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Comment Israël parviendra à provoquer un conflit généralisé : l’exemple de l’att

Démarré par JacquesL, 10 Octobre 2024, 02:53:30 PM

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JacquesL

Comment Israël parviendra à provoquer un conflit généralisé : l'exemple de l'attaque sous fausse bannière du USS Liberty le 8 juin 1967



par Antoine Marcival

Le génocide en cours en Palestine occupée, les attentats terroristes comme l'explosion de milliers de bipeurs tuant et blessant très gravement des centaines de civils libanais, l'invasion du Liban et son bombardement massif faisant des milliers de victimes : plus rien ne semble pouvoir arrêter la furie suprémaciste et génocidaire de la colonie juive d'Israël. Mais en tant que principale entité terroriste mondiale, Israël n'a pas encore fait usage d'une de ses armes favorites : l'attentat sous fausse bannière. En toute hypothèse, c'est probablement cette tactique qu'elle va utiliser dans les prochains mois afin d'inciter les populations occidentales crédules à soutenir une guerre de destruction massive de l'Iran. Comment se fera cet attentat sous fausse bannière ? La tendance depuis le 11 septembre 2001 est de viser des cibles civiles occidentales plutôt que militaires, ce qui s'avère bien plus traumatique et efficace. Mais une cible militaire pourrait également être sélectionnée, par exemple un porte-avions US, provoquant un grand nombre de victimes et une vague d'indignation propice à la guerre. L'attaque de l'USS Liberty par des avions israéliens le 8 juin 1967 – une attaque sous fausse bannière ratée ayant probablement impliqué la complicité du président américain Lyndon B. Johnson – montre en tout cas que, lorsque Washington et Tel-Aviv ont décidé main dans la main de faire sombrer le monde dans la guerre, tous les moyens sont bons, même (surtout) les plus répugnants.

*

Cet article reprend l'entrée no 29 de l'essai «Index obscurus : deux siècles et demi de complots 1788-2022», publié aux éditions JC Godefroy en janvier 2024. Ce livre s'attache à démontrer combien l'utilisation péjorative du terme «complotiste» n'a pas de sens : les complots, très souvent par le biais d'attentats sous fausse bannière, pullulent dans l'histoire humaine, et particulièrement dans l'histoire occidentale moderne.

Le 14 mai 1948, la création de l'État colonial d'Israël est proclamée par David ben Gourion. Selon le plan de partage décidé à l'ONU, 60% des territoires de la Palestine mandataire reviennent au nouvel État explicitement défini comme «juif». Ces territoires font alors l'objet d'une politique de nettoyage ethnique systématique. Pour les Palestiniens et les peuples arabes en général, ce moment reçoit le nom de «Nakba» ou «catastrophe» : près de 750 000 des 900 000 Arabes palestiniens qui vivaient sur les territoires qu'accapare le nouvel État doivent fuir ou sont chassés par les milices sionistes. Que les Arabes palestiniens, ainsi que l'a établi l'historien Shlomo Sand, soient pour nombre d'entre eux les véritables descendants des Hébreux convertis à l'Islam au VIIe siècle ne paraît pas déranger le mouvement sioniste, répandant au contraire le mythe selon lequel il s'agit d'un retour du peuple juif sur les terres d'où l'avait chassé l'occupant roman. Acre, Haïfa, Jaffa et Tibériade notamment puis Lydda et Ramle sont vidées de leurs habitants arabes (50 000 habitants rien que pour ces deux dernières villes). Ce sont également 400 villages arabes qui sont ou bien détruits ou bien vidés de leurs occupants. L'historien Saleh Abdel Jawad estime que 68 épisodes de tuerie ont été commis durant cette période. Ces massacres de masse font des milliers de victimes, au village côtier d'al-Tantoura, à Abou Shousha, Deir Yassin, al-Dawayima, sans compter les innombrables attentats à la bombe de l'Irgoun ou du Stern gang. Ce dernier assassine le 17 septembre 1948 Folke Bernadotte, le représentant suédois de l'ONU venu superviser le partage des territoires entre Arabes et juifs et ayant eu le malheur de critiquer «le pillage sioniste à grande échelle et la destruction de villages sans nécessité militaire».

La guerre de Suez éclate durant l'année 1956, à la suite de la nationalisation par Nasser du canal de Suez – détenu à cette époque par des intérêts franco-britanniques. Israël s'oppose alors à l'Égypte aux côtés du Royaume-Uni et de la France. Malgré une victoire militaire, les États-Unis et l'Union soviétique font pression mutuellement pour empêcher une occupation de l'Égypte. Le canal de Suez est finalement nationalisé. Onze ans suffisent pour voir Israël et l'Égypte s'affronter de nouveau. Le conflit recevra le nom de «guerre des Six Jours».

La guerre est déclenchée par Israël le 5 juin 1967 à la suite de l'évacuation du port de Charm el-Cheikh par la force internationale qui l'occupait depuis la guerre de Suez. Le port en effet, qui donne sur le détroit de Tiran et la mer Rouge, est d'une importance cruciale pour Israël et son retour sous l'autorité exclusive de l'Égypte implique que, puisque les bateaux israéliens sont considérés comme ennemis, ils ne pourront plus y accéder. Le gouvernement israélien de Levi Eshkol, plutôt que de chercher un éventuel accord, en fait un casus belli et lance ses forces largement supérieures contre l'Égypte et les forces arabes alliées. La guerre est un désastre pour ces dernières : en six jours – jusqu'au 10 juin 1967 où une menace d'intervention de l'URSS aux côtés de son allié syrien impose un cessez-le-feu -, Israël obtient le contrôle de la péninsule du Sinaï, de la bande de Gaza, de la Cisjordanie et du plateau du Golan. Les conséquences de cette terrible défaite se font encore ressentir aujourd'hui, qui vont hypothéquer grandement les chances pour les Palestiniens d'un jour pouvoir disposer d'un État ou de retrouver les terres d'où ils ont été expulsés.

Mais au-delà des implications du conflit, un événement tout à fait singulier retient l'attention. Il est souvent désigné sous le nom d'«incident de l'USS Liberty» bien qu'il s'agisse en l'espèce d'un véritable acte de guerre. Au cours du quatrième jour de conflit entre Israël et les forces alliées arabes, le 8 juin 1967, le navire de renseignement USS Liberty – un navire-cargo de type victory ship – subit une violente attaque aérienne tandis qu'il se trouve en mer Méditerranée, au nord de la péninsule du Sinaï, à environ 70 miles d'Israël. Parce qu'il navigue à ce moment-là dans les eaux internationales, le Liberty n'est accompagné d'aucun destroyer capable d'assurer sa protection. Le navire ne possède que quatre mitrailleuses et il est facilement reconnaissable. Il est d'ailleurs survolé à plusieurs reprises par des avions israéliens et repéré comme navire américain par le Commandement central côtier d'Israël. Un message de retrait du Liberty à 100 miles des côtes israéliennes lui est alors envoyé, qui ne parviendra cependant au navire que plusieurs heures après son émission et près de deux heures après la fin de l'attaque. Un retard dû, selon les autorités militaires étasuniennes, à une «malencontreuse» série de problèmes administratifs et d'erreurs de routage du message.

Aux alentours de 14 h, deux avions Mirage de l'armée israélienne attaquent en piqué le Liberty et le navire est touché par plusieurs roquettes. Afin d'obtenir l'aide de la Sixième flotte américaine postée en Méditerranée, le capitaine du Liberty envoie le message suivant : «Subissons attaque par un avion de chasse non identifié, demandons assistance immédiate». Les deux Mirage sont remplacés par deux Mystère qui bombardent cette fois le navire au napalm. Les marins du Liberty déploient un drapeau américain pour se faire identifier, mais cela ne l'empêche pas d'être touché par la torpille d'une des trois vedettes-torpilleurs israéliennes présentes sur place, aux alentours de 14 h 35. Puis le Liberty subit un déluge de feu des canons et des mitrailleuses des navires israéliens. Le navire est identifié une heure plus tard et Israël envoie à l'ambassade américaine un message indiquant l'erreur de son attaque à 16 h. Entre-temps, aucun navire ni aéronef de la Sixième flotte ne sera venu au secours du Liberty.

Si le navire parvient par miracle à ne pas sombrer, 34 marins américains sont tués et 172 sont blessés. Des excuses officielles sont émises par le Premier ministre Levi Eshkol. Les enquêtes des gouvernements américains et israéliens concluront qu'il s'est simplement agi d'une tragique erreur de la part de l'armée israélienne, celle-ci ayant pris le Liberty pour un cargo égyptien. Le 10 juin, le secrétaire d'État américain Dean Rusk envoyait pourtant à l'ambassade d'Israël ce message pour le moins suspicieux : «Au moment de l'attaque, l'USS Liberty arborait le drapeau américain et son identification était clairement indiquée en grandes lettres et chiffres blancs sur sa coque. L'expérience montre qu'aussi bien le drapeau que le numéro d'identification du navire étaient facilement visibles depuis les airs. En conséquence, il y a tout lieu de croire que l'USS Liberty a bien été identifié, ou au moins sa nationalité déterminée, par l'aviation israélienne environ une heure avant l'attaque». De fait, des enregistrements audio de l'armée de l'air israélienne indiquent que le navire était clairement identifié comme l'USS Liberty.

Outre la théorie invraisemblable d'une erreur d'identification qui aurait fait confondre l'USS Liberty avec un destroyer égyptien (Israël évoquant par la suite un bateau à vapeur égyptien puis un chalutier soviétique), d'autres hypothèses plus sérieuses tentent d'expliquer cette attaque insensée. L'une d'entre elles avance qu'il se serait agi pour les Israéliens d'empêcher la présence d'un navire de renseignement US afin de ne pas permettre aux Américains, qui se sont déclarés «pays neutre» lors du lancement de la guerre des Six Jours, de récupérer des informations sur les déplacements de l'armée d'Israël. Une autre, avancée par le journaliste néo-zélandais Nick Hager, affirme qu'il s'agissait d'empêcher que les États-Unis puissent documenter les massacres de civils en cours par les soldats israéliens dans la ville égyptienne d'El-Arish. Enfin, et c'est peut-être la théorie la plus vraisemblable, un documentaire de la BBC diffusé en 2003 – «Dead in the water» – affirme qu'il s'agissait en vérité d'une opération sous fausse bannière, impliquant à la fois Israël et la Maison-Blanche, qui devait laisser croire que l'USS Liberty avait été attaqué par l'Égypte aidé par les Soviétiques. Selon un projet appelé Frontlet 615 et élaboré en commun accord avec Tel-Aviv, l'objectif pour Lyndon B. Johnson (influencé par son conseiller Abe Fortas, proche des milieux israéliens) était d'obtenir de la sorte un prétexte pour s'aligner aux côtés d'Israël contre les États arabes dont le principal allié était à cette époque l'URSS. Cela expliquerait notamment l'acharnement des avions et des torpilleurs israéliens visant non seulement à couler le navire, mais aussi à empêcher que des survivants puissent par la suite témoigner. Les mitrailleuses des torpilleurs s'acharnèrent en particulier sur les canots de sauvetage qui avaient été mis à la mer alors que le capitaine McGonagle craignait que le navire ne coule. L'association des Vétérans de l'USS Liberty rapporte en outre que les avions israéliens qui attaquèrent le navire n'avaient pas d'identification, que les fréquences des systèmes radio furent brouillées afin d'empêcher l'envoi de signaux de détresse, que les chasseurs partis du porte-avions USS Saratoga quinze minutes après l'attaque furent inexplicablement rappelés à son bord, ce qui permit aux aéronefs et aux torpilleurs israéliens de poursuivre leur attaque.

Les marins survivants refusèrent l'aide d'un torpilleur israélien faisant mine de s'être rendu compte de son erreur et il est probable qu'ils firent bien. Incapable de couler le navire ou d'éliminer tous les marins à son bord, il s'agissait certainement d'utiliser la ruse afin d'éliminer les survivants. Le Liberty ne sera secouru par le destroyer Davis que dix-huit heures après l'attaque, comme à regret, les marins survivants recevant immédiatement l'ordre express de conserver secret ce qu'ils venaient de vivre sous peine de tribunal militaire. Si le capitaine McGonagle recevra le 11 juin 1968 la Medal of Honor, soit la plus haute distinction militaire américaine, celle-ci ne lui sera pas remise, comme il est en principe de coutume, à la Maison-Blanche et des mains du président, en l'espèce Lyndon B. Johnson, mais en catimini ou presque au Washington Navy Yard, par le secrétaire à la Marine Paul Ignatius. C'est en revanche avec chaleur et affection qu'au début de cette même année 1968, sept mois environ après l'attaque subie par les marins du Liberty, Lyndon B. Johnson accueille dans son ranch de Johnson City au Texas le Premier ministre israélien Levi Eshkol. Malgré les 34 marins étasuniens tués et les 172 blessés, l'«incident» de l'USS Liberty n'aura décidément pas laissé beaucoup de rancœur au plus haut sommet de l'État américain.

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