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La marée montante du chômage mondial :

Démarré par JacquesL, 16 Février 2009, 08:41:17 PM

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JacquesL

http://www.lemonde.fr/web/imprimer_element/0,40-0@2-3234,50-1155817,0.html :

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La marée montante du chômage mondial
LE MONDE ECONOMIE | 16.02.09 | 17h16

Les partenaires sociaux, qui se réunissent à l'Elysée mercredi 18 février pour débattre de l'"agenda social" français, partagent la préoccupation de nombreux Etats en 2009 : "préserver l'emploi". Mais l'impact de la crise à court terme est inévitable. Le Bureau international du travail (BIT) a corrigé, fin janvier, ses chiffres à la hausse, prévoyant entre 210 millions et 240 millions de chômeurs dans le monde fin 2009 soit, au pire, 51 millions de chômeurs de plus qu'en 2007. Les plus fortes hausses sont attendues dans les pays développés et l'Union européenne. L'Espagne, la plus touchée des Vingt-sept, passera de 11,3 % à plus de 16 %. Le BIT annonce aussi 200 millions de travailleurs extrêmement pauvres supplémentaires. Les systèmes de protection sociale actuels pourront-ils résister à un tel afflux de sans-emploi ?

Les pays sont affectés par la crise de façon très inégale. Surtout, "personne ne sait aujourd'hui si l'on est dans une grave crise de court terme, ou si l'on s'installe dans une décroissance de long terme, estime l'économiste Michel Husson, de l'Institut de recherches économiques et sociales (IRES). Or, la réponse sociale adaptée est très différente dans les deux hypothèses."

Dans un scénario de court terme, les taux de chômage annoncés pour 2009 sont en deçà de ce que l'on a connu par le passé : en France, la Commission européenne prévoit 9,8 % pour 2009, contre près de 11 % annuels de 1993 à 1998. Aux Etats-Unis, le chômage avait atteint 25 % en 1933, contre 7,3 % prévus pour cette année. Et l'Espagne affichait un taux de chômage de 24,2 % en 1994.

"Les systèmes de protection actuels sont capables, en partie, de répondre à la crise, juge le sociologue Jean-Claude Barbier, du Centre d'économie de la Sorbonne, mais pas pour toutes les catégories et pas dans tous les pays, par exemple, les Roms en Hongrie ou les ouvriers non qualifiés au Royaume-Uni". De 1984 à 2001, le taux d'activité de cette catégorie y avait déjà chuté de 81 % à 44,7 %. Le Danemark, en revanche, est l'un des pays les plus à même de résister au choc.

Un chômeur danois peut en effet toucher jusqu'à 82 % de son dernier salaire brut pendant quatre ans, avec un plafond d'environ 2 000 euros par mois. "Une plus grande couverture sociale est un facteur d'amortissement macroéconomique et de résolution des situations individuelles, commente M. Barbier. Les politiques sociales les plus généreuses, comme au Danemark, ou même moins généreuses, en France et en Allemagne, sont probablement les plus aptes à amortir la crise."

Pourtant, ces dernières années, les systèmes de protection sociale ont été restreints, à l'époque de Margaret Thatcher au Royaume-Uni, avec les réformes Hartz lancées par Gerhard Schröder en Allemagne, et à partir de la crise financière de 1992 en Espagne et en France. Des systèmes longtemps généreux, comme la Suède, l'Allemagne et la Belgique, ont été durcis. La tendance générale était à la réduction des indemnisations et de leur durée, et au contrôle de la recherche effective d'emploi. "La reconnaissance collective du droit à l'emploi a cédé progressivement la place à l'idée d'une responsabilité individuelle du chômage", résume Florence Lefresne, spécialiste des politiques d'emploi à l'IRES.

UN POIDS SUR LA COMPÉTITIVITÉ

Aujourd'hui, en France, les allocations chômage, le RMI et les prestations familiales aident encore à amortir les conséquences de la crise. Ce qui est loin d'être le cas dans tous les pays. Les pays baltes sont à la fois en quasi-faillite et très mal dotés en protection sociale. Le Royaume-Uni qui, en 1911, fut le premier à créer une assurance-chômage obligatoire, n'affectait plus en 2006 que 0,67 % de son PIB aux dépenses publiques pour le marché du travail. Les indemnisations y sont forfaitaires et d'un niveau peu élevé. Et les sans-emploi y sont davantage indemnisés par les régimes d'invalidité et d'assistance que par l'assurance-chômage. Il y a actuellement trois fois plus d'invalides que de chômeurs indemnisés au Royaume-Uni. Cette porosité entre les différents types de couvertures sociales s'est généralisée, avec la mise en place des réformes restrictives de l'indemnisation chômage.

La gravité de la crise va-t-elle inverser cette tendance ? La montée brutale du chômage dans les années 1990 avait fait surgir un problème de coût de nature à peser sur la compétitivité des Etats, explique Florence Lefresne dans la dernière Chronique internationale de l'IRES (n° 115). Mais aujourd'hui, la flambée du chômage met les gouvernements face à une responsabilité particulière : si les millions de chômeurs annoncés étaient mal indemnisés, cela contracterait fatalement la demande, aggraverait la récession et pourrait conduire à une explosion sociale. En réaction à la vague de licenciements annoncés, le premier ministre britannique, Gordon Brown, à contre-courant des récentes réformes, s'est engagé le 12 janvier à débloquer 500 millions de livres (565 millions d'euros) pour soutenir les chômeurs de longue durée.

Aux Etats-Unis, où "un grand nombre d'Etats n'ont plus aujourd'hui les liquidités pour verser les indemnités chômage", assure Catherine Sauviat de l'IRES, des réformes provisoires sont en discussion pour ouvrir aux chômeurs l'accès à l'assurance-maladie, perdue en même temps que leur travail. Depuis l'été 2008, les gouvernements ont multiplié les mesures de protection sociale provisoires : incitation au chômage technique aux Pays-Bas, en France, en Allemagne ; allongement de la durée des indemnisations au Japon, aux Etats-Unis, en Allemagne.

Mais le choc annoncé n'a pas encore provoqué de réel New Deal social. Les Etats restent dans un traitement provisoire de la crise. Il n'y a pas pour l'instant, quelle que soit la nature du système ou la situation économique du pays, de réelle remise en cause des réformes. En France, des syndicats estiment que la relance sociale nécessiterait un fonds d'investissement de 5 milliards à 10 milliards d'euros, et non 1,4 milliard, comme le propose Nicolas Sarkozy. En Espagne, "les mesures prises par le gouvernement pour soutenir les chômeurs et relancer la consommation devraient limiter les dégâts dans un scénario de crise courte, d'autant que les finances de l'Institut national de l'emploi (le service public de l'emploi) sont à l'équilibre, explique Catherine Vincent, de l'IRES. Mais le système fonctionne avec de fortes subventions publiques, qui ne sauraient perdurer au même niveau sur le long terme."

Plus que la hausse du chômage, c'est l'aggravation de la pauvreté qui est à craindre. Aux Etats-Unis, Catherine Sauviat constate que "le système mis en place dans les années 1930 n'a guère changé dans sa structure ni dans sa logique, et protège un nombre de plus en plus restreint de personnes". Le chômage de longue durée persiste depuis plusieurs années, et la pauvreté s'aggrave. Le taux de pauvreté y est supérieur à la moyenne des pays développés. En France, "il y a eu depuis les années 1990 une segmentation de l'emploi et de la protection sociale qui multiplie les inégalités (jeunes, hommes-femmes, couverture retraite, peu qualifiés, peu formés). Ceux qui sont au croisement de plusieurs types d'inégalités sont les plus touchés. Et le cumul des inégalités aggrave le risque de pauvreté", estime M. Barbier, du Centre d'économie de la Sorbonne.

"Si l'on devait s'installer dans une récession longue, l'assistance deviendrait structurelle, analyse M. Husson, de l'IRES. Ce qui va poser la question des revenus de remplacement pour résister à la récession, voire celle d'une meilleure répartition des revenus."

Anne Rodier