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Piraterie au large de la Somalie. Les commanditaires ?

Démarré par JacquesL, 29 Juin 2010, 07:49:30 PM

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JacquesL

http://www.voltairenet.org/article165499.html

CiterLa piraterie au large de la Somalie fait courir un risque majeur aux navires reliant la Méditerranée à l'océan Indien. Officiellement le phénomène échappe à tout contrôle et les grandes puissances ont été contraintes de dépêcher leur marine de guerre dans la zone pour escorter leurs bateaux marchands. Pourtant, dans certains ports somaliens, on peut voir des navires capturés, amarrés sagement en ligne dans l'attente de leur rançon, sans que les pirates craignent les bâtiments de guerre croisant au large.
...
Ce qui était au départ —et reste dans de nombreux cas— une activité opportuniste de pécheurs affamés, a donné naissance à un business très lucratif. Des navires ont été capturés avec leurs équipages, tandis que des intermédiaires ont réclamé de lourdes rançons aux armateurs. Ce grand banditisme s'est développé en fonction des rebondissements politico-militaires en Somalie et a servi de justification au déploiement d'une armada occidentale à prétention néo-coloniale.
...
Ce n'est qu'à partir de 2007 que les choses prirent une tournure particulièrement grave. En soutenant une coalition hétéroclite de chefs de guerre contre les Tribunaux islamiques, la CIA et l'Ethiopie réactivèrent les conflits claniques qui commençaient à s'apaiser. A la faveur du désordre dans lequel le pays s'enfonçait à nouveau, deux milieux, bientôt structurés en organisations criminelles, se spécialisèrent dans la piraterie. La première sévit dans le golfe d'Aden et la seconde, dans les eaux internationales, très au large de Mogadiscio [4].

Il est clair que ces deux groupes n'ont rien à voir avec les pirates précédents. Alors qu'au début des années 2000 et dans certains cas encore, les abordages étaient soit l'extension en mer d'un conflit à terre, soit des razzias effectuées par des pêcheurs affamés, il s'agit cette fois de crime organisé avec des ramifications internationales.
...
Le groupe d'experts de l'ONU évoque neuf organisations criminelles concurrentes, dont trois principales [13].

La plus célèbre est dirigée par Abshir Abdillahi, dit « Boyah », un parent du président du Pount, Abdirahman Mohamed, dit « Faroole ». Agé de 44 ans, il est originaire du port d'Eyl, dont il a fait sa base principale. Il revendique une milice de plus de 500 hommes et 25 à 60 captures de navires en haute mer. Parmi ses prises, il compte le chimiquier japonais Golden Nori (28 octobre 2007, rançon : 1,5 million de dollars) et le yatch de luxe français Le Ponant (4 avril 2008, rançon 2 millions de dollars). Les rançons obtenues représentent des sommes astronomiques au regard du revenu annuel moyen des Somaliens —parmi les plus pauvres du monde— : 282 dollars par an.

L'Etat autonome du Pount, c'est la version moderne de l'île de la Tortue. Le gouvernement de Bossaso (c'est le nom de la capitale du Pount) se targue d'entretenir des relations avec l'Allemagne, Djibouti, les Emirats, l'Espagne, les Etats-Unis, l'Ethiopie, le Kenya et la Banque mondiale [14]. Il affiche un budget annuel de 30 millions de dollars, bien peu par rapport aux revenus des organisations pirates. Rien d'étonnant à ce que « Boyah » ait bénéficié de la protection du gouvernement du Pount, notamment du président « Faroole », du ministre de l'Intérieur, le général Abdullahi Ahmed Jama dit « Ilkajiir », et du ministre de la Sécurité intérieure, le général Abdillah Sa'iid Samatar. Selon ses déclarations à Garowe Online (août 2008), c'est à eux qu'il reversait les 30 % des rançons réservés aux commanditaires..

« Boyah » a annoncé, en mai 2009, se retirer des affaires avec 180 de ses hommes. Il semble qu'un de ses parents, Mohamed Abdi Garaad, ait pris sa succession. Sa milice comprend aujourd'hui 800 hommes divisés en 13 groupes. Il est notamment le responsable de la capture du vraquier japonais Stella Maris (20 juillet 2008, rançon 2 millions de dollars), et des navires marchands malais Bunga Melati Dua (18 août 2008, rançon 2 millions de dollars), allemand BBC Trinidad, rançon 1 million de dollars (21 août 2008) et iranien Iran Deyanat (21 août 2008). Il a aussi commis une maladresse en attaquant le porte container états-unien Maersk Alabama (8 avril 2009), suscitant l'intervention musclée de la Ve flotte US.

Un autre gang est installé dans la province disputée de Sanaag. Il est commandé par Fu'aad Warsame Seed, dit « Hanaano ». C'est une petite milice d'une soixantaine d'hommes, disposant d'un important équipement militaire. Elle a notamment capturé le yatch allemand Rockall (23 juin 2008, rançon 1 million de dollars), le chimiquier turc Karagol (12 novembre 2008), deux navires de pêche égyptiens Mumtaz 1 et Samara Ahmed (10 avril 2009) et le remorqueur italien Buccaneer (11 avril 2009).
« Hanaano » est protégé par le ministre de l'Intérieur « Ikaljiir », dont il finance les activités politiques. Par malchance, il a été arrêté par les Yéménites alors qu'il tentait une nouvelle opération dans leurs eaux territoriales, le 15 octobre 2009. Le gouvernement du Pount négocie sa libération.

Au centre de la Somalie, une autre organisation a été créée par Mohamed Hassan Abdi, dit « Afweyne » et serait aujourd'hui dirigée par son fils Abdiqaadir. Elle est basée dans les ports de Xaradheere et d'Hobyo et, pour se donner une légitimité, elle s'auto-proclame « Gardes-côtes de la région centre ».

Son bilan connu est impressionnant : le Semlow (26 juin 2005), Le méthanier chinois Feisty Gas (10 avril 2005, rançon 315 000 dollars), le Rosen (25 février 2007), le cargo danois Danica White (2 juin 2007, rançon 1,5 millions de dollars), le thonier espagnol Playa de Baskio (20 avril 2008, rançon 770 000 euros), le chimiquier malais Bunga Melati (18 août 2008, rançon 2 millions de dollars), le vraquier grec Centauri (17 septembre 2008), le cargo grec Captain Stefanos (21 septembre 2008), le cargo ukrainien Faina (25 septembre 2008, rançon 3 millions de dollars), le chimiquier philippin Stolt Strength (10 novembre 2008), le thonier chinois Tian Yo no 8 (15 novembre 2008) , le super tanker saoudien Sirius Star (15 novembre 2008, rançon 15 millions de dollars !), le paquebot Indian Ocean Explorer (2 avril 2009), le porte-conteneurs allemand Hansa Stavanger (4 avril 2009, rançon 2 millions de dollars), le dragueur belge Pompei (18 avril 2009, rançon 2,8 millions d'euros), le vraquier grec Ariana (2 mai 2009, rançon 3 millions de dollars), le navire de pêche espagnol Alakrana (2 octobre 2009, rançon 2,3 millions d'euros), le porte-conteneurs singapourien Kota Wajar (15 octobre 2009, rançon 4 millions de dollars), le vraquier chinois Xin Hai (19 octobre 2009, rançon 4 millions de dollars), et dernièrement... le tanker russe Moscow University (5 avril 2010, pas de rançon).

Pirates ou flibustiers ?

Si nous revenons au précédent historique des Frères de la côte dans les Caraïbes du XVIIe siècle, les pirates avaient pu s'installer dans leurs « 13 paradis » parce qu'ils rendaient de discrets services aux Etats. Ils étaient en fait des flibustiers, c'est-à-dire qu'ils étaient occasionnellement chargés par les autorités politiques de missions inavouables. Il ne peut évidemment pas en être autrement aujourd'hui.

L'état-major russe a envisagé une opération multinationale pour nettoyer le Pount et les ports de Xaradheere et d'Hobyo. Les Anglo-Saxons ont vivement repoussé cette brutale proposition. Et pour cause : les dirigeants politiques de ces territoires sont des alliés de la CIA, du MI6 et du Mossad contre les islamistes d'Al-Shabaab. Pour lui donner une couleur africaine, le soutien massif des Anglo-Saxons passe par Addis-Abeba (Ethiopie) où le département d'Etat est en train de construire sa plus grosse ambassade dans le monde, après celle de Bagdad (Irak).

Selon l'hebdomadaire britannique The Spectator, les chefs pirates du Pount ont été reçu en amis à bord de navires de guerre US pour prendre le café ...

JacquesL

http://www.meretmarine.com/article.cfm?id=115120

CiterPiraterie : Entretien avec le contre-amiral Philippe Coindreau

La piraterie a atteint, en 2010, un niveau record. Pas moins de 445 attaques ont été recensées dans le monde, soit une augmentation de 10% en un an. D'après le Bureau Maritime International, 53 navires et 1181 marins ont été capturés par les pirates l'an dernier. Le nord de l'océan Indien demeure la zone où la piraterie est la plus active. Ainsi, au 1er janvier, 28 navires et 654 marins étaient retenus en otage le long de la côte somalienne, à partir de laquelle opèrent les pirates. Pour répondre à la menace que fait peser la piraterie sur le commerce maritime transitant dans la zone, et protéger les convois humanitaires destinés à la population somalienne, l'Union Europe a lancé, en décembre 2008, l'opération Atalante. Depuis plus de deux ans, une force navale européenne est déployée en permanence dans la région. D'août à décembre 2010, l'EU-NAVFOR (ou Task Force 465) a été commandée par le contre-amiral Philippe Coindreau, adjoint du commandant de la force aéromaritime de réaction rapide (FRMARFOR) de la Marine nationale. Avec lui, nous revenons sur l'opération Atalante, le bilan de ces quatre mois de commandement français et l'évolution de la piraterie au large de la corne d'Afrique.
__________________________________________________

MER ET MARINE : Quelles sont les spécificités de l'opération Atalante ?

CA PHILIPPE COINDREAU : Il s'agit de la première opération purement maritime de l'Union Européenne depuis sa création. Elle a été lancée en décembre 2008, initialement avec un mandat d'un an. Puis elle a été reconduite d'un an en 2009 et pour deux ans à l'été 2010, ce qui fait que nous avons aujourd'hui une visibilité jusqu'en décembre 2012. Le cadre légal d'Atalante s'appuie sur la Convention de Montego Bay sur le droit en haute mer, et sur plusieurs résolutions de l'ONU, qui ont donné un mandat pour lutter contre la piraterie et nous autorise notamment à pénétrer dans les eaux territoriales somaliennes pour conduire les opérations de lutte contre la piraterie. Ce sont les deux bases juridiques d'Atalante.

De quelle nature est la mission de la task force européenne ?

Atalante regroupe trois tâches. La première, historique, vise à protéger les bâtiments du Programme Alimentaire Mondial (PAM) acheminant l'aide humanitaire en Somalie. Cette tâche s'est rapidement étendue aux bâtiments qui assurent le soutien de la mission de l'Union africaine en Somalie, l'AMISOM.
La seconde tâche est la protection des bâtiments de commerce vulnérables à la piraterie, c'est-à-dire les navires difficilement défendables car offrant une faible vitesse et un franc bord peu important.
Enfin, la troisième tâche est la lutte contre la piraterie maritime au large des côtes somaliennes. C'est la tâche la plus ambitieuse et la plus difficile.

Notamment en raison de l'immense zone à couvrir...

Oui, la zone d'opération est excessivement étendue et couvre, pour donner une idée, deux fois la superficie de l'Europe. Elle comprend l'ensemble du golfe d'Aden, par où transite l'essentiel du trafic maritime mondial, ainsi que les trois quarts de l'océan Indien dans sa largeur. Ainsi, les navires de l'opération Atalante interviennent jusqu'à 65 degrés de longitude Est et jusqu'à 15 degrés de latitude sud, soit nord de Madagascar. Ces nouvelles limites géographiques, fixées à l'été 2010, tiennent compte de l'évolution des actes de piraterie.

Quels sont les moyens mis en oeuvre et comment s'organise le commandement ?

La force est composée de bâtiments et de détachements de patrouille maritime fournis par les marines des Etats membres de l'UE. Durant les quatre mois où la France commandait l'opération, cela représentait en permanence 7 à 12 bâtiments et 3 à 4 détachements de patrouille maritime, soit un ensemble de 1800 marins et aviateurs.
Le commandement de l'opération est assuré par le biais d'un état-major opératif multinational situé à Northwood, dans la banlieue de Londres. Il est dirigé par les Britanniques avec le renfort d'officiers de l'UE. Les forces sont commandées au travers d'un état-major embarqué, le Forward Headquarter (FHQ), qui change tous les quatre mois. J'ai pris ce commandement le 15 août 2010 à la suite des Suédois et l'ai transmis le 14 décembre dernier aux Espagnols. C'était d'ailleurs la première fois que la France prenait le commandement de l'opération Atalante depuis sa création.

Lors de vôtre commandement, on a pu voir sur vôtre bâtiment, la frégate De Grasse, un drapeau belge. Pour quelle raison ?

Durant mon mandat, la Belgique assurait la présidence de l'Union Européenne. Dans cette perspective, le ministère belge de la Défense s'était rapproché de son homologue français pour obtenir une visibilité au cours de l'opération. Un accord bilatéral a été conclu et, au sein de mon état-major, une grande partie des officiers provenait de la marine belge, dont mon adjoint.

L'EU-NAVFOR est constituée de moyens très différents provenant de nombreux pays. Est-ce facile de travailler ensemble ?

Les marines européennes, qui sont pour la plupart des marines de l'OTAN, sont habituées à travailler ensemble. De plus, la France avait mis en place un système de communication tactique spécifique permettant à l'ensemble des unités et détachements de la force Atalante de communiquer entre eux. Ce système d'aide au commandement a été très utile.

Au-delà des navires européens, il faut aussi coopérer avec d'autres forces navales, également déployées au large de la corne d'Afrique dans le cadre de la lutte contre la piraterie...

Oui, il y a notamment la Task Force 508 de l'OTAN qui intervient dans le cadre de l'opération Ocean Shield, ainsi que la Task Force 151, formée par une coalition emmenée par les Etats-Unis. Les trois Task Forces travaillent ensemble avec un niveau de coopération remarquable. Dans le golfe d'Aden et l'océan Indien, les commandants de ces TF assurent d'ailleurs, à tour de rôle, la coordination des trois forces puisque la lutte contre la piraterie maritime est commune à nos mandats respectifs.
Il faut aussi souligner qu'en dehors de ces Task Forces, il y a également sur place des forces navales indépendantes, par exemple des bâtiments des marines russe, chinoise, japonaise, indienne ou sud-coréenne.

Pourquoi n'a-t-on pas une seule et unique force de lutte contre la piraterie ?

Au niveau tactique, les TF européenne, otanienne et américaine coopèrent extrêmement étroitement, ce qui peut se mesurer aux résultats obtenus. Après, ce sont des choix politiques mais l'intérêt de ces trois TF est que chacune réunit des nations différentes. Et aucune force ne pourrait rassembler un aussi vaste nombre de nations.

Quels sont les résultats obtenus par les moyens de lutte contre la piraterie ?

Sur l'ensemble de la zone, nous avons, durant mon mandat, intercepté 150 pirates.
Concernant l'escorte des bâtiments du PAM et de l'AMISOM, qui est la première priorité d'Atalante, 100% des bâtiments escortés sont arrivés à bon port. Quand on sait que cette aide humanitaire fait vivre la moitié de la population somalienne, on mesure l'importance de cette tâche.
Dans la zone du golfe d'Aden, le corridor recommandé pour le transit maritime (International Recommended Transit Corridor - IRTC) fait l'objet d'une surveillance particulière de la part des trois Task Forces. Pendant les quatre mois où la France commandait l'opération Atalante, aucun bâtiment n'a été piraté et globalement, en 2010, aucun navire suivant les recommandations de l'OMI n'a été piraté. C'est un succès à mettre à l'actif des trois TF.

Le golfe d'Aden et les convois vers la Somalie semblent donc sécurisés mais, ailleurs dans l'océan Indien la piraterie connaît apparemment une forte progression. Qu'en est-il ?

Nous avons constaté une évolution de la piraterie qui s'est déplacée notamment au largedu Kenya et de la Tanzanie. Globalement, on note une hausse de l'activité globale alors que les forces navales maintiennent le nombre de bâtiments piratés stables, en dépit de l'augmentation des attaques et des interceptions. D'août à décembre 2010, ces actes de piraterie ont, en effet, augmenté de 40% par rapport à la même période de 2009. Le phénomène prend donc de l'ampleur mais, pour le moment, les forces navales parviennent à le contenir.

Les modes opératoires des pirates ont-ils changé ?

Dans le golfe d'Aden, les pirates attaquent avec des embarcations rapides et emploient le même mode d'action et les mêmes armements que les années passées. En revanche, dans le bassin somalien, qui est beaucoup plus vaste, ils ont besoin de faire appel à une logistique plus conséquente. Celle-ci est fournie par des bateaux, des baleinières, qu'ils possèdent en propre et qui sont également utilisés par les pêcheurs somaliens. Mais ils utilisent aussi des bâtiments qu'ils piratent, les fameux « mother ships », qui sont de plus en plus nombreux. Il s'agit de navires de pêche ou même, nous l'avons vu, des bâtiments de commerce classiques. Les mother ships leur permettent d'opérer bien plus loin en mer. De plus, les pirates prennent soin de ne pas débarquer les équipages, dont ils se servent comme otages. Cela rend extrêmement délicate toute intervention à l'encontre de ces bâtiments.

Malgré les nombreuses interceptions réalisées, il semble y avoir de plus en plus de plus de pirates en activité au large de la Somalie ? Pourquoi ?

Il y a à l'évidence plus de candidats à la piraterie. La raison est simple. Les pirates somaliens perçoivent une partie de la rançon et, même si c'est une partie infime, elle est sans comparaison avec ce que gagnent leur compatriotes, simples pêcheurs ou gardiens de troupeaux. Cette activité est attractive car elle permet de nourrir ceux qui la pratiquent.

Ce développement n'est-il pas lié, aussi, à un problème de dissuasion dans la mesure où plus d'un pirate sur deux est relâché faute de structures suffisantes pour mener des poursuites judiciaires. Au final, ne se disent-ils pas que le risque demeure limité et que le jeu en vaut la chandelle ?

Les forces navales ne dissuadent pas les pirates de prendre la mer. Le fait que nous soyons obligés de relâcher beaucoup des pirates que nous interceptons en est sans doute une des raisons. Nos bases légales s'appuie sur la Convention de Montego Bay qui définit l'activité de piraterie en haute mer comme un crime mais, en même temps, qui rappelle aussi que la haute mer appartient à tout le monde. Ceux qui peuvent juger les pirates somaliens sont soit les autorités somaliennes, mais celles-ci ne sont pas aujourd'hui en mesure de le faire, soit les nations dont les navires militaires interceptent des pirates, mais cela dépend alors de la volonté de ces nations de juger les pirates. Il y a aussi d'autres voies, au travers des accords signés par l'Union Européenne avec des pays riverains pour juger les pirates.

Les conventions signées avec les pays riverains pour juger les pirates étaient pressenties comme une solution mais elles se révèlent limitées. Seules les Seychelles sont d'ailleurs encore partie prenante, le Kenya refusant désormais d'accueillir des pirates sur son sol...

Durant mon commandement, le Kenya n'a, il est vrai, pas reconduit l'accord et traite désormais les situations au cas par cas et cela nous a posé des difficultés. Une porte s'est donc refermée mais il fait espérer que cette situation ne soit que temporaire. Des discussions sont actuellement en cours avec d'autres Etats de la région, comme l'Ile Maurice ou la Tanzanie, pour signer de nouvelles conventions.

Pourquoi le Kenya a-t-il renoncé à juger les pirates ? Il y a pourtant eu des aides de la part de la communauté internationale ?

L'Union Européenne est un contributeur important d'aide pour la Somalie au travers de certaines organisations, comme l'ONU. A ce titre, le Kenya a, en effet, été aidé pour ses tribunaux et prisons. Toutefois, les autorités kenyanes ne souhaitent pas être les seules à être impliquées dans les aspects juridiques de la lutte contre la piraterie.

Nairobi a également fait part de sa crainte de voir des éléments terroristes issus de la piraterie s'implanter sur le sol kenyan. A-t-on des preuves de liens entre la piraterie et le terrorisme ?

Le Kenya, qui a une frontière avec la Somalie, évoque des risques d'attentats sur son sol orchestrés par les milices islamiques Al Shabbab, situées au sud de la Somalie. Nous savons que dans les zones occupées par ces milices, il existe des camps de pirates, au moins tolérés. Mais il est, à ce stade, impossible de dire que l'argent de la piraterie alimente les réseaux terroristes.

Mais alors, qui est derrière la piraterie, dont en sent qu'il d'agit d'une activité organisée ?

C'est une très bonne question. La piraterie est visiblement de mieux en mieux organisée, car la logistique utilisée au nord et au sud est la même, ce qui indique que les fournisseurs sont identiques. Les matériels les plus modernes que nous trouvons à bord des embarcations pirates sont des GPS, des téléphones cellulaires et satellitaires, ainsi que des moteurs de plus en plus puissants. Il y a vraisemblablement des gens qui organisent cette activité, mais nous ne savons pas qui.

Pensez-vous que les pirates, qui disposent donc de moyens de communication et de localisation, sont dirigés depuis la terre vers leurs cibles potentielles ?

Non, je ne crois pas qu'il y ait un pilotage de cette nature. Il y a en revanche un vrai savoir et une connaissance des pirates pour les eaux qui bordent la Somalie et le trafic maritime qui y navigue. Ils connaissent les « bons endroits » et saisissent des opportunités.

Les moyens navals déployés sont-ils adaptés ?

Les moyens dont nous disposons répondent bien à nos besoins. Ils sont endurants et de nombreux bâtiments ont une capacité porte-hélicoptère, capacité particulièrement utile dans cette opération.

Comment se comportent les compagnies maritimes civiles dans les secteurs à risques ?

Certaines compagnies ont abandonné le bassin somalien. Elles font passer leurs navires par le sud et le cap de Bonne Espérance avant de remonter vers l'Europe en longeant l'Afrique de l'ouest. Mais ce n'est pas généralisé, loin de là.
Le corridor du golfe d'Aden est largement emprunté. Dans ce secteur, les trois Task Forces patrouillent dans des zones adjacentes qui couvrent la zone menacée par les pirates. S'y ajoutent les moyens des autres forces navales, qui organisent des convois. L'ensemble, complémentaire, est très efficace.

Pour contrer les attaques, un certain nombre de recommandations, les Best Management Practices, ont été élaborées par l'Organisation Maritime Internationale et les industries maritimes, en collaboration avec les forces militaires. Les navires civils qui naviguent dans la zone suivent-ils ces pratiques. Sont-elles efficaces ?

La meilleure protection des bâtiments de commerce est celle qu'ils appliquent eux-mêmes. Les recommandations sont de mieux en mieux appliquées et ont, très clairement, un impact positif sur les résultats. Mise en place de barbelés le long de la coque, utilisation de lances à incendie, création à bord des bâtiments de salles de repli où l'équipage peut se retrancher, communiquer et vivre, tout en conservant l'usage de la barre et des machines... Ces pratiques dissuadent et empêchent l'activité de piraterie, du fait simplement que le bâtiment n'est pas accessible. Ce sont des mesures qu'il faut encourager et, au travers d'Atalante, nous recommandons ces pratiques, notamment lors des escales, où nous en faisons la promotion auprès des bâtiments de commerce.

On constate, en parallèle, que de plus en plus de compagnies ont recours à des sociétés de protection privées, avec des gardes armés à bord de leurs navires.

L'OMI et un certain nombre de pays, comme la France, ne sont pas favorables à ces dispositions. Mais force est de constater que l'on voit ces pratiques se développer.
Il faut bien distinguer les compagnies privées des équipes de protection embarquée mises en place par les Etats, par exemple sur les navires marchands du PAM, où des militaires sont détachés pour assurer la protection tout en donnant plus de souplesse au bâtiment d'escorte. Dans un cas comme dans l'autre, on peut dire qu'il n'y a pas de bâtiment possédant une équipe de protection qui a été attaqué.
Mais l'emploi de la force et l'ouverture du feu par les sociétés privées posent des problèmes de responsabilité si des erreurs ou des bavures sont commises.

Comment pensez-vous que la problématique de la piraterie sera solutionnée ?

Comme cela a déjà été dit à de nombreuses reprises, la solution au problème de la piraterie n'est pas en mer mais à terre. Elle passe par l'évolution de la Somalie et la restauration d'un Etat de droit avec le soutien de la communauté internationale.
A moyen terme, le problème juridique rencontré dans le jugement des pirates suspects devra trouver une solution. Le Secrétaire Général de l'ONU a chargé un représentant spécial, M. Jack Lang, d'analyser les différentes options. Ce rapport est attendu dans les prochaines semaines.
Une fois que nous aurons des solutions juridiques, la dissuasion exercée par les forces navales sera plus efficace.
_____________________________________________________

© Propos recueillis par Vincent Groizeleau. Mer et Marine, janvier 2011

La question étant manifestement compliquée, il était sain d'opposer deux points de vue.

JacquesL

#2
Voir aussi :
http://www.meretmarine.com/article.cfm?id=115320
"Les pirates frappent au large de l'Inde"

http://www.meretmarine.com/article.cfm?id=115642
"La marine indienne arrête 61 pirates somaliens"

D'où vous trouverez de nombreux autres articles sur la piraterie dans l'Océan Indien.

JacquesL

http://www.lemonde.fr/afrique/article/2011/01/25/l-inquietant-rapport-de-jack-lang-sur-la-piraterie_1470091_3212.html#ens_id=1499863
http://www.lemonde.fr/imprimer/article/2011/01/25/1470091.html

CiterL'inquiétant rapport de Jack Lang sur la piraterie
Le Monde.fr | 25.01.11 | 09h26  •  Mis à jour le 25.01.11 | 12h18

"Une course de vitesse est engagée avec les pirates au large de la Somalie", affirme Jack Lang dans le rapport qu'il vient présenter au Conseil de sécurité de l'ONU, mardi 25 janvier, avant de mettre en garde la communauté internationale : si une riposte ferme, claire et nette n'est pas organisée en extrême urgence, le processus de professionnalisation, d'amplification et d'intensification de la piraterie pourrait atteindre "un point de non retour".

Le document de 50 pages, qui décline à la manière d'une feuille de route vingt-cinq propositions, est le fruit d'une mission de cinq mois que lui avait confiée cet été le Secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon. C'est à titre de conseiller spécial des Nations unies sur les questions juridiques liées à la piraterie au large de la Somalie, que l'ancien ministre français s'est rendu à deux reprises dans la région, et a mené d'intenses consultations avec près de 50 Etats, organisations internationales, compagnies privées et instituts de recherche.

"SOMALISER" DES SOLUTIONS

Jack Lang appelle les Etats concernés à changer d'approche face à ce fléau, qui pourrait à terme, selon lui, affecter l'ensemble de l'économie mondiale. La lutte contre la piraterie doit passer par une "somalisation" des solutions, insiste-t-il, l'idée étant que la communauté internationale concentre ses efforts sur la Somalie, qui est "à la fois principale source et victime de la piraterie".

Exit ainsi l'idée avancée par certains pays d'un tribunal international pour juger les suspects capturés, qui jusqu'ici, faute d'Etat de droit en Somalie, dans 9 cas sur 10 sont relâchés. "Inadapté, trop cher et trop long à mettre en place", lâche le député du Pas-de-Calais à son arrivée à New York. C'est une cour spécialisée somalienne mais extraterritoriale, installée temporairement à Arusha dans les locaux du Tribunal pénal international pour le Rwanda, qui a sa préférence.

L'envoyé spécial, qui espère le vote d'une résolution de l'ONU dans trois ou quatre semaines, dresse un état des lieux alarmant. "La piraterie ne connait aucun reflux depuis sa recrudescence au large des côtes somaliennes en 2007", souligne le rapport, qui dénombre au moins 1 500 pirates aux ordres d'une dizaine de commanditaires. Rien qu'en 2010, 1 200 personnes ont été prises en otage dans le golfe d'Aden, un record.

UNE INTENSIFICATION DE LA VIOLENCE EN 2010

L'année passée a d'ailleurs été marquée, selon le député français, par une intensification de la violence - pirates équipés d'armes automatiques de type AK47 et de lance-roquettes RPG-7-, un allongement de la durée moyenne de captivité (passée à 120 jours), une sophistication du mode opératoire (recours aux GPS, téléphones satellitaires...) et une extension de la zone des attaques au Sud (jusqu'au Mozambique) et à l'Est de l'Océan indien. Sans parler des rançons versées par navire, dont le montant a doublé, la dernière en date se serait élevée à 9 millions de dollars.

S'il tire son chapeau aux forces navales déployées depuis 2008 dans le golfe d'Aden pour leur "travail de police des mers" ayant permis une meilleure sécurisation du trafic maritime, il met en avant les limites d'une réponse uniquement militaire. Jack Lang propose donc de renforcer les mesures déjà mises en œuvre et d'en déployer de nouvelles, axées en priorité sur les régions stables et autoproclamées autonomes du Somaliland et du Puntland, dans le nord du pays. "Ces régions se disent déterminées à lutter contre la piraterie, prenons-les au mot !", lance l'envoyé spécial, convaincu qu'en échange d'une aide financière internationale, leurs gouvernements respectifs prendraient des "mesures concrètes pour poursuivre les commanditaires, rétablir l'Etat de droit dans les zones refuges des pirates et contrôler les côtes".

PRÉVENTION ET RÉPRESSION

Son plan d'action est composé de trois volets : économique, sécuritaire et juridictionnel/pénitentiaire. Il ne saurait y avoir de répression sans prévention, prévient Jack Lang. L'aide au développement économique et social de ces deux régions, et notamment du Puntland, où se situent les principales zones de refuge des pirates, est un élément-clé de son plan d'action. L'accent est mis sur les activités portuaires, de pêche, l'exportation de bétail et les télécommunications.

Sur le volet sécuritaire, le député français propose de rétablir des unités de police dans les zones de non droit et de renforcer les capacités d'enquête de police scientifique des Etats de la région. L'objectif, explique-t-il, est d'assurer un meilleur recueil des éléments de preuve pour remonter les filières et s'attaquer aux "gros bonnets mafieux" qui les dirigent et contre lesquels il encourage le Conseil de sécurité à adopter des sanctions individuelles. A l'heure actuelle, s'indigne Jack Lang, les empreintes des suspects et les numéros des billets de banque qui leur sont livrés pour régler les rançons sont rarement relevés, quant aux bateaux-mère, ils sont coulés !

Enfin, pour combler l'énorme vacuum juridictionnel et pénitentiaire qui sévit dans la région, l'ancien professeur de droit international appelle à la création, dans un délai de huit mois, de deux juridictions spécialisées au Puntland et au Somaliland, et à la construction de deux prisons de 500 places chacune. Coût estimé de cette opération : 25 millions de dollars. Un argument de poids, estime Jack Lang, quand on sait que le coût global de la piraterie est évalué à un montant de 7 à 12 milliards de dollars par an.
Alexandra Geneste

"une cour spécialisée somalienne mais extraterritoriale, installée temporairement à Arusha" jusqu'à présent, cela me semble une idée de bon ses.
Qu'en pensez-vous ?

JacquesL

#4
La flotte anti-piraterie vue par les somaliens :
http://www.youtube.com/watch?v=oWRZfixUJik&playnext=1&list=TLY1n1XztT9bA
A suivre de près.
J'ignore la date de ce reportage.

Je n'ai pas donné de lien sur la vidéo montrant le plaisir de marins russes à cribler de projectiles au Gattling et au canon classique d'environ 100 mm un train de pirates constitué du dhow mère et des skiffs rapides, et à incendier le tout. Juste vomitif, cet exercice de tir sur cibles humaines.

Une autre vidéo montre la préparation de pirates prisonniers des russes, à leur remise à des garde-côtes iraniens. Les pauvres diables sont visiblement soulagés de s'en tirer à si bon compte, tous vêtus d'un manteau d'uniforme noir russe. Ils se laissent tranquillement ligoter les mains, puis bander les yeux, tandis qu'un autre marin retire toutes les insignes du manteau d'uniforme qu'on leur donne.

Les armes exhibées lors des prises sont essentiellement des RPG (lance-grenades antichar) et des AK47, des fabrications russes.
Il n'est pas aisé de trancher si les dhow-mères sont de construction indienne ou arabe. Il ressort en tout cas que cet armement est capitalistique et mafieux international, pas juste somali.

JacquesL

Golfe de Guinée :
http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/03/06/piraterie-dans-le-golfe-de-guinee-quelles-solutions_1652397_3232.html?xtmc=piraterie_somalie&xtcr=5
CiterPiraterie dans le golfe de Guinée : quelles solutions ?

École de Guerre | 06.03.2012 à 13h41

Par Capitaine de frégate Nicolas Rossignol, stagiaire de la 19e promotion de l'Ecole de guerre


Face à l'appel de pays du golfe de Guinée pour une plus grande implication de la communauté internationale face à la piraterie, l'Union Européenne doit saisir cette opportunité pour relancer son partenariat stratégique avec l'Union Africaine et les sous-ensembles régionaux, en l'élargissant aux domaines de la sécurité et de la sûreté maritime. En attendant la maturation de ce projet au sein de l'UE, la France a un rôle moteur à jouer au regard de ses liens historiques et doit élargir à d'autres partenaires les efforts déjà entrepris.

Sujet d'actualité au large de la Somalie, la piraterie se développe depuis peu dans le golfe de Guinée. Les modalités du phénomène comme son impact y sont très différentes, notamment en l'absence d'État failli et de route maritime stratégique. Jusqu'alors, l'insécurité s'y caractérisait par des vols à main armée commis à proximité des ports ou dans les eaux territoriales. En dépit du volontarisme affiché par les États riverains, un nouveau cap semble être franchi avec la multiplication d'actes de piraterie, commis en haute mer et employant des modes opératoires proches de ceux mis en œuvre en océan Indien (saisie d'un navire chypriote en septembre 2011). Conscients de la menace que la piraterie fait peser sur la stabilité régionale, les pays riverains du golfe de Guinée tentent de réagir, comme en témoigne la récente résolution 2018 de l'ONU du 31 octobre 2011, portée par le Gabon et le Nigeria. Ils font appel à la communauté internationale, plus attentive jusqu'alors à la situation dans le golfe d'Aden.

Certes il existe certaines initiatives locales comme la coordination dans l'est du golfe de Guinée ou les patrouilles communes Bénin-Nigeria, mais le volontarisme des États n'est pas suffisant pour endiguer durablement ce phénomène, ce qui requiert une réponse globale comprenant un cadre juridique particulier, des moyens de surveillance et d'intervention ainsi que des organismes de coordination sous-régionaux. De plus, en complément d'un soutien financier et technique, un accompagnement juridique et organisationnel de la part de partenaires expérimentés dans ce domaine comme dans les domaines connexes du développement économique et de la sécurité intérieure est nécessaire. Enfin, certains acteurs comme les sociétés pétrolières et de sécurité chargées de la protection des plateformes doivent également pris en compte.

L'UE doit aider ses partenaires africains à aborder de manière globale les thèmes de sécurité et sûreté maritime, notamment les aspects de lutte contre la piraterie, l'immigration clandestine ou les trafics illicites (narcotrafic, trafic d'armes...). D'une part, en dépit de relations historiques parfois tumultueuses, les relations entre l'Europe et le continent africain sont marquées par une interdépendance économique croissante et des enjeux sécuritaires partagés. En effet, l'UE est le principal partenaire économique du continent africain et les enjeux sécuritaires au sud de l'Europe sont en partie liés au développement d'activités illicites de la part d'organisations criminelles mettant à profit les carences de maîtrise des espaces maritimes des États africains pour se développer. Aussi, prenant acte des liens étroits qui la relient au continent africain et de l'intérêt croissant des États-Unis et des pays émergents comme la Chine, l'Inde ou le Brésil, l'Europe a développé depuis 2007 un partenariat stratégique avec l'Afrique.

En outre, en matière d'approche globale, l'Union Européenne dispose de savoir-faire reconnus, en particulier en matière de sécurité et de sûreté maritimes avec notamment l'Agence Européenne de Sécurité Maritime, l'opération Atalanta ou encore l'agence Frontex. Enfin, les révolutions arabes qui ont secoué l'Afrique comme la crise financière de la dette soulignent davantage encore la nécessité pour l'UE d'agir, en incitant ses États membres à mieux coordonner leurs efforts financiers de coopération et à les inscrire dans le cadre plus large de partenariats européens. En effet, si l'Afrique est le premier bénéficiaire de l'aide européenne, la recherche d'une meilleure efficacité de ces aides est d'autant plus nécessaire que d'autres partenaires comme Israël, les États-Unis ou la Chine sont de plus en plus présents dans la région. Toutefois, il existe un risque important de décalage entre le volontarisme de cette approche globale et la capacité de nos partenaires africains à se saisir de ce sujet au-delà de l'attrait pour les subsides versées.

Parallèlement aux actions entreprises par l'UE, la France agit de manière ciblée dans ce domaine avec son dispositif de coopération Sécurité et Défense. Nos liens privilégiés avec certains États concernés et notre modèle original de fonction garde-côte nous confèrent une position particulière pour répondre favorablement aux sollicitations de pays riverains tels le Bénin, le Gabon ou le Togo, notamment par l'envoi de conseillers spécialistes de l'action de l'État en mer, laissant aux États le soin de définir le volet juridique des interventions. Toutefois, afin de gagner en efficacité deux initiatives mériteraient d'être prises.

En premier lieu, il serait opportun d'élargir à nos partenaires européens les actions de coopération entreprises en Afrique de l'Ouest afin qu'ils se rallient à la bannière étoilée de l'Union Européenne plutôt qu'à celle du programme de l'Africa Partnership Station mis en place depuis 2007 par les Etats-Unis, auquel ont contribué plusieurs pays européens. D'autre part, la France doit inciter l'UE à saisir l'opportunité du règlement de la crise ivoirienne pour soutenir le renouveau de l'Organisation Maritime de l'Afrique de l'Ouest et du Centre (OMAOC), seule entité multinationale permettant de dépasser la césure géographique entre la CEDEAO (Communauté économique des Etats d'Afrique centrale) et la CEEAC (Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest) articulée autour du pays pivot que constitue le Nigeria.

Pleinement consciente des enjeux économiques, sécuritaires et stratégiques qui la lient au continent africain, l'Europe doit reprendre l'initiative dans un contexte très concurrentiel et relancer son partenariat stratégique avec l'Afrique, en s'appuyant sur les domaines de la sécurité et de la sûreté maritime. Mais en attendant la maturation de ce projet, la France a un rôle moteur à jouer au regard de ses liens historiques et doit élargir à d'autres partenaires les efforts déjà entrepris. Enfin, si le principe d'approche globale est primordial, il ne faut pas oublier que les origines de la piraterie comme des activités illicites se trouvent à terre, au sein même de ces États qui se tournent vers la communauté internationale pour tenter d'endiguer ce phénomène endémique... là où devrait s'exercer leur pleine souveraineté.

Pour lire d'autres analyses, rendez-vous sur le site de l'Ecole de guerre.

Capitaine de frégate Nicolas Rossignol, stagiaire de la 19e promotion de l'Ecole de guerre

http://www.ecoledeguerre.defense.gouv.fr/IMG/pdf/lcl_hassan_diplomatie.pdf :
Djibouti : un hub anti-piraterie et un acteur principal de la médiation dans la crise somalienne.
CiterAinsi, le coeur du commerce
mondial est touché et l'axe maritime le plus fréquenté du globe, à savoir le débouché ou
l'accès du détroit de Bab el Mandeb jusqu'à la mer d'Oman, est devenu une zone de non-droit
à la merci des pirates. Ce passage très sensible couvre à lui seul 30 % du commerce
international et près d'une cinquantaine de grands navires marchands (pétroliers, porteconteneurs...)
y transitent chaque jour.
...
Les pirates somaliens sont généralement d'anciens marins, gardes-côtes ou pêcheurs. Ils
disposent d'un armement individuel relativement puissant de type fusil d'assaut AK-47, ainsi
que de lance-roquettes RPG-7. Ils agissent à partir des villages côtiers comme Eyl et Garacad
où ils trouvent refuge et jouissent de la protection tacite de leurs clans. Les pirates somaliens
reproduisent une technique d'attaque bien rodée en haute mer. Ils se lancent à bord de petites
embarcations rapides de type skiff à l'abordage de leurs cibles depuis un navire-base. Dans la
petite embarcation, on trouve tous les équipements d'abordage (échelle de corde, crochets,
carburant de réserve, etc.).
...
Avec comme suite logique la prise
en otage du bâtiment et de ses infortunés marins qui seront libérés sous réserve du versement
d'une rançon par l'armateur ou l'assureur de celui-ci. Une telle manne fait vivre nombre de
personnes au Puntland. Cette région semi-autonome, située au nord de la Somalie, concentre à
elle seule la quasi-totalité des bases arrière de la piraterie somalienne. Les conséquences de la
piraterie sur l'économie réelle locale sont bien sûr désastreuses. En premier lieu, on peut noter
l'effondrement de l'économie nationale déjà fragilisée par une inflation extrême : l'argent des
rançons a déréglé tout le circuit économique et porté un coup fatal à la monnaie nationale déjà
quasiment sans valeur. De même, cet argent ainsi facilement gagné, est utilisé dans le
financement de divers projets de la sous-région, et de ce fait, intègre alors un véritable
processus de blanchiment au même titre que l'argent de la drogue.
...
Le problème somalien est très complexe, certes, mais pas insoluble. Les menaces liées à la
piraterie maritime et au terrorisme du mouvement Shebab qui sévit dans le pays ont eu pour
seul résultat la faillite d'un état incapable d'assurer la sécurité sur son propre territoire.

Les institutions fédérales de transition actuellement en place ne survivent que grâce aux forces
de l'AMISOM issues de l'Union Africaine. Éradiquer la piraterie, c'est avant tout
reconstruire le gouvernement central somalien jadis très puissant dans la corne de l'Afrique.
...
Le Lieutenant-colonel djama farah HASSAN, stagiaire de la 19ème promotion Maréchal Juin de
l'Ecole de guerre.


Pirates : une nouvelle attaque qui inquiète le commerce maritime
Le Monde.fr | 11.05.2012
http://www.lemonde.fr/international/article/2012/05/11/pirates-une-nouvelle-attaque-qui-inquiete-le-commerce-maritime_1699867_3210.html?xtmc=piraterie_somalie&xtcr=4
CiterUn pétrolier transportant 135 000 tonnes de brut a été capturé, jeudi 10 mai, a annoncé son armateur grec, Dynacom Tankers Management. Le Smyrni, battant pavillon libérien, a disparu alors qu'il passait au large d'Oman, en mer d'Arabie, nouvelle illustration du regain de la piraterie au cours de la dernière décennie. Ce phénomène est justement au centre d'un colloque qui réunit les acteurs du commerce maritime à La Rochelle, du 9 au 12 mai.

"Au XXe siècle, le phénomène avait presque disparu, estime Paul Tourret, directeur de l'Institut supérieur d'économie maritime, et intervenant du colloque "Piraterie au fil de l'histoire : un défi pour l'Etat".  L'ordre colonial avait réussi à sécuriser les voies maritimes. Mais à l'heure de la mondialisation, la piraterie ressurgit, parce que certaines zones de la planète présentent des conditions exceptionnelles et explosives : la déliquescence de l'Etat, incapable de contrôler son territoire terrestre et maritime, un commanditaire ayant des ressources financières importantes, la disponibilté d'armes et un trafic maritime important."

QUELQUE 439 ATTAQUES RECENSÉES EN 2011


Piraterie maritime : l'Afrique concentre attaques et ripostes
Le Monde.fr | 07.02.2012
http://www.lemonde.fr/international/article/2012/01/27/piraterie-maritime-l-afrique-concentre-attaques-et-ripostes_1634974_3210.html?xtmc=piraterie_somalie&xtcr=8

CiterMogadiscio, 3 h 30 du matin, jeudi 12 janvier 2012. Le navire-amiral de l'opération européenne antipiraterie Atalanta de l'EU Navfor (European Union Naval Force Atalanta, lien PDF), le SPS Patino, vient tout juste de terminer  une escorte de navires transportant de l'aide alimentaire du Programme alimentaire mondial (PAM) pour la Somalie et quitte les alentours du port de la capitale somalienne quand il est approché... par un skiff avec des pirates à bord. Ceux-ci ouvrent le feu avec des armes à petit calibre et tentent un abordage. Les militaires répliquent et repoussent les assaillants... Même si aucun membre d'équipage du Patino n'est blessé durant l'assaut, cette attaque montre l'intrépidité des pirates somaliens et la menace qu'ils font peser  sur la Corne de l'Afrique et au-delà.

Selon le rapport du Bureau maritime international (BMI) publié mi-janvier, les attaques de pirates contre des navires dans l'Est et aussi l'Ouest de l'Afrique ont représenté la majorité des attaques de pirates dans le monde, marquant une tendance à la hausse après quatre années de baisse. Sur les 439 attaques signalées au BMI en 2011, 275 ont eu lieu au large de la Somalie et dans le golfe de Guinée, sur la côte ouest de l'Afrique.

Le rapport montre une légère baisse dans le nombre total d'incidents enregistrés dans le monde, avec 439 incidents de piraterie et les vols armés enregistrés en 2011, contre 445 en 2010.

Pas moins de 802 membres d'équipage ont été pris en otage en 2011, contre 1 181 en 2010. Au total, huit membres d'équipage ont été tués en 2011, comme en 2010.

Des militaires français procèdent à l'arrestation de pirates somaliens présumés après avoir déjoué leur attaque contre un cargo battant pavillon du Panama, en janvier 2008 dans l'est du golfe d'Aden, en Somalie. Des militaires français procèdent à l'arrestation de pirates somaliens présumés après avoir déjoué leur attaque contre un cargo battant pavillon du Panama, en janvier 2008 dans l'est du golfe d'Aden, en Somalie. | AFP/-

Les pirates somaliens posent le plus grand défi, représentant environ 54 % des menaces. Mais tandis que le nombre global d'incidents en Somalie a augmenté de 219 en 2010 à 237 en 2011, le nombre de détournements réussis est passé de 49 à 28. Même s'ils sont principalement concentrés dans le carrefour de la mer d'Arabie et le golfe d'Aden, les pirates somaliens ont pour la première fois attaqué un navire ancré à l'intérieur des eaux territoriales d'un Etat étranger – à savoir, Oman.

En Afrique de l'Ouest, le Nigeria et le Bénin ont continué à être des points chauds de la piraterie. Alors que dix attaques ont été signalées au Nigeria, le BMI souligne que les chiffres sont sous-évalués. En 2011, la piraterie nigériane s'est étendue au Bénin voisin avec une vingtaine d'incidents contre les pétroliers.

En Asie du Sud Est et dans le sous-continent indien, la situation s'est améliorée au Bangladesh, mais l'Indonésie a connu une augmentation des vols à main armée pour la deuxième année consécutive, avec quarante-six incidents signalés. En revanche, les attaques en mer de Chine méridionale ont chuté de 31 en 2010 à 13 en 2011.

Selon le BMI, les chiffres globaux pour les pirates somaliens auraient pu être beaucoup plus élevés sans la poursuite des efforts des forces navales internationales. Au dernier trimestre 2010, 90 incidents ont été enregistrés et 19 navires, détournés ; en 2011, ce chiffre est tombé, respectivement, à 31 et 4.

"Les frappes navales préventives, le renforcement des navires et l'effet dissuasif des personnels des sociétés privées de sécurité [à bord des navires] ont tous contribué à cette baisse", explique le capitaine Pottengal Mukundan, directeur du centre de la piraterie au BMI, basé à Kuala Lumpur (Malaisie). "Le rôle de la marine est essentiel pour les efforts antipiraterie", souligne-t-il.

En effet, la piraterie peut accroître considérablement le coût des transports internationaux, mais elle a des répercussions tout aussi considérables sur le développement en Afrique et, dans une moins grande mesure, de certaines régions d'Asie. Ainsi, des études effectuées au Nigeria ont conclu que la piraterie menace quelque 50 000 emplois.

Aussi, l'Union européenne mène depuis le 8 décembre 2008 l'opération EU Navfor Atalanta, dont le mandat a été prolongé jusqu'en décembre 2012, et qui est commandée par un Britannique, le contre-amiral Duncan L. Potts. Elle vise à la protection des navires du PAM qui acheminent de l'aide alimentaire aux populations déplacées de Somalie ainsi qu'à celle des navires vulnérables naviguant dans le golfe d'Aden et au large des côtes de Somalie.

Actuellement, neuf nations apportent une contribution opérationnelle à l'opération, dont la France. Plus d'une vingtaine de bâtiments et aéronefs peuvent prendre part à cette opération, première opération navale de l'UE, impliquant plus de 1 800 militaires. En réalité, le nombre exact de bâtiments et avions de patrouille maritime participant dépend des disponibilités. En 2012, six à huit navires seront déployés. Or, la zone d'opération couvre le sud de la mer Rouge, le golf d'Aden et une grande partie de l'océan Indien, y compris les Seychelles. Soit une superficie égale à 1,5 fois celle du continent européen ! La tâche est énorme...

Parallèlement, l'OTAN mène une mission depuis le 17 août 2009, "Ocean Field", qui est une coalition maritime contre la piraterie soutenue par les Américains et actuellement commandée par un Danois. Des forces navales se sont également constituées avec notamment la Task Force 151, emmenée par les Américains. Mais d'autres pays s'insèrent dans ces dispositifs ou agissent seuls.

Et la lutte n'est pas assurée que par les pays occidentaux. La Chine et le Japon ont par exemple envoyé des navires de guerre dans la région. Le Japon a même ouvert en 2011 une base navale à Djibouti, une première pour un pays dont la Constitution et la législation encadrent sévèrement le déploiement des forces armées à l'étranger. Quant aux Chinois, ils cherchent à se constituer un réseau de bases ou de points d'appui pour leur marine. Là se mêlent enjeux sécuritaires et considérations stratégiques : l'affirmation des puissances chinoise et japonaise.

COORDINATION DES PATROUILLES LE LONG DU DÉTROIT DE MALACCA

La "scène somalienne" a toutefois éclipsé l'autre région en matière de lutte contre la piraterie : le détroit de Malacca et, plus généralement, l'Asie du Sud-Est, artère vitale pour le commerce mondial. Les Etats du littoral de cette zone sensible, notamment Malaisie, Singapour et l'Indonésie, ont signé en juillet 2004, un accord sur la coordination des patrouilles conjointes le long du détroit de Malacca. Dans cette dynamique de lutte contre la piraterie dans cette région, le Japon a joué un rôle moteur. Il a favorisé la signature de l'Accord régional de coopération sur la lutte contre la piraterie et l'attaque armée contre les navires en Asie, le "ReCAAP" en novembre 2004. C'est la première mesure antipiraterie mise en œuvre au niveau intergouvernemental. Il encourage le partage d'informations, la mise en place de capacités antipiraterie et a conduit à la création d'un Centre de partage d'information à Singapour.

Si l'action de la communauté internationale a eu un effet positif tant en Somalie qu'en Asie du Sud-Est, l'efficacité reste relative, car la piraterie continue de sévir. Selon le BMI, au 19 janvier 2012, 19 attaques de pirates avaient été recensées depuis le début de l'année, dont 7 en Somalie, et 9 navires étaient retenus avec 151 otages par les pirates somaliens.

L'action antipiraterie ne peut être seulement navale. Les ambassadeurs du Comité politique et de sécurité de l'Union européenne ont discuté, lors de leur dernière réunion avant Noël, de la modification du plan d'opération (OpPlan) de l'EU Navfor Atalanta pour permettre une action plus offensive. Parmi les méthodes évoquées, il était prévu de pouvoir détruire les bases pirates, logistiques ou autres. Mais cette modification du mandat d'Atalanta ne va pas de soi pour tous. Elle suscite par exemple en Allemagne un gros débat.

Par ailleurs, la lutte contre la piraterie a un coût élevé. Le coût des forces déployées dans l'océan Indien est évalué à 2 milliards de dollars par an pour les opérations Atalanta, "Ocean Shield" et Task Force 151 (OTAN).

Enfin, elle ne traite pas toujours des causes profondes de la piraterie : pauvreté et absence de perspectives des populations locales, Etats en décomposition, etc.

C'est pourquoi l'Union européenne arbore une approche plus globale du problème. Au-delà de la mission de sécurisation du transport maritime, elle cherche à contribuer à stabiliser la Somalie et assure notamment un soutien militaire à la mission de l'Union africaine dans le pays (AMISOM, African Union Mission in Somalia) et une aide financière, ayant versé 409 millions d'euros d'aide au développement depuis 2003. Mais la stabilisation du pays et de la région environnante reste particulièrement complexe. La piraterie a encore de beaux jours devant elle.

Edouard Pflimlin