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jacquesloyal

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Depôt de bilan des ZEP. L'enseignante poignardée

Démarré par Mateo, 13 Avril 2007, 10:46:54 PM

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Mateo

Chers amis,

je vous transmets un message fort de Matthieu Brabant :
--
Mateo.
CiterUne enseignante d'un lycée professionnel
d'Etampes a été poignardée aujourd'hui vendredi.


Il est évident que chacun se sent solidaire et exprime son soutien à la
collègue, à sa famille et à l'ensemble de la communauté éducative de ce lycée professionnel.

Lien nouvelobs.fr

Ce qui me pose question c'est l'emballement autour de ce drame.

Il faut rappeler que c'est un fait grave et exceptionnel : les
enseignants ne se font pas poignarder tous les jours ! Quel est le sens de
l'emballement médiatique ? Par naïveté, j'aimerais croire qu'il s'agit du
soutien de la population aux enseignants. La lecture du forum se trouvant
à la fin de cet article montre que certains fantasmes ont la vie dure : on y parle de laxisme, de
"peur au ventre", de "régression morale et intellectuelle", du bon vieux
temps, des jeunes qui ne respectent plus rien....

Sans nier les problèmes et violences, réels, auxquels sont confrontés
les enseignants se trouvant dans les établissements "difficiles" (ce
n'en n'était pas un...), il faut quand même rappeler par exemple que la
quasi-totalité des violences sont des violences élèves-élèves. Vous me
direz : mais c'est qu'il y a de la violence ! Je répondrai : oui mais la
violence n'est pour l'essentiel pas contre les enseignants : elle vise
l'institution et surtout c'est une violence "interne" selon les schémas
classiques décrits par les sociologues.

Des faits divers, des agressions, graves, "ça arrive",
malheureusement. Mais vouloir en faire une illustration de la violence "quotidienne"
des banlieues est malhonnête. Les choses sont bien plus compliquées que
cela.

Je ne vais pas faire ici de longue analyse, compliquée ou oiseuse : j'ai
moi-même mon lot de problème dans mon lycée professionnel, et j'avoue
très égoïstement vouloir profiter de mes quelques jours de vacances.
Mais je crois qu'il est nécessaire, concernant les violences à l'école,
de prendre du recul (et pas de relativiser, j'ai bien écrit "prendre du
recul") et de laisser faire à l'institution judiciaire sont travail.

J'ai par ailleurs été choqué par le traitement de l'image de certains
médias : j'ai vu des images sur France 3 et sur M6. Dans les deux cas,
les enseignants ont été filmés, "à la sauvette", par les journalistes.
N'ont-ils pas le droit d'avoir un peu d'intimité ? N'ont-ils pas le
droit de pleurer sans en faire profiter toute la France ?
France 3 a par ailleurs diffusé l'interview d'un camarade de classe de
l'agresseur à visage découvert, M6 décidant de le "flouter".

Je suis assez surpris de l'attitude du maire d'Etampes. Ce jeune homme
n'a le droit à aucune vie privée ? Même s'il est coupable d'un acte
très grave, et qu'il est en fuite, pourquoi raconter sa vie à l'AFP ? En
quelle qualité ?

Pourquoi réclamer que "ce garçon doit être puni à la hauteur de son
acte" ? C'est le travail de la justice, non ? Ou bien c'est le far west ?

Quant au ministre de l'Education Nationale, il vient soutenir les
enseignants. Soit. C'est le moins qu'il puisse faire. Dois-je rappeler que
sa réforme des ZEP va consister à retirer des moyens à certains
établissements pour les attribuer à d'autres ? "L'équipe éducative peut compter
sur la solidarité de l'Education nationale", a-t-il ajouté, ajoutant
qu'"Il y a beaucoup à revoir dans la société, dans l'éducation
parentale". Selon Gilles de Robien, "Ce n'est pas l'école qui est en cause mais
la société dans son ensemble". Voilà une déclaration constructive et
concrète, sûrement de quoi rassurer les enseignants.

Il y aurait beaucoup à dire , je voulais juste ici exprimer mon émotion
et ma solidarité avec la collègue, ma colère et mon incompréhension
face aux médias sans conscience et aux hommes politiques incompétents.

Matthieu Brabant
Mateo.

JacquesL

  Posté le 03/12/2006 23:44:31
L'Inspecteur ne rappelle jamais



Bien que tout le monde s'accorde en théorie sur le fait que sans éducation
ni recherche le pays continuera allègrement sur la lancée de son déclin, le
ministère de l'Éducation nationale, dit-on, doit faire des économies
budgétaires. En ces temps de restriction générale, la nouvelle a suscité
chez les enseignants un malaise de plus, peu susceptible d'améliorer leurs
relations avec le gouvernement. On pourrait pourtant faire appel à une
solution d'épargne inédite, qui éviterait de concentrer les économies sur le
seul dos des professeurs, ce qui est à la fois injuste et stratégiquement
peu payant, car non content de s'aliéner une profession, on passe pour
incohérent aux yeux de l'opinion publique : en effet, alors que le discours
ambiant ne cesse de chanter les vertus de l'éducation, la suppression de
postes aux concours de recrutement des professeurs (29% de moins au Capes)
paraît difficile à justifier, et donne l'impression d'un décalage entre les
beaux discours et la pratique. La question est donc de savoir s'il existe un
point faible dans l'économie générale de l'Éducation nationale, un fusible
secondaire que l'on puisse faire sauter sans que l'organisation ni les
missions de cette dernière soient aucunement perturbées. Or ce secteur
existe. C'est le corps, trop peu connu, des inspecteurs.

Les inspecteurs de l'Éducation nationale, chargés de surveiller et de noter
les professeurs, sont en effet la pire survivance du soviétisme du système.
Leur mission première repose d'abord sur des bases intellectuellement
incohérentes puisque l'Inspection est constituée de gens qui n'enseignent
pas (ou plus), c'est-à-dire de fonctionnaires qui, pour de multiples
raisons, ont abandonné un métier dont ils se font ensuite les conseillers,
les spécialistes et les juges : bel exemple d'émulation à l'envers que celui
qui consiste à former des professeurs par ceux qui ont avant tout cherché à
ne plus l'être. Leur méconnaissance du terrain réel s'accompagne de méthodes
abstraites et obsolètes, comme si un vétéran de la guerre de 40 expliquait
la guerre en Irak à de jeunes recrues. Leur rhétorique en dit d'ailleurs
long sur leur inadaptation aux réalités mixtes de pédagogisme et de sabir
qui transforme tout élève en «apprenant». Il est de notoriété publique
qu'aucun jeune professeur n'a jamais retiré quoi que ce soit de ces séances
bavardes et contraignantes de «formation» qui constituent une perte de temps
et d'argent pour tout le monde mais justifient le maintien d'une profession
d'autant plus discrète sur ses missions qu'elle les sent parfaitement
vaines. Ces bases ubuesques sont la réalité du système.

On pourrait cependant croire que les inspecteurs constituent une aide
efficace pour les professeurs inexpérimentés. Or, on l'a vu dans des
affaires récentes (l'agression filmée d'un professeur, celle d'un autre à
coups de poignard), les inspecteurs ne sont d'aucun secours pour un
enseignant qui rencontre des «problèmes» dans sa classe. Fidèles à la
logique moutonnière qui leur enjoint de ne pas faire de vagues, les
inspecteurs contactés par la jeune enseignante en détresse lui ont opposé
une fin de non-recevoir, cachés derrière l'incurie administrative jadis
décrite par Gogol. L'adoption de la politique de l'autruche, qui a couvert
des agissements pourtant graves, est à l'image d'une caste qui préfère se
taire plutôt que d'admettre son inutilité nocive. On pourrait citer pléthore
de cas dans lesquels la hiérarchie étouffante de l'Inspection générale
persiste dans son déni des faits : mais jamais elle n'en éclaire l'opinion
publique, trop soucieuse de participer à la maintenance d'un bateau à la
dérive. Si un employé ne peut pas compter sur sa hiérarchie, pis encore, si
celle-ci lui recommande l'obéissance aveugle, c'est que la politique de
l'Inspection générale est réglée par l'abjecte logique du mutisme généralisé
qu'on croyait réservée à l'armée d'autrefois. Il faut le savoir : quand on
est professeur, l'inspecteur ne rappelle jamais. Le secret est de règle à
tous les niveaux du système, qui explique l'immobilité générale d'une
institution chargée de perpétuer les dysfonctionnements.

Devenir universitaire, croit-on, est un moyen d'échapper aux flics de profs
(on sait que l'ancien leader de 68 Alain Geismar, ironie instructive, a
rejoint leurs rangs). Hélas, on les retrouve à tous les échelons, notamment
dans les jurys de concours de recrutement des professeurs (agrégation et
capes), où, quand ils ne sont pas nuisibles, ils se révèlent d'une
bureaucratique incompétence : on l'ignore, mais l'actuel président de
l'agrégation de lettres modernes, Philippe Le Guillou, est un inspecteur
général qui n'a rien trouvé de mieux que de chercher à sacrifier l'épreuve
de grammaire dans le plus haut concours de recrutement des futurs
professeurs de français, et de violer un principe d'équité, la double
correction des candidats. Devant le tollé des spécialistes unanimes, il a dû
faire machine arrière, sans toutefois renoncer à ses pouvoirs, décidant, au
mépris de toute justice, d'évincer la totalité d'un jury qui défendait une
exigence de qualité et d'égalité, fait unique dans l'histoire de
l'agrégation, concours censé former des élites.

Le discours sur la baisse du niveau trouve dans ce genre de pratiques un
fondement aussi concret qu'ignoré du grand public, qui croit à tort que
l'institution produit du mieux alors qu'elle sabote par des abus confiés à
des autocrates bornés les possibilités d'amélioration. Qu'ils soient
partisans de l'Ancien Régime ou staliniens, la plupart des inspecteurs, unis
dans la même logique de pouvoir, de médiocrité et d'absence de
communication, menacent les principes mêmes de l'enseignement sur lesquels
ils veillent. Leur seul rôle est de couvrir les injustices auxquelles ils
participent et de surveiller le bon, ou plutôt le mauvais fonctionnement des
choses.

Inefficaces, incompétents, voire même nuisibles, les inspecteurs de
l'Éducation nationale sont un corps entièrement artificiel qui décourage les
professeurs, abaisse le niveau et alourdit la machine éducative :
apparatchiks abusifs ou serviteurs timorés, discrets comme tous les
bénéficiaires d'un système, tous incarnent un monde révolu. Il ne faut donc
pas hésiter : l'État réaliserait une économie substantielle en supprimant
purement et simplement cette caste qui fait peser sur les épaules déjà
faibles de l'Éducation nationale un poids des plus pénibles.

Par Thomas Clerc MC de stylistique à Paris X


http://www.lefigaro.fr/debats/20060720.FIG000000133_l_inspecteur_ne_rappelle_jamais.html