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Patrick Pognant : Procès de Philippe Naigeon ; La paranoïa menottée.

Démarré par JacquesL, 15 Février 2007, 11:31:03 AM

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JacquesL

Patrick Pognant : Procès de Philippe Naigeon; La paranoïa menottée. L'Harmattan, 2002, Paris.

Le 19 mai 1994, Philippe Naigeon, cadre bancaire supérieur, tue son fils, âgé de 12 ans, puis sa femme, rate à demi sa fille de 5 ans et demi, et tue son fils de 7 ans. Puis il absorbe du valium et de l'alcool.
Le procès d'assises se déroule du 8 au 12 septembre 1997, à Paris.

Patrick Pognant est écrivain, et y assiste à la demande de Françoise, une proche des Naigeon, qui lui lui avait déjà fait part de ses grandes inquiétudes un mois avant le triple meurtre. Pognant lui avait conclu qu'Eliane, épouse de Philippe Naigeon, courait un grand danger. Elle avait demandé le divorce, et Philippe était hors d'état de voir s'écrouler le mythe de la famille parfaite qui lui servait d'apparences, de carapace.

Pognant pose de nombreuses questions sur le fonctionnement théâtral et approximatif de cette justice pénale. Il pose encore plus le problème des experts psychiatriques agréés par la Cour. Ils vont tous les deux déclarer Naigeon lucide et responsable, donc jugeable. Alors qu'aucun des journalistes présents n'est dupe : Naigeon est en plein délire au moment du procès. Pognant prouve qu'il était aussi en délire profond au temps du crime.

L'institution psychiatrique n'est pas en état de recevoir ces paranoïques profonds et dangereux. Donc ça l'arrange bien qu'on les envoie en prison. Naigeon en sortira vers l'année 2012, jamais guéri, et toujours potentiellement aussi dangereux envers sa belle famille.

Pognant montre dans ce livre, que les experts agréés, sont ceux qui répondent aux voeux de la Chancellerie, laquelle répond aux besoins électoralistes de son gouvernement. Donc ils déclarent lucide un délirant, car c'est ce que réclame la démagogie du ministère. Ils font ce qui les paie bien. La rigueur scientifique, voire la rigueur déontologique, tout le monde s'en fout : on fait le théâtre de la Justice, démagogue et bien peu courageuse.
_________________

Critique du livre de Pognant : procès de Philippe Naigeon

Pognant n'est pas psychiatre, ni psychopathologiste, mais la paranoïa a traversé de plusieurs manières son cercle d'amis. Il en est donc averti. Mais ses citations d'ouvrages sont constestables, au moins sur deux points :

Il cite des symptomes non spécifiques, que l'on retrouve dans d'autres affections, notamment dans des vies dépressives (j'ai évoqué ce point dans les trois billets consacrés au dépressif et à son exploitation, forum "concubins et PACS"), et qu'on ne retrouve pas dans toutes les paranoïas. Ainsi, la façon qu'il décrit de ne pas être intelligent dès qu'il s'agit de soi, et de ne pas pouvoir prendre de décisions, n'est nullement caractéristique. Qu'elle se soit retrouvée sur plusieurs cas proches de Pognant, pourquoi pas ?

Cela décrit seulement que ces deux entités nosologiques recouvrent des modes communs d'empêcher l'individuation pleine d'un enfant, et de briser son élan de vivre.

La seconde critique est que Pognant est sans distance envers le modèle "médical" de la maladie mentale. Evidemment que les psychiatres, venant par définition de la Faculté de Médecine, ont eux-mêmes toutes les difficultés et toutes les résistances à prendre des distances avec ce modèle médical, et à mieux prendre en compte les interactions, la construction sociale de la "maladie" mentale, l'effet critique de l'interaction entre le médecin et son "patient", ni les transmission transgénérationnelles des rôles patholgiques.

L'expérience de toute une vie me donne la synthèse suivante : les accidents neurologiques existent, notamment les traumatismes sur blessures et coups, les accidents néonataux, et en fin de vie les accidents vasculaires cérébraux. Les psychoses toxiques existent aussi. Toutefois, tous ces cas réunis ne forment qu'une minorité devant les maltraitances d'enfants. La plasticité du cerveau adapte le cerveau à des environnements horribles. Seulement voilà : la solution d'hier est devenue le problème d'aujourd'hui. Devenir le plus bête possible pour ne pas comprendre la situation horrible où l'on est sans espoir, c'est une solution de survie pour un enfant. L'ennui, c'est que rendu ainsi à un Q.I. de cinquante, désadapte totalement le même enfant de la vie scolaire, puis de la vie d'adulte... Tel était ma critique du modèle médical, en vogue chez les plus obtus et suffisants des psychiatres.


Dernier point qui n'est pas une critique. La bascule de Philippe Naigeon dans le mode paranoïaque délirant demeure bien mystérieuse, même au bout du livre. Pognant conjecture qu'il faudrait interroger les raisons qui ont poussé Philipe à quitter ses parents à quatorze ans, et à intégrer le Prytanée militaire de la Flèche.

OK. D'autant plus que cela est compatible avec ma propre observation : pour devenir pleinement paranoïaque, il faut non seulement avoir été persécuté à l'âge convenable par père ou mère, typiquement vers deux à quatre ans. Il faut de plus avoir quelque chose de très inavouable, ou qu'on croit très inavouable, à dissimuler absolument.

En tout cas, c'est ainsi, et uniquement ainsi, que Gazonbleu a basculé dans la paranoïa, mode pervers : à partir de son retour à la dissimulation totale. Comme elle était chez sa maman.

Pour Naigeon, c'est compatible avec les données connues, mais ce n'est pas prouvé.