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La situation en Ukraine, analysée par le Saker : pas d’espoir pour la paix.

Démarré par JacquesL, 30 Avril 2015, 12:35:55 PM

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JacquesL

La situation en Ukraine, analysée par le Saker : pas d'espoir pour la paix

http://lesakerfrancophone.net/la-situation-en-ukraine-analysee-par-le-saker-pas-despoir-pour-la-paix/

Citer
La situation en Ukraine, analysée par le Saker :
pas d'espoir pour la paix


Le Saker original – Le 26 avril 2015 – Source thesaker.is

Aujourd'hui, je vais commencer par citer en entier deux posts du blog du colonel CASSAD



    À propos de l'intensité du Voentorg [aide militaire, NdT] de l'Otan.

    Les instructeurs en provenance du Canada sont arrivés pour former des agents de sécurité ukrainiens. Les autorités de la République nationale de Donetsk annoncent une augmentation du nombre d'instructeurs militaires étrangers dans le territoire contrôlé par l'Ukraine.

    Le président du Conseil national de la DNR, Andrey Purgin, déclare à la presse:
     
    «Aujourd'hui, il a un très grand nombre d'instructeurs de différents pays qui y opèrent: 200 personnes sont venues du Canada, il y a des Anglais et d'autres. Maintenant, rien qu'en comptant ceux qui sont légalement sur le territoire ukrainien, il y a environ 1 500 instructeurs militaires, qui ne sont pas eux-mêmes aux combats, mais instruisent et forment les autres. Et cela n'inclut pas, évidemment, les instructeurs illégaux, les mercenaires et les agents spéciaux.»

    A en juger par ses paroles, des experts étrangers effectuent une formation en science militaire pour les membres des groupes de sabotage et des bataillons territoriaux, qui ont déjà «les mains jusqu'au coude dans le sang".

    Andrey Purgin continue :

    «Il y a aussi des mercenaires qui se battent aux côté des agents de sécurité ukrainiens. En général, ils viennent de Géorgie et se joignent aux bataillons territoriaux, ce qui d'ailleurs est absolument interdit par la législation ukrainienne. Je ne sais pas qui paie leurs salaires. Après tout, généralement les bataillons territoriaux reçoivent peu, vivent de rapine et de vols.»

    Rappelons-nous que la junte ukrainienne avait jeté, dans la bataille de Volnovakha, 70 mercenaires américains de la société militaire privée américaine Academi.

    Le représentant du ministère de la Défense de la DNR, Édouard Basurin:

    «Selon les données disponibles, sur le territoire contrôlé par le VSU, en particulier dans Volnovakha, la présence de 70 représentants de la société militaire privée Academi a été révélée. Cette société s'appelle Blackwater.»

    Il a également expliqué que les mercenaires de cette compagnie exécutent les ordres du Département d'État des États-Unis sur des points chauds, et sont engagés dans le trafic d'armes.

    Peu à peu, il y a une augmentation naturelle de la présence militaire étrangère, à la lumière du fait que la situation commence de plus en plus clairement à rappeler le scénario de la guerre de Corée. Tout comme dans le cas du soutien de la Russie à la DNR et à la LNR, l'opération américaine Voentorg avec le soutien des alliés et satellites, est à deux niveaux – légal et illégal.

     Sur le plan légal, on observe:

     1. L'apparition d'instructeurs, qui forment les officiers et le personnel sur les doctrines et la préparation du personnel;
     2. le transfert d'information du groupe de satellites américains prétendument avec un jeu restreint;
     3. les livraisons de tenues (uniformes, gilets pare-balles, casques, etc.);
     4. les livraisons des dispositifs spéciaux (viseurs thermiques, appareils de vision nocturne, indicateurs de cibles):
     5. la livraison d'équipements spéciaux (radar anti-mortier, dispositifs contre la guerre biologique, véhicules blindés);
     6. la concentration en Europe orientale des unités mécanisées de l'armée des États-Unis.

     Au niveau illégal on observe:

     1. le fonctionnement actif des sociétés militaires privées (Academi, ASBA Otago, Greystone, Vert Groop);
     2. les livraisons illégales d'armes légères en provenance d'Europe orientale et occidentale;
     3. les livraisons illégales de matériel blindé de l'Europe orientale;
     4. le développement des infrastructures d'information et de reconnaissance sur la base des organismes d'État de l'Ukraine ou sous le couvert des organisations internationales du type de l'OSCE;
     5. l'activité des instructeurs et des conseillers militaires dont la présence en Ukraine n'est pas officiellement déclarée ni révélée.
     
    Ce pour quoi nous n'avons pas encore confirmation:

     1. les livraisons d'artillerie en provenance des pays d'Europe orientale
     2. les livraisons d'équipements blindés de pays d'Europe occidentale

    Canaux logistiques de distribution de l'aide militaire étrangère:

     1. Les aérodromes du Sud de l'Ukraine par lesquels transitent les fournitures et le personnel spécial dans des avions de transport militaire des États-Unis
     2. Les jonctions ferroviaires de l'Ukraine occidentale à travers lesquelles passent les armes et les munitions en provenance d'Europe de l'Est
     3. Les aérodromes d'Europe centrale et de l'ouest de l'Ukraine par où sont livrées les aides légales en équipement et en personnel – instructeurs, inspecteurs, et observateurs
     4. Le port d'Odessa est utilisé pour les livraisons d'armes illégales par mer, ainsi que pour le trafic illégal d'armes.

    Les principaux pays impliqués dans le soutien militaire à la junte sont les  États-Unis et la Pologne.

    Les objectifs principaux de l'appui militaire sont l'amélioration du niveau des capacités de combat des Forces armées ukrainiennes (VSU) et la contrôlabilité de l'état d'avancement de la guerre. Par conséquent, les changements structurels de base dans les forces armées ne sont pas tant associés à des livraisons d'armes (qui en règle générale sont obsolètes), mais à un changement de la logistique de l'organisation, de la reconnaissance, de l'information et des structures de commandement, ce qui devrait accroître l'efficacité des opérations de l'armée.

    Dans l'ensemble, la question de la présence militaire étrangère continue à se développer et devient de plus en plus systémique. Les fruits de l'activité de l'étranger, le Voentorg, peuvent commencer à se manifester en juillet-août. À ce stade, la transformation intérieure de la VSU est en cours et va assez lentement en raison de l'irrégularité des structures organisationnelles et du faible niveau des structures de commandement, à quoi s'ajoute un niveau élevé de corruption, d'incompréhension des exigences de la guerre moderne par une grande partie du corps des officiers, le faible niveau de la préparation technique du personnel lors de l'utilisation de technologies inconnues. Mais il ne faut pas se tromper, ce sont des problèmes qui sont surmontables dans une certaine mesure, et avec lesquels les conseillers militaires et les instructeurs sont maintenant bien engagés. En conséquence, les États-Unis et leurs alliés tentent de refaire l'armée de la junte dans le cadre de la guerre pour leur propre compte et pour résoudre les questions nécessaires. Pour cette raison, ils ne doivent pas être en guerre sur la ligne de front, et donc à ce stade de la guerre, vous aurez du mal à voir les Marines américains ou toute unité mécanisée dans la première ligne. Ils ne peuvent apparaître que dans les scénarios catastrophiques pour la partie ukrainienne.

    Pour l'instant, un Voentorg semi-légal est suffisant, ce qui reflète en principe la ligne de l'administration Obama pour l'opposition à long terme sans la participation militaire directe des États-Unis. Hawks souhaite ajouter aux points énoncés ci-dessus la livraison ouverte des armes meurtrières américaines et une participation plus active du Pentagone dans cette guerre. Tout cela se produit sur fond de combats de basse ou moyenne intensité (les deux côtés utilisent activement l'artillerie lourde et les tanks), qui en fait a commencé le 12 avril, et je ne pense pas que cela va s'arrêter, puisque même le tout premier point du cessez-le-feu n'est de facto pas respecté. Sans même parler de retrait des armes lourdes. Dans l'ensemble, la présence militaire étrangère sera progressivement dans la nature même de la guerre en cours, qui deviendra de plus en plus systématique, organisée et centralisée, des deux côtés. Ce n'est déjà plus une demi-guerre entre la VSU et la milice. C'est une guerre entre des armées régulières, formées, et qui continuent à être formées par des conseillers militaires et des instructeurs étrangers.

    Situation sur le front au 23 avril

    1. Les opérations militaires sont, comme avant, de faible intensité sur la plupart des fronts et d'intensité moyenne dans un certain nombre de sites – Bakhmutka, Peski, et maintenant aussi sous Schastye. Les opérations militaires de haute intensité concernent principalement Shirokino, où pratiquement tout le spectre des armes est utilisé.
    2. Les bombardements de villes continuent, et principalement toutes les régions devant Donetsk sont exposées à des attaques d'artillerie de la junte. Il n'y a pas de victimes gravement blessées parmi la population civile. Bien que les bombardements soient systématiques, leur intensité varie de moyenne à faible.
    3. Le renseignement militaire de la DNR a signalé que la concentration de groupements de la junte est terminé et qu'ils sont prêts pour l'approche. Les lieux de concentration des groupes de combat sont toujours les mêmes – aucun changement de fond sur les positions de l'adversaire n'a été remarqué. Aucun retrait des armes lourdes n'est enregistré, bien au contraire.
    4. Depuis environ une semaine, le VSN (forces novorusses) est dans un état de préparation au combat accrue, et une proportion considérable de l'équipement lourd est déjà déplacé en position. Dans la LNR, les opérations d'ingénierie sur les sites d'attaques possibles par la VSU se poursuivent.

    Dans l'ensemble, après que les opérations d'intensité moyenne à grande ont repris 12 avril, les parties ont poursuivi les travaux préparatoires pour des opérations de haute intensité et de grande envergure sur fond de manœuvres diplomatiques, et ce n'est pas un secret pour les deux parties qui s'accusent régulièrement les uns les autres d'attaquer la première.

Analyse

Il y a très peu de doutes dans l'esprit de tout le monde que la junte reprendra une attaque à grande échelle sur la Novorussie. De même, il apparaît que tous les espoirs d'un affaiblissement du soutien des États-Unis et des Européens à la junte nazie sont maintenant morts. Si la longue série de meurtres d'opposants politiques, y compris une figure bien connue et emblématique comme le journaliste Oles Buzina, n'a choqué personne  (ni aucun des millions d'Européens Charlies!), alors tout est possible. En outre, il n'y a aucun signe d'un autre Maidan qui pourrait renverser la junte. Oui, il y a des protestations ici et là, mais rien qui pourrait menacer gravement le régime. Au contraire, tous les signes montrent que les États-Unis tiennent l'Ukraine d'une main de fer et que le plan américain prévu est de redémarrer une guerre à grande échelle entre l'Ukraine occupée par les nazis et la Novorussie, avec la possibilité d'impliquer la Russie (ce qui a été le plan depuis le début).

Le régime ukrainien est clairement va pour le tout et ne fait même pas semblant d'essayer de résoudre l'un quelconque des problèmes innombrables de l'Ukraine occupée par les nazis. Porochenko et la Rada [le parlement ukrainien, NdT] consacrent tous deux leur temps et leurs efforts à provoquer la Russie en discutant sérieusement d'une loi de nationalisation de tous les actifs russes en Ukraine, en réécrivant les livres d'histoire, et en adoptant des résolutions disant que la Russie a envahi l'Ukraine, etc.

Les escadrons de la mort nazis, maintenant formés par les États-Unis, crucifient et brûlent vivants les séparatistes, tandis que le Gauleiter des États-Unis à Kiev [l'ambassadeur US, NdT] tweete des photos de système de défense aérienne russe prises à Moscou en 2013 comme preuve d'une invasion russe en Ukraine en 2015.

Dans l'intervalle, les États-Unis font exactement ce qu'ils font toujours: ils envoient des forces américaines former des escadrons de la mort locaux tout en construisant une coalition de volontaires (US + UK + Canada + Pologne) sans aucun mandat ou autorisation, qu'ils ne pouvaient pas obtenir légalement (ni par l'ONU, ni même par l'Otan!). Il semble que le débat à l'intérieur de l'État profond US sur les risques de la stratégie actuelle est terminé, [s'il a jamais eu lieu! NdT] et que les néo-conservateurs ont prévalu.

En termes pratiques, cela signifie que nous sommes de retour à la case départ: la question est maintenant: «La Novorussie peut-elle résister à l'assaut nazi seule avec l'aide de la Voentorg ou la Russie va-t-elle être obligée d'intervenir?»

Honnêtement? Je ne sais pas. Et personne ne le sait.

En tout état de cause, les forces de la junte se sont améliorées, mais celles des Novorusses aussi. Zakharchenko a récemment annoncé que la récente mobilisation volontaire a réussi à 110%, ce qui semble très bon, en particulier grâce aux seuls volontaires, mais ne nous dit pas si la Novorussie aura les 100 000 hommes sous les armes en juin comme promis par Zakharchenko. En outre, il semble y avoir un manque d'équipements pour une aussi grande force, mais à en juger par ce qui est arrivé cet hiver, nous pouvons nous attendre à un Voentorg russe complètement opérationnel à son niveau maximum dès que les services de renseignement russes concluront qu'une attaque nazie est inévitable.

Maintenant, soyons honnêtes; ici, l'aide offerte par la coalition otanesque USUKCNDPL est à la limite inutile, tant que la direction des opérations est confiée aux forces de la junte. Le rôle de l'aide est davantage de paraître faire quelque chose de grand que d'obtenir réellement un résultat quelconque. Non seulement faut-il beaucoup de temps pour former une force, la (dé-) sélection naturelle a fait un bien meilleur travail jusqu'ici, sur le champ de bataille, que n'importe quel conseiller des États-Unis pour accroître la qualité des forces de la junte en éliminant les inaptes. Pourtant, l'avantage moral et les compétences tactiques devraient rester du côté de la Novorussie.

Il faut toujours garder à l'esprit que le but réel de la prochaine offensive ukronazie ne sera pas destiné à vaincre la Novorussie, mais à attirer la Russie dans la guerre pour que l'Ukraine soit vaincue par celle-ci. Une telle défaite aux mains de l'armée russe fournira probablement à l'Otan une justification pour les cinquante prochaines années et évacuera complètement les désirs européens de se débarrasser de leur statut actuel de colonie sans voix des Etats-Unis. Si cela se produit, la très attendue nouvelle guerre froide sera en plein essor, le complexe militaro-industriel des États-Unis dans le bonheur complet et la population américaine convenablement re-terrifiée par le prochain ennemi global.

Il y a quelques indications que de plus en plus de politiciens européens commencent à comprendre les risques, mais ils sont trop faibles pour s'opposer significativement à l'hégémonie anglo-sioniste .

Avoir une guerre en Europe sur une base régulière a toujours été la pierre angulaire de la politique étrangère britannique et cette tradition a été entièrement assimilée par son successeur impérial américain (qui a bénéficié immensément des deux dernières guerres mondiale). Ce que les Américains veulent, c'est évidemment simple : une guerre majeure en Europe, mais aussi confinée à l'Europe.

La guerre semble donc inévitable. Son ampleur ne dépendra maintenant que des femmes et des hommes qui défendent la Novorussie contre le Ukronazis.

Le Saker

Traduit par jj, relu par Diane pour le Saker Francophone.

JacquesL

Graham Phillips:
L'Ukraine que je connaissais est morte à jamais


http://lesakerfrancophone.net/graham-phillipslukraine-que-je-connaissais-est-morte-a-jamais/

Citer
Graham Phillips:
L'Ukraine que je connaissais est morte à jamais

Par Graham Phillips – Le 22 avril 2015 – Source Russia Insider


L'Ukraine est morte. Qu'est-ce-qui la remplacera ?

C'est dur à dire et triste pour ceux d'entre nous qui aimaient l'Ukraine, comme je l'ai aimée – j'y ai vécu deux ans avant la guerre – c'était un pays que j'aimais beaucoup – mais après Euromaïdan, l'Ukraine est morte.

Voici pourquoi


1. Sans loi, il n'y a pas de pays, mais un État en faillite

La récente vague d'assassinats de quiconque est perçu comme anti-régime en Ukraine, accompagnée non seulement du refus d'enquêter, mais aussi de l'approbation effectivement officielle des assassins – le fait que la police en Ukraine s'en remette au groupe néonazi terroriste Pravy Sektor pour assurer l'ordre. Ce n'est que le début d'une longue liste. Il y a aucune loi, d'aucune sorte, dans l'Ukraine post-Euromaïdan.

2. S'il y a pas de démocratie, ce n'est pas un pays


Dmitry Yarosh (à droite) avec le chef d'état-major de l'armée

C'est une république bananière. Le 22 février 2014, Euromaïdan a chassé non seulement un président démocratiquement élu, mais un gouvernement démocratiquement élu. Il a attendu trois mois avant la tenue d'élections pour un nouveau président, huit mois pour un nouveau parlement. À ce moment, c'était déjà trop tard, l'élément extrémiste avait pris les manettes de l'État sans contrôle électoral – le parti néo-nazi Svoboda, malgré un score inférieur à 5% dans les élections législatives, assure sa prééminence au parlement de l'Ukraine, envoie régulièrement des combattants sur le front. Le  leader du groupe terroriste néo-nazi Pravy Sektor Dmitry Yarosh, qui a récolté moins de 1% des voix à l'élection présidentielle, est sur la liste des personnes recherchées par Interpol, et il est maintenant conseiller du chef d'état-major de l'armée ukrainienne.

3. Il n'y aura jamais la paix en Ukraine

Il y a maintenant un passé, et un futur, de révolution violente. Maidan a créé un précédent, en installant son président en Ukraine par un coup d'État. Pourtant Maidan était composé de différentes factions, toutes ne soutenaient pas le président, loin de là.


Éléments du bataillon Azov faisant le salut nazi

En fait, le bataillon néo-nazi Azov a souvent affirmé son intention de provoquer un nouveau Maidan en transportant le combat du Donbass à Kiev. Même le journal pro-Kiev Moscow Times a parlé de la probabilité d'un autre Maidan.

Maidan a fixé les modalités pour la démolition institutionnalisée de la démocratie en Ukraine – quelques centaines d'extrémistes, et une masse facilement dupée par des slogans patriotiques, dans le centre de Kiev, peut renverser violemment n'importe quel gouvernement. Le président de l'Ukraine Porochenko le sait, il fait tout ce qu'il peut pour apaiser les radicaux. Toute personne objective sait que, quoiqu'il arrive, il n'y aura jamais de paix dans l'Ukraine post-Euromaïdan .

4. La Crimée

Après que le territoire d'or du pays a tenu un référendum pour voter sa séparation de l'Ukraine, il n'y reviendra jamais, même la chancelière allemande Angela Merkel l'a admis avec sa récente déclaration: «Nous ne l'oublierons pas» (mais nous ne ferons rien à ce sujet).

Lorsqu'un pays perd une partie de son territoire, il ne sera jamais plus le même pays.

5. Les Républiques populaires de Donetsk et de Lugansk, ne reviendront jamais

Les Forces ukrainiennes n'ont récupéré aucun territoire là-bas depuis juillet 2014, elles en ont seulement perdu. Les forces de la DPR et de la LPR ont consolidé leurs lignes, et s'il y a mouvement, ce sera pour prendre plus du Donbass – actuellement, elles ont environ un tiers de la région qui a produit autrefois 80% du charbon de toute l'Ukraine, mais la DPR et la LPR ne fournissent plus l'Ukraine, la production industrielle dans le reste de l'ancien centre industriel du Donbass est essentiellement au point mort.


La DPR et la LPR ont organisé un référendum, et une élection, pour se séparer de l'Ukraine. La majorité des personnes du Donbass a voté pour la sécession. Pendant ce temps le reste de l'Ukraine devient à la fois moins préoccupé par la reconquête des territoires, et plus ambivalente envers l'Ukraine en raison du point suivant.

6. La vie normale est presque impossible en Ukraine


L'inflation en Ukraine a été de 272% en 2014, la hryvnia, la monnaie ukrainienne, est tombée à  moins de 40% de ce qu'elle était il y a un an. L'inflation a explosé, les salaires se sont effondrés, les entreprises à travers l'Ukraine ont fermé. En bref, les gens n'ont plus d'argent en Ukraine – ventes de voitures neuves en baisse de 67% d'une année sur l'autre, production de voitures en baisse de 96%, 46 banques déclarées insolvables dans la dernière année.

Quant à l'épine éternelle dans le pied de l'Ukraine, la corruption, qui apparemment était l'un des objectifs justifiant le Maidan, elle est encore pire que ce qu'elle était avant.



Et pour les soldats ukrainiens tués en action dans Donbass, leur nombre est estimé à plus de 20 000 en août dernier. J'ai vu les corps de dizaines de soldats ukrainiens, dont on a pu identifier moins d'un quart. L'extrême pauvreté, l'hyper-inflation, le chômage, les parents qui sont partis ou ont été mobilisés pour combattre dans le Donbass disparus à jamais, dont le sort ne sera jamais connu, tout cela fait qu'il n'y a désormais plus rien de normal en Ukraine.

7. La dette de l'Ukraine est de plus de $80 milliards

Cent milliards de dollars, bientôt, 100% d'un PIB en chute libre. Un récent programme de sauvetage du FMI de 17,5 milliards de dollars ne ferait que gratter la surface. L'économie de l'Ukraine a rétréci de 7,5% en 2014, selon des estimations prudentes. Les estimations pour cette année varient de 6% à plus de 20%. Les gouvernements européens s'engagent à soutenir le pays, alors que les entreprises européennes se retirent en masse, des centaines ont déjà quitté le marché ukrainien, la plupart des 600 entreprises allemandes opérant en Ukraine effectuent un audit pour décider d'un éventuel retrait du marché.

Le commerce avec le pays qui était de loin le principal importateur et exportateur, la Russie, est évidemment décimé, l'économie de l'Ukraine est frappée, et condamnée au déclin.

8. La signification de l'Ukraine a totalement changé

Il suffit de regarder l'évolution de l'image de l'Ukraine entre 2011, 2012 et 2015


Ukraine 2011


Ukraine 2012


Ukraine 2015

L'Ukraine est maintenant associée avec le sang, la mort, et la guerre. Il y a du sang associé au drapeau ukrainien par ses tirs militaires à Odessa, à Marioupol, et ses bombardements sans relâche des zones civiles du Donbass. La perception, l'identité, la définition même de Ukraine ont changé pour toujours.


9. Il n'y a personne qui pourrait réunifier l'Ukraine

Il n'y a pas de personnalité politique qui puisse unir l'ancien pays. Nul personnage élu ou imposé à Kiev ne pourra jamais gagner le soutien des régions qui se sont détachées et qui refuseront toujours de revenir dans le giron de Kiev. Aucune personnalité politique ne serait jamais élue dans ces régions sécessionnistes sur l'idée de l'Ukraine unie.

Il n'y a tout simplement personne qui peut refaire l'Ukraine.


10. Il y aura une Ukraine, quelle qu'elle soit, dans l'avenir

Mais l'Ukraine, qui était pour certains Une Ukraine est terminée. Morte. Le plus tôt les pro-Ukrainiens l'accepteront, le plus de vies seront sauvées et plus vite ils pourront comprendre ce qu'est devenue l'Ukraine, où elle va, et commencer à construire, plutôt que de détruire l'ancienne Ukraine.

Traduit par jj, relu par Diane pour le Saker Francophone.

JacquesL

Par Rostislav Ishchenko – Le 22 mai 2015 – Source vineyardsaker.de

http://lesakerfrancophone.net/lukraine-un-etat-beni-qui-a-miserablement-echoue-12/

CiterLes élites ukrainiennes qui, lors du partage de l'héritage soviétique ont reçu tout ce qui était nécessaire pour construire un État prospère, ont par leurs propres agissements amené le pays au bord du gouffre.

Des conditions de départ idéales

La politique et l'histoire ne sont pas prédéterminées. Le projet Ukraine, qui vit actuellement ses derniers jours, n'était pas condamné à la ruine dès le départ.

Le nouveau pays soudainement apparu était la dixième économie du monde. Sur son territoire se trouvaient 40 % de l'industrie soviétique et 60 % de l'industrie lourde. L'agriculture bien développée pouvait non seulement suffire pour répondre aux besoins locaux, mais pouvait même permettre d'exporter des produits agricoles. Le réseau de voies ferrées et d'autoroutes, de vastes pipelines et plusieurs ports en mer chaude répondaient aux besoins commerciaux lointains et offraient en sus un potentiel quasi illimité pour le transit. La population de l'Ukraine était de 52 millions d'habitants et la dynamique démographique en 1991-1992 restait positive. Le pays disposait d'une main-d'œuvre instruite et était un lieu de haut niveau de qualification scientifique. Tous ces biens étaient protégés par la force d'un demi-million d'hommes faisant partie de l'armée soviétique – la plus grande de l'URSS – équipée des armes les plus avancées, puisqu'elle était le lieu prévu d'une possible offensive militaire majeure.

Au moment de son indépendance, l'Ukraine avait bien plus que le nécessaire pour construire un État prospère. En outre, la situation géopolitique était en sa faveur. Le pays n'avait pas d'ennemis puissants, pas même de concurrents sérieux . Au contraire, en 1992 les dirigeants ukrainiens étaient heureux d'annoncer l'absence de menaces extérieures. Les relations avec tous les voisins étaient cordiales et les principaux acteurs dans le monde souhaitaient eux-mêmes de bonnes relations avec Kiev. Rappelons-nous que lorsque le format G7+ est né en 1994-1997, étendant les contacts à Moscou (G7 + Russie) et Kiev (G7 + Ukraine). Cependant le format, avec la Russie seule, s'est développé au fil du temps pour former le G8 à part entière, tandis que l'Ukraine a disparu dans l'espace et le temps ; pourtant, en 1990, ces formations étaient représentées ensemble.

Il y avait un petit problème : l'Ukraine n'avait pas assez d'énergie pour faire fonctionner son industrie. Pas dans tous les secteurs, mais au moins pour le pétrole et le gaz. Malgré un niveau relativement élevé de la production nationale – de 4 à 5 millions de tonnes de pétrole (autant que la Roumanie) et 20 milliards de mètres cubes de gaz (plus que l'Azerbaïdjan) – l'Ukraine couvrait seulement un cinquième de ses besoins environ, en pétrole, et un quart de son gaz. Il existait une potentialité théorique d'augmenter la production nationale, mais elle a été négligée. De même, les options permettant de réduire la dépendance énergétique de l'industrie ont été négligées.

La Russie a livré, dans tous les cas, les quantités de pétrole et de gaz traditionnellement nécessaires. Étant donné que 60 % à 80 % des exportations énergétiques russes passaient, dans les années 1990, par des pipelines ukrainiens, il n'a pas été difficile de se mettre d'accord sur les termes d'un échange avantageux pour les deux partenaires. C'est ce que Koutchma a fait quand il a signé en 2002 un accord de dix ans avec Gazprom sur des ventes de gaz à $50 les 1000 mètres cubes. Le contrat devait être valable jusqu'en 2012 et procurer d'énormes avantages concurrentiels à l'industrie ukrainienne sur le marché mondial qui (compte tenu de l'augmentation rapide des prix du pétrole et du gaz) devaient augmenter d'année en année.

Le considérable potentiel géopolitique et économique de l'Ukraine reposait pareillement sur la dépendance de son commerce extérieur, et l'efficacité de son industrie, aux ressources énergétiques du marché et des partenaires russes. Les années 1993-2003 ont vu arriver la crise politique de la Russie, qui a amené le pays au bord de la guerre civile en déclenchant une division à long terme de la société, deux guerres en Tchétchénie et une faillite nationale en 1998. La Russie, totalement prise dans ses problèmes intérieurs, aggravés par l'augmentation des conflits géopolitiques avec ses partenaires euro-atlantiques, avait besoin d'une loyauté politique minimum de la part de Kiev (la Russie ne réclamait pas plus que la neutralité) et était prête à le payer par des concessions économiques importantes (et elle l'a payé).

Aujourd'hui, quand à Moscou les gens parlent  de $35 Mds de dollars qui ont été investis dans l'économie ukrainienne, cela ne prend en compte que l'argent qui peut être décompté. Cela inclut autant les largesses sur les prix du pétrole et du gaz que les crédits à des conditions favorables ainsi que les investissements dans des projets communs. Les pertes que la Russie a subies en raison des clauses à long terme de partenariat préférentiel accordé à l'Ukraine et d'autres formes indirectes de soutien de l'économie ukrainienne ne peuvent même pas être calculées théoriquement (des experts parlent d'un total de $200 à $300 Mds de dollars, mais c'est une évaluation).

Contre la tendance

Comment se fait-il alors que l'Ukraine, en dépit de toutes ces bénédictions, ait atteint le point où une fin terrible semble meilleure qu'une horreur sans fin ?

Nous avons beaucoup parlé de la vénalité des élites qui ont littéralement pillé le pays. Cependant, cela soulève une question légitime : pourquoi 52 millions de personnes ont-elles porté au pouvoir avec insistance et à plusieurs reprises précisément ce genre de personnes ? Pourquoi, malgré toutes les différences de styles entre les dirigeants des élites russes, biélorusses et kazakhs, l'expression intérêts nationaux a-t-elle un sens pour ces derniers, alors que pour les dirigeants ukrainiens, c'est – au mieux – totalement inintelligible ? Dans le pire des cas, la référence aux intérêts de l'État en Ukraine n'est rien d'autre qu'une façon de tromper la population. Comment des millions de personnes ont-elles pu accepter avec enthousiasme d'être trompées, volées et dépouillées d'un avenir, au profit d'un symbole parfaitement étranger et vide de sens – un symbole qui n'a rien de commun avec la civilisation soviétique dont ces gens sont issus, ni avec la civilisation européenne à laquelle ils étaient supposés vouloir se joindre, ni même, plus important encore, avec la vie réelle ?

À mon avis, la réponse à ces questions réside dans une différence essentielle et tout à fait évidente entre les principes de construction de l'État, qui ont été acceptés par l'élite ukrainienne d'une part et par les élites russe, biélorusse et kazakh d'autre part. Dans ces trois derniers cas, des citoyennetés ont été construites. Au Bélarus, les partis nationalistes mènent une existence misérable à demi-marginalisée. Rien que ces trois ou quatre dernières années, Minsk a officiellement commencé à promouvoir un nationalisme d'État loyal, qui d'une part se détache du nationalisme de l'opposition et, d'autre part, doit fournir aux dirigeants du Bélarus une base à opposer à l'écrasante domination russe dans l'Union économique eurasienne.

Au Kazakhstan, le nationalisme kazakh est relativement fort, mais pas structurellement défini (en tant que parti politique) et il s'exprime principalement dans la vie quotidienne et au niveau de groupements bureaucratiques. Néanmoins, il faut noter les déclarations de Nursultan Nazarbayev qui, dès les premiers jours de l'indépendance du Kazakhstan, a considéré le nationalisme kazakh comme la plus grande menace pour la stabilité, l'intégrité territoriale et même l'existence du pays. Le concept d'un État kazakh – par opposition à une kazakhitude – a été introduit. Les nationalistes ont dû se contenter de la domination d'un personnel national kazakh dans la politique et les affaires. Cependant, cette domination n'a jamais été absolue et les droits des autres nationalités, tout d'abord les Russes (russophones de culture russe) ont été protégés par la loi. En ce qui concerne la Russie, les nationalistes continuent à se plaindre que le discours impérial présent dans la politique russe n'a jamais été remplacé par le discours national. En d'autres termes, la Russie n'a pas développé un État national de Russes de souche mais comme l'État des citoyens russes et, ces dernières années, du monde russe.

Par conséquent, Moscou, Minsk et Astana ont atteint la stabilité interne, à travers le compromis entre nations, couplé avec le rejet de la politique nationaliste. La politique nationale adéquate, basée sur des compromis, a permis une politique étrangère constructive. Malgré tous les problèmes, la Russie, la Biélorussie et le Kazakhstan s'emploient depuis le milieu des années 1990 à réintégrer l'espace post-soviétique, sur la base des nouvelles réalités politiques, économiques et idéologiques.

Depuis le premier jour de son existence, l'État ukrainien a été établi en tant qu'État de la nation titulaire. Priorité a été donnée au développement national et les mots attribués au comte de Cavour – «Nous avons créé l'Italie, nous devons maintenant créer les Italiens.» – ont été repris par les nationalistes ukrainiens sous la forme: «Nous avons créé l'Ukraine, nous devons maintenant créer des Ukrainiens.» Au lieu d'une idée de l'égalité des citoyens, ils ont introduit le concept de discrimination positive, selon lequel des siècles d'oppression auraient prévalu dans le domaine, afin de justifier la nécessité de favoriser les Ukrainiens.

L'unité des bureaucrates post-soviétiques et des nationalistes

Dès les premiers jours de la construction de l'État ukrainien, les nationalistes ont été confrontés à une forte dissonance cognitive, lorsque les objectifs annoncés se sont révélés en forte contradiction avec les véritables objectifs et les moyens utilisés pour y parvenir. Autrement dit, ils mentaient simplement en pleine connaissance du fait que s'ils avaient dit la vérité sur leurs objectifs, non seulement ils n'auraient jamais pu les atteindre, mais il leur aurait été difficile de simplement rester en politique. Les habitants de l'Ukraine ne l'auraient pas supporté. Du début au milieu des années 1990, le niveau élevé d'activité politique s'était maintenu après la perestroïka dans la population ukrainienne, qui ne s'était pas encore transformée en une masse facile à diriger comme cela a été le cas au début des années 2000.

Il convient de noter que les nationalistes inconditionnels qui avaient adopté une telle position avant même la fin du système soviétique, les nationalistes qui avaient le droit de déclarer qu'ils avaient effectivement combattu pour l'indépendance ukrainienne, constituaient une minorité infime dans la politique ukrainienne des années 1990. Stepan Khmara, Levko Lukyanenko, Vyachelsav Chornovol et Gorin Brothers forment plus ou moins l'ensemble des dirigeants connus. Des organisations telles que l'Assemblée nationale ukrainienne (UNA) et l'Autodéfense populaire ukrainienne (UPSD) étaient marginales et avait peu de membres. Le Mouvement populaire de l'Ukraine pour la perestroïka s'est révélé, même après sa conversion en Mouvement populaire de l'Ukraine, comme représentant un vaste mouvement démocratique (quoique avec des accents nationalistes). Avant la définition d'une structure partidaire, c'était un organe politique amorphe dans lequel des nationalistes radicaux fréquentaient d'anciens communistes opportunistes (comme Yavirivskiy et Pavlichko), ainsi que l'intelligentsia libérale.

L'électorat n'était pas particulièrement intéressé par les nationalistes qui généralement obtenaient 20 à 25 % des voix (en moyenne nationale). Les forces nationalistes n'avaient de réel soutien politique que dans les trois régions de Galicie (Lvov, Ternopol et Ivano-Frankisk). Dans toutes les autres régions, même en Ukraine occidentale, ils ont toujours eu moins de 50 % des voix et, dans les régions de Novorussie, pas plus de 5 à 10 %. Dans ces conditions, les nationalistes auraient dû soit rester dans l'opposition perpétuelle, soit se trouver un allié solide. Et ils l'ont trouvé.

Les anciens dirigeants du parti et de l'État soviétique qui ont abjuré leur passé afin de conserver leur position recherchaient à l'époque une idéologie qui pourrait les aider à rester au pouvoir. Ils avaient déjà renoncé à l'idéologie communiste et craignaient la rhétorique de la réintégration. Ils croyaient que la reconstruction d'un État uni permettrait de rétablir le contrôle de Moscou sur les élites de province et donc limiterait considérablement leur capacité à contrôler leurs possessions présentes sur le territoire de l'Ukraine, et même en Union soviétique. En un sens, l'Ukraine a été victime de la richesse de l'héritage soviétique. Il semblait inépuisable et l'élite ukrainienne était soucieuse de le protéger contre les anciens collègues qui avaient moins reçu. Toute initiative dans le sens d'une réintégration n'était pas vue comme une tentative d'organiser une coopération mutuellement bénéfique entre des économies complémentaires, mais comme un affrontement avec les élites des républiques voisines, qui convoitaient la propriété de la partie ukrainienne.

Ici, les intérêts de l'ex-chef du parti ex-communiste ukrainien et des nationalistes ukrainiens se sont réunis. Les nationalistes voulaient construire, dans un pays russe – ce que l'Ukraine était au début des années 1990 –, un État non russe (à l'époque, il n'avait pas encore été planifié comme anti-russe). L'ancienne élite du Parti communiste voulait son propre État, en vue de garantir son droit à piller les possessions héritées de l'URSS. Comme tous les processus d'intégration post-soviétique ne pouvaient avoir d'autre centre que Moscou (comme centre politique traditionnel, lien entre les républiques européennes et asiatiques et propriétaire de ressources naturelles illimitées), la Russie était objectivement un adversaire, à la fois pour les nationalistes et pour les bureaucrates étatiques. D'où la popularité du mythe de la lutte séculaire pour la liberté de la nation éternellement opprimée (évidemment contre la Russie). Cela a aussi été  l'origine du mythe de l'intégration dans l'UE comme principale voie de développement de l'Ukraine. Les politiciens ukrainiens ne se demandaient absolument pas si leurs projets d'adhésion à l'UE étaient réalistes ; l'objectif le plus important était le refus de participer à des projets visant à intégrer l'espace post-soviétique afin de légitimer une orientation différente.

La combinaison des bureaucrates et des nationalistes a réussi à mettre la gauche influente (les socialistes et les communistes) de côté. Les conflits de carrière internes entre les dirigeants des partis communistes et socialistes y ont contribué. Le contrôle de fait des bureaucrates sur l'appareil d'État est tout aussi important, ainsi qu'une certaine déception de la population en termes d'idéologie de gauche (l'Union soviétique venait d'être désintégrée). En conséquence, les bureaucrates ont gagné le contrôle des entreprises et de la finance ainsi que l'occasion de s'enrichir sans entrave, tandis que les nationalistes s'emparaient de la sphère de l'idéologie et du culturel (culture, science, éducation).

Symbiose nationaliste oligarchique

Au cours de ces vingt dernières années, non seulement deux générations d'élèves et d'étudiants ont subi un lavage de cerveau, mais l'idéologie nationaliste nazie a été absorbée dans tous les domaines où une forme de processus éducatif a eu lieu : l'armée, les structures du ministère de l'Intérieur, les services de sécurité ukrainiens, y compris toutes les forces militaires ou de police.

Au départ, le nationalisme ukrainien a été présenté dans une version soft. Plus précisément, jusqu'au début des années 1990, les nationalistes ont reconnu la nature douteuse des pratiques de l'Armée insurrectionnelle ukrainienne Bandera (UPA), et les ont différenciées de l'organisation purement politique des nationalistes ukrainiens (OUN). Ils ont même condamné publiquement les activités de formations telles que les bataillons de nationalistes ukrainiens Roland, Nightingale, la division Galicia et les bataillons de milice dits Schutzmannschaft. A cette époque, il était non seulement inconcevable de déclarer Bandera et Choukhevytch héros de l'Ukraine, mais même en tant que  personnalités politiques positives.

Mais avec l'émergence de nouvelles générations dans l'arène politique, l'insistance a commencé à s'accentuer, aidée par le comportement de la Russie. Celle-ci, absorbée par ses problèmes internes, a de fait abandonné la lutte dans le domaine de l'information en Ukraine. Au milieu des années 1990, les chaînes de télévision russes de l'Ukraine ont été exclues et, entre la fin des années 1990 et le début des années 2000, il s'est passé la même chose avec la presse russe. La machine de propagande ukrainienne, qui n'était pas vraiment performante et manquait totalement de composante intellectuelle, s'est révélée très efficace dans des conditions de monopole de l'information. Bien sûr, tous ceux qui étaient suffisamment intéressés pouvaient facilement obtenir une information alternative, mais la majorité de la population reçoit toujours les informations politiques par les sources les plus facilement accessibles.

Quand le climat social a changé, le nationalisme ukrainien est devenu de plus en plus radical et s'est lentement transformé ouvertement en nazisme. Les nationalistes institutionnalisés civilisés du début des années 2000 (avant Iouchtchenko) ont cessé de manifester du dégoût envers les militants nationalistes. Ils ont rapidement trouvé une justification à leur radicalisme. Il semble que les nationalistes soient nazis parce qu'ils sont offensés par le maintien des symboles soviétiques, par le fait que la majorité de la population célèbre le 9 mai, parle russe et n'est pas pressée de déclarer héros les adeptes meurtriers de Bandera, qui ont survécu jusqu'à nos jours seulement grâce à l'humanisme stalinien.

À un moment donné, la bureaucratie, qui était désireuse de détruire la base sociale de la gauche au moyen des privatisations (un processus similaire a eu lieu en Russie), a engendré l'oligarchie. Maintenant ce n'étaient plus les bureaucrates qui désignaient n'importe qui pour devenir millionnaire, mais les milliardaires qui achetaient tous les groupes parlementaires, ministres, premiers ministres et présidents. Le consensus bureaucratique-nationaliste a été remplacé par le consensus oligarchique-nationaliste. À l'époque, la situation en Ukraine est apparue en Occident (en particulier aux États-Unis) comme mûre pour y exercer une influence active. Peut-être que l'Occident n'aurait pas osé intervenir directement, et n'aurait pas exercé de vraie contrainte si les élites ukrainiennes n'avaient pas décidé de leur propre chef de suivre une voie anti-russe. Cependant l'Ukraine voulait se séparer de la Russie, éteindre en elle toute russitude pour longtemps ; toute la russophobie nourrissait trop bien les forces les plus sombres, habituellement négligées et inutilisées.

En outre, depuis le début des années 2000, avec son nouveau président, la Russie se concentrait de plus en plus sur ses intérêts nationaux et moins sur les valeurs universelles. Cette politique a amené la Russie sur une trajectoire de choc avec les intérêts américains et l'Ukraine anti-russe est apparue à Washington comme un moyen efficace de contrer la Russie. Il n'est pas vraiment surprenant que les États-Unis se soient ainsi appuyés sur les forces qui soutenaient le consensus oligarchique-nationaliste et contrôlaient complètement la politique ukrainienne (indépendamment de la compétition formelle, voire de l'hostilité, entre les parties), en particulier compte tenu du fait que ces forces étaient russophobes non seulement pour des raisons idéologiques, mais aussi en raison de leurs intérêts pratiques.

L'Ukraine est devenue le lieu principal pour les États-Unis

Nous ne pouvons pas dire que les États-Unis n'ont pas suivi la situation en Ukraine dans les années 1990 et n'ont réuni aucun groupe fidèle de politiciens, bureaucrates et personnalités publiques. C'était une procédure normale, au cas où (chaque service de renseignement utilise toujours toutes les occasions d'acquérir des atouts précieux dans les pays en position stratégiquement importante, surtout si elles ne coûtent pas cher). Mais dans les années 1990, les États-Unis ont pu remercier la Russie d'Eltsine pour sa bonne volonté à se mettre à leur remorque sur la plupart des questions, en échange d'une certaine reconnaissance du contrôle de Moscou sur l'espace post-soviétique comme sphère russe d'influence vitale, et ils essayaient de ne pas accentuer leur ingérence dans les affaires des pays post-soviétiques.

Au début des années 2000 la politique étrangère russe est devenue de plus en plus indépendante. Bien sûr, de nombreux politiciens en relation avec Washington sont restés au pouvoir, mais l'influence du lobby pro-américain n'est plus resté longtemps décisif et la dynamique et l'orientation du changement laissait peu de doute sur la voie que la nouvelle élite politique russe allait suivre, une voie de restauration de l'indépendance des politiques nationale et étrangère. Poutine était prêt à rester un ami et un allié des États-Unis, mais sur un pied d'égalité et non pas comme un vassal.

C'était le bon moment pour utiliser les postes avancés anti-russes dans les pays post-soviétiques. Presque toutes les révolutions de couleur réussies ou ratées dans la Communauté des États indépendants (CEI) ont eu lieu entre 2003 et 2008 (depuis la révolution des roses en Géorgie jusqu'à la guerre du 08/08/08). Le but de ces coups d'État n'était pas simplement de couper la Russie de l'espace post-soviétique, mais de créer une chaîne d'États hostiles le long de ses frontières ouest et sud (jusqu'à la frontière avec la Mongolie et la Chine). En conséquence, les possibilités de la Russie de mener une politique étrangère et économique indépendante seraient bloquées, ses ressources auraient été immobilisées du fait de l'environnement hostile provenant des anciennes républiques soviétiques. La réputation du gouvernement russe, à l'intérieur comme à l'extérieur, aurait été constamment sapée par de toujours nouvelles provocations (comme celles que Saakachvili a délivrées de façon excessive). Dans le même temps, la capacité de Moscou à réagir à de telles provocations aurait été limitée, parce que chaque coup aurait déclenché une guerre ouverte avec un bloc d'États post-soviétiques (Iouchtchenko a tenté d'associer l'Ukraine au conflit russo-géorgien, mais d'après ce plan, cela aurait dû donner naissance à 10 ou 11 Géorgie et Ukraine). La Russie aurait affronté un groupe de pays allant du lac Baïkal à la Baltique. Les États-Unis auraient pu interpréter cela comme une guerre d'anciennes colonies contre la Russie néo-colonialiste et auraient pu appliquer à la Russie la Déclaration des Nations unies sur l'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples coloniaux du 14 décembre 1960, et toute autre résolution sur ce thème (adoptées d'ailleurs par l'Assemblée générale à l'initiative de l'URSS).

La Russie a échappé aux coups en Géorgie en 2003 et en Ukraine en 2004. La propagation de l'infection colorée aurait pu entraver Moscou (les coups d'État ne sont pas allés au delà de Bichkek, mais même au Kirghizistan la révolution a été suivie de la même contre-révolution de couleur).

La Russie a lancé sa contre-offensive géopolitique pendant la guerre de cinq jours d'août 2008. A partir de ce moment, toute la puissance de Washington a été utilisée, non pas afin de marginaliser Moscou, de l'empêcher de devenir un challenger géopolitique, mais afin de détruire le rival géopolitique déjà existant. Les efforts russes ont apporté une paix en Asie centrale (bien que fragile et instable) et bloqué les intérêts américains dans le Caucase. Ce dernier fait a été dû principalement à deux facteurs : Kadyrov [en Tchétchénie, NdT] a pris sur lui de stabiliser la situation dans le nord du Caucase et le régime pro-américain de Saakachvili s'est complètement discrédité par sa défaite dans la guerre (les politiciens qui ont succédé à Saakachvili ne se sont pas réconciliés avec la Russie, mais sont devenus plus raisonnables, ce qui a permis de stabiliser la relation). Tous ces facteurs ont fait de l'Ukraine, pour les États-Unis à la fin 2010, un pays décisif dans l'espace post-soviétique.

Rostislav Ishchenko

A suivre...

Traduit par Hiéronymus, relu par Diane et jj pour le Saker Francophone

JacquesL

L'Ukraine, un État béni qui a misérablement échoué [2/2]
http://lesakerfrancophone.net/lukraine-un-etat-beni-qui-a-miserablement-echoue-22-2/
Par Rostislav Ichtchenko – le 22 mai 2015 – Source vineyardsaker.de

Citerhttp://lesakerfrancophone.net/lukraine-un-etat-beni-qui-a-miserablement-echoue-22-2/
La marionnette qui négocie avec le marionnettiste

A cette époque, en Ukraine, le bloc oligarchique-nationaliste croyait que la Russie devait être exploitée comme la source de tous les avantages économiques possibles, mais que la politique devait être alignée sur l'Occident. En 2010, l'équipe de la Révolution orange de Maidan s'était totalement discréditée et n'avait plus aucun soutien public sérieux. Plus encore, l'équipe avait démontré son impuissance à déclencher un conflit aigu avec la Russie (comme en Géorgie), qui aurait immobilisé ses ressources du côté de l'Ukraine et l'aurait donc empêchée de s'immiscer dans les questions mondiales.

Pour cette raison, les États-Unis ne se sont pas opposés au choix de Ianoukovitch comme président en 2010. Washington savait que M. Ianoukovitch allait essayer de revenir à une politique dans le style de Koutchma, qui s'orientait dans de nombreuses directions et prévoyait de financer son intégration dans l'UE par l'utilisation des ressources russes. Au début des années 2000, une telle politique n'était plus acceptable pour les États-Unis, ce qui a déclenché le putsch de 2004. En ce temps-là, Washington n'avait plus besoin d'allié (aussi fidèle et dépendant soit-il), mais d'exécutants de décisions déjà prises. Mais en 2010, la situation avait changé : l'affaiblissement général de leur position géopolitique ainsi que les problèmes croissants de l'économie américaine ont contraint les États-Unis à soutenir l'approche ukrainienne sous plusieurs aspects. Les États-Unis n'avaient plus d'argent pour soutenir leurs alliés. Maintenant, on attendait des vassaux muets qu'ils financent la politique américaine de leurs propres deniers.

En 2010, Ianoukovitch était le seul candidat à la présidence acceptable pour les États-Unis. L'équipe de Iouchtchenko (qui incluait les actuels héros Iatseniouk et Porochenko) était totalement discréditée et il faudrait du temps pour améliorer son image. Timochenko avait acquis la réputation d'être imprévisible et d'avoir tendance à tricher constamment avec ses partenaires. La seule saleté que les États-Unis pourraient lui balancer (en collaboration avec Lazarenko) avait déjà été utilisée dans les médias ukrainiens, avec peu d'effet.

Ianoukovitch, cependant, n'était pas seulement sous le contrôle des agents américains (le groupe Lewotschkin-Firtash) mais voulait sérieusement intégrer l'Ukraine dans l'UE par la signature d'un Accord d'association. De façon manifeste, Viktor Feodoriwitch Ianoukovitch avait décidé de prouver à tous ceux qui l'avaient déposé en 2004 qu'il était le seul qui pouvait unifier l'Ukraine en réconciliant l'Orient et l'Occident. En fait, cela signifiait le reniement de ses promesses électorales et le début de la politique pro-occidentale.

Il était prévu que Ianoukovitch signe l'Accord d'association, ce qui détruirait l'industrie ukrainienne et le discréditerait entièrement en rejetant les conséquences négatives sur sa personne, puis lui ferait perdre l'élection contre le protégé américain en 2015. Pour assurer la réalisation de ce scénario (au cas où Ianoukovitch refuserait de s'en aller pacifiquement), un autre Maïdan avait été préparé pour 2015.

Ianoukovitch était assez naïf pour croire que s'il parvenait à offrir toute l'Ukraine à l'Occident, il pourrait être réélu en 2015. Avec cet objectif, lui et ses proches ont soutenu et financé activement des organisations nazies (et pas seulement Svoboda [Liberté, NdT], mais aussi les Patriotes ukrainiens, l'UIA [Armée insurrectionnelle ukrainienne, NdT], l'OUN [Organisation des nationalistes ukrainiens, NdT] et d'autres). La colère contre le fascisme devait permettre à M. Ianoukovitch de gagner les voix antifascistes du sud-est. Pour les nationalistes modérés et les partisans de l'Europe, l'Accord d'association signé avec l'UE devait servir d'incitation. Enfin, pour s'assurer de la loyauté de la majorité de la population, en particulier ceux qui ne se souciaient que de leur bien-être économique, il était prévu d'obtenir un prêt d'un montant de 15 à 20 milliards de dollars de l'UE sous couvert de coopération, ce qui d'après les calculs d'Azarov devait suffire pour maintenir le niveau de vie jusqu'aux élections de 2015 ou même l'améliorer.

Le plan de M. Ianoukovitch était parfaitement logique. L'UE qui pouvait mettre la main sur l'Ukraine – un gain se chiffrant en milliards – ne devait pour cela débourser que 20 milliards. Ianoukovitch et Azarov pensaient que si la Grèce pouvait recevoir 200 milliards de Bruxelles, cette dernière pourrait bien trouver 20 milliards pour l'Ukraine.

Cependant les États-Unis, et là résidait le problème, ne voulaient pas que Ianoukovitch reste au pouvoir ; il représentait les intérêts de l'industrie nationale, lesquels seraient tôt ou tard entrés en collision avec les valeurs européennes abstraites, mais non rentables. Il devait être remplacé par une équipe de prédateurs complètement apprivoisés et les entreprises nationales ukrainiennes devaient disparaître pour être remplacées par des sociétés européennes.

Maïdan en guise de Clef d'or

A l'issue d'une opération de cinq années, les États-Unis auraient établi en Ukraine, au début de 2015,  un régime russophobe complètement apprivoisé et légitimé. L'UE aurait obtenu une zone de libre-échange avec l'Ukraine qui, d'abord, lui aurait fourni un marché de 45 millions de consommateurs ukrainiens après la disparition de l'industrie ukrainienne (avec un pouvoir d'achat allant en diminuant mais pouvant être conservé encore pour un temps), mais ensuite, plus important encore, grâce à la zone de libre-échange au sein de la CEI, qui lui aurait permis d'accéder aux marchés de tous les pays de la CEI, en particulier de la Russie. Cela aurait réduit les pertes des Européens induites par l'accord de libre-échange, le TTIP, prévu entre les États-Unis et l'UE, qui était au détriment de l'UE. L'Europe espérait compenser les pertes liées à l'accord de libre-échange avec les États-Unis aux frais de la Russie et de la CEI.

De toute évidence, les États-Unis ne se préoccupaient pas de la compensation des pertes financières et économiques européennes, mais de leurs propres intérêts géopolitiques. Plus important encore, l'accord de libre-échange faisait office de cheval de Troie des États-Unis directement dans la CEI et rendait l'Union douanière inopérante en refusant tous les plans d'intégration de la Russie en Eurasie. D'un seul coup, les États-Unis auraient rétabli leur domination politique et économique sur le monde et le rival le plus dangereux de l'Amérique – la Russie – aurait dû payer pour cela.

C'était un plan assez élégant et je peux imaginer comment les politiciens de Washington sont devenus fous quand ce butor de Ianoukovitch a finalement réalisé qu'il n'obtiendrait jamais les milliards européens pour soutenir la stabilité sociale, et tout à coup, à peine trois mois avant la signature de l'accord, a reporté l'événement. Ianoukovitch a pensé qu'il pouvait agir, obtenir de l'argent et ensuite signer. Pour obtenir les grâces de l'UE, il est allé à Moscou, selon une ancienne tradition ukrainienne, où les milliards promis l'attendaient dans de bien meilleures conditions. Poutine a entrepris au dernier moment de jouer la carte ukrainienne qui lui était offerte, ce qui fait que les décisions ont été prises plus rapidement et les gros sous ont été délivrés plus aisément.

Contrairement à M. Ianoukovitch, les gens à Washington savaient très bien quelle était la fenêtre de tir. Tous les éléments en relation – de la signature de l'accord d'association en passant par le Maidan en 2015 et jusqu'à l'accord de libre-échange entre l'UE et les USA – faisaient partie d'un complexe rigide et coordonné dans le temps. Si une seule brique était retirée, toute la construction s'effondrait. Le résultat de tout cela est que Ianoukovitch a eu son Maïdan à la fin de 2013.

Qui a déclenché la guerre civile ?

Cependant, ce ne sont pas tant les États-Unis que nous devons remercier, que Levotchkine. Lui et Firtach avaient protégé leurs entreprises en prévision de l'Accord d'association, qui avait été établi sous le regard vigilant du chef de cabinet du Président de l'Ukraine – lequel était précisément Levotchkine.

Par conséquent, si l'économie du pays se dégradait, comme prévu, après la signature, la plupart des oligarques s'appauvriraient, tandis que le groupe Firtach- Levotchkine s'enrichirait. Le refus de signer l'Accord d'association aurait signifié la fin du bien-être financier et politique de ce groupe.

Levotchkine, dont les activités étaient depuis longtemps en phase avec l'ambassade des États-Unis et qui était impliqué dans les préparatifs du Maïdan, a décidé d'utiliser ce mécanisme pour faire pression sur M. Ianoukovitch et le forcer à signer l'Accord d'association. Il a lancé le Maïdan étudiant, et a ensuite œuvré, voyant que cela n'impressionnait pas Ianoukovitch, pour la provocation, afin que les étudiants soient molestés, après quoi le Maïdan a cessé d'être pacifique.

À partir de là, Ianoukovitch n'avait que deux à trois semaines pour résoudre le problème de Maïdan avant que son pouvoir ne commence à se désagréger de l'intérieur, que ses ministres et ses généraux fidèles ne commencent à négocier un changement de régime avec l'opposition, et que l'Occident n'intervienne activement. Ianoukovitch, qui surestimait la force de sa position et sous-estimait la signification de Maïdan, avait entrepris de longues négociations avec l'opposition et avait tenté, par des concessions temporaires, de faire disparaître le Maïdan. Une fois sa faiblesse devenue évidente et l'Occident entré en jeu, le régime était condamné.

Ianoukovitch, qui avait appris du Maïdan précédent, était prêt à se défendre. Il voulait maintenir le Maïdan derrière de simples barricades de police. L'idée était la suivante : s'ils ne s'en vont pas dans six mois, alors ce sera dans un an ; tôt ou tard, ils abandonneront. Puis il est devenu évident que les policiers ukrainiens, contrairement à l'armée, étaient professionnels et bien formés, et un Maïdan pacifique n'aurait aucune chance de renverser le gouvernement. Seul un coup d'État militaire aurait cette chance.

Dès le moment où l'opposition ukrainienne et les États-Unis ont choisi la voie du coup d'État militaire et que l'UE a approuvé cette décision, le sort de l'Ukraine était scellé. Si jusque là, malgré des décennies d'une guerre civile froide entre la Russie et la Galicie ukrainienne, un règlement pacifique, basé sur une solution de compromis au conflit interne, était encore possible, l'effondrement du pays était maintenant inévitable avec l'embrasement de la guerre civile. Le problème était que les militants néo-nazis devaient jouer un rôle clé dans le coup d'État puisque l'opposition n'avait pas d'autre force organisée. Cependant, lorsque ces militants ont reçu des armes (pour être en mesure d'effectuer le coup) et que la réaction appropriée des défenseurs de la loi a été empêchée, ces militants sont devenus de fait les héros du pays.

Les services de police légitimes, trahis par les politiciens, se sont rapidement désintégrés ; les vrais professionnels sont partis, les néo-nazis sont arrivés, et les opportunistes prêts à servir n'importe quel pouvoir sont restés. Les nazis se sont retrouvés dans une position favorable, non seulement pour augmenter leur nombre et les livraisons d'armes rapidement, mais aussi afin de mettre en place un contrôle efficace sur les services de police.

Tout cela était une menace claire et immédiate pour la population russe de l'Ukraine. Elle était moins organisée, ne comptait que peu ou pas d'unités militaires, n'avait presque pas d'armes, mais dans les conditions de la terreur nazie imminente, ces problèmes ont été résolus rapidement. Vingt-cinq millions d'antifascistes ne pouvaient pas fuir l'Ukraine. Ils ne pouvaient pas non plus accepter la victoire du deuxième Maïdan comme ils avaient accepté le premier. Le premier Maïdan avait piétiné leur choix, la Constitution et la loi, le deuxième menaçait leur vie.

Dans une confrontation militaire entre deux parties à peu près égales de l'Ukraine, l'une soutenue par les États-Unis et l'autre par la Russie, la victoire d'une partie était difficile et la guerre pouvait être sans fin. Cela aurait pu facilement se développer et Moscou se serait retrouvé piégé pour de nombreuses années dans le conflit ukrainien ; mais au moment du coup d'État, les ressources économiques internes qui soutiennent le fonctionnement de l'État ukrainien étaient presque épuisées. Pour tirer l'Ukraine de la crise, il fallait des prêts de plusieurs milliards ainsi que des projets d'investissement à long terme et des marchés adaptés aux produits ukrainiens. La Russie était prête à offrir tout cela à Ianoukovitch, mais n'avait pas l'intention d'offrir quoi que ce soit aux nazis (et ne le pouvait pas, même si elle l'avait voulu).

Il est devenu immédiatement clair que ni l'UE ni les États-Unis n'avaient l'intention de financer l'Ukraine. Le déclenchement de la guerre civile est venu à point pour Washington : pas besoin de dépenser le moindre argent, mais tant Moscou que Bruxelles auraient certainement des problèmes, et la possibilité d'une alliance dangereuse pour les États-Unis entre l'UE et l'Union eurasienne serait bloquée. L'UE elle-même a échoué tout au long de la crise à sortir de l'ombre des États-Unis et à défendre ses propres intérêts, et non les intérêts américains.

Un conflit meurtrier

Le manque de ressources, non seulement pour une guerre plus longue, mais aussi pour les fonctions ordinaires de l'État, aurait dû rendre la guerre civile ukrainienne courte mais extrêmement intense et sanglante. Initialement, le conflit avait effectivement évolué dans ce sens, jusqu'à ce que Moscou réussisse à réduire temporairement l'intensité des combats en forçant Kiev à l'accord de Minsk.

L'accord de Minsk n'a toutefois pas résolu les principaux problèmes ukrainiens et ne pouvait pas les résoudre. Par conséquent, il a été vu depuis le début comme une pause par les deux parties en conflit, pause qui devait être utilisée pour renforcer leurs propres positions et améliorer leurs capacités militaires. Kiev se trouvait là dans une situation pire que la République populaire de Donetsk et celle de Lougansk. Les deux républiques avaient la Russie comme base arrière et une partie de leur population relativement faible a fui vers la Russie, tandis que ceux qui sont restés ont pu survivre grâce à l'aide humanitaire russe. L'Ukraine de son côté a subi un désastre économique, qui a rapidement évolué vers une crise politique. L'accélération de la chute du niveau de vie de la majorité du peuple, la hausse du chômage qui frappe maintenant un tiers de la population active, le manque de perspectives, tout cela a miné la confiance dans les politiciens du Maïdan, a produit rejet et radicalisation dans la société, avec la menace d'un autre Maïdan.

Le désastre économique a divisé l'élite du Maïdan, qui d'emblée n'était pas unifiée. Les groupes politiques devront se battre pour les ressources économiques restantes, ainsi que pour trouver les personnes responsables de la défaite de la guerre et de la destruction de l'économie, ce qui rend tout accord entre eux impossible. Quand vous considérez que chaque groupe politique en Ukraine a déjà ses propres unités militaires (en particulier des bataillons de volontaires) et que la seule expérience politique réside dans la participation au coup d'État militaire contre Ianoukovitch et à la guerre civile, il est certain que ce conflit meurtrier à l'intérieur du Maïdan sera résolu par la violence des armes.

La fatalité inéluctable de l'auto-dissolution

La guerre civile en Ukraine prend plusieurs formes et son intensification n'est qu'une question de temps. L'Ukraine est programmée pour être incapable d'échapper à cet entonnoir fatal. Les nazis ne permettront pas au gouvernement de parvenir à un compromis avec la Novorussie. La Novorussie ne se soumettra pas à un gouvernement nazi. Il n'y a pas de ressources pour atténuer les problèmes sociaux. La direction ukrainienne est incompétente et ne comprend guère ce qui se passe en réalité dans les vestiges de l'économie ukrainienne, ni qui détermine la politique du pays et comment. Une tentative pour résoudre le conflit en interne causerait tant de morts en raison de l'équilibre relatif des deux parties que les voisins ne pourraient pas rester à l'écart, simplement à cause du flux des millions de réfugiés qui s'écoulerait à travers leurs frontières.

Afin d'éviter une telle évolution du conflit vers le pire scénario, il faut une force externe qui soit prête à prendre la responsabilité de désarmer les belligérants et à assurer un soutien financier et économique pour permettre à l'Ukraine de reconstruire son économie. Actuellement, il n'y a pas de volontaires pour cette entreprise de bienfaisance. Quand on considère la situation politique en Ukraine (une société scindée, pleine de haine et armée jusqu'aux dents) ainsi que les conditions économiques, le bienfaiteur courrait le risque de prendre sur ses épaules la charge de l'Ukraine.

L'incapacité de l'élite ukrainienne, sa croyance irrationnelle dans la volonté de l'Occident de résoudre les problèmes de l'Ukraine à ses propres frais, met l'État dans une situation où une dissolution rapide est le développement logique de la situation actuelle. En revanche, une conservation et une restauration de l'État ukrainien, même sur une surface réduite, semble être moins probable voire improbable. Pour que cette option puisse se réaliser, il faudrait un miracle qui change tous les facteurs en cause. Si on croit aux miracles, cela semble possible, mais du point de vue de l'analyse politique, cette probabilité est si faible qu'elle ne mérite même pas d'être examinée plus avant.

L'impossibilité de s'opposer à la guerre

Le dernier argument est peut-être le plus désagréable pour les citoyens d'Ukraine qui croient encore qu'un renouveau de leur pays est possible. Le pays pourrait être sauvé si au moins l'un des acteurs mondiaux était intéressé à une prolongation de son existence. Bien sûr, si on écoute les diplomates et hommes d'État, on pourrait croire que le monde entier n'a d'autre désir que la renaissance de l'Ukraine et la restauration de son intégrité territoriale. Mais nous savons que les diplomates utilisent leur langue pour cacher leurs pensées et la position réelle d'un État n'est jamais ouvertement exprimée (sinon il n'y aurait pas besoin de services de renseignement et de contre-espionnage). Nous ne pouvons reconnaître les véritables objectifs et les intentions d'un État qu'à ses actes.

Tout d'abord, une armée a été construite dans le Donbass d'août à décembre 2014 pour remplacer les différents groupes de la milice. Cette armée bien formée et bien équipée surpasse nettement le niveau des forces utilisées pour la défense du réduit des régions de Donetsk et de Lougansk, qui sont actuellement défendues par les forces armées de la Novorussie. Nous pourrions évidemment croire que les miliciens ont trouvé armes, unités d'artillerie lourde automotrices, lanceurs de missiles et autres belles choses dans la steppe de Donetsk. Ils n'avaient pas remarqué toutes ces choses entre avril et août, puis tout à coup – une récolte miraculeuse, comme des champignons après la pluie. On pourrait de la même façon croire que les milliers de formateurs (des sous-officiers jusqu'aux majors de quartier général) qui sont nécessaires pour créer une structure militaire efficace, sont juste venus de différents pays parce qu'ils avaient obéi à leur cœur (ce qui n'arrive pas dans ce monde). Il est même possible de croire que les armes ont été trouvées par hasard et que les instructeurs sont venus non seulement en nombre requis, mais en sus avec la spécialisation nécessaire. Les pièces de rechange, les munitions en quantité adéquate pour des combats intenses devaient encore être livrées par quelqu'un.

La limite inférieure de la taille estimée des forces armées de Novorussie est de 35 000 hommes (environ trois divisions au cours de la période de la Grande Guerre patriotique en 1941-44). Pour mener des opérations militaires régulières (et fournir à la population civile au moins le minimum vital nécessaire), il faut des centaines de tonnes de ravitaillement par jour. Par comparaison, la 6e Armée de Von Paulus à Stalingrad au début de l'encerclement, selon les calculs du commandement allemand, avait besoin de 600 tonnes de fournitures quotidiennes, juste pour maintenir l'aptitude au combat. Von Paulus pensait que le minimum était de 800 tonnes. Au moment de l'encerclement, Von Paulus commandait jusqu'à 240 000 soldats (il est probable que 30 000 Roumains n'aient pas été comptés par le commandement allemand).

Cela signifie, comme le disent aussi toujours les patriotes alarmistes, qu'en Novorussie une armée a été créée en un temps très court, qui dépasse largement les exigences de la défense des zones contrôlées. Une telle armée n'a pas pu être organisée sans l'aide de la Russie. La Russie n'a manifestement pas tendance à dépenser de l'argent et des ressources (qui ne sont pas illimitées) sans de bonnes raisons, fondées. Quand une armée est formée pour attaquer, cela signifie qu'elle va attaquer.

Deuxièmement, quand la Russie et les médias russes modérés répètent à chaque occasion à quel point Porochenko est fiable, et comment il pourrait à tout moment mettre en place une Ukraine fédérale, libérée des nazis, il semble, si on tient compte de la situation actuelle en Ukraine, où le néo-nazi et collègue au pouvoir accuse régulièrement de trahison, que Petr Alekseïevitch Porochenko est conduit à l'abattoir, pendant que la Russie fournit de bonne grâce des motifs de coup d'État à ses adversaires.

Troisièmement, si l'OSCE, l'UE et les satellites des États-Unis échouent tous à voir des soldats russes en Ukraine autres que les convois humanitaires qui traversent la frontière (ce qui a déclenché à plusieurs reprises des crises d'hystérie à Kiev), c'est parce qu'ils ne veulent rien voir. Finalement, les Américains ou les Européens voient quand ils veulent certifier quelque chose, même des choses qui ne sont pas là, comme les armes de destruction massive en Irak, un référendum au Kosovo ou une faute russe dans la catastrophe de l'avion malaisien à Donetsk. En d'autres termes, sachant que l'armée organisée en Novorussie est beaucoup plus forte que celle de l'armée ukrainienne, battue en août, et que cette armée lancera tôt ou tard une offensive, l'UE et les États-Unis font semblant d'ignorer que la Russie arme une des parties au conflit. Qui plus est, nos partenaires occidentaux, en décidant de fournir une aide militaire à l'Ukraine (y compris en armes), offrent à Moscou la possibilité de rendre légale sa participation en armant, de son côté, la Novorussie.

Quatrièmement, les États-Unis poussent Kiev à l'escalade du conflit armé en sachant pertinemment que toute offensive plus ou moins sérieuse de Kiev sera utilisée par la Novorussie pour infliger une nouvelle défaite désastreuse à l'armée ukrainienne. Washington comprend aussi que la prochaine catastrophe est susceptible d'être la dernière – même si le nombre de milices novorusses ne suffit pas à occuper l'ensemble du territoire de l'Ukraine, un putsch à Kiev et l'anarchie qui en découlerait, à part dans les zones contrôlées par la milice de Novorussie, seraient inévitables. En tout cas, il n'y aurait plus d'Ukraine (ni unie ni divisée).

En d'autres termes, tout le monde se prépare à la guerre, en pleine connaissance du résultat de cette guerre. Les manœuvres des vrais acteurs du conflit, qui se trouvent derrière les dirigeants à Kiev, à Donetsk et à Lougansk, visent à rendre les adversaires responsables de la reprise des combats, de son escalade inévitable et de sa brutalité croissante. Oui, Moscou et Bruxelles n'ont pas besoin de la guerre en Ukraine. Oui, il serait souhaitable de trouver une solution pacifique. Mais comme Washington insiste pour combattre et que Kiev n'a pas d'autre choix que de se battre, même si le début de la deuxième phase de la guerre civile ukrainienne pourrait être retardée, l'armée de Novorussie pourrait être préparée au point qu'une intervention officielle de l'armée russe pourrait être évitée, mais que la guerre ne pourrait pas être empêchée.

Londres et Paris voulaient en 1939 que l'URSS combatte l'Allemagne. Staline voulait retarder le début de la guerre au moins jusqu'en mai 1942 (à ce moment la mise à niveau de l'armée soviétique devrait être achevée). La guerre a commencé en 1941. De toute évidence, Poutine serait heureux de repousser le conflit en 2017. A ce moment, il aurait une bonne chance d'obtenir le contrôle de l'Ukraine sans escalade et sans autres pertes. Il est tout aussi évident que les États-Unis auraient préféré voir la Russie commencer le combat en avril ou mai 2014. Il semble que la Russie a réussi à éviter de participer directement au conflit, mais au prix d'une guerre civile en Ukraine en 2015 (de Lvov à Kharkov et de Kiev à Odessa).

Le retour de l'Empire

La dernière question qui peut, peut-être, nous intéresser est : que va-t-il arriver à la suite de la guerre avec l'Ukraine? Rien. Il n'y aura plus d'Ukraine. Le simple fait que, jusqu'ici aucune structure gouvernementale adéquate n'ait encore été créée en RPD et en RPL avec l'aide de Moscou suggère que ces républiques ne sont pas nécessaires. La Novorussie reste un terme géographique et historique, mais n'est pas une réalité politique. L'armée était nécessaire – elle a été organisée – tandis que les structures gouvernementales ne sont pas nécessaires, et elles n'ont pas évolué. Cela signifie que la Novorussie n'est pas prévue. Les patriotes alarmistes en tirent la conclusion que la Novorussie trahirait Kiev. Mais Kiev est, comme nous l'avons indiqué ci-dessus, une trahison en soi, et l'auto-dissolution du régime est tout simplement une question de temps et pas de principe ; et nous parlons d'une brève période, donc à qui la Novorussie devrait-elle être livrée?

Elle ne sera livrée à personne, et personne ne le fera. Pourquoi la Russie aurait-elle besoin d'une nouvelle Ukraine sous couvert de la Novorussie? La Russie n'a pas besoin d'un État tampon entre l'Union eurasienne et l'UE. Il serait seulement un obstacle. De toute façon la Russie a déjà des frontières avec les pays de l'Otan (Norvège, Estonie, Lettonie). La Russie a besoin de l'ensemble de l'Ukraine, ou de la quasi-totalité de l'Ukraine. Il est maintenant évident non seulement pour Moscou, mais aussi pour Bruxelles, que cette zone est incapable de développement indépendant et seulement une source de problème. Par conséquent, la Novorussie est possible en tant que région fédérale, mais pas en tant qu'État indépendant. Le monde n'a plus d'argent pour l'indépendance, que ce soit pour l'Ukraine ou pour la Novorussie – c'est aussi simple que cela.

Il est temps que l'Empire revienne à ses frontières naturelles (au moins dans le sud-ouest).


Traduit par Hiéronymus, relu par Diane et jj pour le Saker francophone

JacquesL

#4
Les Ukraïniens ont droit eux aussi aux vendeurs de mouvement perpétuel :
En français : http://fr.sputniknews.com/sci_tech/20150911/1018104509.html
En russe (mais pas en ukraïnien bien que publié en Ukraïne) :
tech.obozrevatel.com/news/75902-k-kontsu-goda-v-ukraine-nauchatsya-poluchat-energiyu-ot-vrascheniya-zemli.htm

Il est sûr qu'ils se sont mis dans une merde pas possible, et commencent à sérieusement baliser pour l'hiver 2015-2016, sans gaz russe.

JacquesL

Les choix des États-Unis en Ukraine : déclencher une guerre religieuse ?

http://lesakerfrancophone.fr/les-choix-des-etats-unis-en-ukraine-declencher-une-guerre-religieuse

Citer
Les choix des États-Unis en Ukraine : déclencher une guerre religieuse ?

Par le Saker US – Le 25 juin 2016 – Source thesaker.is

À suivre les médias impériaux, on peut être pardonné de penser que rien de dramatique ne se passe en Ukraine et que la crise a été pour l'essentiel résolue d'une manière ou d'une autre. Eh bien pourquoi pas ? Il vient d'y avoir des élections et, apparemment, tout s'est bien passé, la Russie continue à manifester sa mauvaise volonté habituelle et son comportement menaçant à l'égard de l'Europe, mais au moins Poutine a-t-il été forcé de libérer la Jeanne d'Arc ukrainienne (c'est-à-dire Nadejda Savtchenko), et il y a un espoir que le front uni de l'Union européenne et de l'OTAN contraigne finalement Poutine à cesser son agression contre l'Ukraine et à se conformer aux Accords de Minsk. Oh, et la Banque nationale d'Ukraine a annoncé, je ne plaisante pas, un retour à la croissance (environ 0.1 %) pour le premier trimestre de cette année.

Hélas, le fossé entre ce genre de non-sens et la réalité est total. Oui, des élections ont eu lieu, mais elles ont été tout sauf libres, les néo-nazis sont aujourd'hui plus influents que jamais et le fait que Poutine ait été d'accord d'échanger Savchtenko contre deux citoyens russes accusés d'être, je ne plaisante toujours pas, des agents Spetsnaz du GRU, n'était qu'une manière habile pour lui de faire cesser Savtchenko d'être son problème, en faisant d'elle celui de Porochenko (et même celui de Timochenko). Quant aux accords de Minsk, la Russie n'en fait pas du tout partie, elle n'est qu'une garante de ces derniers, comme l'Allemagne et la France. Mais oui, Porochenko est toujours au pouvoir, les gens trouvent toujours des marchandises dans les magasins et aucun nouveau Maïdan n'a eu lieu. Donc, vu de l'extérieur, les choses ne vont pas trop mal.

Le problème avec cette image idyllique, est que personne à Langley [quartier général de la CIA, en Virginie, NdT] n'y croit.

Les gens de Langley savent que l'économie ukrainienne est fondamentalement morte et avance en roue libre vers son inévitable effondrement par inertie. Ils savent que les services gouvernementaux sont tout juste maintenus en vie grâce à l'aide occidentale et que même cela ne suffit pas à assurer l'autorité du gouvernement central, devenant progressivement sans importance et remplacé par des autorités locales (oligarques et truands). Plus important encore, ils ont perdu aujourd'hui tout espoir d'impliquer la Russie dans ce conflit et ils voient des signes clairs que le front européen est en train de se fissurer : la France, l'Italie et d'autres montrent déjà des signes de mécontentement, face à la situation actuelle, tout comme l'Allemagne (tous ces pays ont leurs propres Langleys, qui font exactement les mêmes prévisions catastrophiques). La grande question, pour les États-Unis, est donc : que faire ?

Le projet initial était de faire de l'Ukraine une sorte de trou noir, qui aspirerait toutes les ressources économiques, politiques et militaires de la Russie, idéalement avec cette dernière occupant le Donbass. Mais aujourd'hui que les Russes ont refusé de s'y faire aspirer, c'est l'Europe qui est maintenant menacée par le trou noir ukrainien.

Les Américains réalisent probablement maintenant qu'il est trop tard pour recoller les morceaux de Humpty Dumpty, et ils ont raison. Bien que, en théorie, un effort conjoint des États-Unis, de l'Union européenne et de la Russie, puisse, à un coût énorme, tenter de reconstruire l'Ukraine, les réalités politiques rendent une telle action commune impossible, du moins dans un avenir prévisible. Ils réalisent aussi, avec la permission des candides paroles de Mme Nuland, que les États-Unis seront rendus responsables du résultat désastreux en Ukraine (ce qui n'est pas tout à fait honnête, les Européens sont tout autant coupables, mais c'est la vie). Et si perdre la Syrie a été déjà assez mauvais, perdre l'Ukraine ensuite causera des torts irréparables aux États-Unis, simplement en détruisant le mythe de leur omnipotence. C'est très grave, en particulier pour un Empire qui a pour l'essentiel renoncé aux négociations ou à la diplomatie et qui se contente maintenant de poser des ultimatums.

Donc quels sont les choix pour les États-Unis ici ?

Il est difficile de prédire en ce moment ce qu'ils pourraient tenter de faire. Leur pratique normale, dans une telle situation, est simplement de proclamer leur victoire et de s'en aller. Cela pourrait marcher en Afrique ou en Asie, mais au milieu du continent européen, c'est loin d'être une option, parce que cela déboucherait sur un désastre en termes de relations publiques.

La deuxième possibilité pourrait être d'accuser les Ukrainiens eux-mêmes de tout et de tenter de protéger la Pologne, la Slovaquie, la Hongrie, la Roumanie et la Moldavie des inévitables conséquences du chaos qui se propage. Le risque, ici, du moins du point de vue étasunien, est que la Russie et ses alliés novorusses seraient plus ou moins libres d'agir dans le vide créé et c'est quelque chose que les États-Unis ne peuvent absolument pas accepter. Les Américains auraient des visions de Zakharchenko à Kiev ou d'émeutes pro-russes à Odessa, et c'est tout simplement au-delà de l'inacceptable.

Ce qui laisse le troisième choix : faire délibérément exploser l'Ukraine.

Rostislav Ichtchenko, que je tiens pour le meilleur spécialiste de l'Ukraine sur la planète, a récemment commencé à avertir qu'un tel mécanisme est déjà en place : transformer la guerre civile en guerre religieuse, opposant non les Latins (catholiques romains) aux orthodoxes, mais divers groupes orthodoxes entre eux. Permettez-moi d'expliquer.

Comme tout le reste en Ukraine, l'histoire des diverses juridictions orthodoxes dans le pays est très complexe et remonte à des siècles. Je ne peux pas entrer dans des explications détaillées de ce thème très intéressant ici, mais je veux vous donner quelques clés d'analyse.

Il y a trois groupes principaux qui se désignent eux-mêmes comme l'Église orthodoxe ukrainienne véritable ou canonique : le plus grand est l'Église orthodoxe d'Ukraine (patriarcat de Moscou – AUOC-MP dans son sigle anglais), suivie par l'Église orthodoxe d'Ukraine (patriarcat de Kiev – UOC-KP dans son sigle anglais) et, enfin, l'Église orthodoxe autocéphale ukrainienne – UOC dans son sigle anglais. Bien sûr, chacune de ces trois églises affirme être la représentante véritable de l'orthodoxie ukrainienne légitime.

[Information complémentaire : personnellement, je ne considère aucune d'elles comme légitime ou véritablement orthodoxe, donc je n'ai aucun intérêt personnel là-dedans.]

Elles sont:

L'AUOC-MP est la plus grande des trois. Elle est autonome mais pas totalement indépendante. C'est probablement la plus importante des trois et elle est en communion totale avec toutes les autres Églises orthodoxes officielles (lire : approuvées par l'État) là-bas. L'AUOC-MP est considérée comme la main du Kremlin par les nationalistes.

L'UOC-KP a été fondée par un ancien évêque du Patriarcat de Moscou, Philarète Denisenko, qui a créé un schisme (une séparation unilatérale en contradiction avec les canons de l'Église) dans le patriarcat de Moscou (ce qui est assez ironique, puisque Philarète était un ancien adjoint (locum tenens) du patriarche Pimène I du Patriarcat de Moscou et était même considéré comme le premier en lice pour lui succéder). Même selon les critères de Moscou, Philarète a toujours été connu pour être un homme exceptionnellement immoral, corrompu et sans principes, mais le Patriarcat de Moscou ne l'a excommunié que lorsqu'il a rompu avec lui pour créer sa propre église.

L'UOC est à la base une création, en 1921, de la République nationale ukrainienne de 1917 (tout comme le Patriarcat de Moscou est une création, en 1937, de l'État bolchevique de 1917) et il représente la version non soviétique du christianisme ukrainien et plusieurs de ses ecclésiastiques ont été persécutés par l'État soviétique.

Ce qui rend cette situation véritablement unique tient à deux facteurs :

Historiquement, le territoire connu aujourd'hui comme l'Ukraine a fait la plupart du temps partie du Patriarcat de Constantinople entre le Xe et le XVIIe siècle (c'est très simplifié mais correct sur le fond).

    Le Patriarcat de Constantinople moderne est désespérément en quête d'importance (en lui-même, il est tout petit et soumis aux autorités turques) et il a des relations extrêmement mauvaises avec Moscou.

Il y a donc un risque tout à fait réel que les autorités de Kiev décident de déclarer l'AUOC-MP comme une Église du pays agresseur et qu'ils ordonnent que toutes les paroisses, tous les monastères et autres bâtiments actuellement propriété du clergé de l'AUOC-MP soient transférés de force à UOC-KP et/ou à l'UAOC. Il y a aussi la possibilité que le Patriarche de Constantinople décide d'entendre les cris des fidèles et reconnaisse soit l'UOC-KP et/ou l'UAOC comme une partie autonome du Patriarcat de Constantinople, et donc prenne fondamentalement toute l'Ukraine sous son contrôle. Et même si les autorités de Kiev ne déclarent pas formellement l'AUOC-MP cible d'un droit de pratiquer contre elle des pogroms et des expropriations illégales, elles peuvent simplement détourner les yeux et laisser les escadrons de la mort néo-nazis (comme le tristement célèbre Aidar) faire le sale boulot pour elles.

Quelle est l'importance de ce risque ?

Je l'évaluerais comme élevé. Créer des troubles civils est la manière idéale pour le régime de Kiev d'accuser la main de Moscou de tous les problèmes. Les veules Européens suivraient la ligne du parti (étasunien) et accuseraient Poutine d'«exciter les russophones» en Ukraine et d'«utiliser la minorité russe pro-Moscou pour entamer une nouvelle phase dans la guerre hybride contre l'Ukraine souveraine». Une telle confrontation permettrait aussi d'unir les factions politiques contrôlées par les oligarques, avec les véritables néo-nazis qui sont actuellement sur le mode opposition modérée. Pour les oligarques, ce serait l'occasion parfaite d'assassiner leur opposition néo-nazie (Savtchenko, par exemple) et de l'imputer aux agents de Moscou. Enfin, l'éruption d'affrontements intra-orthodoxes serait le prétexte rêvé pour lâcher le SBU (le KGB ukie) contre tout parti d'opposition.

Exactement comme dans la guerre contre le Donbass, Poutine serait mis sous une énorme pression en Russie, pour «faire quelque chose à ce sujet» et certains n'hésiteraient pas à demander que des chars russes soient envoyés à Kiev. Bien sûr, Poutine ne consentirait jamais à une telle folie, mais ce refus lui nuirait très certainement dans l'opinion publique russe, encore un autre bon résultat d'un tel conflit intra-orthodoxe en Ukraine.

Pour le moment, l'Empire limite sa guerre de l'information anti-russe à des actions mesquines comme interdire les Jeux olympiques du Brésil aux athlètes russes, se focaliser sur les hooligans russes en France et faire attribuer le prix de l'Eurovision à un chanteur politique, contre toutes les règles de cette même Eurovision. C'est ennuyeux, bien sûr, mais ces actions sont très limitées dans leurs effets : oui, cela fait passer la Russie pour le méchant non civilisé aux yeux des téléspectateurs idiots en Occident, mais beaucoup de gens ne sont pas dupes et voient clairement à travers tout cela, et cela ne sert qu'à renforcer le soutien du peuple russe à Vladimir Poutine. En fin de compte, tourner l'opinion publique occidentale contre Poutine est inutile. Ce que voudrait vraiment l'Empire, c'est tourner l'opinion publique russe contre Poutine – ça, c'est le véritable but, du moins pour les gens de Langley.

Donc quel serait la meilleure manière de continuer à garder l'Ukraine en feu, tout en donnant l'impression aux gens en Russie que «Poutine a trahi les orthodoxes», sinon provoquer une guerre religieuse ?

Nous connaissons tous les mots célèbres d'un officier américain au Vietnam : «Il était devenu nécessaire de détruire la ville pour la sauver.» Il y a aujourd'hui un risque réel que les États-Unis décident de détruire l'Ukraine afin de la sauver, en particulier si les néocons reprennent le contrôle total du pouvoir exécutif sous Hillary.

The Saker

L'article original est paru dans The Unz Review

J'ai corrigé une erreur de traduction sur le droit aux pogroms.