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Thèse : De la supériorité du lapin sur le loup...

Démarré par JacquesL, 06 Juillet 2007, 11:22:29 AM

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JacquesL

C'est l'histoire d'un tout petit et adorable lapin. Un jour qu'il est furieusement occupé à taper comme un malade sur le clavier de son portable connecté en Wifi sur Internet au milieu d'une prairie de cresson, un loup passe et se dit qu'il se le mangerait bien pour son quatre heures, un lapin aussi mignon, hein. Mais interloqué par l'acharnement du lapin à appuyer sur les touches, il demande :
- Mais qu'est ce que tu fais donc, adorable et appétissant petit Lapin ?
- Bin, je fais des recherches pour ma thèse ! répond l'adorable et appétissant sans même broncher d'une oreille.
- Une thèse !? ? Ha ha ha, se gausse le loup, et c'est quoi ton sujet ?
- De la supériorité du lapin sur le loup, répond la boule de poils.
Mort de rire, se tenant le ventre poilu des quatre pattes, le loup n'en croit mot. Et le lapin d'insister, si, si et de proposer au loup de lui faire une démonstration complète dans son petit terrier, ça tombe bien, c'est à deux bonds de là. Le loup se disant qu'après tout, il n'est pas pressé, et que de toute façon, il peut se le manger quand il veut et sans aucun problème, accepte.
On ne revit jamais plus le loup...
Un mois plus tard, c'est un léopard qui remarque le même lapin, toujours au milieu de sa clairière de cresson, très occupé à faire des tas de calculs sur un Cray X11 rutilant.
- Mais qu'est ce que tu fais, adorable et appétissant Lapin ?
- Bin, je fais des calculs pour ma thèse ! répond l'adorable et appétissant sans même lever la tête.
- Une thèse !? ? Ha ha ha, se gausse le léopard, et c'est quoi ton sujet ?
- De la supériorité du lapin sur le léopard, répond la boule de poils.
Le léopard n'en peut plus de rire, en fait même pipi dans sa fourrure, et accepte de suivre le lapin dans son terrier pour qu'il lui démontre de A à Z que si, si, d'ailleurs ça tombe bien le terrier est toujours à deux bonds de là.
On ne revit plus jamais le léopard...
Un mois plus tard, un renard croise le lapin, et là encore, même scénario. Le lapin, fort occupé à chatter sur IRC, lui explique qu'il fait une thèse sur la supériorité du lapin sur le renard. Le renard, après avoir manqué de s'étouffer de rire dans le cresson, suit le lapin chez lui pour la démonstration. D'ailleurs, ça tombe bien, le terrier est toujours à deux bonds de là.
Deux bonds plus tard, au fond du terrier, le renard ébahi découvre un tas d'os de loup et un tas d'os de léopard et un tas d'autres os, et au milieu de la pièce un lion. Un magnifique, un énorme, un terrible lion.
- Je te présente mon directeur de thèse, dit le lapin.
Et le lion se jette sur le renard et le dévore sans façon.

Moralité : Peu importe ton sujet de thèse, ce qui compte c'est le pouvoir de ton patron.

JacquesL

Citation de: Pat le 26 Décembre 2012, 04:43:23 PM
Le vrai scientifique est celui qui sait se mettre à la hauteur de chacun (bien que je ne le considère pas au dessus des autres) ou plutôt qui sait mettre son langage à l'accès de chacun, bref un être humain plein d'humilité qui sait partager ses connaissances en restant les pieds sur terre avec le coeur comme expression ; il y en a des grands dans ce domaine qui sage le faire, utiliser les bons termes pour que beaucoup comprennent (Hubert Reeves par exemple).

Je n'avais aucune envie de me taper la corvée, mais là je crains que je vais devoir m'y coller : expliquer à du grand public ce qu'est la science, et la distinguer de ce qu'elle n'est pas.

La tâche est rude : Pat cité plus haut s'imagine que la science c'est les vulgarisateurs qu'il voit à la TV.
Et la distance culturelle n'est pas petite : je n'ai pas vu Hubert Reeves depuis une vingtaine d'années. Je n'ai pas de TV chez moi et je n'en veux pas.

J'emprunte à Richard Feynman cette citation. Il avait expliqué l'irrespect fondateur à un parterre de professeurs de sciences :
"La science diffère de tous les autres systèmes de transmission des connaissances par une croyance : nous croyons que les experts sont faillibles, que les traditions peuvent véhiculer toutes sortes de fables et d'erreurs, et qu'il faut vérifier, notamment par des expériences".

On sait que la science n'est pas née n'importe où ni n'importe quand. Précisément début 16e siècle, quand les doctes docteurs d'église et les livres de géographie faisant autorité se sont ramassés un échec sanglant : Cristobal Colon avait découvert, par delà la mer Océane des terres qui n'auraient pas dû y être, et ramené des "indiens" qui n'étaient pas dans les livres autorisés. Au Jubilée de la Chrétienté, à Rome en 1500, tout le monde en parlait. Un chanoine craintif s'engoufra dans la brêche : Et si l'Almageste de Ptolémée était faux, lui aussi ? Un ingénieur qui connaissait la mécanique et la résistance des matériaux s'engoufra aussi : Et si Aristote était faux ? On sait que le pape Urbain VIII tint à rappeler à Galileo que c'était lui, le pape, qui était le supérieur hiérarchique de tous les enseignants et savants. Galileo fut condamné en 1633.
Condamné à vivre en isolation campagnarde, interdit de travailler et communiquer, Galileo continua à travailler, à communiquer, à recevoir des visiteurs : la protection des princes y a pourvu.
Pas n'importe quand : en cette Renaissance où les armée permanentes devinrent la plaie permanente des peuples, les princes de la Renaissance toujours en armes et souvent en guerre, y compris contre les armées de Cesar Borgia, avaient besoin des ingénieurs et scientifiques de la Renaissance, pour leurs armes, leurs instruments d'optique (la longue-vue), leurs machines de siège, la construction de navires plus grands et plus rapides, etc.
Et dès Alexandre de Macédoine, les princes guerriers ont apprécié les ingénieurs pour construire des machines de siège.

Pas n'importe où : en Occident chrétien, là où il était admis que tout a des lois, même l'Univers astronomique (héritage du droit romain). Alors qu'en Chine, technologiquement fort en avance à cette époque sur la chrétienté, pas de lois, rien que le caprice de l'Empereur, sinon c'était la décapitation.

Donc voilà, dès les origines, est posé le lien entre la science et les princes : De tous temps, le pouvoir politique (papal ou calviniste inclusivement) a préféré tenir les enseignants et les savants pour des laquais en livrée à son service. De tous temps, les savants ont eu à ruser et manoeuvrer pour se rétablir de l'autonomie. Il n'est pas rare, notamment en sciences humaines pouvant servir à la manipulation judiciaire et aux manipulations politiques, que l'acte de fondation soit un acte de corruption, dont ensuite il faut des siècles pour se dépatouiller.

Actuellement, le plus gros des scientifiques est payé par l'argent public, par les impôts prélevés par les états, et une forte minorité est payée par les industries. Par exemple la majeure partie des rédacteurs du DSM dans ses versions successives, est payée par l'industrie pharmaceutique, qui sait les diriger pour son profit. Il arrive, je sais un cas dans l'industrie des hauts polymères, qu'un groupe industriel cache aux scientifiques académiques, donc à ses concurrents, qu'ils s'enferrent dans une fausse piste, qui stérilise une bonne partie de leurs efforts.

Pour ceux qui sont payés par l'argent des impôts, le contrat social entre eux et les contribuables, est qu'ils fournissent des informations exactes et vérifiées, des méthodes vérifiées...
Le contrat social du scientifique inclut le mandat de se piloter en exactitude : le système de production des connaissances, il est présumé le piloter en exactitude et non en traditions, ni en stratégies de pouvoir, ni en narcissisme, ni en corruption.
Quant à ce que ça se passe rigoureusement comme ça, voire !

Ça ne marche pas sans un contrôle qualité externe et incorruptible. Or justement toute clique, tout clergé vise à disqualifier, si possible zigouiller, tout contrôle qualité externe, et d'autant plus âprement qu'ils ont de l'inavouable à cacher. C'est que l'argent public ou l'argent des mécènes est rare, dur à trouver, dur à répartir entre plein de scientifiques concurrents, voire nécessiteux, les postes rares, et c'est une lutte au couteau.
Bickering and backstabbing...

A suivre.