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La campagne présidentielle 2007 par Michel Rocard

Démarré par JacquesL, 28 Février 2007, 02:40:41 PM

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JacquesL

Voici  les réponses de Michel Rocard (en intégralité et sans le moindre changement) lors d'une interview dans l'hebdo Le Vif/l'Express du 23 février 2007.

Question : La campagne présidentielle française intéresse-t-elle les députés européens ?

Michel Rocard : "Au Parlement européen, elle fait rire tout le monde ! Le grotesque des réunions qui tournent mal, les programmes fous des candidats, comme on ne peut en voir qu'en France ! Je crédite Ségolène Royal de son inexpérience, mais j'en veux beaucoup à Nicolas Sarkozy, qui a été ministre de l'Economie et devrait savoir de quoi il parle et qui, pourtant, ne recule devant aucune promesse."

Question : François Bayrou vous paraît-il plus lucide ?

Michel Rocard : "Tout discours visant à changer les conditions dans lesquelles les gens s'organisent et se rassemblent est non pertinent tant qu'on ne sait pas pour quoi faire, c'est-à-dire aussi longtemps qu'on n'explique pas pourquoi les gens en situation précaire sont si nombreux en France et quelles sont les solutions. Ce sont les clefs du monde d'aujourd'hui et je n'ai jamais entendu Bayrou en parler. François est un ami, mais tout le reste, c'est du pipeau."

Question : Jugez-vous que Nicolas Sarkozy est diabolisé à outrance par les socialistes ?

Michel Rocard : "Je considère que Nicolas Sarkozy est un danger public. Cet homme incarne la vraie droite. Intellectuellement, il est dans la philosophie de l'optimum des marchés et de la disparition de la régulation étatique. On a dit, ici ou là, que cela en faisait un conservateur américain, d'où des rugissements, sur le thème "il ne faut pas diaboliser les gens, cessons les insultes". Mais ce n'est pas une insulte ! Les conservateurs américains sont une très grande école intellectuelle, dangereuse, qu'il faut combattre, à mon avis, car elle pense faux. Cela ne les empêche pas d'être des gens à qui on serre la main, ils sont respectables, ils sont cultivés, ils ont publié des travaux."


Question : Qu'est ce qui vous inquiète à ce point chez Sarkozy ?

Michel Rocard : "J'ai trois raisons de me méfier de lui. D'abord, ce ministre de l'Intérieur aime, électoralement, que la police se voie. Or la police ne travaille bien que quand on ne la regarde pas ! C'est quand on ne la regarde pas qu'elle peut être flexible, dire à un délinquant : "Ne recommence pas, on t'a repéré...". Simplement, ce discours n'est pas présentable à une opinion répressive : la police que les gens aiment voir, c'est celle qui tape. C'est parce qu'il fait de cette manière que Nicolas Sarkozy a involontairement mis le feu à la banlieue. Je pense que cela se reproduira et qu'il nous mettra le feu partout...

La deuxième raison tient à l'influence diplomatique de la France. Qu'est ce que le monde d'aujourd'hui ? Quelques géants, les Etats-Unis, la Chine, l'Inde, le Japon, la Russie... La France émerge en influence principalement à cause des amitiés que nous avons gardées dans toute l'Afrique et dans le Moyen-Orient. Or, après le ralliement obséquieux de Nicolas Sarkozy à George Bush, il suffirait qu'il soit élu pour détériorer d'un coup toutes ces relations ! L'idée même de son élection fait horreur à la plupart des dirigeants africains et à tous ceux du Moyen-Orient. Sarkozy est un luxe que la France ne pourra pas se permettre, il coûtera trop cher.

Enfin, je ne peux pas supporter un homme qui a tenté de s'opposer au gel du corps électoral de la Nouvelle-Calédonie pour des raisons électoralistes.
C'était une parole de la France, engagée depuis plus de quinze ans. Que la France puisse se déshonorer une fois de plus, alors que ce conflit s'est ouvert sur un manquement à la parole donnée... Voilà pourquoi je suis inquiet devant le risque, important, que Nicolas Sarkozy soit élu, et je mets en garde les Français : cet homme est un danger plublic".

. Propos recueillis par Elise Karlin et Eric Mandonnet.

JacquesL

http://www.lemonde.fr/web/imprimer_element/0,40-0@2-823448,50-895551,0.html

Royal-Bayrou, l'alliance nécessaire, par Michel Rocard
LE MONDE | 13.04.07 | 11h26  •  Mis à jour le 13.04.07 | 11h56

Si Nicolas Sarkozy est élu dans quelques semaines, nous n'aurons aucune excuse. L'UMP gagnera les élections législatives qui suivront; et pendant cinq ans, la France va souffrir.

Tous les Français ne souffriront pas de la même façon : les plus riches vivront encore mieux. Les classes moyennes et les petits salariés vivront plus mal. Les exclus seront plus seuls que jamais.


Nous pouvons éviter ce gâchis social dont la majorité des Français ne veut pas. Comment? Simplement, en unissant nos forces avec ceux qui sont les plus proches de nous. Ceux qui pensent comme nous que le marché doit être régulé, que l'Etat doit défendre la solidarité, que l'égalité des chances doit être assurée pour tous et entre toutes les générations.

Socialiste et européen depuis toujours, j'affirme que sur les urgences d'aujourd'hui rien d'essentiel ne sépare plus en France les sociaux-démocrates et les démocrates-sociaux, c'est-à-dire les socialistes et les centristes. Sur l'emploi, sur le logement, sur la dette, sur l'éducation, sur l'Europe, nos priorités sont largement les leurs. Sur la société, sur la démocratie, sur les femmes, sur l'intégration, sur la nation, nous partageons les mêmes valeurs. Isolés, ni eux ni nous, n'avons aucune chance de battre la coalition de Nicolas Sarkozy et Jean-Marie Le Pen. Mais rassemblés avec les Verts, la gauche sociale-démocrate et le centre démocrate-social constituent une majorité dans le pays. Et dans deux semaines elle peut devenir la majorité réelle. C'est la chance de la France.

Il ne faut pas attendre l'après-second-tour pour créer la dynamique de l'alliance. Dans quelques jours, les Français décideront qui, de François Bayrou ou de Ségolène Royal, sera le mieux à même de battre Nicolas Sarkozy. Et ils le feront d'autant mieux qu'ils sauront que, dans tous les cas, une alliance sincère et constructive défendra au second tour puis aux législatives un projet commun d'espoir pour la France.

J'appelle donc François Bayrou et Ségolène Royal, avant le premier tour, à s'exprimer devant les Français pour s'engager dans la voie de cette alliance. Qu'ils fassent confiance aux Français pour que les Français leur fassent confiance.

Je ne me prononce qu'au nom d'une seule ambition : l'amour de mon pays. L'envie que la France retrouve confiance en elle; que nos jeunes portent l'espoir d'une vie meilleure; que notre Etat se modernise dans le respect de chacun; et que triomphent nos idéaux démocratiques dans un monde en mouvement.

Pour la première fois depuis longtemps, j'atteste que ce chemin nous est ouvert. Nous pouvons déplacer les lignes politiques pour qu'elles soient fidèles à nos convictions. Nous pouvons faire repartir la France sur les rails du progrès économique, de la justice sociale, d'une démocratie impartiale et apaisée. Offrons ce choix aux Français et je suis sûr qu'ils l'approuveront.

Si nous ne saisissons pas cette chance, oui nous n'aurons aucune excuse...

Michel Rocard, premier ministre de 1988 à 1991, député européen