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Obama commence bien. Par Sébastien Castellion. 28 novembre 2008.

Démarré par JacquesL, 07 Janvier 2009, 03:38:37 PM

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JacquesL

CiterObama commence bien (info # 012811/8)
Par Sébastien Castellion
Vendredi 28 novembre [08:49:00 UTC]

sans
© Metula News Agency



J'avais été le premier à prévoir dans ces colonnes que Barack Obama avait de bonnes chances d'être élu, tout en faisant part de mes doutes sérieux sur ses capacités à exercer les fonctions de président. Mais à la Mena, comme certains l'auront déjà remarqué, nous ne sommes pas exactement des partisans fanatiques de la ligne enderlinienne (« ne jamais avouer qu'on a pu se tromper ») en matière de journalisme. Tout le monde se trompe la plus grande partie du temps ; la seule chose qui peut être risible serait de ne pas l'admettre.



Entendons-nous : je ne sais pas encore si Obama fera un bon président. Après tout, il n'a pas encore occupé ses fonctions pendant une seule seconde. Mais les nominations qu'il a annoncées depuis son élection, ainsi que les messages qu'il a déjà fait passer, sont – à une importante exception près – franchement rassurants.



Commençons par l'exception : le choix d'Obama pour être son prochain Attorney General (ministre de la Justice et chef de la Police Fédérale) augure mal de l'intégrité de la justice sous le Président Obama. Eric Holder a, certes, de l'expérience : il était l'adjoint de Janet Reno, Attorney General sous le Président Clinton. Mais il s'est principalement distingué dans cette charge par son rôle direct pour contourner toutes les procédures légales et obtenir, le 20 janvier 2001 – soit dans les dernières minutes de pouvoir de Clinton – que le Président Clinton amnistie Marc Rich, un fugitif accusé d'une fraude de plusieurs millions de dollars et d'avoir illégalement fait des affaires avec l'Iran pendant la crise des otages de 1979.



Il est de règle que les demandes d'amnistie doivent être instruites par les services de l'Attorney General. Mais Eric Holder, qui occupait la deuxième place à la tête de ces services, avait rencontré l'avocat de Rich et l'avait présenté à un ancien conseiller pour la justice de Clinton, Jack Quinn, pour que celui-ci puisse faire pression directement sur le Président.  Par la suite, Holder, tenu au courant des événements par Quinn, n'a jamais rappelé les règles élémentaires de procédure et a béni la préparation directe d'une décision d'amnistie à la Maison Blanche, sans aucune consultation de son ministère, car il savait que l'avis de ses services serait négatif.



Ajoutons que la femme de Marc Rich avait, au cours des années précédentes, contribué à raison d'environ 1,5 million de dollars au parti Démocrate, à la campagne sénatoriale d'Hillary Clinton et à la fondation de la Librairie Clinton... cela nous permet de comprendre pourquoi la nomination du prochain Attorney General n'est pas de nature à améliorer l'atmosphère politique à Washington.



Le Président-élu, comme je l'ai rappelé dans un article précédent, a montré dans le passé un goût certain pour les coups tordus. Son ministre de la Justice ne devrait pas être exactement une influence modératrice.



Mais toutes les autres nominations d'Obama, à ce jour, semblent prouver que le Président-élu – qui avait pris pendant la campagne des positions pacifistes en matière de politique étrangère, protectionnistes et « redistributrices » en économie – ne croyait, Dieu merci, pas à un mot de ce qu'il disait.



La gauche hystérique du parti Démocrate – hostile au capitalisme et à toute démonstration de force des Etats-Unis, convaincue que Bush est le destructeur des libertés publiques – avait cru trouver en Obama son messie. Elle a fait pencher la balance en sa faveur pendant les primaires. La nuit de son élection, elle a orchestré une clameur mondiale de bonheur : une nouvelle ère était arrivée, où l'Amérique sacrifierait avec joie ses intérêts à ceux du monde, et où le capitalisme libéral serait soumis aux impératifs de la justice sociale.



Mais depuis deux semaines, à chaque nomination annoncée par le Président-élu, ce groupe de fidèles voit ses intérêts systématiquement jetés aux orties. En excellent politique, Obama avait identifié un groupe charnière pendant les primaires et a su le séduire. Mais en Président des Etats-Unis, il semble avoir suffisamment de sens de ses responsabilités devant l'histoire pour traiter ce groupe avec l'infini mépris qu'il mérite.



En politique étrangère, les trois principales nominations d'Obama permettent de prévoir une forte continuité avec l'administration Bush. Le nouveau Secrétaire d'Etat (ministre des Affaires Etrangères) sera le Sénateur Hillary Clinton. Madame Clinton avait voté en faveur de l'invasion de l'Irak et a, en grande partie, perdu les primaires Démocrates parce qu'elle refusait de se désolidariser aussi nettement que les autres candidats de la politique étrangère du Président Bush.



Elle avait, notamment, fortement critiqué la proposition du candidat Obama de rencontrer directement et sans condition les chefs d'Etat finançant et soutenant le terrorisme mondial. Ces prises de positions, peu populaires dans la base Démocrate, étaient une mauvaise tactique et lui ont sans doute coûté la présidence. Mais elles ont manifestement rassuré le nouveau président sur la capacité du Sénateur à mener une politique étrangère qui ne soit pas esclave de la fraction hystérique de son parti.



Mais enfin, le Sénateur Clinton est du moins membre du parti Démocrate ; il n'en va pas de même des deux autres nominations au sommet de la politique étrangère américaine. Le conseiller national pour la sécurité du Président Obama sera le général James Jones, un ancien Marine sans affiliation politique, précédemment commandant en chef des forces de l'OTAN. Ce choix est, à ces fonctions, le plus militariste depuis plus de vingt ans.



Bush I avait nommé l'intellectuel et homme d'affaires Brent Scowcroft (ancien pilote de l'armée de l'air) ; Clinton, le diplomate Anthony Lake et le juriste Samuel Berger ; l'actuel président avait choisi l'intellectuelle Condoleezza Rice, puis l'inexistant juriste Stephen Hadley. Il faut remonter au Président Reagan pour voir un général, Colin Powell, exercer les fonctions de conseiller national pour la sécurité.



Enfin, le premier ministre de la Défense du Président Obama sera... l'actuel ministre de la Défense du Président Bush, Robert Gates, ancien directeur de la CIA. Gates est un Républicain, personnellement lié à la famille Bush. Il a présidé à l'augmentation des moyens militaires en Irak qui, depuis le printemps 2007, a permis la victoire américaine. Il était jusqu'à très récemment l'une des cibles préférées des Démocrates hystériques, qui l'accusaient d'encourager la torture et la remise de terroristes à des pays tiers.



Pendant la campagne électorale, Gates avait critiqué le plan alors mis en avant par Obama pour un retrait de l'Irak en 16 mois. Ce plan peut désormais être tenu pour mort : un accord entre l'Irak et les Etats-Unis, négocié par Gates pour le compte du Président Bush, prévoit que les troupes américaines resteront jusqu'en 2011. Obama recrute donc Gates pour mener la politique de Bush, et non celle qu'il défendait lui-même pendant la campagne. Ceux qui avaient voté pour Obama au nom du « changement » – et qui rêvaient que sa présidence serait le début d'un nouvel âge des affaires internationales – semblent condamnés à se réveiller avec un mauvais mal de crâne.

L'image est à peu près similaire en politique économique. Le prochain Secrétaire au Trésor sera Timothy Geithner, président de la Réserve Fédérale de New York – c'est-à-dire, en pratique, représentant de la Réserve Fédérale (banque centrale américaine) auprès des marchés financiers.



Geithner a eu un rôle majeur dans la réponse de l'administration Bush face à la crise – sauvetage de banques en difficulté, baisse des taux d'intérêt, supervision de Fannie Mae et Freddie Mac. Son affiliation politique n'est pas claire (il a tenu des rôles importants sous Clinton mais était considéré comme l'une des promotions probables en cas de victoire de McCain) ; ce qui est clair est qu'il représente la continuité la plus absolue par rapport à la politique économique de Bush.



Parmi les autres nominations en politique économique, on peut noter deux des Démocrates les plus modérés du pays – Peter Orszag, un jeune économiste qui sera chargé de la préparation du budget fédéral, et surtout Lawrence Summers, ancien Secrétaire du Trésor du Président Clinton, qui va prendre la tête du conseil économique du nouveau président et les fonctions d'assistant du Président pour la politique économique.



Summers est ouvertement favorable au libre-échange et à la mondialisation. Il s'était fait détester des Démocrates hystériques – qui avaient fini par le chasser de son poste – lors de son passage à la tête de l'université d'Harvard, entre 2001 et 2006, lorsqu'il avait émis l'hypothèse qu'il pouvait y avoir, entre autres, des raisons génétiques au fait que moins de femmes que d'hommes se spécialisent dans les sciences et l'ingénierie.



Quant à Orszag, en l'introduisant à la presse, Obama a insisté sur la nécessité d'« éliminer les programmes dont nous n'avons pas besoin et de veiller à ce que ceux dont nous avons besoin fonctionnent de manière efficace ». Cette approche bureaucratique des choses – extrêmement respectable – n'était pas vraiment ce que la gauche du parti Démocrate avait en tête en élisant Obama.



En plus de toutes ces nominations de modérés, indépendants ou Républicains, les premières décisions d'Obama sont remarquables par l'absence de toute concession faites aux hystériques. Aucun des anciens camarades du nouveau président, à l'époque pourtant proche où lui-même fréquentait volontiers l'extrême-gauche, n'a été nommé à aucun poste de responsabilité. Même la femme d'Obama – une gauchiste bien plus convaincue que lui et manifestement ambitieuse – a annoncé qu'elle se voyait avant tout comme « première maman », un signe clair que le Président ne veut pas lui donner une influence politique visible.



Ce rôle secondaire (et inattendu) de la Première Dame montre qu'Obama a appris sa leçon de l'échec initial du Président Clinton. Celui-ci, en 1992, avait donné un rôle considérable à sa femme (qui représentait elle aussi l'aile gauche à l'époque, même si elle a beaucoup évolué depuis) en lui confiant une réforme complète du système de santé qui échoua lamentablement, conduisant à un triomphe historique des Républicains aux élections législatives de 1994. Au total, les nominations d'Obama sont d'ailleurs (pour l'instant au moins) nettement à la droite de celles du Président Clinton – pourtant réputé plus modéré – en 1992.



Pour l'instant, la gauche du parti Démocrate n'a pas encore réagi à cette trahison. D'abord, les nominations sont loin d'être terminées : l'école hystérique risquerait de gâcher les chances qui lui restent de placer certains de ses hommes si elle se mettait à protester trop tôt. Et puis, après avoir travaillé dur pour créer une bulle d'enthousiasme en faveur du président élu, personne à gauche ne veut être le premier à la faire éclater. Et, bien sûr, il n'est jamais agréable d'admettre que l'on a été naïf et que l'on s'est fait avoir par son propre héros.



Le seul changement notable dans la rhétorique de la gauche – un changement qui se répercute jusqu'en Europe, car c'est dans cette école qu'une bonne partie de la presse européenne va chercher ses sources américaines – est qu'elle parle déjà beaucoup moins de changements radicaux, que ce soit « la fin du capitalisme financier » ou « la fin de l'hostilité du monde contre l'Amérique ». Les lecteurs se rappellent peut-être l'époque lointaine – il y a trois semaines environ – où ces deux thèmes étaient constamment répétés par toute la presse.



Depuis, l'enthousiasme des hystériques s'est beaucoup calmé. Il n'est pas difficile de conclure qu'ils ont révisé leurs espoirs à la baisse en voyant les nominations du nouveau président, et qu'ils sont encore en phase de dégrisement.



Certains membres de la gauche Démocrate essaient de garder espoir, en prétendant qu'Obama saura imposer des idées radicales à des collaborateurs modérés. Cet argument ne devrait pas résister longtemps : le choix des collaborateurs est un signal bien plus fiable des intentions d'un dirigeant que les promesses de campagne.



A moins qu'Obama ne redresse la balance dans les prochaines semaines et ne nomme des représentants de la gauche aux postes qui restent à pourvoir, les premiers signes indiquent une présidence modérée – à la gauche de celle de Bush sur les questions de société, bien sûr, mais pas si différente sur les questions, bien plus importantes pour le reste du monde, de politique étrangère et de politique économique.

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