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Les groupes porte-avions dans les guerres du XXIe siècle

Démarré par JacquesL, 06 Octobre 2024, 10:59:56 AM

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JacquesL

Les groupes porte-avions dans les guerres du XXIe siècle



par Dominique Delawarde

Depuis les grandes batailles du Pacifique dont celle de Midway, qui ont permis aux USA de l'emporter sur le Japon, les groupes porte-avions sont devenus les instruments majeurs de projection de puissance des forces armées US sur la planète entière. Ils ont été utilisés dans tous les conflits dans lesquels les États-Unis ont été engagés. Les lecteurs reliront utilement l'étude proposée par le centre d'études supérieures de la Marine sur l'emploi de l'arme aéronavale dans la guerre du Pacifique.

https://reseauinternational.net/wp-content/uploads/2024/10/cargo2011-arme-aeronavale.pdf
cargo2011-arme-aeronavale  Télécharger

La dernière utilisation impressionnante des groupes porte-avions occidentaux a pu être observée lors de la guerre du Golfe en 2003, dans laquelle pas moins de 5 groupes porte-avions ont été engagés simultanément dans une guerre contre un pays qui ne comptait, à l'époque que 25 millions d'habitants.

Rappelons aux lecteurs ce que représente un groupe porte-avions US. Il est centré sur un porte-avions et une escadre de 65 à 70 avions. Ses effectifs sont d'environ 7500 personnes. Ce porte avion est accompagné d'au moins un croiseur, et d'au moins deux destroyers et/ou frégates ainsi que par un ou plusieurs sous-marins, des navires logistiques et d'un navire dit «de ravitaillement». C'est donc une force significative qui coûte cher à déployer et à maintenir en opération.

Lorsque des bruits de bottes commencent à se faire entendre sur la planète, le positionnement et les éventuels déplacements des 11 groupes porte-avions US peuvent constituer des indices importants sur de possibles opérations militaires de grande ampleur à venir.

Avant de commencer l'analyse des capacités actuelles aéronavales de la Marine des États-Unis, il est bon de prendre en compte les éléments suivants :

Le déplacement d'un groupe porte-avions est relativement lent et peu discret ce qui le rend détectable et vulnérable, notamment à l'heure des satellites, des drones et des missiles anti-navires, qui peuvent être hypersoniques pour les pays, dont l'Iran fait partie, qui disposent de cette technologie avancée. Il faut compter de 10 à 15 jours de navigation pour rejoindre la Méditerranée orientale à partir de la côte Est des États-Unis.

• Les ports d'attache des groupes porte-avions US sont au nombre de 4 :
Sur l'Atlantique, 5 groupes porte-avions ont pour port d'attache Norfolk. Ce sont généralement ceux qui opèrent en Méditerranée orientale ou à proximité du Golfe.
Sur la côte US Pacifique, 3 groupes porte-avions sont basés à San Diégo (Californie), 2 sont basés à Bremerton dans l'État de Washington. Ce sont généralement ceux qui opèrent dans le Pacifique.

Le 11ème groupe est basé au Japon à Yokoshuka.

Cette relative concentration des groupes porte-avions est, selon moi, un élément de vulnérabilité d'autant que les portes-avions en maintenance ne peuvent pas quitter leur cale sèche en quelques heures.

Pour des raisons de maintenance et de difficultés de recrutement des équipages, il est rare que la disponibilité opérationnelle des porte-avions US dépasse les 50%. Aujourd'hui, par exemple, 5 groupes porte-avions (sur 11) pourraient être engagés simultanément, sous réserve qu'ils puissent rejoindre leur zone d'engagement sans encombre. En temps ordinaire, 1 à 2 groupes sont déployés en méditerranée orientale ou à proximité du Golfe, 1 groupe est engagé en mer de Chine et 2 groupes font des ronds dans l'eau (s'entraînent) à proximité de leur port d'attache. C'est à peu près les déploiements actuels que nous verrons ci-après.

• La situation de crise régionale actuelle au Proche et Moyen-Orient est très différente de celle de la guerre d'Irak de 2003. L'Iran 2024 qui semble être l'ennemi potentiel d'une coalition israélo-US pouvant être élargie à certains pays de l'occident otanien, n'a rien à voir avec l'Irak de 2003.

Attention aux erreurs d'appréciation dont les stratèges occidentaux sont coutumiers. L'Iran de 2024 est quatre fois plus peuplé et quatre fois plus vaste que l'Irak de 2003 et ce n'est plus un pays isolé. Il fait partie des BRICS 10 mais aussi de l'OCS (Organisation de Coopération de Shangaï). La Russie et la Chine et de très nombreux pays musulmans vont prendre son parti et tout faire pour soutenir l'Iran, face à un État rejeté par la majorité planétaire tant pour le génocide qu'il conduit en Palestine que pour ses provocations et pour ses violations permanentes des résolutions de l'ONU, depuis 75 ans.

Par ailleurs, l'Iran s'est préparé à un conflit asymétrique depuis plusieurs décennies. Ce pays a acheté de nombreux matériels modernes à la Russie, notamment pour sa défense anti-aérienne (S 400) mais fabrique aussi ses propres armes (Drones, missiles anti-navires, missiles balistiques). Il maîtrise la technologie hypersonique. Il a déjà prouvé sa résilience dans les domaines économique et militaire.

Tout cela, le Pentagone le sait mieux que quiconque. C'est la raison pour laquelle, il n'est pas chaud pour entrer en guerre, surtout sur plusieurs fronts (Ukraine, Proche et Moyen-Orient, mer de Chine). Dans un Wargame de 2002, «Millenium Challenge» qui opposait l'Iran (les rouges) aux USA (les bleus), dans une guerre asymétrique, le général US Van Riper qui dirigeait le parti iranien avec ses moyens de l'époque, a infligé une cuisante défaite au corps expéditionnaire US qui approchait de son territoire.

Lors d'une frappe préventive, il a lancé, dès le 2ème jour du conflit, une salve massive de missiles de croisière qui ont saturé les capteurs électroniques des forces US et détruit seize navires de guerre : un porte-avions, dix croiseurs et cinq des six navires amphibies. Un succès équivalent dans un véritable conflit aurait entraîné la mort de plus de 20 000 militaires US. Peu après l'offensive des missiles de croisière, une autre partie importante de la marine US était «coulée» par une armada de petits bateaux rouges, qui ont mené des attaques à la fois conventionnelles et suicides et qui ont capitalisé sur l'incapacité US à les détecter aussi bien que prévu.

https://en.wikipedia.org/wiki/Paul_Van_Riper


Quels sont aujourd'hui les déploiements des groupes porte-avions US dans le monde ?



Chacun peut le voir sur la carte qui précède et dans le récapitulatif qui suit, seuls 3 groupes porte-avions sont en déploiement opérationnel aujourd'hui. Le CVN 71 autour du porte avion Théodore Roosevelt, navigue vers l'Est, en plein Pacifique. Il est donc fort loin et s'éloigne toujours plus des côtes iraniennes. Le CVN 75 autour du porte-avions Harry Truman a quitté Norfolk pour rejoindre, dans un premier temps, la Méditerranée orientale. On ne sait pas s'il s'agit d'un renforcement du dispositif ou d'une relève du CVN 72 (PA Abraham Lincoln) qui aujourd'hui croise au Nord de l'océan Indien et à une relative proximité du Golfe persique et de l'Iran, après avoir quitté la mer Rouge où la cohabitation avec les Houthis ne se passait pas bien.

Ce déploiement de 3 groupes porte-avions en mission opérationnelle est une situation qui n'a rien d'extraordinaire et qui peut être qualifiée de normale.



Ma conclusion est simple. Attaquer l'Iran avec un seul groupe porte-avion serait suicidaire. On se souvient que 5 groupes avaient été déployés en 2003 pour attaquer un pays beaucoup moins peuplé, beaucoup plus petit et surtout moins beaucoup bien équipé en armes anti-navires et en défense aérienne.

Engager plusieurs groupes porte-avions dans une attaque contre l'Iran serait une opération à haut risque et qu'on verrait venir de loin d'autant que l'Iran d'aujourd'hui, membre des BRICS et de l'OCS, n'est pas isolé comme pouvait l'être l'Irak en 2003. C'est bien le camp de l'occident otanien qui l'est chaque jour davantage.

Aller titiller le Lion Perse par la mer, à proximité de ses frontières, comme on est allé titiller l'ours russe en Ukraine ne serait donc pas une bonne idée. Espérons que les gouvernances occidentales resteront lucides et non aveuglées par la rage de perdre leur hégémonie sur le monde. Mais avec les élites dirigeantes de fous furieux, dominateurs et beaucoup trop sûrs d'eux-mêmes, imprégnées de l'idéologie néoconservatrice et sioniste du type «Occident israélo-otanien Uber Alles», on peut s'attendre à tout, et surtout au pire.

N'oublions pas que nous sommes à une époque où les États n'hésitent plus à faire «un emploi désinhibé de la Force pour faire valoir leur point de vue ou leurs intérêts», selon les mots récents du chef d'état-major des Armées françaises et que, dans ce domaine, l'occident otanien a beaucoup montré l'exemple depuis 1990, date à partir de laquelle il a eu le monopole de la force durant le long moment unipolaire qui s'est achevé en 2022.

Ce que le monde entier observe en Palestine et au Liban n'est-il pas l'expression même de cet emploi désinhibé de la force par une coalition israélo-US en dehors de toute règle et toute législation internationale ?

Mais à chacun de se forger son opinion, bien sûr.

Général Dominique Delawarde
Ancien chef «Situation-Renseignement-Guerre électronique» à l'État major interarmées de planification opérationnelle.

https://reseauinternational.net/les-groupes-porte-avions-dans-les-guerres-du-xxie-siecle/