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Pensée magique : un début d'explication scientifique ?

Démarré par JacquesL, 24 Mai 2012, 10:57:09 AM

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JacquesL

Citation de: Christian NavisUne des meilleures définitions de la pensée magique a été donnée par le psychiatre Derek Bolton :
"la pensée magique est l'explication de phénomènes réels par des causes irrationnelles".
Clair, net et précis.
Mais comment cela fonctionne-t-il ? Pourquoi certains y échappent-ils quand d'autres y succombent ?

Pour Pascal Boyer, psychologue et anthropologue à l'Université Washington de St-Louis Missouri, l'attrait pour les croyances magiques reposerait sur des circuits du cerveau peut-être innés, peut-être produits par l'évolution. Selon lui, une partie du système cérébral serait spécialisée pour trouver une réponse apaisante ou valorisante dans certaines circonstances en élaborant une explication magique.

Croire que nos pensées propres ou un quelconque rituel peuvent influencer la réalité, ou imaginer qu'un signe fortuit est de bon augure, auraient pour fonction de rassurer les personnes fragiles, de réduire leurs craintes du quotidien et de contourner ainsi leurs moments dépressifs.

Il est vrai que la science a été amenée à constater que la pensée positive prônée par des gurus du New Age pouvait agir comme un stimulus produisant un effet bénéfique explicable par la production de neurotransmetteurs : sérotonine pour apaiser, dopamine pour rendre plus dynamique  noradrénaline pour gérer les effets d'un stress, endorphines pour calmer les douleurs physiques et morales. Le même phénomène se produirait lors d'une attente anxieuse sans cause imminente.

Daniel M. Wegner, professeur de psychologie à Harvard a réalisé une recherche sériant les motivations et l'état mental de jeunes adultes croyant véritablement au mauvais sort jeté par les poupées vaudou. Sa conclusion est claire : "Tous ces gens sont généralement en situation d'échec, incertains de leur propres capacités, et lents à agir parce qu'ils se sentent inaptes à répondre a tempo aux stimuli du milieu, et ce type de pensée semble être pour eux un antidote".

Même observation d'Emily Pronin, professeur de psychologie cognitive à Princeton.
Elle a démontré à partir d'une étude in vivo que de nombreux fans du Super Bowl avouaient se sentir responsables, par leur ferveur ou leur tiédeur relative, de la victoire ou de la défaite de leur équipe. Pourquoi des gens, pas plus idiots que la moyenne, ont-ils l'illusion d'un tel lien immatériel ? Elle conclut que leurs pensées apparentes fortement motivées jusqu'à l'obsession peuvent devenir tellement envahissantes que, pour les neutraliser, ils en viennent à surévaluer la force de leurs connections psychiques avec les événements extérieurs, tout en les isolant symboliquement du reste de l'activité cérébrale.

Confirmation de Giora Keinan, professeur à l'Université de Tel Aviv, qui a questionné des centaines d'Israéliens après les attaques de missiles irakiens durant la guerre du golfe de 1991. Ceux qui avaient subi les niveaux de stress les plus élevés étaient les plus susceptibles d'adopter des croyances magiques comme entrer dans un abri du pied droit pour être mieux protégés, ou éviter de parler aux personnes dont les maisons avaient été détruites parce que cela porterait malheur.

Mais ces gratifications que l'on s'octroie afin de mieux supporter la réalité ne sont pas sans conséquences sur l'état mental.
La pensée magique peut glisser vers une forme délirante à la limite des troubles schizoïdes, voire évoluer en psychose chez un groupe particulier de gens, défini Mark Lenzenweger, professeur de psychologie cognitive et de neuroscience à l'Université de New York :
"Il s'agit de personnes pour qui la pensée magique constitue l'axe principal de leur vision du monde. Sans qu'il y ait d'autre vision possible. Tandis que la plupart des gens, confrontés au doute sur leurs croyances magiques reconnaîtront la faiblesse ou l'ambigüité de celles-ci, les sujets convaincus nieront avec véhémence qu'il puisse y avoir une autre explication que la leur."

Les analyses par le biais de la chimie organique rejoignent les observations empiriques des ethnologues et des psychanalystes.
Pour les premiers, la "participation mystique" et la croyance en des "liens sympathiques" selon la terminologie de Lévy-Bruhl et Mauss, constituent une résurgence de la pensée primitive lorsque l'homme confronté à des forces naturelles qu'il ne pouvait expliquer
croyait s'assurer leur bienveillance par la prière et les rites.

Pour les seconds, une partie des causes des troubles tels que la dépression passagère, les perturbations cyclothymiques, les états maniaco-dépressifs, les troubles obsessionnels compulsifs et les comportements schizoïdes pourrait résulter du conflit entre les nécessités de la vie d'adulte (agir) et l'immaturité des séquences anciennes (fuir) remontant à la surface.
Des conflits que seule une explication simpliste, proche des certitudes enfantines, pourrait momentanément résoudre.

--
Journalisme citoyen : embrouilles et traquenards
http://christian.navis.over-blog.com

Citation de: Isla Kul XIISauf que ce qui semble réel ou rationnel dans une culture ou dans un groupe ne l'est pas forcément dans un autre. De quel droit un groupe pourrait-il prétendre que sa logique ou sa rationalité seraient supérieures à toutes les autres ?
    Je remarque par ailleurs que Derek bolton a étudié Wittgenstein. Difficile de croire qu'il serait dans une simplification pareilles. Il faudrait donc vérifier la référence et, si elle est authentique, son contexte.

Le reste de l'argumentation suppose que le cerveau utilise la pensée magique dans certaines circonstances stressantes. Comme si les humains adultes non perturbés étaient naturellement rationnels.

Cette hypothèse ne tient pas la route.

Piaget et ses successeurs ont bien observé que la pensée rationnelle ne se développe que lentement, qu'elle apparaît assez tard dans le développement de l'individu, et que tout le monde n'y parvient pas.

D'ailleurs les exemples invoqués, loin de montrer le recours à des processus protecteurs supplémentaires, prouvent simplement que nous ne sommes pas capables de rester rationnels quand notre cerveau n'est pas au mieux de sa forme.

Par ailleurs, les études sur les capacités de déduction des gens "normaux" montrent bien que nous ne réfléchissons pas selon la logique d'Aristote, et que nous acceptons au contraire des "raisonnements" clairement erronés, du genre "le schmilblick est vert , tous les sapins sont verts, donc le schmilblick est un sapin."
A quoi on répondrait "mais non, tous les sapins ne sont pas verts!"
    A l'époque (autour de 1975), on expliquait ces observations en disant que nous ne cherchons pas à déduire des vérités absolues, mais seulement à obtenir des conclusions suffisamment vraisemblables pour être utiles.
    Je pense maintenant que beaucoup de gens observent le monde comme on regarde un film (ou comme on lit un roman). Il supposent que le monde nous raconte une histoire et que nous ne recevons que les informations nécessaires pour en comprendre le sens. Alors ceux qui ne voient pas l'histoire comme eux leurs semblent étranges, et ils considèrent ceux qui ne voient pas d'histoire du tout comme des malades. Mais le monde ne raconte pas d'histoire, et il n'obéit pas à notre volonté. La rationalité comme les histoires sont des productions humaines. Et le monde est forcément plus grand et plus complexes que les petits modèles que nous construisons pour en comprendre quelques aspects.

Nous avons donc:
- une citation douteuse;
- une conception de la rationalité qui ignore ou méprise les différences;
- des exemples qui prouvent le contraire de ce qu'ils doivent démontrer;
- et une ignorance totale de la psychologie scientifique.

Méfiez-vous donc. je ne vois pas ici le moindre "début d'explication scientifique" de la "pensée magique", mais une embrouille ou un traquenard intellectuel en bonne et due forme.

La pensée magique ne tombe pas miraculeusement du ciel abstrait : elle est toujours une tentative de reprendre le pouvoir, là où le pouvoir sur les faits vous échappe, sur l'"au-delà" des pouvoirs et compréhensions de la tribu.

Aussi longtemps que nos ancêtres n'eurent que des problèmes de gibier-chasseur, l'animisme faisait parfaitement l'affaire : les autres animaux chassent ou broutent pour se nourrir, les mâles se battent pour les femelles comme chez nous.

L'échec de l'animisme était flagrant sur les phénomènes naturels autres que la vie animale : les orages, les saisons, la nuit, le jour, les fleuves, les montagnes, les avalanches, les astres, et la pousse végétale et la reproduction végétale, voire la reproduction animale, et les maladies.

Ils firent donc du "toujours plus de la même chose" : compliquer l'animisme avec des esprits, des génies, puis des dieux, etc. et des sacrifices humains pour acheter la bienveillance des déesses et des dieux, ogres synthétisés par projection des ogres familiers dans la famille.

Regardons l'ogre des juifs, qui est aussi révéré par les protestants via la bible des juifs : un sacré vicelard, immature et jaloux...

Ceux qui nous font le coup des "colères de la déesse Gaïa" eux aussi cherchent à reprendre le pouvoir SOCIAL sur des gens et des faits SOCIAUX qui les dépassent, dont ils ne comprennent rien. Ceux qui nous font le coup du "Réchauffement climatique anthropique via le méchant CO2" n'en ont rien à foutre des réalités climatiques, dont ils ignorent presque tout (bien trop compliqué pour leurs ignorances et leur simplisme totalitaire) : ils veulent reprendre le pouvoir sur vous tous. Vous leur échappez, ils ne supportent pas cela. Voir des exemples des violences de meute qu'ils organisent contre les incroyants :
http://deonto-ethics.org/impostures/index.php?topic=193.0

Si sur le plan de la génétique, "Le hasard et la nécessité" était obsolète l'année même de sa parution en librairies, son analyse de l'animisme n'a pas pris une ride.

Nombreux sont ceux qui n'ont aucune conscience de leur animisme. Les revendeurs de création en "Intelligent Design" par exemple. Les écolos et leur "Gaïa" aussi. En physique théorique, les copenhaguistes sont animistes jusqu'au bout des ongles, et le plus caricatural fut Eugen Wigner.

Nées de besoin politiques nouveaux, créés par la démographie du Néolithique, les religions sont demeurées animistes comme les chamans l'étaient avant eux. Bien plus tard, le rationalisme et la science sont nés des besoins des ingénieurs et des médecins, tandis que les princes avaient besoin des ingénieurs pour ne pas perdre les guerres, et des médecins pour ne plus perdre leurs armées ni leurs sujets. Voilà pourquoi des princes ont protégé Martin Luther, des savants et des ingénieurs contre le totalitarisme du prince de Rome. Toujours d'abord pour la guerre, ils ont protégé des médecins et des facultés de médecine. Actuellement, aucune société moderne ne pourrait survivre sans les conquêtes du rationalisme scientifique, tandis que la plupart des gens n'ont aucune conscience de l'énormité de leurs dettes à son égard.

De toute évidence, le cerveau humain n'a pas été "conçu" (sélectionné) pour l'écrit, ni pour les mathématiques, ni pour le raisonnement écrit. Ni pour la musique non plus du reste, ni pour le dessin industriel non plus. Et pourtant ça marche plutôt bien, pour ceux qui s'en donnent la peine. C'est par un long apprentissage que l'on réaffecte des aires développées pour d'autres usages dans la vie sauvage, pour y loger les acquis de l'école. Le rationalisme aussi s'apprend et se conquiert. Controverse il y a quelques mois avec Fabrice Neyret : lui comme les autres usenautes ignore que l'heuristique, l'art de trouver et d'inventer des solutions, s'apprend et qu'on peut donc le transmettre. Fabrice voulait à toutes forces remplacer "trouveur" par "génie".

Ce qu'aucun des intervenants sur Usenet n'avait encore mis en évidence, est que le rationalisme est à la base une insurrection et un irrespect envers les mythes de la meute localement dominante. Il a donc des prérequis qui ne sont pas anodins :
Il est nécessaire qu'un individu soit admis à exister, à penser, et à communiquer SANS être inféodé au chef de meute ni à une puissante meute protectrice. Il lui faut donc être de longue date dans une société qui garantisse le respect aux minoritaires. Dans un état de droit, démocratique et où la citoyenneté est mature. Aurions-nous pu connaître Spinoza sans l'insurrection de la bourgeoisie néerlandaise contre le totalitarisme espagnol, insurrection durable et victorieuse ?

Il faut de plus que le futur rationaliste ait pu développer un groupe interne pluraliste et tolérant. Cela n'arrive pas dans toutes les familles, loin s'en faut. Et même si sa famille d'origine a été pluraliste et respectueuse un temps, rien ne garantit qu'elle le demeurera dans le temps. Pour prendre l'exemple de mon fils, à moins de trois ans, son indépendance d'esprit et sa curiosité faisaient notre admiration : "Toi tu veux que je sois sage, mais moi j'aime pas être sage", ou encore : "Toi tu as deux parents ; papa aussi a deux parents. Mais alors le premier ?". Dix-huit ans plus tard, le désastre était accompli : sa môman avait besoin d'un aide-bourreau, d'un faux-témoin et d'un fraudeur pour abattre son père, et mon fils accepta cette mission parricide, contre des avantages matériels, contre la corruption dont il ne s'est jamais relevé.

Dans une très large mesure, le rationalisme dépend de l'écrit et des raisonnements écrits, de la communication par écrit avec des gens non présents, très éloignés sur la planète, et/ou décédés. Le rationalisme profite, voire dépend de l'indépendance de l'écrit envers la prosodie et les autres signaux non verbaux, notamment les signaux contextuels et territoriaux. En raisonnement écrit, vous communiquez avec vous-même à plusieurs semaines voire plusieurs années de distance. C'était impossible au temps de la communication exclusivement orale.

Grâce à l'écrit et aux preuves écrites, vous pouvez mettre en évidence les contradictions d'une clique dominante. C'est bien pourquoi les irrationnels totalitaires font des autodafés : ils brûlent des livres et des preuves écrites, sous les rois très-catholiques comme sous le nazisme. Ce que la cheffe de gang qui domine mon fils fit aussi...
Ce que des ouebmestres paranoïaques font aussi, tous les jours sur le Net.