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L’ONU condamnée à mort ?

Démarré par JacquesL, 25 Octobre 2024, 02:40:57 PM

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JacquesL

L'ONU condamnée à mort ?



par Michel Raimbaud

Un péché originel

Née dans le sillage de la seconde guerre mondiale, l'ONU a «fauté» dès ses premiers pas, endossant ou parrainant une spoliation de nature coloniale qui, plus de soixante-quinze ans plus tard, paraît quasiment irréparable. Le péché originel ? C'est d'avoir fait payer aux propriétaires légitimes de la terre (Asshab al Ared), à savoir les populations présentes en Palestine depuis des temps immémoriaux, un crime dans lequel ils n'étaient pour rien, l'Holocauste «découvert» dans les camps nazis lors de leur libération étant le fait des Européens (les Allemands, mais aussi beaucoup d'autres «collaborateurs») . Nous ne savions pas, affirment alors sans vergogne ceux qui savaient mais préféraient le taire... D'où leur zèle dans la recherche d'une réparation peu coûteuse pour de mauvaises consciences peu scrupuleuses : quoi de plus simple pour la tranquillité des innombrables lâches que d'expédier les survivants dans une terre refuge où avait été imposée depuis la chute des Ottomans une tutelle européenne, mais une terre au nom évocateur pour les sionistes : c'est donc, estiment-ils, le moment ou jamais de concrétiser la réalisation de projets tels que la Déclaration Balfour, le Foyer national juif etc., autant de «promesses» qui ne coûtent rien aux Européens, puisque les Arabes doivent en payer le prix.

C'est ainsi qu'apparaît à l'ordre du jour le plan de partage de la Palestine, encore sous mandat des Britanniques (d'ailleurs amputée depuis 1922 de la Transjordanie, ainsi soustraite à l'application de la Déclaration Balfour). Élaboré par le Comité spécial des Nations unies institué par l'Assemblée générale (AGNU) et approuvé par celle-ci, le Plan est voté le 29 novembre 1947 : la résolution 181 «recommande» la partition de la Palestine en trois entités distinctes : un État juif sur 56% du territoire et un État arabe sur 42%, Jérusalem (les 2% restants) devant être doté d'un statut spécial. Le résultat en sera la première «nakba» (catastrophe) qui se traduit par l'expulsion brutale et sans rémission de centaines de milliers de Palestiniens chassés de leurs maisons, de leurs villes ou villages et de leurs terres. Cet exode est déjà horrible en soi, mais il passera presque inaperçu grâce à une couverture médiatique biaisée (Exodus) et à l'ignorance de l'opinion, passant en Occident comme une lettre à la poste : c'est cette «nakba» qui se reproduit au grand jour depuis l'automne 2023, inspirant au Révérend Dr Munther Isaac, de l'Église luthérienne évangélique de Bethléem, cette vérité qui mérite d'être méditée : «Si vous n'êtes pas horrifiés par ce qui se passe, si vous n'êtes pas ébranlé jusqu'au fond de vous-même, c'est que votre humanité est en défaut».

En 1948, on peut déjà dire à l'issue de la première vague d'épuration ethnique que sous l'État d'Israël, il y aura toujours et partout la terre de Palestine. Et en germe tous les conflits, drames, rancœurs et haines qui vont dès lors faire flamber en permanence la Terre Sainte et le Grand Moyen-Orient. Ce projet typiquement colonial permettra de concrétiser «l'État-tampon» imaginé par Lord Campbell- Bannerman, Premier ministre britannique, au tournant des années 1900, afin de semer la zizanie dans toute la région du fait de sa seule existence et de décourager les aspirations ou les ambitions des Arabes ou des musulmans à l'unité. Les autochtones n'ont pas été consultés, bien qu'ils représentent alors 70% de la population. Ils sont évidemment hostiles au partage, qui attribue plus de la moitié de leur terre aux immigrants juifs, en vertu d'un droit de succession inédit se référant à des ancêtres supposés y avoir vécu il y a 2000 ans.

Le plan onusien sera accepté (du bout des lèvres) par les dirigeants de la communauté juive, mais pour des leaders comme Ben Gourion, il ne s'agit que d'un hors-d'œuvre, prélude au festin que constituera l'absorption de la totalité de la Palestine.

La fin du mandat britannique est fixée au 1er août 1948, le partage devant être effectif au 1er octobre de la même année. Mais le Royaume de Sa Majesté, affaibli par son effort de guerre, se délestera de ses responsabilités avant l'heure, le 15 mai 1948. Pour imposer d'emblée son calendrier, l'État d'Israël est proclamé illico le 14 mai, la veille du déguerpissement des mandataires, dans un contexte de confusion et d'attentats... Les voisins arabes déclenchent les hostilités qui dureront jusqu'en janvier 1949, se terminant par des armistices séparés. Il n'y aura pas d'État arabe et pas de statut pour Jérusalem, ce qui permettra aux sionistes de ronger en douce ce qui reste de Palestine.

Si la légitimité du partage est nulle, sa légalité elle-même est hautement incertaine. Présenté comme une recommandation, le dit Plan est rejeté fermement par la majorité des dirigeants arabes, y compris le Haut Comité soutenu par la Ligue arabe, laquelle se dit prête à prendre toutes les mesures pour empêcher l'application de la résolution 181 qui bafoue le droit à l'autodétermination. Il est déclaré nul par les Nations unies et abandonné purement et simplement. Comme l'explique le colonel Jacques Baud, qui a décortiqué l'épisode et ses fondements juridiques, la résolution, émanant de l'Assemblée générale et non pas du Conseil de sécurité, n'a pas de valeur contraignante. Elle «recommande» simplement, c'est-à-dire que l'ONU renonce d'emblée à imposer son autorité. Dans ces conditions, on réalisera que la création d'Israël ne résulte même pas d'une décision onusienne, mais qu'elle illustre – déjà – l'impuissance de la nouvelle Organisation. Dès sa naissance, l'État sioniste apparaît comme un «électron libre», dégagé des contraintes de ce bas monde.

L'enfant chéri qui tyrannise l'Occident collectif

Jouissant de l'indulgence de l'Occident colonialiste et de la faveur de l'URSS qui voit dans les Kibboutz l'embryon d'une enclave «socialiste», Israël se comportera sans plus attendre comme un État hors-champ ou comme un sujet capricieux. Il profitera du vide juridique pour prendre des libertés avec le Droit international, au point de l'ignorer totalement. Il découvrira immédiatement son impunité, et le profit qu'il peut en tirer. Par dizaines et peut-être par centaines, les résolutions onusiennes, les recommandations, du Conseil de sécurité ou de l'Assemblée générale, seront ignorées ou violées par l'État hébreu. De 1947 à 2024, on serait bien en peine d'en citer une seule qui ait été respectée. On trouvera ci-après quelques exemples de textes archivés sans suite :

La résolution 194 du 11/12/1948 qui place Jérusalem sous mandat international et garantit le principe des droits existants (sic) est ignorée. La résolution 242 du Conseil de sécurité du 22/11/67 qui traite de l'évacuation des territoires occupés l'est également, comme les résolutions 476 du 30/06/80, la 478 du 20/08/80 ainsi que la 672 du 12/12/90, qui condamnent l'attitude belliqueuse de l'État sioniste et ses lois illégales.

Au total ce sont 226 résolutions du Conseil de sécurité qui auraient été violées pour la période 1948/2016. Elles s'ajoutent aux 140 résolutions de l'Assemblée générale ignorées ou violées depuis 2015... Etc.. Ce qui en dit long sur le respect accordé par certains États au Droit international. Démarche exceptionnelle et se référant à l'article 99 chapitre XV de la Charte, le secrétaire général Gutteres a été amené à appeler le Conseil à agir d'urgence pour éviter une catastrophe humanitaire à Gaza, menace pour la paix et la sécurité dans le monde... C'est l'objet de la résolution 2712 du 15 novembre 2023.

Pourquoi cette désinvolture provocatrice ? La réponse est simple : l'État d'Israël est assuré du soutien tous azimuts de l'Occident, de l'Amérique et du bloc anglo-saxon en premier lieu. L'imprégnation sioniste, la solidarité des «peuples élus», «60 millions de chrétiens évangélistes unis pour Israël», le néoconservatisme comme ciment, l'AIPAC comme «police des mœurs», autant d'incitatifs à une solidarité sans faille, à une affinité qui ne se discute plus depuis des lustres, alimentant l'arrogance des deux partenaires : le cœur de l'Amérique bat pour Israël et Israël est le cœur battant de l'Amérique...

En 1948, Truman était le premier chef d'État étranger à reconnaître Israël, prenant ainsi la relève de la Grande-Bretagne, pourtant à l'origine de la création de l'État tampon qui sème le trouble et la destruction dans tout le grand Moyen-Orient. C'est ainsi que 55% des vétos étatsuniens au Conseil de Sécurité sont liés au souci de protéger Israël.

La dissolution surprise de l'URSS, proclamée la veille de Noël 1991, vient bousculer l'échiquier onusien. Le cadeau du Père Noël à l'Amérique est somptueux : les pleins pouvoirs sur la planète. Il n'y a plus qu'une seule superpuissance et celle-ci entend faire la loi sans concession. Tout un chacun est prié de se mettre au garde-à-vous devant la puissance indispensable, plus grand Empire que la terre ait porté. Israël est promu de facto fondé de pouvoir pour le Grand Moyen-Orient. Théâtre d'un véritable séisme, l'ONU doit survivre et s'accommoder du moment unipolaire, de l'hégémonisme américain sans partage et en assumer toutes les conséquences... On verra donc l'Occident appliquer peu à peu les principes de sa stratégie «libératrice» expérimentée dès la fin de la Seconde Guerre mondiale : on bombarde d'abord et on rase gratis, on libère ensuite, et sur les bases de ce chaos destructeur, on impose sa loi dans toute la mesure du possible, de préférence par proxies interposés. Fleuriront alors les révolutions de couleur et les printemps arabes, et Israël y joue un rôle déterminant. Le Programme pour un Nouveau Siècle américain (PNAC), le plus achevé des calendriers hégémoniques, porte la trace des considérations ci-dessus.

On verra donc s'institutionnaliser de façon extravagante la relation maladivement fusionnelle entre l'Amérique et Israël, entre les dirigeants de Washington et ceux de Tel-Aviv, relevant de la psychanalyse plus que de l'analyse, bien qu'elle renverse les rôles : le décideur n'est pas celui que l'on attendrait... Résultat logique, l'État sioniste glissera rapidement vers un comportement d'État voyou, caractérisé par les trois critères adoptés par l'Israélien Avi Shlaim : il ne respecte pas le droit international, il possède des armes de destruction massive, il pratique le terrorisme par l'utilisation de la violence contre des populations civiles à des fins politiques.

Secrétaire général des Nations unies durant une bonne partie de la guerre froide (d'avril 1953 à septembre 1961), Dag Hammarskjöld, homme de grande sagesse et d'une lucidité exemplaire avait eu cette formule qui reste d'actualité : «L'ONU n'a pas été créée pour nous amener au paradis, mais pour nous sauver de l'enfer». De là où il repose post mortem, comment aura-t-il accueilli l'état actuel des choses, c'est-à-dire un avis de décès : l'ONU s'est éteinte, emportant avec elle les reliques du droit international. Elle ne nous a pas amenés au paradis, mais on ne saurait dire qu'elle nous a sauvés de l'enfer, puisqu'elle se sera avérée incapable de ramener à la raison l'État qui lui doit l'existence...

Le coup de foudre du 7 octobre 2023

Le 7 octobre 2023, éclate comme un coup de tonnerre dans le ciel bleu ce que le mainstream occidental qualifiera contre vents et marées de guerre Israël-Hamas, présentée comme l'agression d'un groupe terroriste palestinien sorti de nulle part contre de paisibles jeunes gens, selon la technique du «saucissonnage» chère aux godillots de la bienpensance.

Nous ne reproduirons pas ici le bilan atroce et accablant de la réaction et de la répression de l'État israélien contre les Gazaouis, surtout les civils palestiniens, enfermés à vie dans une enclave devenue le plus grand camp de concentration du monde, au sens plein du terme. Déjà spoliateur, usurpateur et ségrégationniste, pratiquant un apartheid comme l'Afrique du Sud de jadis, l'État sioniste a franchi une nouvelle étape dans son mépris des lois, du droit international et du droit humanitaire : il réalise en direct, prenant plaisir à le médiatiser, un génocide, une épuration ethnique, assortis de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité et il est condamné sans appel par la Cour Internationale de Justice (CIJ) tandis que la Cour pénale internationale (CPI) a lancé deux mandats d'arrêt contre le Premier ministre Netanyahou et le ministre Yoad Gallant.

On ne peut qu'être épouvanté de la démence des dirigeants sionistes, qui ont brisé tous les tabous et jeté aux oubliettes les lois internationales. Il est urgentissime de mettre fin à leur impunité par le blocus, l'isolement, le boycott systématique. Leur arrogance est devenue sans bornes, comme en témoigne la posture de Netanyahou qui s'opposait le 16 octobre passé à la participation de l'Algérie à la conférence de Paris sur le Liban (sic) et qui insulte les Nations unies dans leur sanctuaire, brandissant une carte du Proche-Orient où la Palestine est remplacée par un Grand Israël sans frontières, et son ambassadeur déchirant la Charte.

C'est le premier génocide en direct, revendiqué comme tel par un État qui s'affiche ouvertement comme un État hors-la-loi, s'enfonçant dans la monstruosité et la sauvagerie. Poursuivant sans repos le carnage à Gaza et en Palestine, tandis que le Sud-Liban et Beyrouth sont systématiquement bombardés sous prétexte d'éliminer les responsables du Hezbollah et de détruire son infrastructure économique et sociale, Israël n'épargne plus rien ni personne. Les villes classées au Patrimoine mondial de l'UNESCO n'échappent pas à sa rage destructrice. Au moins un million de personnes sont à la recherche d'un abri, tandis que la route Beyrouth-Damas est systématiquement pilonnée pour empêcher la circulation des réfugiés ou leur retour dans une Syrie d'ailleurs régulièrement et sévèrement ciblée.

L'Occident collectif défend Israël dans tous ses crimes et méfaits, approuve son protégé lorsque celui-ci s'attaque ouvertement aux institutions de l'ONU et à ses émanations diverses : l'Assemblée générale, l'UNRWA, la commission des Droits de l'Homme, les rapporteurs et mandataires divers, la FINUL, se permettant de déclarer persona non grata le secrétaire général Antonio Guterres. Ledit Occident soutient sans réserve l'État sioniste lorsque ce dernier pratique avec ostentation le terrorisme dans toute la région, multipliant les incursions et assauts contre les installations civiles et les assassinats arbitraires, dans le cadre d'un terrorisme ciblé ou aveugle.

Nombreuses sont les voix qui s'élèvent pour réclamer que soit expulsé des Nations unies l'État terroriste qui leur a déclaré la guerre ainsi qu'au secrétaire général lui-même, déclaré persona non grata en Israël. Ce serait la moindre des choses. L'ONU avait pris une telle mesure contre l'Afrique du Sud de l'apartheid. En ne le faisant pas contre une entité criminelle à ce point et dangereusement provocatrice, elle se déshonore par son silence et avoue son impuissance, sous la pression, il faut bien le dire des Anglo-saxons et de l'Occident collectif, de plus en plus collectif dans l'ignominie et l'hypocrisie, recroquevillé sur des «valeurs» et des «normes» de son invention, imposées en lieu et place du droit onusien.

Quant à l'affaire des bippers, c'est loin d'être avant tout un exploit technique. Selon le haut-commissaire de l'ONU aux Droits de l'Homme Volker Türc, «le ciblage simultané de milliers de personnes, civils ou membres de groupes armés, sans savoir qui était en possession des engins ciblés, où et dans quel environnement ils se trouvaient, constitue une violation (une de plus) du droit international, une violation des droits de l'homme...» Avis aux spécialistes occidentaux qui se pâment d'admiration devant une telle opération de Tsahal...

Qui dira l'horreur des enfants tués d'une balle dans la tête, des femmes systématiquement ciblées, des prisonniers systématiquement violés, des civils déshumanisés, au prétexte qu'ils sont «des animaux». On ne hurlera jamais assez pour leur rappeler aux indifférents que des familles entières par milliers, voire dizaines de milliers, sont exterminées et meurent sous les décombres suite aux bombardements aveugles de «l'armée la plus morale du monde». Aucun pays ne proteste, ne demande des comptes, ce qui encourage les dirigeants de Tel-Aviv à poursuivre leurs projets de destruction et de domination de toute la région... Francesca Albanese, rapporteuse sur la situation des DDH dans les territoires occupés : un million de Palestiniens ont fait l'expérience des prisons israéliennes depuis 1967. Gaza, plus grand camp de concentration à ciel ouvert de la planète. Aux termes du droit international, les Palestiniens ont le droit de résister à l'occupant par tous les moyens, qu'ils soient ou non légaux : en pareil cas, la notion de terrorisme n'existe pas, malgré l'acharnement occidental à qualifier le Hamas de groupe terroriste.

Les dirigeants occidentaux et leurs auxiliaires médiatiques ou autres qui font l'apologie du génocide en cours sous nos yeux et soutiennent l'État qui se vante du dit génocide, ne devraient pas se faire trop d'illusions. Tôt ou tard, des comptes leur seront demandés et ils devront répondre de leur attitude délibérément criminelle, en attendant le tribunal de l'Histoire, et avant de finir dans ses poubelles.

Les membres de l'ONU se taisent, et tout se passe comme si déjà l'ONU elle-même était décédée, de sa belle ou de sa vilaine mort ou d'une mort honteuse... Qui lui redonnera vie, dès lors que les pays qui revendiquent la succession de l'Occident failli misent sur une ONU revigorée et adaptée au nouvel ordre qui se dessine. Temps de colère que le nôtre. Les optimistes se raccrochent à la mutation en cours de l'ordre mondial. Le vent se lève en tempête et il faut que le monde tente de vivre. L'ordre existant est diabolique, que le nouvel ordre vienne... de toute urgence.

source : Mondialisation

https://reseauinternational.net/lonu-condamnee-a-mort/