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L’agenda iranien de Pompeo est-il le même que celui de Trump ?

Démarré par JacquesL, 04 Juillet 2019, 02:43:49 AM

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JacquesL

L'agenda iranien de Pompeo est-il le même que celui de Trump ?
Un mémo du VIPS [un groupe de vétérans du renseignement étatsunien] au Président Trump


https://lesakerfrancophone.fr/lagenda-iranien-de-pompeo-est-il-le-meme-que-celui-de-trump

Le 21 juin 2019 – Source Consortium News



Les membres du VIPS disent que leur expérience directe avec Mike Pompeo les laisse avec de sérieux doutes quant à sa fiabilité sur les questions importantes pour le Président et la nation.

MÉMORANDUM POUR : Le Président.

DE : Anciens Professionnels du Renseignement pour la Décence Politique (VIPS)

OBJET : Le programme de Pompeo pour l'Iran est-il le même que le vôtre ?



Après le rappel lancé de justesse hier pour annuler l'attaque militaire prévue contre l'Iran, nous restons préoccupés par le fait que vous êtes sur le point d'être coincé dans une guerre contre l'Iran. Vous avez dit que vous ne vouliez pas d'une telle guerre (aucune personne saine d'esprit n'en voudrait), et nos commentaires ci-dessous sont basés sur cette prémisse. Il y a des signes troublants montrant que le secrétaire Pompeo n'est pas prêt à se débarrasser de son approche guerrière. Plus important encore, nous savons par expérience personnelle, en voyant l'attitude dédaigneuse de Pompeo face à vos instructions, que son agenda peut dévier du vôtre même sur des questions d'importance majeure.

Le comportement de Pompeo trahit un fort désir de recourir à l'action militaire ; peut-être même sans votre approbation ; face aux provocations iraniennes (réelles ou imaginaires), sans autre objectif stratégique perceptible que celui de promouvoir les intérêts d'Israël, de l'Arabie saoudite et des EAU. C'est un néophyte comparé à son partenaire anti-iranien John Bolton, dont l'interprétation partiale du renseignement, la défense vigoureuse de la guerre engagée sous un faux prétexte contre l'Irak (et la fierté constante de son rôle dans sa promotion) et la poursuite féroce de son propre programme agressif sont le fruit de décennies de travail. Vous n'êtes peut-être pas tout à fait au courant de notre expérience avec Pompeo, qui a maintenant pris les choses en main contre l'Iran.

Cette expérience nous laisse de sérieux doutes quant à sa fiabilité sur des questions importantes pour vous et le pays, dont la question litigieuse du piratage présumé de la Convention Démocrate (DNC) par la Russie. Les faibles « preuves » derrière cette histoire se sont carrément effondrées, grâce à une candeur inhabituelle du ministère de la Justice. Nous nous référons à la révélation extraordinaire d'un récent dossier du ministère de la Justice selon lequel l'ancien directeur du FBI, James Comey, n'a jamais demandé de rapport d'expertise final à CrowdStrike, la société de cybersécurité engagée par la DNC.

Comey, bien sûr, a admis le fait que, après que feu le sénateur John McCain et d'autres personnes ont accusé les Russes d'avoir commis « un acte de guerre », le FBI n'a pas utilisé les meilleures méthodes. Il aurait pu, par exemple, insister pour avoir un accès direct aux ordinateurs du DNC mais a préféré se fier aux rapports fait par CrowdStrike. Ce que l'on ne savait pas, jusqu'à la dernière révélation du ministère de la justice, est que CrowdStrike n'a en fait jamais fourni à Comey de rapport final sur ses expertises concernant un prétendu « piratage russe ». Les médias grand public ont, jusqu'à présent, étouffé cette histoire ; nous en avons parlé il y a quelques jours.

Le fait est que Pompeo aurait pu révéler que le piratage de la DNC par les Russes n'était qu'un mensonge, s'il avait fait ce que vous lui aviez demandé de faire il y a presque deux ans, lorsqu'il était directeur de la CIA.

Dans un mémorandum que nous vous avons adressé le 24 juillet 2017 et qui s'intitule « Le piratage russe était-il un travail d'initié ?" nous vous suggérions :

Vous pourriez demander au directeur de la CIA, Mike Pompeo, ce qu'il sait à ce sujet [« Ce sujet » étant l'allégation du manque de preuves selon laquelle « une entité obscure portant le nom de « Guccifer 2.0? a piraté la DNC au nom du renseignement russe et a envoyé les e-mails de la DNC à WikiLeaks »]. Notre longue expérience de la communauté du renseignement suggère qu'il est possible que ni l'ancien directeur de la CIA, John Brennan, ni les cyber guerriers qui ont travaillé pour lui, n'ont été complètement francs avec leur nouveau directeur sur la façon dont tout cela s'est passé.

Trois mois plus tard, le directeur Pompeo invitait William Binney, l'un des deux anciens directeurs techniques de la NSA faisant parti de VIPS (et co-auteur de notre mémorandum du 24 juillet 2017), au siège de la CIA pour discuter de nos conclusions. Pompeo a commencé une réunion d'une heure avec Binney le 24 octobre 2017 en expliquant la genèse de cette inhabituelle invitation : « Vous êtes ici parce que le Président m'a dit que si je voulais vraiment en savoir plus sur le piratage russe, il fallait que je vous parle. »

Mais Pompeo tenait-il vraiment à savoir ?

Apparemment non. M. Binney, un scientifique très respecté, qui a plus de trois décennies d'expérience à la NSA, a commencé par dire à M. Pompeo que les gens de la CIA lui mentaient au sujet du piratage russe et qu'il (M. Binney) pouvait le lui prouver. Comme nous vous l'expliquions dans notre dernier mémorandum, Pompeo a réagi avec incrédulité et ; écoutez bien ; a essayé d'imposer à Binney de partager le fardeau de cette affaire avec le FBI et la NSA.

Quant à Pompeo lui-même, il n'y a aucun signe qu'il se soit occupé des révélations de Binney avec qui que ce soit, y compris ses propres cyber-démons de la CIA. Pompeo était dans le renseignement depuis assez longtemps pour se rendre compte des risques qu'il y avait à poser des questions intrusives aux agents du renseignement – dans ce cas-ci, des subordonnés de la Direction de l'innovation numérique, qui a été créée par John Brennan, directeur de la CIA, en 2015. Les logiciels malveillants et les outils de piratage informatique de la CIA sont conçus par le Groupe de développement de l'ingénierie, qui fait partie de cette direction relativement nouvelle. (On peut supposer sans risque de se tromper que des spécialistes offensif de cette direction ont participé à l'insertion d'« implants » ou de code logiciel dans le réseau russe, action dont, selon New York Times, vous n'avez pas été informé).

Si Pompeo ne vous a pas rapporté la conversation que vous lui avez demandé d'avoir avec Binney, vous pourriez lui poser des questions à ce sujet maintenant (même si les preuves que la Russie aurait piraté le DNC n'existent pas, et que la position de Binney est justifiée). Deux preneurs de notes étaient présents à la réunion du 24 octobre 2017 au siège de la CIA. Il y a aussi de fortes chances que la séance ait été enregistrée. Vous pourriez  voir avec Pompeo à ce sujet.

L'agenda de qui ?

La question est de savoir l'agenda de qui Pompeo suivait-il, le vôtre ou le sien. Binney avait l'impression que Pompeo se contentait de gesticuler ; et de façon malhonnête, en plus. S'il « voulait vraiment savoir ce qu'était cette histoire de piratage informatique russe », il aurait pris connaissance des conclusions que VIPS, Binney en tête, avait tirées à la mi-2017, et qui ont apparemment attiré votre attention.

S'il avait poursuivi l'affaire sérieusement avec Binney, nous n'aurions peut-être pas eu à attendre que le ministère de la Justice lui-même mette des clous dans le cercueil du Russiagate, de CrowdStrike et de Comey. En résumé, Pompeo aurait pu empêcher deux années supplémentaires sous le rythme « tout le monde sait que les Russes ont piraté la DNC ». Pourquoi ne l'a-t-il pas fait ?

On dit de Pompeo qu'il est un homme brillant – Bolton, aussi – avec des titres académiques impeccables. L'histoire des six dernières décennies, cependant, montre qu'un pedigree d'Ivy League [les grandes écoles étasuniennes, NdT] peut être catastrophique pour les affaires de l'État. Pensons, par exemple, au conseiller du président Lyndon Johnson pour la sécurité nationale, l'ancien doyen de Harvard, McGeorge Bundy, qui a vendu la Résolution du Golfe du Tonkin au Congrès pour autoriser la guerre du Vietnam alors qu'il savait que c'était un mensonge. Des millions de morts en conséquence.

Bundy était pour Johnson ce que Bolton est pour vous, et c'est un peu fatigant de voir Bolton brandir sa bague d'ancien de Yale sur chaque podium. Pensez aussi à Donald Rumsfeld, de Princeton, qui a concocté et poussé la fraude sur les armes de destruction massive irakiennes pour « justifier » la guerre contre l'Irak, tout en nous assurant que « le manque de preuves n'est pas une preuve de manque ». Des millions de morts en conséquence.

La phrase de Rumsfeld est un anathème pour William Binney, qui a fait preuve d'une patience hors du commun en répondant à un millier de « Et si » sans preuves au cours des trois dernières années. Le truc de Binney ? Les principes de la physique, les mathématiques appliquées et la méthode scientifique. Il est largement reconnu pour son habileté étrange à les utiliser à son avantage en séparant le blé de l'ivraie. Sans aucun pedigree de l'Ivy League nécessaire.

Binney se décrit lui-même comme un « gars de la campagne », de l'ouest de la Pennsylvanie. Il a étudié à Penn State et est devenu un mathématicien/cryptologue de renommée mondiale ainsi qu'un directeur technique à la NSA. Les réalisations de Binney sont présentées dans un documentaire sur YouTube, « A Good American ». Vous voudriez peut-être lui parler d'homme à homme.

Du renseignement trafiqué

Certains d'entre nous ont aussi servi longtemps pendant la guerre du Vietnam. Nous sommes douloureusement conscients de la façon dont le général William Westmoreland et d'autres officiers supérieurs de l'armée ont menti sur les « progrès » de l'armée et ont réussi à forcer leurs supérieurs à Washington à ne pas tenir compte de nos conclusions d'analystes-toutes-sources qui disaient que cette guerre était une folie et que nous allions inévitablement la perdre. Des millions de morts en conséquence.

Quatre décennies plus tard, le 5 février 2003, six semaines avant l'attaque contre l'Irak, nous avions averti le président Bush qu'il n'y avait aucun renseignement fiable justifiant une guerre contre l'Irak.

Cinq ans plus tard, le président de la Commission sénatoriale du renseignement, rendant publiques les conclusions bipartisanes de l'enquête de la commission, déclarait ceci :

Citer« Pour plaider en faveur de la guerre, l'Administration a plusieurs fois présenté des renseignements comme étant des fait alors qu'en réalité, ils étaient non fondés, contradictoires, voire inexistants.  En conséquence, le peuple américain a été amené à croire que la menace venant de l'Irak était beaucoup plus grande qu'elle ne l'était en réalité »

Les renseignements sur le Moyen-Orient sont toujours douteux – et parfois « bricolés » à des fins politiques. Il y a quatre ans, un rapport du Congrès américain déclarait que le Commandement central brossait un tableau trop rose de la lutte contre État islamique en 2014 et 2015, par rapport à la réalité sur le terrain et aux évaluations plus sombres des autres analystes.

Les analystes du renseignement du CENTCOM ont affirmé que leurs commandants leur avaient imposé un « faux récit », qu'ils avaient intentionnellement réécrit et supprimé des données dans des synthèses et qu'ils avaient adopté des « tactiques dilatoires » pour saper les renseignements fournis par la Defense Intelligence Agency. En juillet 2015, cinquante analystes du CENTCOM ont signé une plainte auprès de l'inspecteur général du Pentagone disant que leurs rapports de renseignement étaient manipulés par leurs supérieurs. Les analystes du CENTCOM ont été rejoints par des analystes du renseignement travaillant pour la Defense Intelligence Agency.

C'est une mise en garde que nous vous proposons. Aussi difficile que ce soit à dire pour nous, les renseignements que vous obtenez du CENTCOM ne devrait pas être acceptée de manière réflexe comme une vérité évangélique, surtout dans ces périodes de haute tension. L'expérience du golfe du Tonkin à elle seule nous incite à la prudence. Des renseignements peu clairs et mal interprétés peuvent poser autant de problèmes que la politisation dans des zones de conflit clés.

Des problèmes fréquents de renseignement et d'hyperbole à la Cheney expliquent pourquoi l'amiral William Fallon, commandant du CENTCOM, a déclaré au début de 2007 qu'« une attaque contre l'Iran n'aurait pas lieu sous mon autorité», alors que Bush continuait d'envoyer des portes-avions dans le Golfe Persique. Hillary Mann, ancienne directrice du Conseil national de sécurité pour l'Iran et les affaires du Golfe persique, avait prévenu à l'époque que certains conseillers de Bush cherchaient secrètement une excuse pour attaquer l'Iran. « Ils ont l'intention d'être aussi provocateurs que possible et de faire en sorte que les Iraniens fassent quelque chose pour forcer [les États-Unis] à riposter », avait-t-elle déclaré à Newsweek. Du déjà vu. Une estimation nationale du renseignement publiée en novembre 2007 a conclu à l'unanimité que l'Iran avait cessé de travailler sur une arme nucléaire en 2003 et n'avait pas repris ce travail.

Nous pensons que votre décision finale d'hier était la bonne – étant donné le fameux « brouillard de guerre » et dans le contexte d'une longue liste d'erreurs de renseignements, sans parler des manigances. Nous citons rarement les commentateurs des médias, mais nous pensons que Tucker Carlson avait raison hier soir : « Les mêmes personnes – dans certains cas, littéralement les mêmes personnes qui nous ont attirés dans le bourbier irakien il y a 16 ans – exigent une nouvelle guerre – celle-ci avec l'Iran.» Carlson vous a décrit comme étant « sceptique ». Nous pensons qu'une bonne dose de scepticisme est justifiée.

Nous sommes à votre disposition si vous souhaitez plus en discuter avec nous.

William Binney, ancien directeur technique, Analyse géopolitique et militaire mondiale, NSA ; co-fondateur, SIGINT Automation Research Center (ret.)

Marshall Carter-Tripp, agent du service extérieur et ancien directeur de division au Bureau du renseignement et de la recherche du département d'État (à la retraite)

Bogdan Dzakovic, ancien chef d'équipe des maréchaux de l'air fédéraux et de l'Équipe rouge, Sécurité de la FAA (ret.) (VIPS associé)

Philip Giraldi, CIA, agent d'opérations (à la retraite)

Mike Gravel, ancien adjudant, officier de contrôle top secret, Communications Intelligence Service ; agent spécial du Counter Intelligence Corps et ancien sénateur américain

James George Jatras, ancien diplomate américain et ancien conseiller en politique étrangère auprès du Sénat (Associate VIPS)

Michael S. Kearns, capitaine, USAF (à la retraite) ; ancien maître instructeur SERE pour les opérations de reconnaissance stratégique (NSA/DIA) et les unités de mission spéciale (JSOC)

John Kiriakou, ancien agent antiterroriste de la CIA et ancien enquêteur principal, Comité sénatorial des relations étrangères

Karen Kwiatkowski, ancien lieutenant-colonel de l'US Air Force (à la retraite), au bureau du secrétaire à la Défense chargé de surveiller la fabrication de mensonges sur l'Irak, 2001-2003

Clement J. Laniewski, LTC, Armée américaine (retraité) (VIPS associé)

Linda Lewis, analyste des politiques de préparation aux ADM, USDA (à la retraite) (VIPS associée)

Edward Loomis, informaticien en cryptologie de la NSA (à la retraite)

Ray McGovern, ancien officier d'infanterie et de renseignement de l'armée américaine (à la retraite)

Elizabeth Murray, ancienne agente nationale adjointe du renseignement pour le Proche-Orient et analyste politique de la CIA (à la retraite)

Todd E. Pierce, MAJ, Juge-avocat général de l'armée américaine (à la retraite)

Sarah Wilton, commandant, Réserve navale américaine (à la retraite) et Defense Intelligence Agency (à la retraite)

Ann Wright, colonel de réserve de l'armée américaine (à la retraite) et ancienne diplomate américaine qui a démissionné en 2003 par opposition à la guerre en Irak.

Traduit par Wayan, relu par Hervé pour le Saker Francophone