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Afrique : sexe et politique à la sauce gombo

Démarré par JacquesL, 01 Juin 2011, 12:43:12 AM

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JacquesL

Afrique : sexe et politique à la sauce gombo

http://www.slateafrique.com/2101/affaire-dsk-sexe-politique-sauce-gombo

CiterLes frasques d'un politique, quoi de plus habituel? Sauf que sur le continent, les puissants échappent à la justice...

Un jour dans une chambre d'hôtel de New York, l'un des hommes politiques les plus puissants du monde, Dominique Strauss-Kahn, aurait croisé le chemin d'une femme de chambre d'origine africaine. Que s'est-il passé ce 14 mai 2011 à la sortie de la douche du président du Fonds monétaire international (FMI)? A-t-il agressé l'employée? L'a-t-il violée? Gardons-nous bien de trancher cette épineuse question. Laissons la justice américaine se prononcer sur cet homme aujourd'hui inculpé de tentative de viol.

Quoi qu'il en soit, le résultat est là: spectaculaire. Dominique Strauss-Kahn ne passe plus ses nuits dans des suites. Mais dans une prison américaine. En Afrique, ce drame américano-franco-africain fascine. Le patron du FMI n'est pas un inconnu sur le continent. Loin de là. Les Africains savent qu'il est l'un des hommes les plus influents du monde. Tout particulièrement en Afrique, le FMI joue un rôle essentiel. Il est courtisé par presque tous les chefs d'Etat. Un allègement de la dette est toujours bon à prendre. Dans les années 1990, le FMI a dicté sa politique à des dizaines de pays africains. Il leur a notamment demandé de réduire les dépenses de l'Etat. Souvent les économies préconisées par le FMI se sont traduites par des réductions des budgets de santé ou d'éducation. Le FMI n'avait pas toujours bonne presse. Même si, depuis quelques années, il a changé de cap: il a adopté une «vision du monde plus sociale».

Strauss-Kahn est d'autant moins un inconnu sur le continent que l'Afrique francophone se passionne pour la vie politique française. Alors apprendre que le tout-puissant DSK croupit en prison a vraiment de quoi surprendre cette région du monde.
Les frasques de Bokassa

Déjà l'affaire Monica Lewinsky avait étonné. Comment Bill Clinton, très populaire sur le continent, avait pu voir vaciller son trône à cause d'une «affaire de cigare»? En Afrique, les dirigeants se permettent bien davantage de privauté. Lors de mon récent séjour à Bangui, les Centrafricains se plaisaient encore à narrer les frasques de l'empereur Bokassa (au pouvoir de 1966 à 1976).

    «Si une femme lui plaisait, il la prenait. Il pouvait même jeter son mari en prison afin d'avoir le champ libre. Du coup, les Banguissois évitaient de sortir en ville avec leur femme préférée. Ils préféraient la cacher à la maison. Pour les sorties officielles, ils se déplaçaient avec une femme qui les intéressait moins», m'explique Lucien, un enseignant de Bangui.

Bokassa avait une affection particulière pour les femmes au teint clair. «Il lui est arrivé d'en séquestrer dans son palais et de ne les libérer qu'au bout de quelques années», explique l'écrivain Serge Félix N'Piénikoua. Fantasmes ou réalités? En tout cas, personne à l'époque n'a songé à prévenir la justice. L'idée aurait même fait rire. La justice était entièrement aux mains du despote.

D'autres dictateurs du continent avaient la réputation de pratiquer le droit de cuissage. Du Congolais Mobutu à l'Ougandais Idi Amin Dada, ils ont fait parler d'eux partout sur le continent avec des «exploits sexuels» que la morale réprouve.

Au Nigeria, le dictateur Sani Abacha (au pouvoir de 1994 à 1999) avait un goût prononcé pour les prostituées libanaises. Une addiction qui ne lui aurait pas porté chance. Selon la presse nigériane, il serait mort entre leurs bras après que l'une d'elles l'eut empoisonné.
L'abus de pouvoir se porte bien

Aujourd'hui, le comportement des hommes de pouvoir a-t-il changé en Afrique? Rien n'est moins sûr. Caroline D, une jeune journaliste africaine, me confiait récemment que dans son pays, la République démocratique du Congo (RDC), la condition des femmes ne s'était guère améliorée: 

    «Encore à notre époque, c'est très mal vu pour une reporter de refuser de coucher avec un homme de pouvoir. Ça peut même se révéler dangereux, il prendra ça comme une offense personnelle. Un affront. Il peut réagir très violemment.»

Ailleurs, sur le continent, les femmes sont rarement en position de dire non aux puissants, les «big men», comme on les surnomme en Afrique anglophone. Même en Afrique du Sud, les plaintes pour viol contre le président Jacob Zuma ont donné lieu à de violents débats. La plaignante, une jeune séropositive, était régulièrement prise à partie par des militantes de l'ANC (Congrès national africain, le parti au pouvoir) qui criaient avec enthousiasme lors de manifestations de rue: «Nous aussi, nous voulons être violées par Jacob.»

Lorsque la victime d'abus sexuels est une «simple domestique», sa chance de faire entendre sa voix est presque nulle. Combien de fois des domestiques ont-elles été violées ou même tuées sans que cela ne donne lieu à procès? 

    «Au Nigeria, un peu d'argent glissé à la police au bon moment et l'affaire est réglée, sans provoquer de grands émois», explique Ade, un Lagosien, choqué par les mauvais traitements infligés aux «petites bonnes».

A prisonnier VIP traitement VIP

Autre sujet d'étonnement en Afrique, le fait que DSK le magnifique soit logé à la même enseigne que le commun des mortels. Quiconque a visité une prison africaine sait qu'il existe le plus souvent un deux poids deux mesures. Certains prisonniers VIP vivent un peu comme à la maison. Des femmes viennent leur faire la cuisine ou l'amour. Ils sortent un peu selon leur bon plaisir. Seule obligation: rentrer le soir (à leur domicile du moment). Sous peine de mettre le directeur de la prison dans l'embarras. Un Dakarois, récemment sorti de prison, se félicitait devant moi de sa bonne fortune.

    «Lors de mon incarcération, je me suis fait un nombre de contacts incroyable. J'avais été placé dans le carré VIP. Avec moi, il y avait des politiciens, des ministres, des hommes d'affaires puissants. Aujourd'hui, ces contacts me servent beaucoup. Je ne regrette vraiment pas ce séjour en prison.»

Pas sûr que DSK dresse le même constat à sa libération. Mais les Africains sont-ils les seuls à être effarés? Rien n'est moins sûr. En France aussi, les commentateurs s'étonnent de l'absence d'espace VIP pour DSK. Ils regrettent qu'il apparaisse à la télévision dans des habits froissés. Alors que ses amis soulignent à l'envie que DSK est si soucieux de sa personne. Selon la presse française, il affectionne les costumes à plusieurs dizaines de milliers d'euros. N'est-ce pas cruel de priver un homme de cette qualité des menus plaisirs de l'existence? L'image de la France n'est-elle pas menacée?

Les médias français ne se soucient guère de la victime présumée: quel est son état psychologique? Comment va réagir sa famille? Le sujet n'a pas l'air d'intéresser grand monde. Au fond, la France réagit un peu comme l'Afrique. Elle semble découvrir avec un certain effarement l'impensable, digne d'un feuilleton américain à rebondissements: les puissants ne seraient pas toujours au-dessus des lois.

Pierre Cherruau