Le président de club qui voulait entasser plus de mouillages dans moins de place

[JacquesL]

Le président de club qui voulait entasser plus de mouillages dans trop peu de place.

Oh, il avait une excuse, ce président de club de voile qui voulut entasser tous nos mouillages dans trop peu d'espace : il craignait une taxe exorbitante d'EDF sur notre emprise dans le lac de barrage. Au lieu de consulter les deux ingénieurs et marins, il a donc fait scier nos chaînes pour les faire deux fois plus courtes, dans l'idée de réduire à fond à fond à fond à fond à fond à fond les cercles d'évitage de chaque voilier du club (ou des adhérents propriétaires). La sanction est venue le 26 février 2023 : eaux plus hautes que d'habitude, plus le clapot soulevé par un fort vent de nord, et plusieurs voiliers ont emporté leur corps mort avec eux, jusqu'à s'échouer à la berge sud, et se faire des dégâts entre eux ou sur le ponton.

 
Figure 23.3.

Un échouage plus en détail :



Figure 23.4.

Quelles étaient la pratique et la trigonométrie qu'il avait négligées ?

Figure 23.5.
 

Curieux :
- Objection sur ces mot peu connus des terriens : « mouillage, évitage ».

Z'Yeux Ouverts :
- Quand nous ne naviguons pas, et que nos bateaux sont trop lourds ou trop profonds pour être tirés à terre, il faut que nos bateaux à flot, voire navires, restent tranquilles malgré vents et courants. Ce qui les relie au fond est un mouillage - ou plusieurs. Sur une courte durée ou dans l'urgence, ce seront nos ancres et leurs chaînes. Sur la saison entière, ce sont un corps mort, un bloc de béton fortement pesant et adhérent au fond, et sa chaîne, une forte chaîne, et un voire deux émerillons. La règle assez brève pour être écrite sur le pouce est que cette chaîne doit être longue d'au moins « trois fois le fond » (« fond » : profondeur comptée depuis la hauteur du davier par où passe la chaîne à bord). Selon les vents ou courants, les bateaux « évitent » – voire embardent – autour de ce point fixe au fond. La discipline collective dans un port ou une rade exige que les cercles d'évitage de chaque bateau ou navire soient sans intersection entre eux.

Trigonométrie négligée par les outrecuidantes zotorités :

Nos corps morts d'environ 170 kg pour 70 litres de béton non vibré – donc conservant beaucoup d'air –, ne pèsent plus guère que 100 daN dans l'eau, soulagés par la poussée d'Archimède, d'environ 70 daN. J'ai fait l'approximation à 2 % près de g ~ 10 m/s², au lieu de 9,81 m/s² environ. Ce qui met le décanewton (daN) proche du « kilogramme-force ».

Soit α l'angle que le câblot tendu fait avec l'horizontale, ou pour simplifier la chaîne d'ancre très tendue.
En février 2023, la grosse malice de raccourcir les chaînes au delà du raisonnable a abouti qu'en hautes eaux compliquées de vagues, α a été de l'ordre de 60°, d'où les accidents mémorables, illustrés ci dessus.

Quand α vaut 60°, la tension sur la chaîne pour soulever le corps mort vaut
100 daN / sin α = 116 daN.
Tandis que la résistance horizontale au vent se limite à 58 daN (100 daN / tan α) . C'est fort peu.

A fond égal, prenons une longueur de chaîne ou de câblot plus raisonnable, deux fois plus longue entre le davier et l'arceau du corps mort. Donc sin α = 1/2 . sin 60° = 0,433 ; ou α = 25,66°.
Tension sur la chaîne pour soulever le corps mort : 100 daN / sin α = 231 daN.
Résistance horizontale au vent : 100 daN / tan α = 208 daN.

A fond égal, prenons une longueur de chaîne ou de câblot nettement plus raisonnable, trois fois plus longue entre le davier et l'arceau du corps mort. Donc sin α = 1/3 . sin 60° = 0,289 ; ou α = 16,78°.
Tension sur la chaîne pour soulever le corps mort : 100 daN / sin α = 346 daN.
Résistance horizontale au vent : 100 daN / tan α = 332 daN. Cette fois on est dans les normes des précautions marines courantes.

Je vous fais grâce ici de la question de l'amortissement des embardées, ou oscillations en lacet, de nos voiliers sur un mouillage suffisamment long : je n'ai pas de solution certaine.

Nos zotorités avaient méprisé de tenir compte de la tangente de l'angle α, qui aboutit à soulever les corps mort de béton, rien que par la poussée du vent. La même trigonométrie impitoyable sévit aussi quand on mouille trop court sur ancre : gros dégâts très prochainement, voire perte complète du bateau.

C'est comme ça, la géguerre civiles des cancres contre ceux qui ont pris la peine de s'instruire.