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Xinjiang et Ouïghours : La presse retourne à ses chers guillemets

Démarré par JacquesL, 05 Septembre 2023, 05:04:33 PM

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JacquesL

Xinjiang et Ouïghours : La presse retourne à ses chers guillemets



par Aymeric Monville

À mon retour du Xinjiang, j'apprends que mon exécution pour divergence avec les principaux médias de mon pays va peut-être être différée. En effet, l'arsenal de la presse française se fait désormais plus modeste.

Commentant la récente visite du président chinois dans la région, Le Monde, dans son édition du 28 août 2023 titre : «La répression chinoise en voie de «normalisation»».

Quant à RFI, un jour plus tôt : Chine : Xi Jinping réaffirme la priorité donnée à la «stabilité sociale» au Xinjiang.

Enfin, Le Figaro : Chine : le président Xi au Xinjiang, loue «la stabilité sociale».

Je n'ai pas trouvé d'autres articles sur le même sujet. Mais je constate une belle unanimité : trois titres et trois fois les mêmes guillemets.
La belle solution ! Comme il n'y a plus rien à dire sinon que le Xinjiang est toujours en Chine, qu'il n'y a plus d'attentats depuis 2016, que les Ouïghours sont bien toujours là, Dieu merci (s'il existe), que la religion n'est nullement interdite, que le patrimoine matériel et immatériel est préservé, que la région se développe avec une croissance qui profite à tout le monde, il reste donc un expédient tout trouvé : commenter l'actualité chinoise en montrant qu'on n'en pense pas moins.

Car ces utiles guillemets permettent aux journalistes d'afficher une position de surplomb en créant avec le lecteur la connivence voulue.

Au choix : «On nous raconte ça en Chine mais vous savez, ça vient des Chinois, hein ?»

Ou bien : «On nous raconte ça en Chine mais vous savez, ça vient des communistes, hein ?».

Voire les deux. Ça se mélange souvent dans les têtes, le complexe de supériorité raciale et l'anticommunisme. Et il doit être écrit quelque part que les anciens colons reprocheront toujours, jusqu'à la fin des temps, aux Chinois de s'être libérés de l'oppression étrangère grâce à leur Parti communiste.

Et surtout, mettre les guillemets permet au journaliste de ne pas avoir à faire le raccord ni les excuses nécessaires entre les énormités (génocide, trafic d'organes, stérilisations forcées) débitées précédemment sur les mêmes supports à propos d'une région du monde où ni eux ni leurs collègues n'ont mis les pieds, ou sinon il y a bien longtemps.

Maxime Vivas, dans son ouvrage aussi salutaire que solitaire de 2020 sur les fake news autour des Ouïghours avait déjà noté que vers 2015, l'Obs faisait bien la différence entre terroristes et «terroristes».

Le premier, sans guillemets, est idoine pour décrire les tueurs du Bataclan. Quant aux «terroristes», avec guillemets cette fois, cela concerne les djihadistes au Xinjiang, massacrant par exemple des mineurs de fond ayant eu le tort d'appartenir à l'ethnie majoritaire, les Hans. Ursula Gauthier, la journaliste de l'époque, s'était particulièrement illustrée dans l'inventivité casuistique :

«Or, aussi sanglante qu'elle ait été, l'attaque de Baicheng [contre les mineurs de fond, le 18 septembre 2015] ne ressemble en rien aux attentats du 13 novembre [de la même année, en France]. Il s'agissait en réalité d'une explosion de rage localisée». Et de continuer, «Poussé à bout, un petit groupe de Ouïgours armés de hachoirs s'en était pris à une mine de charbon et à ses ouvriers chinois han, probablement pour venger un abus, une injustice, une expropriation...»

Le «probablement» permettait à la journaliste d'extrapoler à des milliers de kilomètres, sur ces prétendus vengeurs d'une injustice. Dans ce livre même livre, Maxime Vivas notait aussi que la propagande était plutôt au conditionnel : les Ouïghours «seraient» génocidés, etc. Et qu'«un conditionnel dix fois répété devient un indicatif certifié».

Mais revenons donc à ce que commentaient nos trois articles à guillemets :

C'était là le deuxième déplacement du président chinois depuis juillet 2022. Le précédent remontait à 2014. Xi Jinping s'est donc rendu au Xinjiang après être rentré en Chine après le 15ème sommet des BRICS et sa visite d'État en Afrique du Sud. On notera – mais qui notera ? – que ce sommet des BRICS aura vu l'élargissement de l'organisation à six pays dont quatre sont majoritairement musulmans : l'Arabie saoudite, l'Iran, l'Égypte et les Emirats arabes unis.

On sera aussi en peine de trouver dans la presse française que le président Xi a aussi parlé de protection de patrimoine culturel des différentes nationalités, pour permettre aux fonctionnaires de développer une meilleure compréhension dans chaque région, etc.

Le Figaro préfère insister sur le fait que les Ouïghours ne représentent que 41% de la population alors qu'ils étaient plus nombreux – en proportion – en 1949. Les Chinois Hans seraient, paraît-il, 45%. Soit un peu plus de 10 millions de Hans dans cette région, étant donné qu'ils sont environ 1 milliard deux cents millions1 plus à l'est de ce qui est tout de même leur même pays, c'est plutôt le constat d'un brassage de populations au sein d'un même pays encore bien timide. D'autant que le Xinjiang a aussi besoin d'ingénieurs, de techniciens, d'ouvriers venus de tout le pays pour se développer. Et que, malgré cela, c'est que la réalité toute bête est que personne n'a envie d'être envoyé à 2500 km de son foyer (trajet Pékin-Urumqi), voire 5000 km (trajet Shanghai-Kachgar) dans un endroit le plus continental du monde. Allez chercher une bise marine à Urumqi... Et je ne vous parle pas de la dépression de Tiourfan, le deuxième endroit le plus bas en dessous du niveau de la mer, où la température avoisine les 50 degrés.

À ce sujet, on pourrait prendre d'autres exemples, bien plus proche de nous : la ville de Nice compte aujourd'hui 350 000 habitants. Les Niçois «de souche» (je n'aime pas ces termes identitaires mais c'est pour me faire comprendre), parlant niçard (un dialecte occitan), nés du «bon» côté du Paillon, qui préservent la gastronomie niçoise (un régal, injustement méconnu, soit dit en passant), doivent être dans les quelques milliers. Le reste ? Rapatriés d'Algérie, Algériens non rapatriés retraités, parisiens ou non, touristes russes devenus touristes ukrainiens, etc. Et alors ? Avant de devenir la côte d'Azur, «the French Riviera» en anglais, «Lazourny Bereg» en russe, c'était une région où il ne poussait pas grand-chose, où le maquis pousse sur une terre caillouteuse et si peu arable. Où le commerce des fleurs était ce qu'il y avait de plus lucratif. Aujourd'hui tout le monde veut bénéficier du micro-climat local. Je pense d'ailleurs qu'au Xinjiang, pourvu que les Américains finissent par lâcher l'os qu'ils rongent et n'entravent pas trop les nouvelles routes de la soie, eh bien la prospérité va bénéficier à chacun.

Il n'est peut-être pas nécessaire de reprendre toute la logique d'Aristote pour montrer qu'il y a un problème à résoudre. Comment «normaliser», même avec tous les guillemets possibles, un peuple qu'on a déjà génocidé ?

Yukong pourra-t-il encore déplacer les montagnes ? Ou bien faire se rejoindre deux fleuves de désinformation, le fleuve génocide et le fleuve «normalisation» et «stabilité sociale» avec les guillemets de rigueur.

«Vous savez que Houang-ho veut dire fleuve Jaune, et Yang-tseu-kiang fleuve Bleu. Vous vous rendez compte de l'aspect grandiose du mélange ? Un fleuve vert, vert comme les forêts, comme l'espérance. Matelot Esnault, nous allons repeindre l'Asie, lui donner une couleur tendre».

Ce sont des propos d'ivrogne que, rentré depuis bien longtemps en France, tient le personnage joué par Jean Gabin dans le fil tiré d'Un singe en hiver. Creuser un canal entre les deux grands fleuves pour donner à l'Asie une couleur tendre ? Pour une autre palette, adressez-vous à un autre ivrogne, moins sympathique, Mike Pompeo en l'occurrence. Vous savez, celui qui a appris à «mentir, tricher, voler»2 et qu'on prend donc pour un oracle en Occident. C'est lui qui, passé tout naturellement de la CIA au département d'État a lancé le bobard du génocide ouïghour pour le compte de Donald Trump, avant de refiler la baballe à Joe Biden : contre la Chine il y a bien un parti unique de la guerre. Je me demande pourtant si tous ces savants personnages savent situer le Xinjiang sur une carte.

La dernière campagne présidentielle en France avait montré que le candidat écologiste Yannick Jadot, se posant en «cold warrior» face à la Russie de Vladimir Poutine s'était montré incapable, alors qu'il faisait campagne dans une école primaire – mélange des genres proposé par l'émission «Au tableau» et que je trouve déjà en soi insupportable -, de placer certains pays limitrophes de la Russie. Insoutenable légèreté d'un candidat à la présidentielle et peut-être à la guerre mais qui part sans carte d'état-major. J'étais heureux qu'il n'ait pas atteint la barre des 5% fatidiques. Preuve en est – et à la presse il restera au moins ça à dire -, que je suis vraiment un sale type.

source : Le Grand Soir


JacquesL

Retour sur un Institut militaire français et ses dangereuses divagations anti-patriotiques



Quand l'armée française jette 61 fois un Français en pâture aux cadres de l'armée américaine.

par Aymeric Monville

De retour du Xinjiang, je relis le volumineux rapport antichinois de 654 pages qu'avait diffusé, il y a deux ans, l'Institut de recherche stratégique de l'école militaire (IRSEM). Fort de cinquante autoproclamés chercheurs et comptant un relais de l'OTAN, officier supérieur de l'armée des États-Unis, l'institut parrainait ce pavé censé alerter sur les «machiavéliennes» opérations de la Chine et sur ses complices français dénoncés selon la méthode de McCarthy.

Deux ans plus tard, j'ai donc eu la facétie d'étudier les preuves avancées par le rapport concernant les informations à propos des Ouïghours puisque je reviens donc de la région de Chine, où ce peuple majoritairement musulman et parlant une langue turcique représente près de 45% de la population.

Pour ladite stérilisation forcée des femmes ouïghoures, l'unique source n'était autre que Adrian Zenz, un évangéliste allemand d'extrême-droite dont la détestation des pays socialistes, et notamment de la Chine, est proverbiale et qui n'a pas mis un pied au Xinjiang depuis 2007.
Pour les esclaves dans le champ de coton du Xinjiang, la source n'est autre que l'ASPI, l'Australian Strategic Policy Institute financé par le département d'État, le ministère des Affaires étrangères des États-Unis.

Pour les organes dits «halal» prélevés sur des prisonniers ouïghours et vendus à l'étranger, la source dudit rapport était le magazine «Vice», dont l'enquête était si probante qu'elle affirmait : «Toutes nos sources ont affirmé que les cadavres étaient brûlés pour éviter toute preuve».

Maxime Vivas avait pourtant déjà alerté un an avant la parution du rapport sur ces failles, dans son livre «Ouïghours pour en finir avec les fake news». Il montrait également le cas de médecin Enver Tohti, qui avait affirmé avoir prélevé en 1994 un organe sur un Ouïghour vivant, en vue du trafic vers l'Arabie saoudite. Le médecin avait dû à peine une semaine plus tard, en mars 2019, retirer ses allégations sur protestation de Riyad. Le professeur Albert Ettinger, dans une recension du livre de Vivas, se demandait d'ailleurs à juste titre, pourquoi cet Enver Tohti, malgré ses «aveux», n'avait fait l'objet d'aucune enquête judiciaire alors qu'il vit désormais aux États-Unis.

Inutile de rappeler que le média sur lequel avaient été proférées ces élucubrations du médecin Tohti n'est autre que «Radio Free Asia», une station de radio gérée par le «Broadcasting Board of Governors», agence fédérale supervisée par le département d'État, le ministère des Affaires étrangères des États-Unis.

Quant aux «trois millions de Ouïghours internés», ce qui ferait près d'un tiers de la population (10 millions), ce chiffre, qui d'ailleurs varie beaucoup au cours dudit rapport, apparaît dans une phrase du rapport dépourvue de note. Ce qui indique que le rapport de l'IRSEM n'a fourni aucune source, à moins qu'il ne faille aller à la note de bas de la phrase d'après, et là on retrouve comme source l'incontournable Adrian Zenz.

J'ai donc voulu, moi aussi, me rendre au Xinjiang.

Le rapport de l'IRSEM racontait que les Ouïghours «n'osent pas adresser la parole aux étrangers» ; j'ai pu constater le contraire à chaque coin de rue.

Le rapport parlait de «sinisation forcée» ; j'ai vu tous les panneaux officiels bilingues ou sinon trilingues, anglais-ouïghour-mandarin, dans les aéroports.

Le rapport parlait de religion persécutée, alors que j'ai vu, à Kashgar comme à Urumqi mosquées, madrasah, quartiers réhabilités, Ouïghours portant fièrement leurs vêtements traditionnels, etc.

Si trois millions de Ouïghours avaient été internés, soit près d'un tiers de la population, il est évident qu'il en aurait résulté une diminution drastique, visible à l'œil nu, de la population masculine majeure et valide, la plus susceptible, là-bas comme ailleurs, de faire l'objet d'une incarcération. Bref je n'aurais pas vu, dans les rues des grandes villes où je suis passé en long et en large en ce mois d'août 2023, que massivement des femmes, des enfants, des vieillards en masse, et une population hagarde, abandonnée, bref des villes en état de siège. Alors qu'au contraire j'ai été frappé par le développement, le tourisme, l'activité dans les rues, la liberté de chacun de sortir quel que soit son sexe. Trois millions d'internés, cela aurait donné ce qu'a tristement connu, en proportion, la Biélorussie, la république soviétique qui, en plein sur la ligne de front, avait le plus souffert de l'attaque nazie. Soit la perte d'un homme majeur sur deux, et je peux dire que là-bas tout le monde s'en souvient encore.

Bref, après pareils exploits d'un «institut» qui compte plus de cinquante chercheurs, la solution, visiblement était de pallier l'absence totale de sérieux par un pensum de 654 pages, «meubler» en quelque sorte. C'est ainsi que, de façon très baroque, comme un chien dans un jeu de quilles, je faisais mon entrée dans ce rapport qui jugeait alors bon d'avertir la France entière d'une simple rencontre de l'éditeur que je suis à l'ambassade de Chine, rencontre qui avait donné lieu à une banale photo-souvenir postée par l'ambassade.

Quant à Maxime Vivas, alors qu'une lecture approfondie et non strictement policière de son ouvrage sur les Ouïghours aurait préservé nos enquêteurs du ridicule, il a au contraire été littéralement crucifié, jeté en pâture aux cadres de l'armée américaine à qui était destiné ce rapport. Il a été cité plus de soixante fois. D'origine d'une famille antifranquiste espagnole, il a été traité en «mauvais Français», pour reprendre l'expression immonde du maréchal Pétain, et ce, par des Français écrivant en priorité pour une armée étrangère. Ça ne vous rappelle rien ?

Bruno Guigue, à l'époque, avait tout dit du rapport de l'IRSEM  :

«C'est désespérant. En France, nous n'avons pas de masques, pas de vaccins, pas d'industrie, pas de monnaie, pas de croissance, pas de politique budgétaire, pas de défense indépendante, pas d'entreprises publiques, pas d'État souverain. Heureusement, nous avons des «experts» qui pondent un pavé de 650 pages pour critiquer ceux qui ont tout ce que nous n'avons pas».

Vu qu'il s'agit de rien de moins qu'un institut de l'École militaire, on peut clairement se poser la question de savoir si, au plan militaire, l'armée française est bien informée ou si elle n'est pas victime de provocateurs visant à justifier la folie belliciste des États-Unis. N'oublions pas que ce rapport a même été relayé, à l'époque, par toute la presse aux ordres, qui n'a pas hésité à traîner nos propres concitoyens dans la boue et à se livrer à une véritable opération d'intimidation. Je tiens à dire solennellement que jamais nous ne laisserons notre pays détruit par la bêtise à front de taureau des propagandistes de Washington. Désormais, l'heure est aux explications.

PS : En écrivant cet article, j'ai une pensée pour un homme intègre, le contre-amiral (2s) Claude Gaucherand, qui a bien voulu préfacer, en 2022, notre livre de première réponse à l'IRSEM «Les Divagations des antichinois en France». Qu'il en soit remercié.

source : Le Grand Soir