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Zacarias Moussaoui, le raté d'Al-Qaida

Démarré par JacquesL, 17 Février 2007, 12:46:56 PM

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JacquesL

Zacarias Moussaoui, le raté d'Al-Qaida

LE MONDE | 26.04.06 | 15h03  •  Mis à jour le 26.04.06 | 15h03
ALEXANDRIA (Virginie) ENVOYÉS SPÉCIAUX

http://www.lemonde.fr/web/imprimer_element/0,40-0@2-3222,50-765546,0.html

Khaled Cheikh Mohammed, le "cerveau" des attaques du 11 septembre 2001, s'en méfiait comme de la peste. L'émir de la Jemaah Islamiyah, organisation islamiste de Malaisie affiliée à Al-Qaida, était prêt à tout pour s'en débarrasser. En Afghanistan, l'homme, qui se présente aux juges comme "un grand terroriste", servait de chauffeur à la maison d'accueil d'Al-Qaida à Kandahar.


Mais on prête à Oussama Ben Laden une attention particulière pour les songes prémonitoires. Et Zacarias Moussaoui a rêvé de précipiter un avion sur la Maison Blanche. "N'oublie pas ton rêve", aurait dit le chef d'Al-Qaida à Zacarias Moussaoui avant de l'envoyer aux Etats-Unis apprendre à piloter. Peu discret, celui-ci a fini par se faire arrêter le 16 août 2001, au banal motif d'un visa périmé.

Il est depuis sept semaines le personnage central de ce qui est devenu le "procès du 11-Septembre" voulu par le gouvernement américain à la fois comme exutoire et thérapie pour les proches des victimes. Mais plus de quatre ans d'enquêtes n'ont pas permis d'établir un lien direct entre Zacarias Moussaoui et les attaques.

"NOUS VOUS AURONS"

Marqué par un désir de grandeur et une tendance à la mythomanie, il a endossé avec enthousiasme un costume bien trop grand pour lui, celui du pilote d'un cinquième avion et du coupable idéal. Il pose en terroriste sanguinaire se moquant des sanglots et de la souffrance des familles des victimes et proclame son désir de "tuer tous les Américains" et de "combattre chaque jour". "Cela prendra le temps qu'il faut, dit-il, mais nous vous aurons."

Rien ne prédestinait Zacarias Moussaoui à jouer ce rôle et à occuper depuis quatre ans et demi les premières pages des journaux. Citoyen français né en 1968 à Saint-Jean-de-Luz (Pyrénées-Atlantiques) dans une famille d'immigrés marocains, il a découvert l'islam et le fondamentalisme à Londres au milieu des années 1990 et a soudain trouvé un but à sa vie : le djihad, la guerre sainte.

Pendant deux mois de procès, le Français a eu son heure de gloire. Le petit soldat d'Al-Qaida, qui suscitait méfiance et irritation chez la plupart de ses chefs, est pour l'instant la seule personne passible de la peine de mort pour les attentats du 11-Septembre. Il rêvait d'écraser un avion sur la Maison Blanche. Il a réussi à convaincre le jury du tribunal fédéral d'Alexandria, en Virginie, que ce cauchemar aurait pu devenir réalité. "Ils veulent ma tête, je vais la leur donner sur un plateau", a-t-il confié à sa mère.

A force d'être présenté comme une figure importante d'Al-Qaida, Moussaoui a fini par y croire. Mais il n'était manifestement pas fait pour cela. Quand Khaled Cheikh Mohammed l'envoie en Malaisie à la fin de 1999 pour apprendre à piloter, sur recommandation d'Oussama Ben Laden, les choses tournent mal rapidement. Il n'a pas assez d'argent, l'école ne lui convient pas, le climat est "trop humide".

Il suggère d'enlever des hommes d'affaires chinois pour obtenir des rançons et fait acheter 4 tonnes de nitrate pour fabriquer des explosifs. Un des dirigeants du Jemaah Islamiyah se rend même en Afghanistan pour demander le rapatriement de Moussaoui. Il est rappelé et réprimandé par Khaled Cheikh Mohammed.

Mais Ben Laden a un faible pour Zacarias. Celui-ci est envoyé aux Etats-Unis pour, à en croire Khaled Cheikh Mohammed, faire partie d'une hypothétique deuxième vague après le 11 septembre, sans équipes constituées ni entraînées, et sans objectifs déterminés.

Zacarias Moussaoui était incapable de se montrer discret. Il attirera l'attention en montrant d'importantes sommes d'argent en liquide, en se rendant dans les mosquées, en prêchant le djihad. Avant son départ pour les Etats-Unis, Khaled Cheikh Mohammed l'avertit de ne jamais mentionner le mot "avion" dans ses communications. Mais, à peine arrivé, en février 2001, le Franco-Marocain envoie un message détaillant son inscrïption dans une école de pilotage de l'Oklahoma. Khaled Cheikh Mohammed ne veut plus entendre parler de lui. Moussaoui se révélera vite lamentable comme pilote, incapable, après cinquante-cinq heures de vol, de prendre les commandes seul. Un élève normalement constitué y parvient après dix leçons d'une heure.

Recalé en Oklahoma sur de petits monomoteurs à hélice, il se rend dans la banlieue de Minneapolis (Minnesota) dans un des plus importants centres américains de formation sur simulateurs. Deux heures après l'avoir rencontré, son instructeur, Clarence Prevost, a des soupçons. Le surlendemain, Moussaoui est arrêté. Aucun membre d'Al-Qaida ne semble avoir appris son arrestation... Ni s'en être soucié.

Finalement, si son objectif est bien de finir en "martyr", la seule chose que Moussaoui peut réussir, c'est son procès. Il s'y est soigneusement préparé, décrivant à plusieurs reprises les audiences comme "un cirque, un spectacle hollywoodien". Selon le témoignage d'un de ses gardiens, Vikhas Ohri, il rit beaucoup, "tous les jours", après être rentré en cellule, en se remémorant les témoignages des familles de victimes du 11-Septembre.

La juge Léonie Brinkema l'a beaucoup écouté et a même montré une certaine patience devant les 272 motions envoyées par l'accusé, absurdes et insultantes, comme celle-ci, intitulée "Dieu maudisse la reine, petite salope de Buckingham". Il s'est fréquemment contredit. Mais, lors du procès, il a souvent réussi à se donner une figure à peu près cohérente. Prévenant pour la juge et les procureurs, il veillait parfois à ne pas se lancer dans de grands discours, voulant apparaître crédible.

Cela ne l'empêche pas de croire "à 100 %" à un autre rêve prémonitoire : "George Bush annoncera à la télévision et au monde avant la fin de son mandat qu'il me libère. Je prendrai un Boeing 747-400 à JFK pour Londres Heathrow en première classe, sans boissons, sans femmes... J'écrirai un livre, je gagnerai beaucoup d'argent et rejoindrai mes frères d'Al-Qaida dans les montagnes d'Afghanistan."

"GUERRE DE PROPAGANDE"

Zacarias Moussaoui est aussi persuadé qu'il a été constamment surveillé par le FBI avant son arrestation, qu'un micro avait été mis dans un ventilateur laissé à son intention. Il est convaincu que ses avocats font partie d'un grand complot pour le tuer. Et, dans le même temps, il se montre coopératif avec les procureurs, dont l'objectif déclaré depuis le premier jour est de le faire condamner à la peine capitale. Reflet d'une schizophrénie paranoïaque comme l'affirment les experts de la défense ou simples troubles de la personnalité selon ceux de l'accusation ? "Je ne suis pas un fou, mais un fondamentaliste", rétorque-t-il.

En prenant sa place, les 27 mars et 13 avril, sur le banc des témoins, Zacarias Moussaoui a affiché clairement son objectif : pour lui, tout cela n'est que "propagande". En plaidant coupable en avril 2005, contre l'avis de ses défenseurs, "je savais, dit-il, que mes aveux seraient sur Internet. C'est une guerre de propagande. Je sais que des musulmans les ont lus et qu'ils ont été contents de voir que je combattais".

Considéré longtemps comme "le vingtième pirate" du 11-Septembre, il s'est donné le rôle grandiose de pilote d'un cinquième avion, qui était toujours sans "équipage" moins d'un mois avant la date fatidique, à l'exception de son "copain", Richard Reid, terroriste presque aussi improbable que lui.

Mais, par cet aveu soigneusement prémédité, Moussaoui a fait basculer son procès vers la peine de mort. Il a confié sa satisfaction à son gardien : "Il a dit que les jurés l'avaient cru puisqu'ils l'avaient jugé passible de la peine de mort", a raconté Vikhras Ohri.

Devenir le premier condamné à mort du 11-Septembre ferait de lui un symbole, une figure d'Al-Qaida. Il deviendrait enfin le terroriste qu'il a rêvé d'être. Moussaoui a fini par croire à ses propres histoires. Le jury y croira-t-il aussi ?

Eric Leser et Alain Salles
Article paru dans l'édition du 27.04.06