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Le Caucase du Sud dans les projets américains

Démarré par JacquesL, 15 Août 2024, 11:04:07 AM

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JacquesL

Le Caucase du Sud dans les projets américains



par Philippe Rosenthal

Fin juillet, Observateur Continental a rapporté que les États-Unis souhaitaient créer une voie de transport permettant aux pays d'Asie centrale d'accéder aux marchés mondiaux via l'Arménie et l'Azerbaïdjan, en contournant la Russie et la Chine.

Cependant, aucun rapport n'a été publié sur le contexte dans lequel ces intentions ont été exposées par le secrétaire d'État adjoint américain aux Affaires européennes et eurasiennes, James O'Brien, lors d'une audition sur l'avenir de l'Europe à la commission des relations étrangères du Sénat. La conversation n'a pas porté principalement sur l'avenir européen, mais sur ce qui pourrait être fait d'autre pour infliger une défaite stratégique à la Russie en Ukraine. En particulier, la question de la possibilité de frappes de missiles ukrainiens sur Moscou avec des armes américaines a même été envisagée. Observateur Continental évoquait l'élaboration par l'OTAN d'une nouvelle stratégie pour la Russie.

James O'Brien a tenté de convaincre le Sénat. Pour lui, il suffit de «dépenser l'argent judicieusement», de fournir à l'Ukraine suffisamment d'armes et de créer de nouveaux centres de confrontation avec la Russie le long de l'arc allant de la Caspienne à l'Adriatique. Selon la logique paradoxale du responsable de Washington, c'est le chemin le plus rapide vers la paix. Et, dans les meilleures traditions du consumérisme américain, il a promis que pour remporter la victoire, tous les mécanismes dont disposent les États-Unis seraient utilisés, de sorte qu'à la fin, les Américains en verront des bénéfices dans leur portefeuille.

O'Brien a désigné le Caucase du Sud (Transcaucasie) comme l'une des régions les plus importantes pour l'ouverture d'un deuxième front, y compris économique. Selon lui, la route qui traversera l'Azerbaïdjan, l'Arménie et la Géorgie permettra aux pays d'Asie centrale d'accéder aux marchés mondiaux et de dépendre beaucoup moins de la Russie et de la Chine. De plus, le contrôle sur le territoire de l'Arménie du corridor de transport Nord-Sud permettra de bloquer les importations parallèles vers la Russie, et sur le Corridor du Milieu (depuis l'Asie centrale) de réguler la logistique entre la Chine et l'Europe. Les États-Unis ont exigé que l'Union européenne rompe ses relations commerciales avec la Chine.

La position de l'Arménie

Le secrétaire d'État US adjoint, déçu par les dirigeants géorgiens, fonde de grands espoirs sur le Premier ministre arménien, Nikol Pachinian. James O'Brien a déclaré aux sénateurs que lui, le secrétaire d'État Antony Blinken et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen «ont créé une nouvelle plateforme pour Pachinian, il y a plusieurs mois» pour rompre avec la Russie. James O'Brien a presque ouvertement admis que la politique étrangère suivie par les dirigeants arméniens leur était désormais dictée par Washington. Il a aussi admis que tous les événements survenus au cours des deux dernières années dans le conflit arméno-azerbaïdjanais, y compris en ce qui concerne le Karabakh, faisaient partie de la politique délibérée de Washington, mise en œuvre par des moyens combinés sur la base d'une «plate-forme».

Se cachant derrière des slogans de diversification de la politique étrangère, les autorités arméniennes conduisent le pays à une véritable perte de souveraineté : la police a été réformée par des conseillers américains selon le modèle américain ; un service de renseignement extérieur orienté vers les États-Unis a été créé ; la sûreté et la sécurité des données sont également confiées aux Américains, et le ministère de la Défense de la République sera contrôlé par un représentant américain (la présence d'une mission d'un représentant du Pentagone à Erevan fera douter de la possibilité même de la coopération de la Russie avec l'Arménie sur le front militaire). La France est aussi là pour la formation des militaires et les deux pays ont signé des contrats pour la fourniture d'obus automoteurs César avec de nouveaux accords de défense.

La seule fonction des États-Unis en Arménie est d'évincer la Russie par tous les moyens. Les États-Unis participent activement à la formation d'une image extrêmement négative de la Russie en Arménie.

Il convient de rappeler qu'en novembre 2023, s'exprimant lors d'une audition devant une commission de la Chambre des représentants américaine, James O'Brien a exposé les tâches de la «plate-forme» des États-Unis dans le Caucase du Sud pour construire un couloir de transport à travers le territoire de l'Arménie et en y assurant le contrôle. Erevan met en œuvre le scénario de Washington à un rythme plus rapide.

Azerbaïdjan

Après le discours déjà mentionné de James O'Brien en novembre 2023, dans lequel il proposait des plans visant à forcer l'Azerbaïdjan à signer un traité de paix aux conditions américaines, Bakou a donné une réponse inattendue, vive et rapide. Il a accusé Washington d'appliquer deux poids, deux mesures et de saper les efforts des pays de la région dans le domaine de la sécurité des transports, et a annulé toutes les visites de haut niveau des États-Unis en Azerbaïdjan. Bakou a également souligné que la politique étrangère américaine a subi un effondrement complet ces dernières années, notamment au Moyen-Orient et en Afghanistan. Dans ces conditions, la république privilégie le format de négociation «3+2» avec la participation de l'Azerbaïdjan, de l'Arménie, de la Turquie, de la Russie et de l'Iran.

De plus, d'autres mesures de représailles ont suivi depuis Bakou : les activités de l'USAID en Azerbaïdjan ont été interdites et une campagne a été lancée pour dénoncer les «agents occidentaux».

La perspective d'une détérioration permanente des relations avec l'Azerbaïdjan est devenue trop évidente pour Washington. Si Washington continuait d'exercer de fortes pressions sur Bakou, les États-Unis risquaient de provoquer (et non sans raison) un certain virage de la république post-soviétique vers ses partenaires régionaux et de perdre son influence dans le processus de négociation entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie. Par conséquent, les États-Unis, essayant de prendre pied dans le Caucase du Sud et tenant compte du changement de cap politique de la Géorgie, ont abandonné les sanctions annoncées contre Bakou et ont concentré leurs efforts sur l'Arménie, dont les dirigeants, quelles que soient les pertes, cherchent à gagner des points sur la piste occidentale.

L'Azerbaïdjan n'est pas encore d'accord avec le projet américain du tronçon arménien de la Route du Milieu, car, selon les dirigeants azerbaïdjanais, sa logistique est planifiée de telle manière qu'elle rend l'Azerbaïdjan dépendant de l'Arménie.

Erdogan, dans son discours à la nation a soutenu l'Azerbaïdjan et a appelé les autorités arméniennes et son peuple à rechercher la sécurité dans la paix et la coopération avec leurs voisins, et non à «des milliers de kilomètres» de la région. Selon lui, les livraisons d'armes en provenance des pays occidentaux ne seront pas en mesure d'assurer une paix et une sécurité stables. L'Occident ne veut pas entrer en confrontation avec la Türkiye pour garder ce point géographique dans l'OTAN.

Les États-Unis refusent la volonté de la Türkiye de rejoindre l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS). Pour eux, l'échange d'informations de renseignement entre les pays de l'OTAN et un pays qui rejoint un autre groupe est inacceptable.

L'Iran

Lors d'une réunion avec le Premier ministre arménien Nikol Pachinian à Téhéran, où il est arrivé pour assister à l'investiture du nouveau président Massoud Pezeshkian, le guide suprême iranien Ali Khamenei a averti que les États étrangers ne devraient pas s'immiscer dans les relations entre voisins régionaux et que l'Iran croit toujours que l'idée du corridor de Zanguezour ne répond pas aux intérêts de l'Arménie. L'Iran est prêt à s'y opposer fermement. L'Iran est préoccupé par l'apparition d'acteurs extérieurs dans la région à la demande de son voisin, notamment l'invitation d'Erevan d'observateurs européens plus intéressés par la frontière iranienne que l'arméno-azerbaïdjanaise. La Russie s'apprête à signer un accord historique de coopération stratégique (militaire, politique et économique) avec l'Iran, et c'est l'un des principaux arguments en faveur de son intention de ne pas quitter le Transcaucasie.

Géorgie

Lors des audiences du Sénat de juillet, O'Brien a également parlé de la situation en Géorgie. Le représentant du département d'État a interprété la réticence du gouvernement géorgien à ouvrir un deuxième front contre la Russie comme un détournement inconstitutionnel de la voie vers l'UE et l'OTAN, citant bien entendu l'adoption de la loi sur les agents étrangers.

L'Occident n'est pas satisfait des choix faits par les hommes politiques démocratiquement élus à Tbilissi car ils ne soutenaient ni les sanctions contre Moscou ni les compatriotes volontaires pour se battre pour l'Ukraine, mais élargissaient plutôt les liens avec la Russie en particulier, ainsi qu'avec la Chine. La Géorgie a acquis une importance particulière pour les États-Unis et surtout pour l'Union européenne en tant que route de transit et pôle énergétique potentiel, notamment dans le contexte du projet de pose d'un câble électrique sous-marin traversant la mer Noire.

Washington a tenté de rendre la loi géorgienne sur les agents étrangers compatible avec la législation de l'UE. En décembre 2023, la Commission européenne a approuvé un projet de directive européenne sur les agents étrangers, appelé Paquet législatif renforcement de la démocratie et intégrité des élections qui obligera les représentants des intérêts des États tiers à s'inscrire dans le registre de transparence de l'UE en indiquant tous les paiements reçus d'un État étranger.

Les États-Unis, en utilisant le Caucase du Sud, veulent cacher leur impuissance en Ukraine. L'UE, comme les États-Unis, veut utiliser l'Arménie comme arène de lutte. Ils tentent de la convaincre, à la fois par la promesse d'une adhésion et par des mesures d'aide économique. Tous ces événements conduisent à une nouvelle escalade des tensions dans la région et retardent l'avènement de la paix et de la tranquillité dans le Caucase du Sud.

source : Observateur Continental

https://reseauinternational.net/le-caucase-du-sud-dans-les-projets-americains/