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Fonctionnaires : la gestion Sarkozy épinglée par la Cour des comptes :

Démarré par JacquesL, 21 Décembre 2009, 01:13:16 AM

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JacquesL

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CiterFonctionnaires : la gestion Sarkozy épinglée par la Cour des comptes
LE MONDE | 17.12.09 | 11h25

Le premier président de la Cour des comptes n'y va pas par quatre chemins. La politique du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, impulsée par Nicolas Sarkozy, est "dictée par des considérations budgétaires de court terme". Elle résulte d'une "démarche purement quantitative". "Incapable d'analyser les besoins et de programmer ses effectifs en conséquence", l'Etat, ajoute Philippe Séguin, a mis en œuvre une méthode qui "récompense les mauvais élèves, ceux qui, du fond de la classe, résistent aux efforts de productivité".

Ce rappel à l'ordre, en forme de réquisitoire, a été assené, mercredi 16 décembre, lors de la publication d'un rapport de la Cour sur l'évolution des effectifs de l'Etat entre 1980 et 2008. L'enquête a nécessité deux ans et demi de travail et mobilisé les magistrats des sept chambres.

TROUVER AUTRE CHOSE POUR ASSAINIR LES COMPTES PUBLICS

Le constat qu'ils dressent est d'autant plus sévère que le gouvernement, confronté à un déficit budgétaire record, fait de la maîtrise des effectifs un signe de bonne gestion. Il a prévu de supprimer 33 754 postes dans l'administration en 2010, après un peu plus de 50 000 les deux années précédentes.

L'enjeu est important puisque sur une vie, précise la Cour des comptes, un fonctionnaire coûte à l'Etat 3,5 millions d'euros. En 2007, les dépenses de personnel, pensions comprises, ont représenté près de 300 milliards d'euros, absorbant la moitié des dépenses nettes du budget. Pour réaliser sa politique, le gouvernement s'est appuyé sur le choc démographique marqué par des départs en retraite massifs.

La règle générale a été de ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux. Mais, souligne la Cour des comptes, cette conjoncture est en train de changer. Depuis 2008, le choc démographique s'atténue. A partir de 2013, il n'existera plus. Il faudra alors trouver autre chose pour espérer assainir les comptes publics.

Cette autre chose, affirment les magistrats, c'est une gestion prévisionnelle des ressources humaines, allant bien au-delà de la révision générale des politiques publiques (RGPP) engagée par le gouvernement. Les magistrats déplorent qu'à chaque fois que l'Etat a eu une occasion de se réorganiser, lors des lois de décentralisation par exemple, il n'est pas parvenu à le faire, faute de vision ou de volonté : en vingt ans, trente-six textes sur la mobilité se sont succédé sans effet probant.

Du coup, les créations d'emplois ont progressé de 36 % entre 1980 et 2008. Cela représente 1,4 million d'agents supplémentaires pour un effectif de 5,3 millions d'agents. Le personnel de l'administration d'Etat (2,3 millions d'agents) a augmenté de 14 %; alors même que celui des collectivités territoriales (1,6 million) faisait un bond de 71 %.

Avec le transfert des compétences et des agents vers les collectivités locales, la décentralisation du début des années 1980 "aurait dû en toute logique permettre un allégement des tâches de l'Etat", remarque M. Séguin. Il n'en a rien été puisque "aucune baisse ni même de stabilisation" n'a été constatée. Au contraire.

Dans certaines administrations (l'équipement par exemple), l'Etat a maintenu des fonctionnaires pour contrôler les missions qui avaient été confiées aux collectivités locales Dans d'autres domaines, la culture, la santé, les affaires étrangères par exemple, il a "externalisé" certaines de ses missions à des opérateurs.

En 2007, ces organismes compteraient 415 000 emplois et ont perçu 21 milliards d'euros de subventions. Avec la règle du non-remplacement partiel des départs à la retraite, "l'Etat se félicite d'avoir supprimé près de 75 000 emplois entre 2006 et 2008. Mais, souligne M. Seguin, les opérateurs en ont créé 50 000".

EXTENSION DE LA RÈGLE

Pour l'essentiel, ces opérateurs et agences publiques remplissent de nouvelles fonctions, dans le secteur social, de la santé, de l'emploi, de l'environnement, de l'énergie ou de la culture. Jusqu'à présent, ils échappaient à la norme de réduction des effectifs appliquée à l'Etat.

Dorénavant, ils devront s'y conformer. Devant leurs directeurs réunis à Bercy, le ministre du budget Eric Woerth, a confirmé l'extension de la règle du non-remplacement des départs à la retraite dans leurs organismes. Aussitôt, les musées parisiens se sont mis en grève pour protester contre cette application uniforme.

Philippe Séguin considère que l'Etat est "victime de ses propres rigidités et de son incapacité à définir une vision stratégique pour ses personnels." Sinon, comment expliquer que les effectifs de l'administration de l'agriculture et de ses opérateurs aient doublé alors que, précise-t-il, "le poids de l'agriculture dans l'emploi total et la richesse nationale était divisé par deux."

La cour s'étonne aussi qu'entre 1980 et 2006, le nombre d'enseignants ait augmenté de 16 % alors que le nombre d'élèves a diminué de 4 %. Tout gouvernement, quel qu'il soit, peut-il résister à la tentation de "recruter à tour de bras pour montrer qu'une politique est prioritaire ?", s'interrogent les magistrats.

Le "meilleur exemple" serait, selon eux, celui de la sécurité et de la police, un des domaines choyés par le chef de l'Etat. "Le ministère de l'intérieur juge qu'il n'y a toujours pas assez de policiers puisque la délinquance aurait augmenté de 30 % entre 1989 et 2006, tandis que les effectifs progressaient de 20 %." Or, la France compte un policier pour 250 habitants, l'Italie un pour 303 et le Royaume-Uni un pour 380. Et encore, le chiffre français ne prend-il pas en compte la police municipale et le recours aux sociétés privées.

Dans la réponse qu'il a adressée à la cour, le premier ministre François Fillon se dit favorable "au suivi consolidé de l'emploi public total", mais il se défend de mener une politique purement comptable. "Le souci du gouvernement a bien été de conduire parallèlement la révision générale des politiques publiques et la politique de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. La première permettant d'identifier les moyens de mettre en œuvre la seconde», explique-t-il.

Michel Delberghe
Article paru dans l'édition du 18.12.09