade de France à Moscou: «Garçon, vite! Les léopards sont déjà cramés!»

Ce «secret» largement éventé a cependant son intérêt. Il évite une confrontation ouverte et directe. Cela est confirmé par les échanges entre généraux de la Bundeswehr rendus publics, à propos de l'engagement allemand pour détruire le pont de Crimée et organiser l'envoi de missiles Taurus. On peut se demander si cette «fuite» est le fruit d'un excellent espionnage russe, ou si l'Allemagne l'a organisée elle-même, pour empêcher une escalade et se dédouaner par exemple5 (https://reseauinternational.net/macron-sen-va-t-en-guerre-mironton-mirontaine/#easy-footnote-bottom-5-391430). En effet, si des troupes sont d'ores et déjà projetées dans le cadre de la stratégie périphérique, au Nord (fermeture du lac otanien qu'est devenue la mer Baltique, manœuvres actuelles de l'OTAN en Scandinavie et Pologne6 (https://reseauinternational.net/macron-sen-va-t-en-guerre-mironton-mirontaine/#easy-footnote-bottom-6-391430)), sur le flanc Sud (positionnement d'éléments mécanisés français en Roumanie7 (https://reseauinternational.net/macron-sen-va-t-en-guerre-mironton-mirontaine/#easy-footnote-bottom-7-391430), vols d'aéronefs en mer Noire) et sur le flanc Sud-Est (collaboration avec l'Arménie, qui dénonce ses accords OTSC avec Moscou, prospective politico-économique au Kazakhstan), cela reste du domaine de la gesticulation et ne met pas en cause des intérêts fondamentaux russes8 (https://reseauinternational.net/macron-sen-va-t-en-guerre-mironton-mirontaine/#easy-footnote-bottom-8-391430). En revanche, un déploiement en Ukraine (la politique de «boot on the ground») modifierait très dangereusement cette situation.

Jusque lors, la stratégie otanienne a été de fournir des moyens accrus dans le cadre d'une escalade contrôlée, sans que les objectifs de la SVO n'aient été modifiés en contrepartie. Après une phase statique qui semblait permettre de privilégier une solution dite «à la coréenne» en figeant les positions respectives, l'offensive de Kiev était censée permettre de revenir aux frontières de 1994. L'échec de cette offensive et la montée en puissance des forces russes conduisent à une stratégie compensatoire, en amplifiant les actions terroristes sur le territoire même de la Fédération. La fourniture de missiles a accru le rayon de nuisance, ce qui explique la réticence allemande à fournir des Taurus en complément des SCALP français/Storm Shadow britanniques. La création d'une nouvelle flotte aérienne de F-16 permettra de disposer de vecteurs de missiles de croisière complétant cette bulle d'effectivité, très en amont du front. Cette stratégie complète l'action de déstabilisation et de radicalisation des diasporas et de l'opposition intérieure en Russie (avec une tentative de capitaliser sur la mort de Navalny en cristallisant les Liberalnyi restant en Russie) en marge des élections présidentielles, pour réactiver des fissures religieuses, ethniques et sociales.

Parallèlement, les actions récentes donnent l'impression d'une volonté de «vider le ciel» pour les F-16, en liquidant la flotte réduite d'AWACS K-50U russes (8 en service pour 50 alignés par l'OTAN) ; cela aurait aussi pour effet de réduire l'efficacité des VKS, qui avec la capacité de tir des bombes guidées FAB ont permis d'écraser la ligne de fortification kiévienne à Avdievka et le saillant de Robotino. Les actions en mer Noire visent évidemment à neutraliser la flotte russe, ce qui est presque obtenu, et à faciliter la destruction du pont de Kertch, objectif symbolique majeur. Mais si on ajoute ces constats à l'évocation d'un envoi de navires britanniques à Odessa, se dessine la perspective d'un plan de grande ampleur, visant à contrecarrer l'avancée des forces russes sur le littoral et le poumon maritime de Kiev, tout en fragilisant la Transnistrie et en consolidant la ligne d'arrêt sur la rive Ouest du Dniepr (opération ratée par la Wehrmacht en 1944). Pour cela, deux postulats sont actuellement non réunis. En premier lieu, l'ouverture des détroits par Ankara9 (https://reseauinternational.net/macron-sen-va-t-en-guerre-mironton-mirontaine/#easy-footnote-bottom-9-391430) et en second lieu l'acceptation d'un affrontement direct en mer. Car il est difficile d'en faire davantage de manière clandestine. Les forces otaniennes assurent déjà la formation, le maintien en condition, voire l'intervention pointue et le conseil direct10 (https://reseauinternational.net/macron-sen-va-t-en-guerre-mironton-mirontaine/#easy-footnote-bottom-10-391430). Les missions secondaires évoquées publiquement (formation, surveillance des frontières, défense anti-aérienne des bases citées par le premier ministre français) sont déjà confiées à du personnel territorial ou policier de Kiev.

Paris, combien de divisions ?

La France, voire les États-membres de l'UE et de l'OTAN sont-ils en mesure de déployer davantage qu'un rideau dissuasif testant la volonté russe ?

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En l'état, la capacité livraison d'armements issus des stocks, surplus et rachetés à l'étranger, semble épuisée ; la reconstruction d'un complexe militaro-industriel hors USA, capable d'alimenter une production militaire sera à la fois chronophage et très couteuses pour des économies déjà mises à mal et des États en rivalité économique11 (https://reseauinternational.net/macron-sen-va-t-en-guerre-mironton-mirontaine/#easy-footnote-bottom-11-391430). Rééquiper à la fois les forces de Kiev et les différentes armées nationales sera également fort complexe. La supposée supériorité technologique occidentale ne paraît pas en mesure de compenser la faiblesse quantitative, d'autant que la domination qualitative est devenue discutable face aux développements russes.

Les capacités de déploiement hors USA bénéficient d'armées scandinaves performantes, capables de défendre leur territoire et d'interdire les côtes et la mer Baltique. La position turque conserve une ambiguïté qui rend son déploiement sur le flanc Sud de l'OTAN incertain. Dans les Balkans, la Grèce se défie d'Ankara, la Bulgarie a une opinion hostile et une armée réduite, l'Albanie est obsolète au regard des standards, la Roumanie également. Les États ex yougoslaves se regardent en chiens de faïence et mobilisent des armées réduites. Ces pays offrent surtout la disposition de bases importantes. La Pologne se veut le nouveau moteur militaire de l'Europe, mais son rééquipement n'est pas réalisé et les perspectives financières pourraient le compromettre. Le pays offre une excellente base contre la Biélorussie et la Russie et dispose de troupes non négligeables. Les États baltes ont une capacité de nuisance certaine mais ne peuvent numériquement tenir une position stratégique même pour étouffer Kaliningrad. Le Royaume Uni se remet difficilement de ses engagements en Irak et Afghanistan et son armée de Terre, de qualité, manque de moyens et de capacité de recrutement ; même l'emblématique Royal Navy connaît des difficultés importantes. Malgré sa puissance économique mise à mal depuis 2022, l'Allemagne aligne une Bundeswehr déclassée et cumulant les faiblesses logistiques et de recrutement. L'Espagne et surtout l'Italie disposent de forces terrestres convaincantes mais ne semblent pas très désireuses de les déployer. Danemark et Pays Bas peuvent alimenter en moyens de pointe mais n'ont pas de masse critique, ce qui est également le cas de la Belgique, de la Tchéquie. La Slovaquie et la Hongrie ont des positions anti-guerres, claires.

La France a-t-elle donc les moyens de ses ambitions ?

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Selon la typologie des classements, elle est considérée comme la deuxième armée en Europe (après l'armée russe)., parfois la quatrième (hors nucléaire). On peut toutefois déplorer que l'armée française définie pour 2030 corresponde aux besoins de 2015 ; sa capacité de projection si elle permet un déploiement rapide, pâtit de moyens limités. Si la loi de programmation militaire 2024-2030 tente de répondre aux nouveaux impératifs mis en évidence en Ukraine, l'effet d'inertie rend improbable un véritable sursaut capacitaire. Conçue à côté de la force de frappe nucléaire comme une armée échantillonnaire («modèle d'armée complet»), adaptée au format bataillonnaire intégré de l'OTAN, l'armée française a excellé dans la guerre asymétrique (sans gagner, plus par limitation politique que technique). Toutefois, sans masse ni moyens de durée, elle dispose d'unités d'infanterie légères de qualité mais d'effectifs très réduits. Lancée vers le Cyber, le Renseignement, découvrant le drone à large échelle, elle souffre d'un déficit en moyens classiques, chars, artillerie, moyens d'appuis. Les choix pour les véhicules de nouvelle génération ne semblent pas bien adaptés à la haute intensité ni au terrain ukrainien et les moyens sophistiquées (chars de combat, hélicoptères de l'ALAT) montrent un taux de disponibilité plutôt bas. La capacité industrielle indispensable pour supporter les forces fait actuellement défaut. L'aviation aligne des pilotes et des aéronefs très performants, supérieurs aux appareils soviétiques de Kiev et aux F-16, et peut-être même à ceux de la VKS russe. Mais l'arme aérienne, si elle permet d'envisager une action sur les forces adverses et ses bases, n'offre pas la maitrise du terrain et connaît la vulnérabilité de ses propres bases, si la fiction du non-alignement ne protège plus celles-ci à l'Ouest. Des données détaillées sont disponibles en source ouverte pour qui le souhaite, mais on peut résumer la capacité militaire française ainsi :


Cette force est complète mais assure des missions en rapport avec le considérable domaine maritime français et les projections à l'international. La totalité des moyens déjà amputés par ces missions ne pourrait évidemment être transférés en Ukraine. En se gardant des hypothèses trop incertaines, il semble que les moyens maritimes de surface seraient exposés à un sort comparable à celui de la flotte russe, en mer Noire mais peut-être même en mer Méditerranée. L'armée de l'Air et de l'espace serait vraisemblablement capable d'assurer en partie la supériorité aérienne et de porter des coups importants dans le cadre de l'appui au sol ou des frappes à longue distance, mais serait tributaire des bases et confrontée à des bulles redondantes de défense antiaérienne d'une ampleur qu'elle n'a jamais connue. Les troupes de l'Armée de Terre montreraient vraisemblablement le courage et le professionnalisme habituels mais manqueraient totalement de masse et de capacités d'appui pour faire face à un «Verdun moderne»12 (https://reseauinternational.net/macron-sen-va-t-en-guerre-mironton-mirontaine/#easy-footnote-bottom-12-391430). En résumé on peut affirmer sans trop prendre de risque que l'armée française déployée pour être davantage qu'une forme de «casques bleus» serait capable de frapper fort, mais pas longtemps (d'autant qu'il n'y a aucune réserve pour l'exploitation). Evidemment, les modalités de déploiement, les partenariats et le support logistique (il y a actuellement moins d'une semaine de capacité de feu) sont des facteurs non connus et qui influeraient fortement sur les performances de la force engagée.

Sur un théâtre qui concentre 33 équivalents Divisions ukrainiennes et 50 équivalents divisions russes, ce déploiement de l'armée française paraît peu crédible, mais dangereux.

L'Unconditionnal surrender

La stratégie militaire est définie par une volonté politique qui est d'obtenir la défaite de la Russie, laquelle a été affirmée et réitérée par le président français, le secrétaire général de l'OTAN et des responsables de l'UE. Elle n'est pas sans rappeler la position des Alliés (dont l'URSS) à l'encontre des puissances de l'Axe de 1945. Cela pose problème puisque cela semble exclure toute voie négociée13 (https://reseauinternational.net/macron-sen-va-t-en-guerre-mironton-mirontaine/#easy-footnote-bottom-13-391430) et surtout parce que ce but de guerre met clairement en cause les intérêts fondamentaux de la Fédération de Russie. Tout comme la dissuasion française, la doctrine russe permet en effet l'engagement de la force nucléaire dans ce dernier cas. Le seuil d'engagement russe (la fameuse ambiguïté stratégique) a été déclaré par le Pentagone comme «plus bas» qu'envisagé initialement par l'OTAN14 (https://reseauinternational.net/macron-sen-va-t-en-guerre-mironton-mirontaine/#easy-footnote-bottom-14-391430). Lorsque le président russe évoque le fait, cela est considéré par la presse française comme une menace, alors qu'il s'agit plutôt d'un avertissement sur des modalités de réponse. Le calcul que semble faire le président français (et nous pensons qu'il s'intègre dans une réflexion globale, probablement au niveau de Washington) est que la présence officielle de troupes OTAN, a fortiori françaises, dissuadera forcément une attaque russe, par le risque d'enclenchement de l'article 5 de la Charte et/ou de riposte nucléaire française.

Une destruction mutuelle assurée ?

Ce raisonnement semble présenter des failles. En premier lieu, la dissuasion doit être crédible. Peut-on vraiment considérer que la destruction d'un corps expéditionnaire à l'étranger correspond aux critères de défense des intérêts vitaux de la France, justifiant un feu nucléaire qui engendrera à son tour une riposte de plus grande ampleur ? L'emploi de l'ultima ratio nucléaire était lié à celui de sanctuarisation du territoire national. Les forces conventionnelles étaient destinées à s'opposer le temps nécessaire à activer la force nucléaire et à obtenir le renoncement d'un ennemi placé devant un dilemme stratégique de destruction mutuelle (MAD, mutual assured destruction, doctrine forgée dans les années 70, ce qui avait conduit à des stratégies périphériques, mais aussi à des accords, d'ailleurs tous dénoncés par les USA puis la Russie dans les années 2000).


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Les missiles M51 des quatre SNLE français sont en effet capables, sinon d'annihiler, du moins de causer des pertes majeures à une Russie qui concentre la majorité de ses habitants dans un nombre relativement réduit de métropoles. Mais, outre l'aspect éthique (de la part d'une UE et d'une France qui se refusent à employer des moyens de force pour contrer une invasion migratoire et qui ne cessent de mettre en avant leur conception des Droits de l'Homme et de l'Humanisme) de frappes anticité15 (https://reseauinternational.net/macron-sen-va-t-en-guerre-mironton-mirontaine/#easy-footnote-bottom-15-391430) théoriquement rejetées, la riposte étant, elle, en mesure d'effacer la France de la surface de la Terre, ce recours ultime est-il justifiable hors sanctuaire national ? Ce dilemme ne concerne que la France en Europe, puisque l'autre unique puissance dotée, le Royaume-Uni, ne peut employer ses propres SNLE sans l'aval de Washington. Si on peut imaginer que les plans otaniens sont limités à une intervention conventionnelle, l'ambiguïté stratégique sert justement à créer le doute dans l'esprit de l'adversaire. Or, en cas de menace majeure de cet ordre, il semble bien que la riposte russe envisagée risquerait d'être une frappe préalable.

Les autres États membres de l'OTAN feraient-ils bloc face à ce risque avéré ? Hormis les russophobes rabiques des Pays baltes, de Finlande et de Pologne (qui n'ont pas de moyens stratégiques) cela semble incertain, quoi que prévoie la charte de l'Organisation de l'Atlantique Nord (ce ne serait pas la première fois qu'un traité deviendrait un «chiffon de papier»16 (https://reseauinternational.net/macron-sen-va-t-en-guerre-mironton-mirontaine/#easy-footnote-bottom-16-391430). La position de Berlin à cet égard semble assez révélatrice. Quant à celle du suzerain, l'Histoire est assez riche en duplicité et cynisme stratégique pour penser qu'après avoir sacrifié un pion et obtenu un rabaissement considérable et irréversible de la puissance russe, il ne serait pas jugé opportun d'encourir une frappe en second par des missiles hypersoniques ou des SNLE conservés après l'attaque française. Les déclarations de l'administration Biden sur l'envoi -ou plutôt le refus d'y procéder- de Boys en Ukraine semble corroborer un refus du duel nucléaire, bien avisé17 (https://reseauinternational.net/macron-sen-va-t-en-guerre-mironton-mirontaine/#easy-footnote-bottom-17-391430). 0n peut même imaginer que les autres membres de l'OTAN seraient soulagés et féliciteraient Washington pour sa retenue et sa sagesse en la matière. Ne conjecturons pas davantage et rappelons que la France a démantelé sa capacité tactique (Pluton puis Hades) ce qui signifie que la «riposte graduée» n'existe plus depuis trente ans, conduisant Paris à ne pouvoir jouer qu'un va-tout.

Laissant de côté le cas français, l'analyse n'est guère plus rassurante. Certains observateurs russes prophétisent la remise d'engins nucléaires tactiques à Kiev18 (https://reseauinternational.net/macron-sen-va-t-en-guerre-mironton-mirontaine/#easy-footnote-bottom-18-391430) dans le cadre de la montée aux extrêmes qui accompagne les échecs terrestres. Il semble que le sujet soit un souci du président Poutine. Ce dernier doit, contrairement à ce que diffusent les médias occidentaux, compter avec une opposition qui le juge «trop mou», trop conciliant et prêt à négocier19 (https://reseauinternational.net/macron-sen-va-t-en-guerre-mironton-mirontaine/#easy-footnote-bottom-19-391430)[19] (https://stratpol.com/macron-sen-va-t-en-guerre-mironton-mirontaine/#_ftn19). Vladimir Vladimirovitch Poutine, chef suprême des armées, dispose de moyens intermédiaires, la Russie ayant conservé les armes de théâtre ou «tactiques». Mais il y a en réalité peu d'options rationnelles d'emploi en Ukraine même :


Il apparaît donc que les meilleures cibles seraient les bases militaires et logistiques en amont du Boug, c'est-à-dire les moyens concentrés dans les pays de l'OTAN frontaliers de l'Ukraine. Cette perspective extraordinairement dangereuse a été écartée jusque lors grâce au paravent de la non-intervention directe, au point que même les vols de drones et d'appareils de l'OTAN qui ont permis de couler des bâtiments russes n'ont pas fait véritablement l'objet de mesures de représailles. De même, les voies maritimes à partir d'Odessa pour exporter du blé et importer du matériel de guerre n'ont pas été ciblées par les SNA de la Flotte de la mer Noire.

La seconde option d'emploi d'un armement nucléaire «tactique» serait justement de poser un ultime avertissement démontrant que la menace n'est pas un bluff. Dans ce cadre, peu importe finalement la cible, l'effet recherché n'étant plus tactique mais stratégique.

Briser ce tabou a été une décision, probablement «réfléchie et pesée», mais qui ouvre la boîte de Pandore de manière réellement très inquiétante.

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source : Stratpol (https://stratpol.com/macron-sen-va-t-en-guerre-mironton-mirontaine/)


https://reseauinternational.net/macron-sen-va-t-en-guerre-mironton-mirontaine/
Titre: Macron s’en va-t-en guerre… (suite)
Posté par: JacquesL le 15 Mars 2024, 12:06:56 PM
Macron s'en va-t-en guerre...  (suite)

(https://i0.wp.com/reseauinternational.net/wp-content/uploads/2024/03/Macron-en-guerre-1-20240315.jpg?resize=740%2C431&ssl=1)

par Olivier Chambrin

Macron s'en va-t-en guerre, mironton, mirontaine... (https://reseauinternational.net/macron-sen-va-t-en-guerre-mironton-mirontaine/)

*

Certains éléments rendus publics permettent de préciser l'analyse des possibles conséquences de l'engagement de l'armée française directement contre les forces russes (https://stratpol.com/macron-sen-va-t-en-guerre-mironton-mirontaine/). Nous allons revenir sur les déclarations de différents responsables politiques dans ce cadre. Cela préparera à l'écoute des déclarations du président français le 14 mars 2024 sur le sujet.


«Nous irons pendre notre linge sur la ligne Surovikine»

En premier lieu, on peut considérer que l'hypothèse selon laquelle les déclarations du président français ne sont pas (uniquement) une lubie personnelle mais s'inscrivent dans une stratégie partagée est validée : Une forme de coalition semble bel et bien se dessiner au sein de l'OTAN1 (https://reseauinternational.net/macron-sen-va-t-en-guerre-suite/#easy-footnote-bottom-1-392633). La décision claire de Washington de ne pas envoyer de troupes au sol officiellement ne signifie nullement un refus d'intervenir. On peut penser qu'il s'agit plutôt d'éviter une confrontation avec un adversaire nucléaire et de privilégier l'approche indirecte qui fut caractéristique de la guerre froide. Tenant compte d'une opinion défavorable (après le traumatisme du Viet Nam, les désillusions de l'Irak et de l'Afghanistan) qui revient volontiers à un certain isolationnisme -réactivé par le candidat Trump2 (https://reseauinternational.net/macron-sen-va-t-en-guerre-suite/#easy-footnote-bottom-2-392633)-, cette stratégie a porté ses fruits. Les USA apparaissent comme les principaux bénéficiaires de la guerre en Ukraine et activer les proxys otaniens paraît logique et profitable, dans un contexte qui rappelle superficiellement celui des années 1938/19413 (https://reseauinternational.net/macron-sen-va-t-en-guerre-suite/#easy-footnote-bottom-3-392633).

(https://reseauinternational.net/wp-content/uploads/2024/03/Le-president-tcheque-alors-quil-etait-encore-general-de-lOTAN-et-pas-encore-president.jpg.webp) (https://i0.wp.com/reseauinternational.net/wp-content/uploads/2024/03/Le-president-tcheque-alors-quil-etait-encore-general-de-lOTAN-et-pas-encore-president.jpg.webp?ssl=1)

Le président tchèque Petr Pavel alors qu'il était encore général de l'OTAN et pas encore président


«Nous étions vingt ou trente brigands dans une bande»



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La première ministre estonienne Kaja-Kallas avec un ATGM Javelin destiné à être livré à Kiev


«Krieg, groß Malheur !»

La position de l'Allemagne est plus ambiguë. Le «triangle de Weimar» (France, Allemagne, Pologne) sera réuni à Berlin le 15 mars. On peut s'interroger sur les réticences germaniques, volonté de ne pas mettre un doigt dans l'engrenage ou tactique pour faire monter les enchères et s'assurer un leadership comme vassal des USA après leur désengagement progressif ? Les gesticulations médiatiques doivent être prises pour ce qu'elles sont et non pour argent comptant en la matière (Berlin «réticente» a fourni 18 milliards d'Euros à l'Ukraine, alors que Paris va-t-en guerre n'a donné «que» 640 millions de matériel de guerre). Naturellement, les agendas politiques internes et au sein de l'UE pèsent sur des décisions parées de vertu. Les écoutes de généraux allemands qui ont illustré la volonté d'organiser militairement les livraisons d'aides à Kiev mais sans apparaître directement, ainsi que les atermoiements pour livrer des missiles Taurus (qui pourraient aboutir à un «commerce circulaire» via le Royaume-Uni et l'échange avec des missiles Storm Shadow) ne peuvent cacher que Berlin est totalement inféodée à Washington depuis 1945. 7 (https://reseauinternational.net/macron-sen-va-t-en-guerre-suite/#easy-footnote-bottom-7-392633). D'ailleurs le refus de livrer des Taurus fait suite au refus de livrer des Chars Leopard 2 qui ont finalement constitué le matériel le plus nombreux dans les brigades blindées de Kiev, ce qui en relativise la portée. L'attitude du chancelier Scholz a certainement à voir avec des pressions internes et probablement une volonté de poignarder dans le dos l'ancien partenaire français.


(https://reseauinternational.net/wp-content/uploads/2024/03/La-vision-du-president-Macron-est-orientee-en-fonction-de-lUE.jpg.webp) (https://i0.wp.com/reseauinternational.net/wp-content/uploads/2024/03/La-vision-du-president-Macron-est-orientee-en-fonction-de-lUE.jpg.webp?ssl=1)

La vision du président Macron est  orientée en fonction de l'UE

En complément, on notera que Londres continue son action subversive contre la Fédération de Russie et semble envisager d'être présente à Odessa.

«Respirons maintenant, dit la Mouche aussitôt : J'ai tant fait que nos gens sont enfin dans la plaine.»

Autres données périphériques, suite à la conférence d'Antalya, la Turquie pourrait obtenir du gaz via le Turkmenistan pour limiter ses achats à la Russie tout en maintenant son contrôle sur l'Azerbaidjan (producteur de pétrole), alors que le gouvernement arménien Pashinyan souhaite le départ des Russes de la base de Gyumri, le retrait de l'OTSC (Organisation du traité de sécurité collective) et une possible intégration dans l'UE avec un rapprochement marqué vers Paris. L'Ouzbékistan, enfin, déclare vouloir se rapprocher des USA militairement et de l'UE économiquement. On décèle une volonté anglosaxonne de réactiver le défunt Pacte de Bagdad voire pour Londres de raviver le «grand jeu» livré contre Moscou dans la région. Le traité d'organisation du Moyen-Orient («pacte de Bagdad»), du 24 février 1955 rassemblait le royaume d'Irak, la Turquie, le Pakistan, l'Iran impérial et le Royaume-Uni. Avec le départ de l'Irak et l'entrée des USA en 1958, l'Alliance devient l'Organisation du traité central (Central Treaty Organisation, CenTO), dans le cadre de la stratégie d'endiguement (containment) mise en place par les USA au moyen d'alliances (OTAN, OTASE).


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Le président turc Erdogan appose son autographe sur un drone dans la région de Batman


Ces différentes positions dont les conséquences réelles restent à déterminer, n'impliquant pas une action militaire directe, mais participent d'une stratégie de tension qui contraint la Russie à mobiliser ses forces sur des fronts multiples.

«Qui aures habet, audiat

Autre source d'information, le récent discours du président russe. En effet, alors que les médias français les écartent ou n'en retiennent que des éléments tronqués et biaisés, Vladimir Vladimirovitch Poutine a toujours tenu une position cohérente et argumentée, donc particulièrement utile pour tenter d'analyser les conséquences des propos présidentiels français.



Ce dernier point est important car il semble indiquer que le Kremlin ne considère pas que cette présence de troupes de l'OTAN sur le sol ukrainien justifierait un recours à des armes nucléaires. Si ces forces sont frappées autrement, c'est l'OTAN qui aurait l'initiative d'une escalade par l'article 5, option qui semble ne pas recevoir l'aval de toutes les parties (retrait US, refus italien, hongrois et slovaque, prudence allemande, silence espagnol...).

Les propos poutiniens sur l'envoi de troupes étrangères démontrent également une volonté d'insérer un coin dans l'Alliance en ravivant des différends historiques : «Si des troupes polonaises entrent sur le territoire de l'Ukraine, pour couvrir la frontière biélorusse par exemple, je pense qu'elles n'en sortiront jamais. Parce qu'ils voudront récupérer ces terres qu'ils considèrent historiquement comme leur appartenant et enlevés par Josef Vissarionovitch Staline «le père des nations» et transférées à l'Ukraine.  Bien sûr ils veulent les récupérer.» Ces différends sur les tracés frontaliers historiques ne sont pas sans évoquer le principe d'intangibilité des frontières coloniales qui nourrit tant de conflits en Afrique9 (https://reseauinternational.net/macron-sen-va-t-en-guerre-suite/#easy-footnote-bottom-9-392633). 

Dans le cadre de négociations de sortie de guerre, on ne peut exclure une résurgence de ce facteur, La Pologne revenant à l'alliance polono-lithuanienne et récupérant LVOV et sa région à défaut d'Intermarum, la Hongrie reprochant à Kiev la manière dont sont traités les magyarophones par suite du dépeçage du Royaume de Hongrie après la chute de l'Empire austro-hongrois, et la Roumanie ne voyant certainement pas d'un mauvais œil de récupérer la Moldavie arrachée par l'URSS. Exclue dès 2022 par les responsables occidentaux, cette option n'apparaît toutefois pas plus irréaliste ou injuste que le démembrement de la Yougoslavie en 1992, puis de la Serbie en 1999, ou la récupération du Karabakh par Bakou en 2020, entre autres10 (https://reseauinternational.net/macron-sen-va-t-en-guerre-suite/#easy-footnote-bottom-10-392633).

(https://reseauinternational.net/wp-content/uploads/2024/03/manoeuvres-OTAN-en-Pologne.jpg.webp) (https://i0.wp.com/reseauinternational.net/wp-content/uploads/2024/03/manoeuvres-OTAN-en-Pologne.jpg.webp?ssl=1)

Les manœuvres de l'OTAN en Pologne visent à dissuader la Russie et à prépositionner
des troupes et des moyens

S'il est probable que la France va tenter de nuire à la Russie par tous les moyens dont elle dispose, y compris par le truchement d'alliances, ses six brigades (2 blindées, deux mécanisées, une parachutiste et une de montagne) ne peuvent pas être déployées intégralement et ne pèseraient pas très lourd avec une demi- semaine d'autonomie de feu. Cependant, la dangerosité d'armées occidentales avancées même impropres à la guerre de haute intensité industrielle, reste importante comme l'illustre le cas britannique. Paris dispose de nombreuses options pour exister par sa capacité de nuisance, qu'il ne nous appartient pas de développer ici. Le défaitisme apparent de Kiev11 (https://reseauinternational.net/macron-sen-va-t-en-guerre-suite/#easy-footnote-bottom-11-392633) semble pouvoir s'expliquer par une campagne psychologique visant à créer un excès d'optimisme russe et à générer un courant de sympathie et une résurgence de l'aide occidentale, dans le cadre de démarches comme celle du président Emmanuel Macron. Ce dernier est inamovible jusqu'en 2027 et dispose de facto de tous les leviers de commande malgré une absence de majorité absolue au Parlement. Un facteur qui semble minoré voire méconnu dans les analyses des médias français, tient aux critiques que subit le candidat à sa réélection en Russie. Loin de la simple formalité que les médias présentent, la présidentielle russe a mis en évidence des critiques d'un pouvoir qui commence à s'user après deux décennies : Non seulement celles des «libéraux» qui veulent faire pencher la Russie vers le mode de vie occidental et s'appuient sur des forces financières et l'investissement partiel de l'appareil d'État, mais aussi de ceux qui ont connu l'URSS et reprochent au président actuel une ligne trop «molle». Le traitement de l'immigration, la répartition de la richesse et sa capture par des nantis, les relations avec «l'étranger proche», la confrontation avec l'Occident sont autant de sources de reproches, certes peu virulents mais réels. L'implication de plus en plus criante de l'Ouest aux côtés de Kiev renforce la stature et la décision du président russe, qui a su faire comprendre que la SVO était devenue une guerre existentielle. Cela, toutes proportions gardées, fait songer au fameux discours de Staline le 3 juillet 1941 «toutes les forces du peuple pour écraser l'ennemi !».

La suppression des «lignes rouges» ne permet pas de deviner quelles seront les rétorsions russes, mais l'hypothèse nucléaire paraît s'éloigner en l'état. Il est possible que les élections passées (présidentielle en Russie, européennes en France, voire présidentielle aux USA) la pression retombe un peu. A moins bien sûr que le président russe n'ait lui aussi cultivé la fameuse «ambiguïté stratégique» pour conserver un effet de surprise dont les forces françaises pâtiraient. Un survol des capacités respectives suscite quelque inquiétude :

On conclura toutefois en se rassurant, le tempo opérationnel russe ne laisse pas envisager une avancée sur Kiev ou Odessa avant des mois, ce qui laisse du temps pour évoluer aux orientations et positions politiques, avant que les éventuelles forces françaises avancées ne soient menacées directement.

*

Un souverain ne saurait lever une armée sous le coup d'un mouvement d'humeur et de sentiments de colère ou d'exaspération. Entreprendre une telle action ne doit être que le fait d'intérêts sereinement calculés et partagés par les intéressés.

N'oubliez jamais que votre dessein, en faisant la guerre, doit être de procurer à l'État la gloire, la splendeur et la paix, et non pas d'y mettre le trouble, la désolation et la confusion.

Car si la joie peut succéder à la colère et la sérénité à l'irritation, les nations anéanties ne ressuscitent pas de leurs cendres, ni les morts à la vie.

Sun Tzu, l'art de la guerre, chapitre XII, les cendres de la victoire


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