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Le cœur du HeartLand

Démarré par JacquesL, 18 Janvier 2025, 07:33:46 PM

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JacquesL

Le cœur du HeartLand



par Benoit Tement

Les Occidentaux n'ont eu de cesse de considérer le monde entier comme un territoire à conquérir, maîtriser, contrôler ! Moi plutôt qu'un autre ! Supposant ainsi que l'inéluctable nécessité de dominer comme un acte naturel, consubstantiel à l'homme, du fond de la jungle à la géopolitique mondiale.

Vu d'ailleurs (Orient, Sud global), le monde serait une grosse boule dont les éléments se lieraient par des accords commerciaux réglés par des lois internationales ! Vision idéaliste ?

1. Histoire

La colonisation du monde depuis le XVe siècle démontrerait par l'exemple ce possible contrôle hégémonique planétaire. Mais deux écoles se sont affrontées durant ces derniers 5 siècles.

Dans ce bas monde, tel que Dieu nous l'a dessiné, des terres et des mers, des océans et des continents se sont peuplés d'hommes, organisés en cités, de peuples constitués en Nations. Ces hommes, aux filtres de l'Histoire des Nations, et du contexte géographique des peuples, ont projeté un futur idéal, un projet économique, un paradis politique pour le bien commun ou de manière moins généreuse pour le bien communautaire, voir personnel.

Il est intéressant aujourd'hui de comparer deux approches toutes deux occidentales, de la stratégie d'hégémonie appliquée à notre planète. Rien que cela !

Sir Walter Raleigh (1552-1618)

déclarait, à partir de son expérience et sa perception du monde : «celui qui commande la mer, commande le commerce, celui qui commande le commerce commande la richesse du monde, et par conséquent le monde lui-même».1

C'est une réelle déclaration de guerre au monde entier. Le traité de Tordesillas en 1495, puis celui de Saragosse en 1529 partagèrent le monde entre deux puissances maritimes : L'Espagne et le Portugal. C'était donc possible, c'était donc pensable au point de l'écrire contractuellement !

Puis, progressivement, les Anglais, s'appuyant sur la prédominance de sa flotte, devinrent les maitres des océans, s'assurant ainsi le contrôle des flux des richesses des continents colonisés.

En France, Richelieu déclarait en 1624 «Se rendre puissant sur mer donne entrée à tous les États du monde !».

Au sortir de la première guerre mondiale, les États-Unis évincèrent la Grande-Bretagne et émergèrent comme première puissance militaire mondiale de manière plus radicale encore.

Le concept de «Manifest Destiny», puis la Doctrine Monroe, et son corolaire de 1904, puis la politique du «Big Stick» persuadèrent les étatsuniens de leur droit naturel à dominer.2

Des personnalités comme Alfred Mahan, officier de marine, préconisait une approche principalement basée sur la marine pour la mise en œuvre de l'Empire américain.

D'autre comme Sir John Corbett privilégiait une approche plus commerciale s'appuyant sur des traités internationaux favorables aux USA.

Jusqu'au début du XXe siècle la thalassocratie chère à Raleigh a donc démontré sa pertinence.

Halford John Mc Kinder (1841-1947)

Cependant, en 1904 Mc Kinder publia un article de géopolitique qui allait à l'encontre de l'hégémonie thalassocratique américaine : Le Heartland.

Vue comme la dernière partie du monde qui échappait aux horizons maritimes. Cette hypothèse géopolitique devient une obsession pour tous les stratèges anglosaxons.

«Quiconque contrôlerait le HeartLand avait de bonnes chances de contrôler à la fois le reste de l'Asie et le reste de l'Europe, pouvant ainsi obtenir une position privilégiée face à la domination mondiale». ~ Mac Kinder

«La Russie est sur le toit du monde». ~ Vladimir Poutine

Ces déclarations sont à l'évidence en opposition frontale avec les stratégies thalassocratiques pour l'avènement d'un monde hégémonique étatsunien. 

En première approximation on pourrait penser que cette analyse tombe au bon moment pour justifier l'expansionnisme étatsunien au-delà des océans et des franges côtières attenantes. C'est donc là un discours autoréalisateur.

Pour y parvenir, Spykman et Georg Kennan proposèrent une stratégie : le RimLand comme confinement (containment) du HeartLand. Cette stratégie permet encore aujourd'hui d'utiliser les océans pour endiguer le plus grand continent du globe par le contrôle des pays côtiers qui l'enserrent.

Et tous les stratèges occidentaux de s'engouffrer dans cette voie-là, la suprématie maritime étant indiscutablement acquise... jusqu'à aujourd'hui : Brzezinsky, Wolfowitz, Friedman, l'ISW, et la Rand Corporation pour ne citer qu'eux !

Alors ? La mer ou le terre ? Alors thalassocratie ou tellurocratie ? Qui pourrait émerger comme leader mondial ?

2. Mer contre terre aujourd'hui

Le monde change, et vite. Si la marine permet de joindre le port A au port B pour un coût modique, les routes terrestres présentent aujourd'hui bien plus d'avantage. Bien sur l'investissement pour la construction d'une autoroute ou d'une ligne de chemin de fer est conséquent, mais en constante diminution, et présente les avantages suivants :

  • Permet des échanges plus rapides, et plus modulaires.
  • Permet surtout un développement sur tout le parcours comme l'ont démontré le transsibérien 1905, ou le First Transcontinental Railroad aux USA en 1869. Cette politique de la «ligne de vie» s'applique à toutes les infrastructures de transport ou d'énergie. (lignes électriques, gazoduc, routes et autoroutes, chemin de fer, canaux d'irrigation ou de transport fluvial).
  • La durée de vie des infrastructures continentales se comptent en siècles, contre seulement en décennies pour les flottes de bateaux !

Les puissances émergentes ont aujourd'hui et la technologie et les capacités financières pour développer de telles infrastructures transcontinentales. La Chine l'a bien compris avec les projets «Route de la Soie» puis, «One Belt One Road»

Les Chinois testent par exemple aujourd'hui des robots capables de construire des routes sans ouvrier.3

Ces routes ne sont pas des seuls vecteurs de transport des produits manufacturés chinois, elles sont également l'opportunité de développement de ces terres centrales.

Le transport maritime à contrario ne s'intéresse seulement qu'aux points de départ et d'arrivée.

D'ailleurs on peut valablement s'interroger sur l'obsession chinoise de terminer les routes de la soie en une Europe promise à un déclassement économique et financier. Les routes de la soie n'ont donc d'intérêts que par et pour la route elle-même, vecteur économique, stratégique et in fine politique pour les pays traversés, le Heartland donc !

Coté thalassocratie c'est presque Trafalgar. Les marines occidentales se retrouvent sans défense face aux missiles de nouvelle génération. L'aversion des cargos occidentaux et des portes avions US pour la mer Rouge contrôlée par les Houthis le démontre totalement.

Les chantiers navals chinois auront produit 60% de toutes les unités mises à l'eau en 2024.4

La Chine maîtrise également 40% du fret maritime des 100 plus grands ports du monde.5

Cela ne fait ni de la Chine, ni de la Russie, des pays maritimes, des puissances thalassocratiques. Stratégiquement parlant l'accès aux mers profondes se fait soit, à travers des détroits contrôlés par l'occident (Orensund, Dardanelles, Gibraltar) pour la Russie, soit par des passes peu profondes entre des chapelets d'iles faisant une gaine autour de la Chine. Taïwan revêt un intérêt particulier à la lumière de cette problématique, tout comme les Iles Paracel. Dans ces conditions il serait aisé pour l'OTAN, AUKUS ou le QUAD de pratiquer un blocus complet de ces deux pays.

Aujourd'hui le constat est clair : La Chine et la Russie ont une réussite économique insolente et se présentent comme contre modèle au reste du monde.

Regardons de plus près l'appétences des pays non-maritimes, continentaux donc, pour les BRICS et les routes de la soie, et donc pour le partage d'une vision continentale du monde :

3. Statistiques

Le nombre de pays dans le monde n'ayant aucune frontière maritime d'élève a 42/197 soit 21%. Si l'on exclut quelques paradis fiscaux européens, (Luxembourg, Andorre, St Marin, Lichtenstein, et Vatican) le ratio tombe à 37/197 soit 19%

A) L'Europe

La corrélation entre la distance à la côte et russophilie des dirigeants des pays est presque parfaite pour la plus-part des capitales européennes. Il ne s'agit pas uniquement de «slavitude» continentale, car la Hongrie, la Slovaquie et l'Autriche ne sont pas slaves.





B) En Afrique nous comptons nombre de pays qui affichent leur russophilie et partagent des accords forts avec la Russie, notamment dans le domaine militaire : Mali, Centre Afrique, Burkina Fasso, Niger, Tchad). Aucun de ces pays n'a de frontière maritime. On peut ajouter la RDC qui ayant une frontière maritime de 50 km n'a pas vraiment de culture maritime.

Continentalité !



BRICS continentaux, et forts sans majuscule, accords militaires forts avec qui ?

L'Éthiopie, pays «a-maritime», fait partie des BRICS +. L'Ouganda a rejoint le cercle des partenaires des BRICS en janvier 2025. Donc en Afrique 8 des 16 pays africains dépourvus de frontière maritime, et représentant les trois quarts de la surface totale de ces 16 pays, sont liés d'une manière comme d'une autre à ce qu'il faut bien appeler une communion de vue, une convergence d'intérêts, une continentalité en partage en somme.

La Zambie est économiquement fortement liée aux BRICS, mais n'a pas d'accord majeur militaire avec la Russie. J'hésite donc à la considérer comme partageant une philosophie «continentale» commune.

C) On pourrait prendre à revers le «thallassocentrisme» en considérant une insularité continentale des pays «a-maritimes». Le monde en négatif. L'océan étant un désert inhabité, difficile à franchir.

En Asie centrale, tous les pays a-maritimes sont, soit partenaires soit observateur dans l'organisation de coopération de Shangaï, organisation bien plus structurée et organisée que les BRICS.

Ils sont 7/12 (Biélorussie, Mongolie, Kirghizstan, Afghanistan, Tadjikistan, Kazakhstan, Ouzbékistan). Il s'agit là du HeartLand central si cher à Mac Kinder, Spykman et Kennan, puis Brzezinsky, Wolfowitz et Friedman.

Le Turkménistan est une exception notable car ce pays affiche une neutralité totale et donc n'adhère officiellement à aucune structure.

Il s'agit davantage d'une neutralité de façade, que la raison économique trahit.

À noter que l'Ouzbékistan est le seul pays au monde, avec le Liechtenstein à partir duquel il faut traverser deux frontières pour atteindre la mer. Le cœur du HeartLand, le cœur du monde ?

D) Les BRICS+2025 continentaux

50% des nouveaux pays associés aux BRICS depuis le 1er janvier 2025 sont continentaux. Alors que pour rappel seuls 19% de toutes les nations le sont. La corrélation est indiscutable. (Bolivie, Biélorussie, Ouganda, Kazakhstan et Ouzbékistan).

Si l'on considère la famille des BRICS dans sa totalité, outre la Russie et la Chine que nous considérons donc comme continentales, l'Ethiopie est membre de plein droit depuis le 1er janvier 2024. Le ratio pays BRICS continentaux rapporté au nombre de pays BRICS est donc de 31% encore largement supérieur au 19% mondiaux.

Pour le monde entier, en plus de la Russie et de la Chine la somme des pays de la mouvance continentales, soit par appartenance aux BRICS, à l'OCS, à l'EAEU, ou par alliance militaire forte nous amène à un total de 18/37 pays continentaux ! La moitié à comparer encore aux 20% mondiaux.

En termes de surface le calcul est encore plus net.

E) On peut approcher la continentalité par la notion de bassin hydrographique. Cette approche permet de constater que les peuples, leurs cultures et leurs économies se sont construits et préservés autour de ces bassins. Il en va de même dans les vastes zones continentales où les eaux de ruissèlement ne parviennent jamais à la mer : les bassins endoréiques.

Cela peut paraitre anodin pour nous européens pour qui les rivières, les lacs, toutes les étendues d'eau, vont à la mer. L'eau nous entoure, elle circule et fait circuler les biens et les marchandises. La perception que nous avons, urbains comme ruraux, de notre environnement inclut donc dans notre inconscient la rivière jusqu'à la mer, l'église au milieu du village, l'école à côté de la mairie. Il en est différemment pour bien d'autres peuples, ceux des bassins endoréiques en particulier. L'isolement géographique, doublé d'un isolement hydrique forgent les caractères des habitants, et forgent les identités et les solidarités.

Cette contrainte géographique a nécessairement construit dans l'inconscient populaire une vision particulière du monde, vision coopérative, que l'on retrouve dans le, HEartLAnd. Les quatre bassins endoreïques les plus grands appartiennent tous aux BRICS (Russie, Kazakhstan, Chine, Iran).



Ces mers vides ou fermées forment des bassins où il est aujourd'hui possible de construire des liens terrestres donnant une impression d'immensité à ces étendues traversées à pied sec, ... ou en TGV.



Les russes développent aussi une nouvelle route vers l'Inde : «corridor Nord Sud»



La construction d'un nouveau gazoduc, le «Power of Sibérie 2» traversant la Mongolie vers la Chine vient d'être actée par les présidents Xi Ji Ping et Poutine.



La Turquie tente d'ouvrir une voie terrestre vers l'ensemble des pays du grand «Turkistan». Le dernier verrou pour atteindre par voie terrestre le tant convoité HeartLand qui plus est, est de langues turciques... Reste, (au mieux), à négocier l'ouverture en Arménie du corridor de Zanguezour, au cœur des négociations actuelles entre l'Azerbaïjan et l'Arménie.


Carte des pays turciques

Ces zones sont souvent doublées, de par leur éloignement de l'océan, de problèmes hydriques et donc la ressource en eau est rare, et la population augmentant rapidement, ajoute à la psychologie collective une conscience du bien commun en général et en particulier de l'eau.

Un atout majeur de la Russie est de pouvoir mettre en œuvre, moyennant la mise en place d'une infrastructure conséquente, le détournement de ses fleuves majeurs qui coulent vers le Nord pour rien, ni personne. Un de ces projets, le Sibaral, date de 1954 mais n'est pas encore réactualisé. Il n'en reste pas moins présent dans les tiroirs des projets russes et kazakhs.



Voici la liste des pays dont une partie se développe dans un bassin endoréique :



Conclusions

Cette rapide présentation statistique nous permet de mettre en lumière un lien certain, largement corrélé, entre continentalité et aspiration «sudglobaliste». Ce lien est démontré en Europe, en Afrique et également en Asie. Les peuples, hors G7, supportent bien plus cette aspiration que ne le font leurs gouvernements, en particulier pour l'Amérique du Sud.

Il est plus difficile d'expliquer cette connivence indiscutable, tant les raisons sous-tendantes sont différentes. Il existe donc un paramètre supérieur, partagé par tous, invisible et possiblement de l'ordre de la psychologie sociale.

Cette continentalité construit une réelle alternative tant économique que militaire à l'hégémon USUEJapCor++ (allusion LGBTQ++).

Ces pays centraux, liés par la langue à la Turquie, par l'histoire et la sécurité à la Russie, par l'économie de plus en plus à la Chine, intéressent l'Occident pour ses immenses ressources naturelles. Le cœur du monde en effet !

Le risque hydrique pourrait être le point faible de ces pays, considérant aujourd'hui les la capacité technique des pays maritimes à détourner les masses humides en amont des pays continentaux. 2024 aura été une année humide, illustrée d'inondations violentes en Europe et au Moyen-Orient alors que les terres agricoles russes et l'Iran accusent un déficit hydrique important.

Mais peut-être n'est-ce que le fruit du hasard météorologique ?

La troisième révolution industrielle se matérialise sous nos yeux. Il s'agit de la capacité technique permettant le développement des immensités continentales, en juxtaposant les ressources minérales et énergétiques, aux moyens de production et de transport maillé, et varié, et extensible à l'infini.

Ce retournement du monde conduira à considérer les franges côtières comme la porte des déserts maritimes. La France, en tant principale intéressée, devra enfin apprendre à tirer profit.

Peut-être découvrons nous l'autre côté du ruban de Moebius, cette structure géométrique qui ne possède qu'une seule surface, mais deux cotés joints de manière continue.



Pour paraphraser Sir Raleigh, on pourrait dire aujourd'hui que celui qui détient l'énergie et les ressources naturelles, dans un monde de mobilité, détient l'économie et l'industrie, et donc détient le pouvoir de répondre aux aspirations de son peuple.

https://reseauinternational.net/le-coeur-du-heartland/