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Situation problème

Démarré par Mateo, 12 Avril 2007, 10:05:25 PM

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Mateo

Chers amis,

Je viens de terminer un stage sur la situation problème, la remotivation des élèves, apprendre à apprendre, ... de Gérard de Vecchi, auteur de plusieurs livres sur le sujet.

Son postulat est que l'élève doit se sentir concerné par une vraie situation problème.

Exemple de géographie :

Il demande une phrase spontanée sur : Qu'est-ce qu'une carte du monde, à quoi ça sert ?

Il ramasse les idées préconçues. Il obtient : une carte du monde représente les différents pays et sert à se repérer.

Il distribue 3 cartes :







La consigne est :

CiterTrois cartes du monde... mais trois cartes bien différentes . ...Et c'est pourtant le même monde! ... Et une carte est habituellement considérée comme un document "scientifique'!

Cela peut paraître bien étrange!

Élaborer un texte court et synthétique (10 lignes maximum) reprenant les idées essentielles qui ont émergé de votre travail.

Travail en petits groupes. 30 min au moins. Je suis une personne-ressource.

Merci de ne rien écrire sur les documents distribués

Ces textes seront présentés aux autres groupes pour analyse critique.

Il donne des documents informatifs à chaque groupe en fonction de l'avancement de ses travaux (il en a une vingtaine à sa disposition), par exemple celui-ci :

CiterIl est mathématiquement impossible de projeter une sphère sur un plan sans la déformer.

Aucune projection ne peut donc être fidèle à la réalité.



Un autre :
CiterProjection "Mercator':

Minimiser des pays, des régions et même des continents entiers correspondait à un esprit dominateur et conquérant. Grossir symboliquement l'Europe symbolisait sa toute puissance économique et culturelle. On peut même se demander si Mercator était conscient de ce travers!
Un autre :
CiterProjection "MERCATOR

(Mercator était un géographe flamand du xvleme siècle. A son époque l'Europe partait à la conquête du monde.)

Carte réalisée en 1569. C'est la projection la plus répandue aujourd'hui. Mercator a projeté, à partir du centre de la Terre, l'ensemble des points du globe sur un cylindre. Les méridiens et les parallèles forment des angles droits.

Un autre :
Citer• Equateur au centre
• Toutes les régions terrestres représentées
• Fidélité absolue des superficies
• Précision du calcul (1cm2 équivaut à 400.000 Km2 réels)
• Forme rectangulaire permettant un maniement aisé (Atlas... et même télévision!)
• Distorsions inévitables réparties à l'équateur et aux pôles. Par contre, ne permet pas de mesurer valablement la distance entre 2 points, ni de comparer les distances entre elles. Les autres cartes ne le permettent pas non plus!
Un autre :
CiterProjection "PETERS

(Arno Peters: historien allemand du xxème siècle)

Carte réalisée en 1974. Elle représente très fidèlement la superficie relative de tous les pays et de tous les continents.
Un autre :
CiterLa projection "Peters" : « Une carte pour un monde solidaire ».

Représenter la juste surface relative de toutes les régions du globe renvoie à une redistribution de l'importance relative des différents pays et continents.
De plus, l'actuelle exploitation du Sud par le Nord est suggérée par la forme étirée, émaciée de l'Afrique et de l'Amérique du Sud. L'allongement de la carte nous suggère l'idée. que les pays industrialisés du Nord "aspirent", "sucent" les matières premières, le travail et toutes les richesses du Tiers-Monde.

Peters nous oblige à faire notre examen de conscience. La montée de Tiers-Monde ne doit-elle pas se traduire par une "redistribution des cartes" ? Sa carte est destinée à modifier les mentalités en profondeur.
Un autre :
Citer«La géographie ça sert surtout à faire la guerre»
   (titre d'un ouvrage d'Yves LACOSTE)

Les rapports spatiaux sont le plus souvent des rapports
de force et de pouvoir.
Un autre :
CiterHaut
Au sens moral

Qui possède la grandeur, la prééminence, la supériorité, l'excellence.

De hauts personnages. Les hauts fonctionnaires. Le haut clergé. La haute finance.
Les hautes sphères. Avoir une haute opinion de quelqu'un.

Le Très-Haut : Dieu. C'est vers le haut que se situe le paradis. Paradis céleste.

Bas
Au sens moral

D'un niveau nettement inférieur.

Personnage de basse naissance. Le bas peuple. Individu de bas étage, dont l'origine, la condition manquent de distinction.

Un sentiment bas. Un homme bas : dépourvu de courage, de générosité, d'élévation.

L'enfer, c'est en bas, au-dessous, c'est souterrain.
Un autre :
CiterThe New World Map

Carte néo-zélandaise produite en 1983. On trouve actuellement des cartes
australiennes construites sur le même principe.

Un autre :
CiterThe New World Map

Dans l'espace, il n'y a ni "haut" ni "bas". Le pôle Nord n'est donc pas "en haut" ni le pôle Sud "en bas". Mais être placé "en haut" est valorisant ("haut"
au sens moral = qui possède la grandeur, la prédominance...) et être placé "en bas"
correspond à une dévalorisation. Pourquoi le pôle Sud ne serait-il pas celui que
l'on situerait vers le haut ?
Un autre :


Il aide un peu les groupes qui stagnent, et au bout d'une heure, il fait afficher sur 5 panneaux les conclusions auxquelles tout le monde est arrivé par des chemins différents :

La repésentation exacte d'une sphère sur un plan est impossible, chaque carte privilégie, consciemment ou non, une intention ou un aspect politique, économique, ... et lire une carte c'est interpréter le point de vue du cartographe et en être conscient.

La correction est :
CiterUne certaine idée des cartes de géographie

Il est impossible de représenter fidèlement une carte du monde sur un plan.

Les techniques de projection utilisées sont à l'origine de déformations valorisant certaines zones du globe terrestre. Cette valorisation est renforcée par le choix que chacun fait de se situer au centre.

Les cartes du monde ne sont donc pas "neutres", même si ce sont des "documents scientifiques". Elles sont porteuses de valeurs politiques et culturelles (ex. survalorisation de l'hémisphère nord ou, au contraire, reconnaissance des pays du Tiers-Monde). Les rapports spatiaux sont donc le plus souvent des rapports de force et de pouvoir

Alors, quelles cartes utiliser ? Celles qui nous sont les plus familières ou ceIles qui remettent en cause nos valeurs ? II semble important d'utiliser le plus souvent possible les planisphères.. -et, à partir d'un certain âge, de travailler sur plusieurs types de cartes en les faisant analyser d'une manière comparative

La géographie n'est pas une simple science de la descrïption mais la science de l'organisation spatiale des sociétés mettant en valeur les relations
Elle doit permettre de comprendre les problèmes politiques et sociaux de notre monde. C'est donc une   de l'espace social. Pour les élèves, travailler sur des cartes ne devrait pas avoir pour objectif essentiel de connaître ces cartes. Il est
important de les utiliser non pas mme des buts mais comme des moyens de poser et de résoudre des problèmes C'est dans ces conditions que la géographie
correspond à une discipline véritablement scientifique.

Projection de Fuller :


Il souligne le chemin parcouru entre le point de vue initial et final.

Le conflit et la négociation entre les membre du groupes oblige chacun à défendre ses arguments, s'engager. Rien à faire des cartes du monde, mais si quelque chose à faire pour défendre ce que j'en pense.

Voila la démarche de situation problème qu'il propose à des adultes non historiens géographes pour les impliquer dans un sujet légèrement familier mais dans lequel ils ne sont pas experts.

On n'apprend pas à apprendre dans l'abstrait, mais à l'aide d'une vraie recherche autour d'une situation qui provoque la curiosité des élèves.

Les objectifs envers les enseignants qu'il avait en préparant cette activité sont :
CiterDémarche de recherche et de construction de Savoirs

Objectifs : prise de conscience de l'importance d'un certain nombre de points

• D'une manière générale : place de l'apprenant face au savoir, au coeur du processus d'apprentissage Il est acteur (avec sa tête) et pas seulement actif (avec ses mains).

• Rôle de la situation de départ ("situation-impasse")
- un défi à relever qui donne du sens, qui stimule la curiosité qui fait parfois
travailler avec plus de plaisir (même si c'est difficile !)
- idée de "rupture : apprendre c'est changer.
- l'émergence du propre questionnement des apprenants (cadre laissant suffisamment de liberté pour élaborer sa propre démarche et n'obligeant pas à suivre linéairement celle du
maître)
- construction d'une vraie problématique

• Activité de recherche de résolution de problème (affirmations, remises en cause, émission et vérification d'hypothèses...)

*Droit à l'erreur.. et intérêt des erreurs (sans jugement de valeur). Importance des obstacles émergeant à partir des conceptions (représentations mentales) dont les apprenants
et le maître prennent conscience.

• Besoin de structuration (passage de la descrïption, de la compréhension à l'abstraction).

*Situation complexe (et non suite d'exercices, d'activités simplifiées, stéréotypées).

• Rôle positif du travail de groupe

• Rôle et intérêt des confrontations de la négociation. Rôle du conflit ("conflit sociocognitif").

• Métacognition (descendre de bicyclette pour se regarder pédaler).

• Pédagogie de la réussite (pour tous) : aboutissement avec l'aide des autres.

• Rôles du maître Définition des objectifs à partir des obstacles, production de la situation, gestion (personne ressource, aide...), régulation.

document Gérard DE VECCHI d'après: G. DE VECCHI, N. CARMONA-MAGNALDI, Faire construire des savoirs, Hachette Education.
Mateo.

JacquesL

#1
Je vois que tu as rapatrié ce long débat, et en le relisant, je suis ému par cette intervention de François :

Citation de: Mateo le 12 Avril 2007, 10:20:31 PM
François a écrit :

Thomas a écrit :

    Citation :
    Pourquoi éprouver ce besoin de croire qu'il n'est pas possible de
    faire  avancer une classe sur un établissement très difficile dans une
    approche constructiviste ?


En ce qui me concerne, c'est sans doute lié à mon vécu de prof. Ça fait presque 10 ans que j'enseigne dans un collège très difficile, entendez par là que tout y est très au-dessous de la moyenne. Les résultats scolaires (réunion d'harmonisation hier avec les écoles du secteur : à la maternelle on s'arrache les cheveux pour faire apprendre les animaux de la ferme et les couleurs - surcharge cognitive), les évaluations CE2, 6ème et le DNB sont catastrophiques (59% au DNB cette année, qui dit mieux ?), avec souvent des scores en-dessous des moyennes de ZEP.
Socialement aussi c'est très défavorisé (2ème collège le plus défavorisé de l'académie), et tous les enseignants du secteur, de la maternelle au collège, sont d'accord sur le fait que ce qu'on appelle pudiquement "l'appétence scolaire" y est extrêmement faible. L'avis des collègues qui enseignent en même temps sur d'autres établissements est encore plus négatif. Bref, dans leur majorité nos élèves sont très peu curieux (vraiment très peu), très peu cultivés (forcément), et surtout très fiers de l'être.
Nous, à vouloir leur apporter un peu d'ouverture sur l'extérieur, comme un voyage en Espagne, sommes des emmerdeurs, on les empêche de regarder la Starac et d'aller à la chasse.

Au quotidien c'est toute une galère de faire construire un phrase correcte, déjà à l'oral, mais alors à l'écrit c'est la panique ! Dans ces conditions, organiser un travail de groupe où il faut réfléchir, chercher, argumenter et présenter une synthèse à la fin, je suis désolé mais je ne peux même pas le concevoir. Déjà si mes 6èmes étaient tous capable de relire ce qu'ils ont écrit eux-même je serais super content.
J'ai des scan de productions d'élèves pour ceux qui croient que j'exagère...

Mais bon, même sans aller chercher ce genre de bahuts (et pourtant les constructivistes prétendent s'adresser à des publics en difficulté), les activités proposées sont toujours basées sur des compétences de haut niveau que très peu d'élèves maîtrisent (comprendre, argumenter, analyser, synthétiser). Quelques rappels sur les évaluations nationales de 6ème en français cette année :

- Prélever des informations ponctuelles et explicites dans un texte littéraire un manuel, un document historique : selon les items ça descend jusqu'à 18% de réussite. Informations EXPLICITES.
- Repérer la chronologie des événements dans un texte : 43% de réussite !
- Justifier : 30 à 55%
- À quoi se réfère "sa route" dans "Ces eaux usées vont être acheminées vers un fleuve qui finira sa route dans la mer ou l'océan." ? 24% de réussite.
- Qui est désigné par « nous » dans le texte ? 34%

Comment dans ces conditions organiser une activité en autonomie ? On voit déjà ce que donnent les recherches et exposés dans la plupart des cas : une recherche rapide sur internet, lancer l'imprimante sans rien avoir lu, et hop on donne ça au prof. Même qu'avec certains ça marche, ils ne s'en rendent pas compte.

Bref, tous les ingrédients sont là pour qu'a priori on ait des doutes sur l'efficacité de ce genre de pratiques. Les études expérimentales a posteriori déjà citées ne font que renforcer ces doutes. (petit rappel : elles ne disent pas que ces pratiques ne font pas progresser les élèves, elles disent qu'elles les font moins progresser que d'autres, nuance).

Maintenant, avec certaines personnalités de prof, certains types de publics, ou sur certains thèmes, il est très possible qu'on obtienne de bons résultats. Et puis, même si ça ne servait qu'au prof pour se changer de la routine et se remotiver lui-même, ce serait toujours ça de bon à prendre.
--
François

Pendant ce temps, à la faveur du grand ménage dans la bibli de m'Amie, j'ouvre et je parcours les deux pamphlets de Maurice T. Maschino : Vos enfants ne m'intéressent plus, et Voulez-vous vraiment des enfants idiots ?

Là mes deux réactions se rejoignent.
Au fil des plaintes de Vos enfants ne m'intéressent plus, j'étais frappé par l'obsolescence de la notion même de philosophie dans la tête du prof. En marketing industriel, on nous a appris à faire tout partir des besoins du client, et de l'analyse de ces besoins. Il n'y a de notion de qualité qu'à partir d'une mesure de la satisfaction de ces besoins, côté clients.
Or là, zéro analyse des besoins des clients imposés : ces élèves.
Les profs de philo passent leur plumeau sur leurs auteurs favoris, mais n'ont jamais été formés à une collaboration interprofessionnelle, dans la vie économique réelle. Ils ne soupçonnent pas les besoins non satisfaits.

Ci-dessus, François enfonce le clou, en précisant le désespoir existentiel de ces ados puis jeunes gens, promis à un avenir professionnel très sombre et très précaire.
Dans le second livre cité, Maschino précise : réformer l'école dans une pensée d'autonomie n'aboutit jamais. L'école n'est qu'une colonie, territoire colonial définitif, dirigée de fait par des forces sociales extérieures, et qui ne peut rêver à une indépendance.

Par contraste, Selma Lagerlöf décrivait l'enthousiasme des enfant des écoles (en Suède, début 20e siècle) qui reboisaient la colline dévastée par un incendie. Voilà une activité économique sensée - même si elle est non marchande - par laquelle les enfants construisent leur avenir, au moins par l'avenir de leur montagne et de leur paysage.

On ne peut enseigner durablement des enfants en désespoir professionnel, sans leur faire construire concrètement leur avenir professionnel, sans leur confier une activité économique réelle. Dans la vie paysanne, les enfants ont toujours travaillé. Le film "Etre et avoir" montrait bien un gamin qui maniait le tracteur avec une maîtrise parfaite.

Malgré les cris que vont pousser les enseignants, cela implique par exemple d'intégrer profondément des artisans dans les collèges. Par exemple, car cette idée n'épuise pas, loin s'en faut, la liste des solutions nécessaires.

J'en reviens donc à ma marotte : donner des épreuves de réalité, des prises sur la réalité, voilà la clé de la santé mentale et de l'efficience de l'adulte. Or l'école a évolué vers de de plus en plus d'irréalité, de préservation la plus prolongée possible de toute épreuve de réalité.