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Crise: pourquoi un tel désastre?

Démarré par JacquesL, 04 Septembre 2011, 02:24:04 PM

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JacquesL

Note de lecture critique à http://www.marianne2.fr/Crise-pourquoi-un-tel-desastre_a209851.html :
Citer Laurent Pinsolle a potassé pour nous le dernier livre coécrit par Morad El Hattab sur la crise financière. Sous ses airs de polar, Il recense tous les excès de la finance pour constituer une synthèse de la crise jugée excellente par notre bloggeur.

CiterLe dernier livre coécrit par Morad El Hattab sur la crise financière se lit comme un gros polar de près de 400 pages qui recensent tous les excès proprement incroyables de la finance avec un détail qui surpasse les livres que j'avais déjà lus. Une somme foisonnante mais très instructive.


Une excellente synthèse de la crise

Ce livre commence par un citation d'Alan Greenspan qui place d'emblée le sujet : « quand une banque est trop grosse pour faire faillite, c'est qu'elle est trop grosse ». Pourtant rien n'a été fait pour changer cela. Au contraire, elles le sont davantage... Ils dénoncent l'effet de levier et mettent l'accent sur le « hasard moral » qui caractérise cette crise qui a imposé aux contribuables de renflouer la finance puis de subir des plans d'austérité pour restaurer l'équilibre des finances publiques.

Les auteurs font remonter la crise au 9 août 2007, quand BNP Paribas et Bear Stearns (en faillite quelques mois plus tard) ferment cinq fonds de gestion, imposant une injection massive de liquidités de 95 milliards d'euros par la BCE. Ils incriminent la déréglementation, pour laquelle « l'homo economicus est un être parfaitement raisonnable qui sur un marché transparent, alloue ses capitaux de façon toujours optimale en fonction des prises de risque qu'il sait pertinemment consentir ».

La crise financière comporte deux phases. Dans la première, les spéculateurs achètent des actifs risqués à crédit, poussant leur valeur à la hausse, ce qui permet d'empocher de juteux bénéfices grâce à l'effet de levier. Mais dans la deuxième phase, « les actifs s'évaporent, les dettes s'accrochent », imposant un désendettement sauvage et donc une crise. Ils distinguent également les « bulles d'exubérance irrationnelle pure », selon le terme de Frédéric Mishkin, comme la bulle Internet

Ils soulignent que « au-delà d'une certaine ampleur, seul un prêteur en dernier ressort, peut arrêter la descente aux enfers. C'est une mission implicite des banques centrales ». Ils précisent que « lors d'une crise grave de crédit, l'émission de monnaie par la banque centrale ne crée guère d'inflation » du fait de la « trappe à liquidités » théorisée par Keynes, où « quelle que soit l'ampleur de l'émission de liquidités, elles sont thésaurisées » par les banques.

Les auteurs font un récit détaillé et chiffré de la crise. Ils développent dans le détail tous les plans de soutien : la hausse du bilan de la Fed de 867 à 2300 milliards ou l'incroyable PPIP proposé par les banques aux Etats-Unis où elles auraient fourni moins de 10% des capitaux de ce fond destiné à acheter puis revendre des actifs pourris, mais auraient récupéré la moitié des profits ! Ils dénoncent les stress tests et les normes comptables adaptées aux besoins des banques.

L'échec de la dérèglementation

Ils soulignent qu'UBS a perdu 13% de ses actifs pendant la crise et Merrill Lynch près de 20%. Bref, « il faut disposer de 25% de fonds propres... comme les banques américaines des années 1880-1890 ». Lors des discussions sur Bâle 3, la BRI a proposé de définir plus étroitement les capitaux propres, de limiter l'effet de levier, et d'augmenter la liquidité des banques. Paul Volcker a proposé d'interdire aux banques les activités de hedge funds ou de private equity et d'étendre le champ d'action de l'agence de régulation.

Malgré petit à petit, le lobby bancaire a avancé ses pions, aboutissant, aux Etats-Unis à un texte de loi de 1500 pages (30 seulement pour le Glass Steagall Act de 1934) noyant la réforme. Même l'institut Bruegel, par la voix de Nicolas Véron affirme que « les dirigeants politiques, y compris en France et en Allemagne, ont été profondément capturés par leurs establishments bancaires nationaux ».

En fait, les auteurs soulignent que les leçons de la crise de 1929 ont été en partie retenues mais ils disent aussi que « l'intervention des Etats et surtout des banques centrales a permis d'empêcher une faillite systémique bancaire plus que menaçante. Toutefois, pour des raisons d'idéologie économique, l'occasion de nettoyer les systèmes bancaires et les marchés financiers a été rejetée. Les causes de la crise demeurent donc masquées par le retour au bon vieux temps ».

Les auteurs dénoncent un système, « au service exclusif des intérêts personnels de leurs dirigeants » où « dès lors qu'elles sont trop grosses pour faire faillite, les grandes banques peuvent prendre tous les risques qu'elles estiment nécessaires pour doper leurs résultats ; et, en cas de déficience des modèles mathématiques informatisés, les Etats garantiront les passifs, reprendront les actifs toxiques aux frais du contribuable, tandis que les banques centrales fourniront les liquidités nécessaires aux marchés ».

Après avoir fait un récit fouillé de la crise, de ses prémices jusqu'à mi-2010, les auteurs développent les raisons qui nous ont mené à un tel désastre, ce que j'étudierai dans la deuxième partie de ce compte-rendu.

Retrouvez Laurent Pinsolle sur son blog.
http://gaulliste-villepiniste.hautetfort.com/archive/2011/09/02/morad-el-hattab-explique-la-crise.html

JacquesL

http://www.lemonde.fr/economie/article/2011/09/06/le-risque-de-faillite-d-une-grande-institution-financiere-europeenne-est-reel_1568203_3234.html

Interview de Nicolas Véron, rien pour rassurer, et les critiques des lecteurs sont acerbes envers ce système de profits privés et de pertes collectivisées :

CiterLes banques sont à nouveau parmi les premières visées par la panique des marchés. Pour l'économiste Nicolas Véron du centre de recherche Bruegel, l'Europe n'a pas suffisamment renforcé son système bancaire.

Pourquoi les banques continuent-elles de dévisser en Bourse ?

Nicolas Véron : Leur principal problème, c'est leur exposition aux Etats de la zone euro, eux-mêmes affectés par la défiance. Trois crises se confondent : celle des banques, celle des Etats dont les perspectives de croissance sont insuffisantes pour redresser leurs finances publiques, et celle des institutions européennes, incapables d'apporter les réponses nécessaires.

La crise bancaire est déjà ancienne. L'Europe n'a jamais vraiment fait le ménage depuis la chute de [la banque d'affaires américaine] Lehman Brothers, notamment en 2009 quand les conditions de marché étaient plus favorables. Elle le paie aujourd'hui.

La défiance est-elle plus grande à l'égard des établissements européens ?

Le problème n'est pas uniquement européen. Les banques américaines ont aussi pris des coups cet été. Bank of America ou Citigroup ont connu de fortes baisses de cours. Les inquiétudes sur la conjoncture mondiale et américaine pèsent. Et ces banques doivent gérer l'héritage des subprimes, qui leur font courir des risques juridiques importants. Toutefois, ce facteur de risque me semble moins important que ce qui se passe en zone euro. De ce fait, le système bancaire européen est plus fragile qu'aux Etats-Unis ou en Asie.

Comment enrayer cette spirale ?

Le fait que les valeurs bancaires baissent en Bourse ne représente pas un risque en tant que tel pour la stabilité du système. L'épisode actuel est différent de celui de 2008, où les banques ne parvenaient plus à se refinancer. Mais s'il n'y a pas d'action du côté des décideurs publics, la situation va continuer à se dégrader. Il faut remettre le système bancaire d'aplomb et agir en même temps vis-à-vis des crises souveraines et institutionnelles. Agir sur tous ces fronts peut enrayer la dynamique de crise.

Une recapitalisation des banques est-elle indispensable ?

Un certain nombre de banques en ont besoin. Il s'agit de savoir lesquelles. Il faut une transparence accrue sur l'état réel des bilans bancaires par rapport aux "stress tests" de juillet. Les banques qui n'ont pas assez de capital doivent faire appel au marché pour se renforcer. Si elles n'y parviennent pas, il faut les restructurer en injectant du capital public, en les fermant ou en les vendant à des concurrents. Dans le cas du Japon, les banques ont beaucoup trop tardé à accepter la nécessité d'un "triage" qui identifie les maillons faibles. Elles n'ont finalement pas évité ce processus, mais dans l'intervalle, le Japon a perdu une décennie de croissance.

Où sont les poches de faiblesse ?

Certaines sont connues, comme en Espagne ou en Allemagne. Mais même en France, il faudrait encore plus de transparence pour rassurer les marchés sur la valeur de certains actifs. Le problème, c'est que chaque Etat membre protège ses banques. C'est une forme de nationalisme économique. C'est pourquoi l'exercice des tests de résistance n'est pas allé assez loin, même s'il y a eu un progrès cette année par rapport à 2010, grâce entre autres à la création de l'Autorité bancaire européenne en janvier.

Y aura-t-il de nouvelles faillites bancaires ?

Il serait irresponsable de nier le risque qu'une grande institution financière européenne puisse s'effondrer. Il est aujourd'hui bien réel. Il faut donc identifier les maillons faibles et les traiter avant qu'il ne soit trop tard. Toutefois, la crise actuelle ne se réduit plus, comme en 2009, à sa seule dimension bancaire.

Que risquent les clients des banques ?

A l'exception éventuelle de quelques familles très riches, les ménages sont très bien protégés par le système de garantie des dépôts, notamment en France où les finances publiques sont encore robustes. Ils n'ont donc pas de souci immédiat à se faire. Mais la situation est différente pour les grands créanciers institutionnels, qui ne bénéficient pas des mêmes protections.
Propos recueillis par Cécile de Corbière