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L'assassinat de Jean-Pascal Couraud, journaliste, 15 décembre 1997.

Démarré par JacquesL, 27 Septembre 2008, 07:42:26 PM

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JacquesL

Emission "Pièces à conviction", FR3, 28 juin 2008.

L'assassinat de Jean-Pascal Couraud, journaliste, 15 décembre 1997 : http://video.google.fr/videoplay?docid=-10201372209613104
Il dérangeait le système de corruption du président du territoire. Il a été noyé dans la passe entre Moorea et Tahiti.

Un gendarme en poste au moment où Vetea Guilloux en 2004, a entendu deux dockers du GIP se vanter d'avoir noyé Jean-Pascal Couraud, raconte comment l'arrestation du témoin gênant a été menée, puis l'interrogatoire pour le terroriser et le faire menacer par les deux dockers. Trois mois de prison ferme, doublés en appel. Le jugement est cassé, puis rejugé à Paris.
Les avocats en appel à Paris mettent en cause alors le procureur de Polynésie Jean Bianconi, très aux ordres du pouvoir politique. Le gendarme confirme que c'est lui qui a orchestré en détail l'annihilation policière et judiciaire de Vetea Guilloux, témoin trop gênant. Vetea Guilloux est un ancien membre du GIP, regroupant à l'origine marins, dockers, pompiers, et secouristes, devenu le service d'actions violentes et d'espionnage de la présidence, lui-même formé par le SED, cellule d'espionnage dépendant directement de la présidence du Territoire de Polynésie : filatures, caméras cachées, micros cachés, espionnage des magistrats, des syndicats, des secrétaires du président, cambriolages, vols de documents et de disques durs... Son père Sandy Guilloux était lui-même alors n° 2, directeur adjoint du GIP.

Sur quels dossiers travaillait Jean-Pascal Couraud ? On sait qu'il s'agissait de malversations financières, par exemple des centaines d'emplois fictifs. Enquête commencée il y a treize ans... Mais le procureur Jean Bianconi a fait tout ce qu'il a pu pour gêner le juge d'instruction, a chargé dix fois la gendarmerie de mener une enquête détaillée sur lui, et a fini par lui monter une affaire de harcèlement sexuel. Trois ans de procédure, et non-lieu.

Les magistrats qui ont connu le tribunal de Papeete refusent tout interview : ils ont trop peur. Expression codée : un tribunal qui se serait "tropicalisé", au sens de la république bananière des tropiques...

L'enquête avance enfin sur les comptes japonais de Jacques Chirac. On soupçonne un lien avec un dossier sur lequel enquêtait Jean-Pascal Couraud, le surfinancement de l'hôtel Taara, lequel appartient toujours à la famille Flosse. Sur le surfinancement de 350 millions de francs, 300 millions n'ont pas été utilisés pour l'hôtel, mais sont partis au Japon.

JacquesL

http://www.lemonde.fr/politique/article/2008/12/30/nouveaux-elements-dans-l-enquete-sur-la-mort-du-journaliste-polynesien-jean-pascal-couraud_1136433_823448.html
http://www.lemonde.fr/web/imprimer_element/0,40-0@2-823448,50-1136433,0.html

CiterNouveaux éléments sur la mort d'un journaliste qui enquêtait sur les comptes de Chirac
LEMONDE.FR | 30.12.08 | 15h25  •  Mis à jour le 30.12.08 | 15h57

La découverte, lundi 29 décembre, d'une lettre relatant les conditions de la disparition en 1997 de Jean-Pascal Couraud, un journaliste qui enquêtait sur les affaires politico-financières polynésiennes et notamment sur des transferts de fonds sur un compte qu'aurait détenu Jacques Chirac au Japon, a relancé une affaire vieille de dix ans. D'autant que le document a été retrouvé au domicile du sénateur Gaston Flosse, ancien UMP et proche de l'ancien président, qui était à l'époque président du territoire français du Pacifique.

Cette lettre, dont l'existence a été révélée par les avocats de la famille Couraud, a été découverte dans une commode lors d'une perquisition au domicile de M. Flosse en septembre. Selon ces avocats, elle fait plusieurs pages et ne serait pas datée, mais ils l'attribuent à Vetea Cadousteau, membre du Groupement d'intervention de la Polynésie (GIP), unité créée par M. Flosse puis dissoute en 2006, et que les avocats accusent d'avoir participé à l'enlèvement et au meurtre de Jean-Pascal Couraud.

Le document revient en détail sur les conditions de l'enlèvement du journaliste, qui aurait été torturé puis lâché en pleine mer, lesté de plusieurs poids de pêche. Les autorités n'ont pas encore authentifié la lettre et demandent une deuxième expertise graphologique pour que son auteur soit clairement établi. L'auteur de ce texte explique, selon les avocats, "qu'il craignait pour sa vie car il aurait reçu des menaces". Or, Vetea Cadousteau a été retrouvé mort en janvier 2004 à Tahiti dans des conditions qualifiées de "très troublantes" par le comité de soutien de Jean-Pascal Couraud. En octobre 2004, un autre ancien du GIP avait évoqué dans des termes similaires la mort du journaliste, notamment devant l'indépendantiste Oscar Temaru, tout nouveau président du territoire, avant de se rétracter puis d'être condamné à trois mois de prison ferme pour dénonciation calomnieuse.

DOCUMENTS DE LA DGSE DÉCLASSIFIÉS

Après plus de dix ans d'enquête, aucun élément incontestable ne vient soutenir l'hypothèse criminelle, et encore moins un lien politique. En 2007, un des avocats de M. Couraud avait fait référence à une "note circulant à Papeete en 1998-1999, faisant état de transferts de fonds par Wan [Robert Wan, richissime homme d'affaires proche de Gaston Flosse] à Jacques Chirac", sans pour autant la produire. Jacques Chirac nie l'existence de tout compte bancaire au Japon et a refusé de commenter l'affaire.

Se basant sur l'absence de preuves concrètes dans l'enquête, Gaston Flosse a réagi, dans un communiqué diffusé mardi, rappelant qu'"on ne peut parler d'enlèvement et de meurtre puisque rien, depuis dix ans, ne vient étayer cette thèse". Le sénateur accuse "certaines autorités de l'Etat [de] manipuler sciemment des informations judiciaires". "Il est ignoble de vouloir m'imputer cette affaire puisque je n'ai jamais été inquiété pour cela par la justice", ajoute-t-il, expliquant que la lettre, "qui ne comporte que de prétendues révélations", lui a été envoyée anonymement.

L'affaire se trouve aussi relancée par l'annonce, par le ministère de la défense, de la levée du secret défense sur des documents sur la disparition de M. Couraud et les comptes présumés de M. Chirac. Suivant un avis favorable de la Commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN), Hervé Morin a autorisé la déclassification totale ou partielle de treize documents saisis en juin au siège de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) par le juge de Tahiti Jean-François Redonnet, chargé de l'affaire. La CCSDN avait par ailleurs donné un avis défavorable à la déclassification de treize autres documents dans cette affaire, un jugement que M. Morin a également suivi. Ces différents documents font le point sur les vérifications de la DGSE concernant cet hypothétique compte en banque détenu par l'ancien président, au début des années 1990, à la Tokyo Sowa Bank.


JacquesL

Source : Bakchich.
http://www.bakchich.info/article4101.html
Citer... Le 11 novembre 1996 tombe un message « urgent et réservé », venu du chef de poste des services secrets français à Tokyo : « Le montant des sommes versées sur le compte ouvert par Sowa au nom de M. Chirac serait de soixante dix oku yens, soit sept milliards de Yens, soit environs trois cent millions de francs ».

Cette découverte vaudra à Flam une enquête administrative et son éjection en douceur et en catimini de la DGSE en 2000. Puis le renvoi de toute la direction du « boulevard Mortier », sitôt après la réélection du Chi en 2002. Le clan de l'Elysée a cru voir dans les démarches de Flam un coup monté des socialos... Mais même après son départ des services, les ennuis du juge-espion ne sont pas finis, comme le révèlent Nicolas Beau (directeur de Bakchich) et Olivier Tocser (du Nouvel Obs), dans L'incroyable histoire du compte japonais de Jacques Chirac (Les Arènes) dont nous publions ici menus extraits et documents.
L'accident

Le samedi 11 janvier 2003, une semaine donc après sa prise de fonctions au tribunal de Paris, Gilbert Flam fait quelques courses, boulevard Beaumarchais, dans la supérette qui se trouve tout près de son domicile. Il est un peu plus de 13 h 30 quand il sort du magasin, en tirant son Caddie. Le temps est radieux. À quelques centaines de mètres de là, il aperçoit des manifestants qui commencent à arriver place de la Bastille. Un défilé est en effet prévu à 14 heures, en faveur des sans-papiers. Le quartier est bouclé par la police. L'horizon est bouché.

À hauteur du 91 boulevard Beaumarchais, le magistrat s'engage sur les clous. Une première voiture s'arrête, conduite par une infirmière, Frédérique M.  Le magistrat continue son chemin pour rejoindre le terre-plein au milieu du boulevard. Et c'est le choc. Une Volkswagen le heurte de plein fouet. Fracassé, il ressent de vives douleurs aux jambes, le tibia gauche est fracturé. De multiples contusions sont visibles à la tête, aux côtes et au thorax. Gilbert Flam est très vite emmené à l'hôpital Cochin par les pompiers. Son état est grave ; il obtiendra d'ailleurs un congé maladie de trois mois pour invalidité partielle.

Gilbert Flam acceptera une seule fois de rencontrer un des deux auteurs de ce livre, au printemps 2007. Il confirmera alors la violence du choc. « Depuis, explique-t-il, j'ai étudié toutes les théories qui existent sur les points d'impact en cas d'accidents corporels. La voiture m'a atteint à la hauteur du tibia mais, si elle m'avait touché dix centimètres au-dessus, j'aurais probablement été tué sur le coup. »

Pour le reste, ce jour-là, Gilbert Flam prétend ne se souvenir de rien : ni de l'existence d'un compte japonais, ni du message envoyé quelques années plus tard et dont il fut un des destinataires. « Et après tout, dira-t-il ce jour-là, est-il si grave pour un Président de posséder un compte à l'étranger ? »
Des questions troublantes

Publiquement, Gilbert Flam a toujours affirmé que cet accident était un accident de la circulation, et rien de plus.

Mais les circonstances sont déroutantes. Quelques éléments particulièrement troublants méritent un examen approfondi. 1/ Pourquoi une femme handicapée achète-t-elle une Golf pour une durée de trois mois seulement ?

Le conducteur de la Golf, qui percute le 11 janvier 2003 le piéton Gilbert Flam, s'appelle Pascal Bounaud. Né le 22 mars 1964 au Laos, il vit, avec sa mère, dans un modeste appartement, rue Louis-Bonnet, au cœur du quartier asiatique de Belleville. Si Pascal Bounaud est le conducteur, le véhicule ne lui appartient pas. Il est la propriété de sa mère, Jeanne Bounaud. Agée à l'époque de 64 ans et handicapée à 80 %, cette dernière est totalement incapable de conduire une voiture. Achetée le 2 décembre 2002, soit un mois avant l'accident, la Golf est revendue un mois après le choc, en février 2003. L'acheteur est un certain Vincent Pham, qui porte le même nom que l'ex-épouse de Pascal Bounaud. Il est connu des services de police pour trafic de plaques d'immatriculation.

2) Pourquoi l'auteur de l'accident, qui ne présente pas d'attestation d'assurance, obtient-il le droit de repartir au volant du véhicule ?

Généralement, les officiers de police judiciaire qui veulent retrouver un procès-verbal d'accident de circulation se rendent au 34 quai des Orfèvres, où est conservé informatiquement l'ensemble des pièces. Étrangement, l'accident est bien enregistré, à la cote 2 003 379, mais le PV n'est plus disponible. C'est du moins ce qu'a constaté un agent de la PJ qui a tenté cette démarche, à la demande des auteurs du livre, durant l'été 2007. Nous avons finalement retrouvé ce fameux document grâce à l'obligeance d'une source haut placée dans la hiérarchie judiciaire. La lecture du PV de constatation dressé lors de l'accident nous apprend que, ce jour-là, le conducteur de la Golf ne présente pas le moindre papier d'assurance. La chose arrive. Plus inattendu : après avoir percuté un magistrat traversant sagement dans les clous et transporté en urgence à l'hôpital par le Samu, le chauffard est reparti dans la foulée avec son véhicule. En pleine campagne en faveur de la sécurité routière lancée par le gouvernement Raffarin, le laxisme des policiers ne lasse pas de surprendre.

3) Le document d'assurance, produit quelques jours plus tard par le conducteur de la Golf, serait-il un faux ?

Contacté par les auteurs de ce livre, Me Jean-Marie Coste-Floret, l'avocat de la compagnie d'assurance qui a défendu Pascal Bounaud devant les tribunaux, ne comprend pas notre curiosité. « Mon cabinet, nous explique-t-il, a défendu Pascal Bounaud, comme il le fait pour des milliers de personnes chaque année. » Pour preuve de sa bonne foi, l'avocat présente l'attestation d'assurance de la Golf qui lui a été adressée par son client. Et dont il nous donne copie. Première surprise, le certificat est rédigé au nom de Pascal Bounaud et non de sa mère, Jeanne Bounaud, propriétaire de la voiture (...) Le certificat que nous a donné l'avocat est sans doute un faux, sans qu'il ait pu le savoir ! En effet, « le relevé d'informations » de Pascal Bounaud, tel qu'il est enregistré par la société AIOI et que nous avons retrouvé, montre que le conducteur était effectivement assuré par les japonais... mais pour un autre véhicule que la Golf ! ...
Lire l'article en entier sur Bakchich. J'espère qu'il va durer, cet organe de presse dérangeant pour les arrangeurs de heu... accidents...

« L'incroyable histoire du compte japonais de Jacques Chirac » (Les Arènes, sortie le 20 mars 2008).

JacquesL

Suite de la délinquance d'état à Papeete, les actions de harcèlement judiciaire contre Tahiti-Pacifique Magazine.

Liens :
http://tahiti-pacifique.com/archivesTPM/19511.html
http://tahiti-pacifique.com/archivesTPM/18909.html
http://tahiti-pacifique.com/libertepresse/article10-07.html

En voici les sauvegardes, vu le risque que ce harcèlement fait courir à Tahiti-Pacifique Magazine.

CiterTahiti-Pacifique Magazine n° 195, juillet 2007



Un jugement mémorable !



L'aventure d'un procès de presse à Tahiti

Toutes les constitutions et lois des pays dits « civilisés » ont un principe fondamental : la présomption d'innocence, c'est-à-dire que tout accusé est présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été reconnu coupable. Pourtant, il existe une exception notable, et elle est française : la loi du 29 juillet 1881 dite « sur la liberté de la presse » et beaucoup de commentateurs se demandent avec quelque malice s'il ne s'agit pas en fait d'une loi « contre la liberté de la presse ». En effet, selon cette loi un journaliste accusé de diffamation est coupable à moins d'apporter des preuves, preuves qu'en général on lui refuse.Cette loi, créée pendant la 3è République, était en réalité destinée à museler une armée de pamphlétaires politiques qui distribuaient dans Paris des feuillets mensongers et (parfois) diffamatoires qui étaient la source d'un climat permanent de crise politique. Aussi, pour compenser l'étonnante spécificité de cette loi (1) et pour protéger les médias d'incessantes plaintes frivoles, les juges et législateurs, au cour du siècle dernier, ont encadré cette loi avec une jurisprudence des plus tatillonne, l'entourant d'une procédure extrêmement lourde qui fait sans doute de ces articles les dispositions les plus difficiles à utiliser du droit français. Une simple erreur dans la citation ou le fait de qualifier d'injure ce qui n'est que diffamatoire, et la poursuite échoue définitivement. C'est la raison pour laquelle il existe des avocats spécialisés dans ces procédures complexes, et à Paris, même une chambre spécialisée (la 17è chambre du tribunal correctionnel). Malgré cela, souvent le journaliste sera condamné, ce qui fait écrire au juriste Maurice Peyrot : « certes, si la diffamation est vénielle, la peine sera légère, et certains dommages et intérêts symboliques sont révélateurs d'une poursuite à peine justifiée. Mais, et c'est là une autre perversion de la loi, le plus souvent ce n'est pas la sévérité de la sanction qui est recherchée. C'est la tribune offerte par un procès retentissant et le sceau judiciaire porté sur une décision qui fera savoir à tout un chacun que le journal a eu tort d'écrire que celui-ci avait été payé ou que celui-là avait détourné de l'argent ». Même si, souvent, par la suite l'information se révèlera être exacte. (2)

« En outre, poursuit M. Peyrot, la loi est ainsi faite que l'écrit litigieux est presque toujours considéré comme condamnable sauf si le journaliste parvient à prouver « la réalité du fait diffamatoire ». Une preuve bien difficile établir car la jurisprudence est très exigeante. La seule possibilité de relaxe consiste alors à revendiquer la bonne foi. Mais il faut la prouver, car contrairement au droit commun, la loi sur la presse exige que l'on fasse la preuve de son innocence. (...) Pris dans son ensemble, le droit de la presse, semble pavé de bonnes intentions, qui n'atteignent pas toujours leur objectif. Barrière normale protégeant l'individu contre d'éventuels abus des journaux, elle est très souvent utilisée, exploitée et parfois cultivée à des fins moins honorables. » conclut M. Peyrot. (3)

Ainsi, après deux années de "calme judiciaire"(4), Tahiti-Pacifique s'est retrouvé à nouveau accusé de diffamation devant le tribunal correctionnel de Papeete, une aventure qui mérite d'être narrée. Nulle est ici notre intention de critiquer une décision de justice (c'est, bien sûr, interdit) mais de distraire et informer nos lecteurs en leur faisant partager l'un de ces instants qui font que l'on ne s'ennuie jamais dans notre petit paradis tropical.

Ainsi Madame Christine Bourne, ex chroniqueuse de la Dépêche de Tahiti et son mari nous accusèrent de les avoir diffamés dans un article publié en avril 2006 en réclamant 20 millions Fcfp (167 000 euros) de dommages intérêts.



Le jour du procès, au tribunal, les plaignants sont absents, représentés par un aimable avocat qui nous salue avec un gentil « rien de personnel, je fais juste mon métier ».

Je plaide d'abord le vice de forme car la citation est pour sûr viciée (elle reproduit tout l'article, ne précisant pas quelle phrase serait diffamatoire, un cas d'école) et on me répond que ma requête sera jointe à l'examen du fond de l'affaire. Ensuite, comme je l'explique dans mon mémoire d'appel, « il m'est impossible d'aborder le fond à la barre. A chaque fois que j'essaye d'expliquer à la présidente, fraîchement nommée à Tahiti donc ignorante du monde local des médias, soit le contexte de l'écriture de l'article ou de donner des explications, celle-ci me coupe constamment la parole avec un "Avez-vous une preuve écrite ?". Au bout de quelques minutes, je comprends que le tribunal était franchement hostile à mon égard et que la « messe est dite ». Il n'y eut nul débat contradictoire. J'avais l'impression de vivre une sorte de procès stalinien auquel on tentait de donner un semblant d'équité.»

J'eus quand même l'occasion de présenter une preuve, une lettre du président Schyle de l'assemblée territoriale qui démontrait incontestablement que toute la procédure montée contre moi était mensongère, preuve qui fit dire à l'avocat des plaignants « je ne comprends pas qu'on puisse donner un tel document confidentiel ».

Ambiance : à la fin du procès, sur suggestion de l'avocat, la présidente me demande si j'avais une carte de presse, et lorsque je lui explique qu'une telle carte n'est pas obligatoire, surtout en Polynésie, celle-ci me tance avec un méprisant et hostile « si, bien sûr, c'est obligatoire ». Pourtant même le site Internet du Syndicat national des Journalistes (qui émet cette carte en France) explique le contraire.



Arrive le jugement : avec un bel effort judiciaire stakhanoviste, le tribunal rejette de la nullité de la procédure avec un « s'il est exact que la citation fait référence à l'intégralité de l'article de presse qu'elle reproduit en partie, il est incontestable qu'elle fait mention de la phrase sur laquelle le fondement de son action en dégageant les éléments constitutifs du délit de diffamation dont elle reprend la définition dans les termes de l'article 29 ainsi que le visa des textes qui l'incriminent et le répriment » (sic ! les juristes apprécieront).

Sur le fond, je découvre dans le jugement quelles sont les phrases qu'on me reproche, et celui-ci parle de choses jamais abordé lors du débat, de choses que je n'ai jamais écrit, dites, des choses qui n'ont pas été évoqués lors des débats et ne sont pas dans la citation ; c'est comme s'il y avait eu un autre procès où j'étais absent. En ce qui concerne ma belle preuve irréfutable, (l'attestation du président de l'assemblée de P.F.), elle est balayée par un « attendu que les faits imputés (...) auraient été commis en 1992, qu'en conséquence Monsieur Alex W. du Prel ne saurait bénéficier du droit d'en rapporter la preuve » car il « doit se conformer aux dispositions de l'article 35 de la loi sur la Presse lequel exclut l'admission lorsque l'imputation concerne des faits remontant à plus de 10 ans ». Et oui, c'est cela la loi sur la « liberté de la presse ». On est accusé de diffamer sur des faits datant de plus de 10 ans, mais on refuse les preuves (irréfutables et qui prouvent que cette plainte en diffamation est totalement basée sur le mensonge), tout en acceptant les témoignages écrits (et mensongers) sur les mêmes faits datant de plus de 10 ans !



Dans sa grande sagesse, le tribunal correctionnel me reconnaît donc coupable et me condamné à plus de 1,2 millions de publications judiciaires (2 pages entières dans chaque quotidien et 4 pages dans l'hebdomadaire et TPM) et à payer une somme aux époux Bourne-Canot.



Je fais donc appel et demande la jonction des deux plaintes car dans les jugements j'ai enfin découvert ce qu'on me reproche et que j'ai été condamné deux fois « pour la même phrase tirée du même article parue dans la même revue ». Devant la cour d'appel on me laisse m'exprimer et me défendre librement. Je redeviens confiant.

Deux semaines plus tard, je découvre que ma condamnation est confirmée (mais avec les peines de publications judiciaires fortement réduites par la cour d'appel) dans un arrêt écrit avec un certain panache, il faut le dire.

Ainsi, dans sa grande sagesse, la cour estime que pour M. Canot « le caractère diffamatoire des propos est évident puisque il est reproché à M.Canot un manque de probité constitutive d'une infraction pénale s'agissant d'un emploi fictif rémunéré au préjudice de la collectivité et avec la complicité des élus territoriaux. », et comme « la vérité des faits diffamatoires peut toujours être prouvée sauf lorsque l'imputation se réfère à des faits qui remontent à plus de 10 années... La vérité de ces faits ne peut donc pas être prouvée. » Aussi, « M. du Prel invoque sa bonne foi. L'existence d'une animosité personnelle envers la personne diffamée n'est pas établie. Par ailleurs, M. du Prel est un journaliste connu dont la volonté d'informer ses lecteurs, donc la légitimité du but poursuivi, est reconnue. En revanche, il s'agit d'un journaliste professionnel qui connaît les règles de la profession et qui a manqué de prudence en relatant des faits à caractère diffamatoire datant de plus de dix années et dont il ne pouvait ignorer qu'ils ne pourraient donner lieu à débats sur la vérité. Il devra donc être déclaré coupable de ce chef de prévention ». Merci pour les compliments !



A propos de la plainte de Mme Bourne, l'arrêt explique que « il est en l'espèce, pour l'essentiel, reprochée à Mme Christine Bourne d'avoir bénéficié de faveur pécuniaire de la part de M. Léontieff et d'avoir «émargé » à l'assemblée. Le fait, pour un journaliste, d'être soupçonné d'avoir bénéficié de faveurs pécuniaire de la part d'un homme politique au pouvoir est manifestement diffamatoire, dans la mesure où il porte atteinte à son indépendance et à sa probité. » Et c'est toujours avec sagesse que la Cour n'a su voir l'encadré dans l'article qui reprend l'arrêt de la Chambre des comptes qui explique « une convention de prestation de service conclue en août 1991 entre le président du gouvernement de la P.F. et une journaliste, alors éditorialiste du journal La Dépêche, pour une mission de conseil en communication (...) convention maintenue de mars 1992 à juin 2004. (...) En définitive, le coût total de ces prestations s'est élevé sur la période en cause à 80 millions Fcfp [670 000 euros], pour une prestation bien difficile à évaluer quant à son contenu et son impact. »

L'arrêt de la Cour d'appel indique aussi que « Madame Christine Bourne, de son côté, avait joint à sa citation une lettre de M. Alexandre Léontieff, une lettre de M. Gaston Flosse et un démenti de M. Emile Vernaudon (5). », et stipule que « l'article de M. Fottorino [Le Monde] est contredit par M. Léontieff » . Dans sa grande sagesse, la Cour n'a pas voulu voir que M. Léontieff démentait ici ce pour quoi il avait été définitivement condamné à 18 mois de prison ferme dans l'« affaire Cardella » par la cour d'appel de Paris (6).



Après cette seconde sage condamnation, je pensais aller en cassation, mais comme le magazine n'a pas les moyens de se permettre les émoluments que réclament les avocats spécialisés de Paris, je suis donc définitivement condamné pour diffamation.



Des amis et des connaissances qui ont suivi l'affaire ont eu des commentaires divers, parfois humoristiques du genre « mais c'est le petit chaperon rouge qui a mordu le grand méchant loup », souvent paranoïaques tels « c'est un règlement de comptes pour tes articles sur les dérives du parquet » voire franchement excessifs tels « c'est évident, ils veulent ta peau, ils veulent fermer TPM parce que tu as trop révélé de magouilles » ou « C'est le grand nettoyage. Ils te considèrent être l'un des "tombeurs de Gaston" ; ils ont placé leurs gens dans les postes-clé ». Bref, vraiment du délire !

Voyons, restons sereins, plein d'humour et comme le répètent les politiciens, faisons confiance en notre Justice !

Surtout que deux autres plaintes en diffamation ont été déposées à notre encontre par des proches de M. Flosse.



Ainsi va la vie d'un journaliste (intègre) au Paradis.

Alex W. du PREL



1 - Qu'attendent les grands médias pour dénoncer cette loi devant la Cour européenne des Droits de l'Homme ? La présomption d'innocence se fonde sur l'article 11 de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 de l'ONU (signée par la France) qui la formule de la façon suivante : « Article 11. Toute personne accusée d'un acte délictueux est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d'un procès public où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui auront été assurées. »

2- Vers 1996, un président du tribunal de Papeete m'expliqua : «Vu la loi de la presse, il est normal que le directeur de publication soit régulièrement condamné. Faites comme à Paris, une fois condamné à plusieurs reprises, remplacez-le ! ». Je lui répondis : « comment voulez-vous que je me remplace ? » et lui expliquais que dans le micro marché de Tahiti, un journal indépendant (qui ne touche pas de subsides et n'a pas les publicités gouvernementales) est une affaire de survie, un vrai sacerdoce.

3- in « Droit de la Presse », PUF 1989.

4 - Entre 1991 et 2004, TPM a fait l'objet d'une quinzaine de procès.



5 &endash; récemment condamné deux fois pour "prise illégale d'intérêts".

6 - Le cas d'Alexandre Léontieff, ancien président du gouvernement (1988-91) est des plus étonnants et certainement le plus révélateur des mœurs en cours dans le monde politique de Tahiti. Depuis 1997, il a été condamné définitivement pour corruption trois fois dans trois affaires séparées de corruption (affaire Cardella, affaire Opunohu et affaire Méridien  à un total de... 4 années et demi à la prison ferme ; à un total de 38 millions Fcfp (0,32M?) d'amendes et à un total de 15 années (!!!) d'interdictions de droits civiques (lire les détails dans TPM 127). Pour la première affaire, M. Léontieff avait été incarcéré le 22 septembre 1999 à la prison de Nuutania afin de purger un an de prison ; il effectua deux mois et demi de détention avant de bénéficier du régime de la semi-liberté, immédiatement suivi d'une libération anticipée. Restaient alors les deux autres affaires, un total de trois ans de prison ferme et 10 ans de privation de droits civiques. Alexandre Léontieff réussit à les faire confondre et se trouva ainsi depuis novembre 2001, après un énième recours en cassation, condamné définitivement à 2 ans de prison ferme et 5 ans de privation de droits civiques (lire TPM 128). Il fallut attendre une autre année avant qu'une décision de justice fut prise le 12 décembre 2001. Entre-temps M. Léontieff avait été bombardé président de la société publique SAGEP (Société d'aménagement et de gestion de la P.F.) par le président Flosse après une savante campagne médiatique (« La réconciliation ») dans laquelle M. Léontieff annonçait sa démission du parti indépendantiste Tavini huiraatira (condition pour avoir le "job"). Ce ne fut qu'en février 2002 que M. Léontieff se présenta à la porte de la prison pour soi-disant purger sa peine. Il ne restera même pas enfermé 8 jours (en continuant de toucher sa paye de président de la SAGEP, 800 000 Fcfp/mois), sera de suite relâché et « définitivement libre » (titre d'un quotidien) grâce à une liberté conditionnelle accordée « au vu d'un dossier exemplaire » (sic !!!). Oh miracle ! Douze années de travail de magistrats ont ainsi été effacées grâce à un coup de baguette magique du juge d'applications des peines de Papeete avec la bénédiction du procureur général Jack Gauthier, et cela malgré que la Loi interdise implicitement d'aménager les peines supérieures à un an de prison ferme (art.132-25). Cette étonnante contorsion de la Loi (possible uniquement dans les lointaines colonies) et sabotage des décisions de justice peut aujourd'hui être considéré comme un (autre) exemple de la « puissance » du « réseau de protection » qui permettait à M. Flosse et à ses protégés d'être pratiquement « intouchables ». Après le premier « Taui », le président Flosse, réinstallé aux affaires grâce au « coup d'Etat légal », nomma en novembre 2004 (discrètement, l'agence Tahiti Presse n'en parla même pas) M. Léontieff à la tête de la CPS (Caisse de prévoyance sociale), un établissement qui brasse plus de 70 milliards Fcfp (600 millions d'euros !) par an et dont la présidence est considéré un des plus juteux « fromages » de Tahiti.

JacquesL

Suite des documents menacés :

CiterTahiti-Pacifique Magazine n° 189, Janvier 2007



Oui, JPK a bien été assassiné !





Comme nous l'indiquions le mois dernier, les circonstances de la disparition du journaliste Jean-Pascal Couraud (dit "JPK"), ancien rédacteur en chef du quotidien Les Nouvelles de Tahiti, qui, dans la nuit du 15 au 16 décembre 1997, disparaissait à l'âge de 37 ans, deviennent de plus en plus claires. Le 6 décembre 2006, le comité de soutien JPK a organisé une conférence de presse pour faire le point sur l'affaire et rappeler que la thèse de l'assassinat ne fait plus aucun doute. Philippe Couraud a alors affirmé sa «certitude que Jean-Pascal a été assassiné» et dénonce un «refus d'enquêter sérieusement» sur fond de «mainmise politique sur le judiciaire».

En effet, les langues se sont déliées à tel point que dans certaines îles de l'archipel des Australes, ainsi que dans quelques districts de Tahiti, plus personne ne doute de la réalité du tragique assassinat de JPK par le GIP (groupement d'intervention de la Polynésie). Actuellement, des conversations de moins en moins feutrées tournent autour d'une explication, et cela alors qu'à Tahiti d'autres anciens membres de l'ex-GIP se manifestent pour apporter leurs témoignages sur la réalité de ce tragique événement. Cette évolution et la banalisation des commentaires rend de plus en plus ridicule si ce n'est carrément suspect, l'acharnement du parquet de Papeete et de l'entourage de l'ex président Flosse pour tenter de démontrer par tous les moyens que les témoignages ne seraient que des « rumeurs fantaisistes », à tel point que certains comparent cette affaire à celle du juge Borel à Djibouti : on tenterait d'enterrer la vérité pour des « raisons d'Etat ».



Alors qu'à l'origine tout le monde croyait à un suicide, les facteurs qui ont donné au fil du temps de la crédibilité à la thèse de l'assassinat sont les suivants :



- La rapidité et la férocité manifeste du parquet de Papeete vis-à-vis de Vetea Guilloux pour contrer ses révélations faites à un ministre, mais aussi à un gendarme, en fait un acte requis par la Loi. Après une trentaine d'heures de garde à vue et une confrontation avec ces deux personnes, Vetea G. maintient ses déclarations puis se rétracte à 2h 30 du matin. Le procureur est prévenu. Aussitôt, il ordonne l'arrêt des auditions. L'enquête est bouclée sans même avoir informé le juge d'instruction qui avait été chargé de l'enquête sur la disparition de JPK. Vetea Guilloux est jugé en comparution immédiate moins de deux jours après et condamné à 12 mois de prison dont 9 mois avec sursis pour « dénonciation calomnieuse ». Le procureur "pompier" déclarera plus tard à un journaliste « il fallait absolument faire taire ces rumeurs », phrase reprise en novembre 2006 par le substitut Perruaux dans un courrier publié dans TPM. La sentence infligée à Vetea Guilloux était tellement excessive que le 4 octobre 2006 la Cour de cassation annula la condamnation car la peine prononcée est le double de ce que prévoit le code pénal ! En plus, cet péripétie judiciaire est emprunte par une succession d'erreurs et d'atteintes à la procédure vraiment étonnante. Les gendarmes en charge de « l'audition » ont même reçu une lettre de félicitation du procureur pour avoir réussi à faire revenir Vetea Guilloux sur ses déclarations !

- Le refus d'abord, puis la réouverture de l'enquête par des gendarmes bien plus enclins à identifier les « fuites » qu'à collecter et recouper les informations. Ayant nous-même été entendu à deux reprises, nous pouvons en témoigner.

- Comment la gendarmerie (qui avait mis un point d'honneur à exécuter les ordres pour démontrer que Vetea Guilloux avait menti) peut-elle par la suite "déontologiquement" et honnêtement enquêter pour dire qu'il a dit la vérité et que l'assassinat est très plausible ? Ce paradoxe est bien génant !

- Les témoignages recueillis par la famille de JPK.

- Et les témoignages recueillis par Tahiti-Pacifique.



Les témoignages recueillis

par la famille de JPK



Les nouveaux témoignages recueillis cette année par Olivier et Philippe Couraud, frères de Feu JPK, sont les suivants :



- En juillet 2006 un ex-GIP licencié raconte les déclarations de collègues qui l'ont conduit à le persuader de la réalité de l'assassinat de JPK, qu'il connaissait personnellement depuis la fin des années 80. Ces déclarations ont été tenues bien avant les déclarations de Vetea Guilloux, par une des personnes soupçonnées d'avoir participé à l'assassinat. Hélas, cette personne est décédée dans le naufrage du bateau du GIP au large de Rimatara. Le même témoin explique qu'un membre de l'entourage proche de J.P.K. donnait des informations au GIP sur ses déplacements et ses activités. Il est réticent de s'exprimer auprès du juge ou des gendarmes par peur de représailles venant du GIP. Une demande d'audition de ce témoin a été déposée auprès du juge lors de l'audition de Philippe Couraud le 5 octobre 2006. A ce jour, il n'aurait toujours pas été entendu.



- Le 1er octobre 2006, un homme (M. X) vient à la rencontre d'Olivier Couraud et lui parle de JPK. Il l'aimait bien, sa femme ayant été la nounou de son fils et Jean-Pascal lui venait souvent en aide (années 1993 &endash;94). L'homme commence à se confier. Il dit avoir assisté à l'enlèvement de JPK vers les 15h30 - 16 heures, mais ne plus se souvenir de la date exacte. Il se trouvait à ce moment là sur les lieux (à Taunoa). Il circulait avec un collègue dans une voiture et suivait de loin le fourgon qui a enlevé Jean-Pascal. Ce fut un enlèvement musclé : homme et dossiers embarqués de force, puis menés à la flottille administrative à Motu Uta. Son collègue et lui les suivent en voiture discrètement. Arrivé sur place, JPK subit un interrogatoire dans le bâtiment de la flottille, à l'étage, interrogatoire dirigé par un responsable, qu'il nomme, plus quatre autres hommes. M.X. et son collègue, également témoin, montent par une échelle derrière le bâtiment et observent la scène...

L'interrogatoire de JPK dure assez longtemps, peut-être une heure et demi. Les dossiers de JPK sont alors emmenés dans une baleinière (chaloupe) de la flottille attaché au quai, puis JPK. S'ensuivent là encore des discussions. Le chef fait des grands gestes. JPK répond aussi par des grands gestes signifiant son ras le bol. A ce moment là les deux témoins de la scène sont découverts sur le toit du bâtiment. Ils sont tabassés et virés (ou sens propre et figuré). La suite M. X ne l'a pas vue, mais on la lui a racontée ainsi : dans la nuit, JPK est emmené de force sur un navire en partance, puis balancé en pleine mer entre Tahiti et Moorea, quatre parpaings de 15 attachés aux pieds. « C'est le chef mécanicien du bateau qui a vu et qui le lui a raconté ». Il dit son nom. Il dit aussi qu'il y a environ une dizaine d'autres témoins qui on tout vu et qui peuvent confirmer. M. X dit avoir porté plainte chez les mutoi (police municipale) mais ceux-ci ne l'ont pas cru. Il déclare avoir reçu la visite de quelques membres de l'ex-GIP il y a trois mois environ pour le questionner et l'intimider. Tout comme il déclare avoir reçu d'un avocat de Papeete (qui défend le GIP) une convocation par "lettre recommandée" et s'y être rendu. On lui a demandé de dire ce qu'il savait, ce qu'il a fait, puis on lui a dit qu'on ne le croyait pas.

Le 2 octobre 2006, vers 19 heures Olivier Couraud retourne sur place pour en savoir plus. Il tourne dans le centre et M. X l'interpelle dans un endroit discret, il est inquiet, nerveux. Il dit avoir eu la visite d'un cadre éminent du Tahoera'a, dont il donne le nom, vers 18h sur son lieu de travail, et dans la journée, chez lui, de quelques ex-GIP venus le questionner. Olivier  demande à M. X ce qu'il faisait à Taunoa le soir de l'enlèvement et celui ci répond qu'il travaillait à ce moment là pour la cellule d'espionnage de la Flottille administrative (ancêtre du GIP). Lui et son collègue ont entendu sur leur talkie-walkie un ordre qui ne leur était pas adressé : « rendez-vous à Fariipiti et enlevez le conducteur de la Suzuki grise immatriculée .... » M. X connaissait parfaitement la voiture de JPK et veut savoir ce qui se passe, « j'aimais bien Pascal, il était gentil avec moi » comme pour justifier sa curiosité. Olivier demande à M. X s'il est d'accord pour témoigner, il répond oui. Ils prennent rendez-vous pour le mercredi 4 octobre 2006 à 19h à la poste de Tamanu.

Le mardi 3 octobre 2006, à midi, 12h00 Olivier voit son frère Philippe, ils rencontrent Me James Lau, leur avocat dans l'affaire et lui raconte l'histoire. Ils prévoient à ce moment là de faire protéger M.X par des moyens privés. Philippe demande à un proche de leur donner un coup de main pour effectuer cette protection. A 18h00, Olivier se rend au centre Tamanu et aperçoit M. X très fébrile, ayant la chair de poule. Il lui dit qu'un gros 4X4 avec vitres fumées et plusieurs gros bras à l'intérieur sont venus chez lui. Il a très peur maintenant. Il dit que c'est une voiture du genre de celle que possède une personnalité politique très, très connue dont il cite le nom. Il dit que plusieurs personnes du Tahoera'a sont passées le voir dans la journée. Il dit n'avoir pas pu dormir. Olivier lui demande de se calmer, qu'on va faire assurer sa sécurité dès ce soir. A 20h30 Olivier Couraud et Fred, son beau-frère qui l'accompagne ce soir là, rencontrent la personne ayant accepté d'apporter son aide pour la protection de M. X, et Olivier lui fait un bref résumé de l'histoire. Ils se rendent au centre Tamanu et Olivier cherche M. X qui semble se cacher. Il sort de l'ombre, il a peur. Il parle en tahitien, oubliant qu'Olivier ne le comprend pas. Olivier lui demande de venir pour lui présenter la personne qui l'accompagne. Il hésite puis le suit. S'ensuit une discussion d'un quart d'heure en tahitien. Notre ami le questionne, M. X se méfie mais parle. Il ne veut plus témoigner seul. Il a donné deux noms. Il veut la présence de deux autres témoins qui pourront témoigner de la deuxième partie de l'histoire de JPK, de celle à laquelle il n'a pas assisté. »



Trois témoins sur un toit



Olivier part à la recherche de M. X qui ne se montre plus car la présence et les propos tenus par l'ami l'ont semble-t-il effrayés. Fred le retrouve dans le bureau des vigiles. M. X lui dit de ne jamais venir là, il se méfie de certains de ses collègues. Olivier va à sa rencontre et M. X. lui dit qu'il ne veut avoir à faire à personne d'autre qu'Olivier. Olivier s'y engage. M. X confirme qu'il acceptera de témoigner s'il n'est pas le seul. Olivier lui demande un éclaircissement qu'il donne : un troisième témoin était sur le toit avec eux. Il est descendu en premier et s'est dirigé vers la baleinière. C'est à ce moment là que les deux autres restés sur le toit ont été surpris. M. X et Olivier se donnent finalement rendez-vous à 10h le lendemain sur la plage du Tahiti Village. Pas plus tôt, car M. X. veut absolument se rendre d'abord à Carrefour pour acheter des jouets pour ses enfants. A 22h50, Olivier et Fred décident de quitter les lieux. Ils avertissent M. X qui leur dit : « C'est pas grave mon collègue vient d'arriver, ça va aller avec lui ». Il est beaucoup plus détendu, il plaisante, pour extérioriser.

- Le mercredi 4 octobre 2006, M. X ne se rendra à aucun des deux rendez-vous qu'il avait fixés avec Olivier, ni celui du matin à 10 heures, ni celui du soir 19 heures. Le jeudi 5 octobre, Olivier Couraud est entendu par le juge d'instruction Stelmach à qui il fait part des déclarations reçues de M. X. au cours des derniers jours, et mentionne les fortes pressions dont M. X. dit être l'objet pour le dissuader de parler. M. X est entendu l'après-midi même par le juge. Il reconnaît les déclarations faites à Olivier Couraud mais dit maintenant avoir inventé toute cette histoire, s'étant inspiré des articles de journaux. Pourtant il avait donné des détails qui n'ont jamais été mentionnés par le presse, détails confirmés par d'autres témoins.



- Le lundi 8 novembre 2006 a donc lieu une confrontation entre Olivier Couraud et M. X devant le juge d'instruction. Celui-ci, comme lors d'une première audition chez le juge, dit avoir inventé toute l'histoire racontée à Olivier Couraud, basée sur des éléments publiés par les journaux. Il dit ne jamais avoir travaillé au GIP. Pourtant, divers proches du témoin ont confirmé à la famille (aucun doute possible selon eux) que M. X avait effectivement travaillé à l'époque pour ce que les gens désignent encore aujourd'hui sous l'appellation GIP. Par ailleurs, il ne peut échapper à Olivier, comme à tous ceux qui connaissent le dossier, qu'il a fourni de son plein gré des détails précis et que le déroulement des évènements tels qu'il les raconte, tout comme les heures indiquées sont tout à fait cohérents.

Le juge pose des questions orientées. Avec le témoin il ne va pas au fond des choses et lui permet de ne pas répondre aux questions de Me Lau, l'avocat de la partie civile qui demande des explications. Quant à Olivier, il n'est pas autorisé à adresser la parole ni au témoin ni au juge. Le témoin simule la surdité. Le juge fait même mine de croire le témoin lorsque celui ci prétend ne pas parler le français (!), ce qui fait que toute la confrontation se déroule avec un interprète. Comme cela avait déjà été fait avec Vetea Guilloux pour tenter de le discréditer, le juge relève bien sûr que le témoin ne travaillait pas au GIP. Affirmation évidente puisque le GIP n'existait pas encore officiellement à l'époque des faits. Les agents qui travaillaient alors dans ces équipes étaient soit des agents de la flottille administrative, soit des agents du SEP, société de gestion de déchets, à laquelle appartenait Vetea Guilloux en fin d'année 97 lors de la disparition de JPK. A l'issue de cette confrontation, Olivier constate que le juge a constamment cherché à le prendre en défaut. Son impression est que le juge se positionne contre la famille et instruit à décharge uniquement, semblant ne vouloir attacher aucune importance aux propos que M. X. reconnaît pourtant avoir tenu spontanément (en français !) auprès d'Olivier Couraud.



- Le 11 octobre 2006, Philippe Couraud rencontre pour la première fois un des nouveaux responsables de la flottille administrative (structure dans laquelle travaillent bon nombre d'ex GIP), nommé en février 2006. Il raconte comment, les premiers jours de son entrée en fonction, il avait été invité à prendre un verre un vendredi après-midi par l'équipe de Rere Puputauki, l'ex chef des GIP. Au bout de la 2è ou 3è bière, Tutu Manate déclare de sa propre initiative qu'il n'est pour rien dans la disparition du journaliste popa'a, JPK. Il est immédiatement repris par un de ses collègues qui le traite de menteur et fait allusion aux détails mêmes de la scène de l'assassinat à laquelle Tutu Manate aurait participé. La remarque jette un profond malaise dans toute l'assistance pendant un très long moment. Yannick Boosie, l'adjoint de Rere Puputauki est présent. Cet incident rend très perplexe ce cadre de la flottille. Quelques jours après, Tutu Manate profère des menaces très précises à l'encontre de James Salmon, le ministre de l'Equipement, indiquant que [les GIP] étaient capables d'avoir recours à la violence, y compris contre ses proches. Ce nouveau témoin, cadre de la flottille administrative, sur la base de tous ces éléments (propos tenus, attitudes) considère aujourd'hui que ces hommes ont très certainement commis un assassinat sur la personne de JPK. Il indique être tout à fait disposé à faire part de ces éléments au juge d'instruction. Dès le lendemain (courrier en date du 12 octobre 2006), il est demandé au juge de procéder à l'audition de ce nouveau témoin. Celui-ci n'a toujours pas été entendu par le juge.



- Entre-temps, le 18 octobre 2006 Philippe Couraud reçoit un témoignage au sujet d'un film vidéo dans lequel Rere Puputauki téléphonerait à une très haute personnalité politique (dont le nom est cité) le soir de l'assassinat de JPK afin de solliciter des instructions. Ce film aurait été également vu par plusieurs personnes habitant le « quartier Rurutu » (Tahiti). Par courrier en date du 23 octobre 2006, l'audition de cette personne est sollicitée. A ce jour, elle n'a toujours pas été entendue.



Le 27 octobre 2006, vers 9 heures, Mme Y. demande à voir Philippe Couraud. Elle connaissait JPK et souhaite raconter ce qui se dit actuellement au sein de la flottille administrative, selon les déclarations d'un employé. Les ex-GIP licenciés impliqués dans l'assassinat de JPK n'étant plus rémunérés par l'administration, certaines personnes (dont elle cite le nom) continuent actuellement à leur verser des sommes d'argent en guise de salaires, car dés lors qu'ils ne seraient plus payés, ils raconteraient tous les détails de l'assassinat de JPK.



Les témoignages recueillis par

Tahiti Pacifique



- En octobre 2005, nous rencontrons M. Y, jadis un des adjoints de Rere Puputauki. Au cours d'une longue entrevue, cet homme nous a dévoilé (devant témoin) que sur les cinq GIP qui auraient participé à la fameuse partie arrosée de "kikiriri" où l'un d'eux aurait raconté l'assassinat de JPK à Vetea Guilloux, deux seraient depuis décédés de façon pour le moins étrange : l'un, V.C., un sportif de 30 ans en pleine santé, se serait noyé dans 20 cm d'eau d'une rivière et l'autre, F.H., un homme costaud 35 ans, serait mort d'un arrêt cardiaque sur le chantier aux îles Tonga. Mais ce qui est bien plus troublant, c'est que cet homme affirme sur l'honneur qu'il aurait, lui aussi, entendu un témoignage similaire aux affirmations de Vetea Guilloux de la part de l'un des participants supposés liés à la disparition de JPK, et ceci plus d'un an avant les déclarations. En 2003, lors d'un embarquement d'élèves sur le navire Tahiti Nui pour leur transport vers les îles Australes, il avait demandé à Tutu Manate d'assurer que les voitures des familles n'entrent pas sur le quai et lui demanda s'il pouvait compter sur lui : « Tu peux compter sur moi, rappelle-toi ce qui s'est passé avec le journaliste popa'a qu'on a "tutau" ! ». Tutu fut alors tout étonné que M. Y ne comprenne pas. Plus tard, M. Y aborda Rere Puputauki et demanda une explication. Celui-ci répondit : « Ça ne te regarde pas,. Affaire classée ! ».

M. Y affirme avoir raconté cet incidents aux gendarmes lors de son unique audition, et ceux-ci lui ont alors répondu que « ce n'est pas la question ».



- Le 15 décembre 2006, une dame Z se présente impromptu à la rédaction de Tahiti-Pacifique magazine à Moorea. Elle explique avoir assisté le 9 décembre à une réunion de famille (dont une branche est originaire de Rurutu). Mme Z raconte comment elle a été le témoin d'une conversation entre deux dames matahiapo (âgées), parentes de M. Tino Mara, l'un des GIP accusé par Vetea Guilloux d'être impliqué dans le meurtre. A la question « comment Tino a-t-il pu faire une chose pareille » l'une a répondu « Tino a expliqué à sa maman qu'il était dans la baleinière, oui, mais qu'il était juste un intermédiaire entre l'équipe et Rere [Puputauki], il était là pour récupérer les dossiers. Ce sont [trois noms sont cités] qui ont fait le sale boulot. » Au sujet des déclarations de Vetea Guilloux [pour lesquelles il a été condamné à la prison ferme], la dame a déclaré « ce que Vetea a raconté est précis, bien qu'il n'était pas là ».



Effet contraire



Ainsi donc, dans cette terrible affaire JPK, s'amplifie un effet qui semble contraire à celui escompté par le parquet de Papeete. Les divers témoignages cités ci-dessus, qui se rejoignent et se rajoutent à d'autres ne peuvent plus être qualifiées de rumeurs tant ils deviennent précis et concordants.

Les protagonistes et stratèges de "l'étouffement" de cette affaire n'ont certainement pas pris en compte le contexte local, c'est-à-dire des communautés îliennes très soudées de populations foncièrement honnêtes où le mensonge est contraire à la norme, mais encore « l'effet loupe » d'une micro société dans laquelle finalement tout se sait.



Rappelons que lors de sa condamnation, Vetea Guilloux avait aussi été sanctionné pour ses révélations sur la "cellule espionnage" du GIP qualifiées de « fantaisistes », révélations pourtant superbement confirmées par la suite non seulement par le rapport d'enquête n°278/2005, intitulé « Existence d'une "cellule d'espionnage" au sein de la Présidence du Territoire de la Polynésie française », de la compagnie des îles-du-Vent de la Gendarmerie nationale, mais encore par le rapport de la Chambre territoriale des comptes sur la Présidence de la P.F. Suite à ces rapports incontestables qui énoncent des délits graves, à notre connaissance, aucun des responsables ne semble avoir été mis en examen. Pourquoi ? Aussi, suite à l'annulation par la Cour de cassation, le nouveau procès de Vetea sera « dépaysée » et rejugée devant un tribunal à Paris, ce qui semble indiquer que le tribunal de Papeete pourrait être « influencé ». Une suspicion que renforce les acquittements répétés et franchement scandaleux de Rere Puputauki, notamment celle du 24 janvier 2006 lorsque « l'amiral », comparaissait devant le tribunal correctionnel de Papeete pour répondre de la mort d'un membre de son service et que le procureur de la République a recommandé l'abandon des charges car Rere « était bien chef de service, mais il n'était pas employeur » car ce dernier ne pouvait pas être tenu responsable puisqu'il n'y avait « pas de preuve que Léonard Puputauki ait bénéficié d'une délégation de pouvoir en ce qui concerne la sécurité du GIP » (sic !). Pourtant un arrêté du conseil des ministres, que personne n'a produit, avait donné tous les pouvoirs à Rere. Mais encore, comme « le GIP dépend de la présidence, on peut donc considérer qu'à l'époque, le chef [du décédé], c'était Gaston Flosse » mais, bien sûr comme l'a expliqué l'avocat de Léonard Puputauki, « la prescription de trois ans », applicable dans ce genre d'affaires, « était acquise pour Gaston Flosse ». Ceci pourrait expliquer la lenteur de la procédure de cette affaire, plus de 5 ans... A Tahiti, le Parquet lave-t-il (certains) plus blanc que blanc ?

N'oublions pas non plus les échos qui parviennent des îles Australes où la population est admirative devant les superbes voitures de certains ex GIP et d'une superbe maison, avec du marbre SVP, construite par l'une des personnes accusées par Vetea Guilloux alors que son salaire n'est qu'un peu au-dessus du Smig.

Un autre événement vint encore conforter la suspicion d'un "enterrement" judiciaire de l'affaire. Le 10 novembre, M. Stelmach, juge d'instruction qui conduisait depuis peu l'enquête sur la disparition de Jean-Pascal Couraud, a demandé à être déchargé du dossier en spécifiant un « renvoi devant une autre juridiction dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice ». La "patate" serait-elle devenue vraiment trop chaude ? A moins que ce soit parce que l'absence de juge d'instruction ne permet plus aux gendarmes d'auditionner de nouveaux témoins, ce qu'ils ont confirmé à Philippe Couraud. Ce « gel » soudain de l'enquête est d'ailleurs la raison principale pour laquelle l'association a fait appel aux médias.



Un tout qui a fait que l'association Reporters Sans Frontières exprime sa solidarité (en français et en anglais) avec un « nous rejoignons l'appel du comité de soutien et demandons aux autorités judiciaires de Polynésie de ne pas écarter la thèse de l'assassinat de Jean-Pascal Couraud pour ses activités professionnelles. Il faut que tous les témoins qui peuvent contribuer à faire la lumière sur cette affaire soient entendus ».

Ce qui pour l'instant est impossible car, suite à l'absence de juge d'instruction (aucun remplaçant n'a encore été nommé), les gendarmes ne peuvent rien faire.



Certains observateurs (paranos ?) osent penser que la rapidité de la motion de censure (qui a remis fin décembre le Tahoera'a au pouvoir à Tahiti) aurait été commandée par l'urgence de redonner des emplois rémunérés à une trentaine de GIP chômeurs devenus bien bavards.



Machination ?



Hélas, le plus grave dans cette affaire est certainement que l'image de l'impartialité de la justice à Tahiti, tout comme celle de la gendarmerie, est bien malmenée, ce qui est désastreux pour un bon fonctionnement démocratique. Certains magistrats du monde judiciaire de Papeete avouent d'ailleurs une « grande tension » et un « moral bas au Palais [de justice] ». Serait-ce dû au fait qu'un haut magistrat pourrait se croire investi par une sorte de "mission divine" qui consisterait à orchestrer une machination (à laquelle certains juges accepteraient de participer) pour protéger par tous les moyens l'ex GIP et son chef Rere Puputauki qui, s'il était condamné, pourrait mettre en danger le sénateur Flosse, lequel à son tour pourrait alors mettre en danger « les plus hautes sphères de l'Etat » ?

L'avenir nous le dira...



Alex W. du PREL

Sources : témoignages, site www.soutienjpk.org, archives TPM, Le Monde, Libération, Reporters Sans frontières, etc., etc.

CiterTahiti-Pacifique Magazine n°198, octobre 2007

L'aventure judiciaire continue...
Le procureur Bianconi et ses acolytes utilisent
les subtiles ficelles de la justice contre Tahiti-Pacifique magazine



Nous nous en doutions et c'est arrivé. Notre étonnante condamnation - que nous considérons scandaleuse -lors du procès que nous avait intenté Mme Bourne, ainsi que deux autres procès de la même veine (Nelson Levy1 et Yves Haupert2) confortent notre opinion que ceux-ci n'étaient qu'une première étape, une "mise en bouche" d'une offensive de grande envergure montée par le procureur Jean Bianconi pour faire taire Tahiti-Pacifique.

Ainsi, le 1er septembre nous recevons un long fax d'une dame juge d'instruction au tribunal de grande instance (TGI) de Paris nous commandant de nous présenter à ses bureaux le 10 octobre à 9 heures (elle indique même la station de métro !), afin qu'elle puisse nous mettre en examen pour notre article "Oui, JPK a bien été assassiné" (TPM 189, p.22-25). Les plaignants dans cette lointaine procédure ne sont nuls autres que le gratin du parquet de Papeete, nommément le procureur de la République Jean Bianconi, le vice-procureur Christophe Perruaux ainsi que Philippe Stelmach, vice-président chargé de l'instruction au tribunal de première instance.

A Paris ? Pourtant tous ces hauts magistrats habitent et travaillent bien sous les cocotiers de Tahiti (raison pour laquelle ils ont d'ailleurs les honneurs dans nos pages) tout comme Tahiti-Pacifique a sa rédaction sur l'île de Moorea, à 20 kilomètres de Papeete.

Pourquoi alors Paris ? Pourquoi déplacer des actions judiciaires à 20 000 kilomètres ? N'est-ce pas ce que l'on peut nommer un « traquenard » judiciaire ?

Ainsi, rien que pour le « première convocation pour une mise en examen » au TGI de Paris, on me condamne, "pour commencer", à un voyage Moorea &endash; Tahiti &endash; Los Angeles &endash; Paris (et retour), un périple qui ne peut se faire en moins de 4 jours car il représente 38 000 kilomètres avec au minimum 46 heures d'avion et un coût d'environ 4000 euros : avion, taxis, restaurants, hôtels à Tahiti et à Paris où je ne connais personne ; achats de vêtements chauds, etc. ; je ne possède même pas une cravate. Un calvaire car il faut en sus supporter deux décalages horaires de 12 heures. L'exigence d'un tel voyage &endash; soi-disant pour la Justice &endash; n'est-il pas irréel, excessif ? Ainsi donc, avant même notre mise en examen, nous serions déjà condamnés à débourser une petite fortune que Tahiti-Pacifique n'a pas car le mensuel est une minuscule publication [tirage : 6500] presque philanthropique qui œuvre dans un micro marché (et une économie en crise) ; nos accusateurs le savent très bien.

Un ami avocat qui connaît bien l'univers parisien des robes noires du TGI de Paris nous explique le schmilblick : « Pour porter plainte à Paris, c'était simple, Bianconi n'avait même pas à demander la délocalisation. Il lui suffisait de démontrer que Tahiti-Pacifique est distribué à Paris. Il achète un magazine à Paris [la librairie L'Harmattan en vend 25 par mois], se fait délivrer une facture d'achat et le tour est joué : le délit est commis sur Paris et le tribunal de grande instance de Paris est compétent. La contestation de ce choix "potestatif" [qui dépend de la volonté d'une des parties] de la juridiction a été soulevé auparavant. C'est un vieux procédé qui a déjà été utilisé dans le passé par des petits vicieux qui faisaient un procès à St Denis de La Réunion ou à St Pierre et Miquelon, contraignant ainsi l'auteur et l'éditeur d'un livre paru à Paris à aller se défendre dans ces juridictions lointaines. Dans ces procédures, le souci de porter atteinte aux droits de la défense est évident, car le libre choix de la juridiction d'instruction et de jugement est contraire aux principes généraux du droit (on ne choisi pas son juge). Malgré cela, la cour de cassation a étrangement jusqu'à présent accepté la compétence de tous lieux où le délit a été commis. Vous aurez à vous défendre contre un Bianconi et ses acolytes assistés des lumières des parquetiers de la 4ème section du parquet de Paris spécialisé en la matière, avec une juge d'instruction qui doit avoir régulièrement ce type d'affaire à instruire, pour se terminer devant la 17ème chambre correctionnelle du TGI, spécialisée dans le droit de la presse. J'ai vu les problèmes soulevés par une telle affaire et vous ne pourrez pas vous en sortir sans un avocat expert du droit de la presse. Il est sûr que les trois magistrats vont invoquer la protection statutaire du magistrat dans l'exercice de ses fonctions. Or, c'est connu, espérer obtenir une relaxe devant la 17ème chambre du TGI de Paris doit s'attacher les services d'un professionnel de la matière. Attendez-vous à dérouiller financièrement. ».

Le traquenard est donc bien machiavélique. D'abord nos accusateurs semblent avoir utilisé des astuces de procédure connues seulement de fins légistes (trop long à exposer ici) pour nous faire ces procès. Ce qui fait qu'après la mise en examen, il faudra d'abord se défendre devant la chambre d'accusation du TGI, ce qu'on ne peut faire qu'avec des avocats compétents qui coûtent "la peau des fesses", le même par la suite pour les trois procès devant la 17ème chambre spécialisée où n'a de chance de se faire entendre que celui qui embauche les meilleurs avocats au meilleur prix. Ensuite ça sera la Cour d'appel, puis la cassation car je serai certainement condamné. En effet, s'ils me font des procès là-bas, c'est que nos accusateurs doivent certainement y avoir des amis et copains de leurs réseaux d'école, ou d'autres chapelles, prêts à nous pourfendre. En plus, les plaignants bénéficient, eux, de beaux salaires indexés et de l'assistance judiciaire, cette « protection statutaire du magistrat dans l'exercice de ses fonctions »3, ce qui leur permettra de puiser parmi les lumières des parquetiers de la 4ème section du parquet de Paris spécialisée en la matière, ainsi que des ténors du barreau de la 17ème chambre "spécialisée" du TGI de Paris où la justice est plutôt une affaire d'interminables débats entre de coûteux avocats experts sur les subtilités de la procédure et des jurisprudences, cela aux frais du pauvre justiciable, bien sûr.

Ainsi donc, si ces procédures judiciaires vont à leur terme, condamné ou acquitté, ce sera la disparition assurée de notre publication, laquelle existe depuis 17 ans et jouit d'une excellente réputation, tant sur le plan local, national comme dans la zone Pacifique.

L'acharnement manifeste du procureur Bianconi à l'encontre de certaines personnes est devenu de notoriété publique à Tahiti. Plusieurs cas en témoignent : Vetea Guilloux, celui qui a accusé le GIP d'avoir assassiné le journaliste Jean-Pascal Couraud (JPK) et pour cela a été condamné à la prison ferme, l'ex doyen des juges d'instruction de Papeete Jean-Baptiste Taliercio qui a démissionné par dégoût après son blâme (selon son avocat, les dossiers montés contre lui atteignaient 5 mètres de haut), tout comme l'ex chef de la brigade de recherche de la Gendarmerie, le capitaine Gilles Goubin lequel a vu sa carrière brisée et dut vendre son appartement, économie d'une vie d'honnête travail, afin de payer ses frais de justice.

Maintenant c'est à notre tour de subir les foudres de Bianconi. Il nous semble évident que nous allons y laisser des plumes, surtout que nos adversaires ont tous les moyens de la justice républicaine pour mieux nous broyer. Depuis une assez houleuse entrevue avec le procureur Bianconi fin 2004 (après le premier procès de Vetea Guilloux), nous avons recueilli deux témoignages, d'un magistrat comme d'un cadre du palais de justice, qui nous ont révélé que celui-ci aurait fait des déclarations du genre « je vais avoir la tête de du Prel ».

Nous pensons aussi que ce traquenard a été planifié depuis longtemps : en effet, début avril 2005 eut lieu une réunion du « premier cercle » de Gaston Flosse au cours de laquelle furent analysées les raisons du second et cuisant échec électoral du sénateur. Plusieurs confidences ainsi que des articles dans L'Hebdo confirmèrent que Tahiti-Pacifique est considéré par ces personnes être l'un des « responsables » de la chute du grand Gaston (merci pour le compliment). Donc, afin d'assurer un glorieux retour au pouvoir du "frère de Chirac", il faut faire taire ce petit organe de presse trop indépendant.

Apparemment assistait à cette réunion Mme Christine Bourne, l'ex journaliste de La Dépêche qui explique les 80 millions Fcfp (668 000 euros !) d'argent public que lui a donné l'ex président Flosse ainsi : « mon rôle était beaucoup plus confidentiel basé sur l'actualité immédiate (...) des entretiens confidentiels sur la stratégie à mener et les tactiques à utiliser étaient prévues chaque fin de semaine outre les entretiens quasi quotidiens au téléphone »4. Ce qui expliquerait la raison pour laquelle cette dame écrivait en avril 2005, dans la rubrique « Confidences » de son blog Internet, cette phrase : « Notre confrère du Prel a de grandes chances d'avoir à se disculper devant la Justice (...). De Paris à Papeete, les procès vont tomber... »5

La question est donc celle-ci : mais comment donc la conseillère confidentielle de M. Flosse pouvait-elle savoir à l'avance que nous aurions trois procès à Tahiti (d'elle et de deux autres obligés de Gaston Flosse), et surtout qu'ensuite trois magistrats du parquet allaient nous assigner devant les tribunaux de Paris ? Le procureur aurait-il pu participer à cette mémorable réunion du « premier cercle » de Gaston Flosse ??? Nous n'oserions le croire !

Bien sûr, il est évident que nous n'allons pas « passer à la moulinette » sans nous défendre, même si c'est avec nos petits moyens "provinciaux", voire "coloniaux". Nous avons donc écrit une longue lettre à Madame Rachida Dati, le ministre de la Justice et garde des Sceaux, pour lui expliquer notre problème, en précisant même que « si je témoigne à la barre du TGI de Paris comment œuvre la justice dans la lointaine île de Tahiti, pour sûr on va me prendre pour un fou tant cela paraîtra incroyable. »

Nous avons aussi contacté nos confrères de la presse parisienne, et savez vous ce que certains ont répondu ? : « Ecoute, c'est super. Le sujet de l'article sur lequel ils t'attaquent, c'est l'affaire JPK, le GIP, le réseau de protection de Flosse, etc. Enfin un procès à Paris sur ces affaires ! Alors, vas-y à fond, raconte tout ce que tu sais, nous serons tous là, aiguisons déjà nos crayons ! ». Peut-être, mais même si en fin de compte je gagnais, je serais ruiné, exsangue. Là est certainement le but de cette "manip" parisienne qui ressemble fort à une vendetta.

Une affaire, bien sûr, à suivre !

Alex W. du PREL

Notes :

1- Peu après Mme Bourne, M. Nelson Lévy, ancien trésorier du Tahoera'a (parti de M. Flosse) me traîne en justice pour une soi-disante diffamation dans le courrier d'un lecteur en me réclamant un million Fcfp de dommages-intérêts. Le connaissant de longue date, je l'appelle pour lui demander de quoi il ressort. Il me répond « Ecoute, vois avec Quinquis (l'avocat du Tahoera'a), c'est lui qui fait ça. » Peu de temps après, hélas, il décède. Quelque jours avant le procès, j'appelle et laisse des messages pour Me Quinquis qui ne répond jamais. La veille du procès, le 26 juin, j'appelle le greffe du tribunal correctionnel qui me répond « Non, je n'ai rien du tout sur le rôle, y'a pas de procès, mais appelez le greffe du parquet pour être sûr ». J'appelle ce greffe et à l'énoncé de mon nom, une dame me répond « Si, si, si, il faut venir, si, cela a été consigné, le procès aura lieu ». Panique, vite préparer ma défense jusque tard dans la nuit, prendre le bateau de 5 heures pour être au tribunal à 8 heures où je découvre que mon affaire a été rajoutée en bas du rôle. Ensuite, la présidente du tribunal s'entendra dire par le conseil de Nelson Levy qu'il n'y a pas de délégation des héritiers, et on m'annonce qu'on m'avisera de la nouvelle date d'un procès. Je dois attendre jusqu'à fin août pour recevoir une lettre du tribunal correctionnel qui m'annonce que comme M. Levy n'avait jamais consigné, l'affaire est classée. On m'avait donc fait venir au tribunal alors qu'on savait très bien qu'il ne pouvait y avoir de procès. Voilà qui ressemble fort à une instrumentalisation de la justice.

2- Pour la plainte de Yves Haupert (ancien chef de la propagande du président Flosse, même avocat, même million réclamé, mêmes raisons fallacieuses), je me retrouve à la barre le 31 juillet (après que M. Flosse ait "pacsisé" avec M. Temaru) et, Ô surprise, je peux parler, je peux me défendre, on me laisse plaider librement. Le 26 septembre, le tribunal déboute M. Haupert et prononce ma relaxe.

3 &endash; Assistance dont avait bénéficié le haut-commissaire Mathieu suite à la plainte de Yves Conroy qui lui reprochait de refuser de démettre de ses fonctions le vice &endash; président de l'assemblée Henri Flohr, pourtant définitivement condamné à l'inéligibilité. Grâce à un ténor venu du barreau de Paris, l'affaire eut droit à un enterrement "élyséen".

4 - Extraits du rapport de la Chambre territoriale des Comptes.

5 - http.//www.tahititoday.com/archives/Confidences/Avril%202005/Confidence%2008%20avril.htm