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Festival des nouvelles fausses ? Prise de la Géorgie par l'armée russe ?

Démarré par JacquesL, 20 Août 2008, 07:36:31 AM

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JacquesL

Désolé de ce retard. Je n'écoutais aucune nouvelle au moment de la conquête, et les infos étaient très bizarres.

A en croire le reportage qui suit, par Bernard Henri Lévy, les nouvelles faisant état d'une première attaque géorgienne contre leurs provinces séparatistes, auraient tout d'un montage russe, bidonné de toutes pièces, du genre de l'opération "sardines" confiée à Skorzenyi, pour justifier l'invasion de la Pologne. Selon cette version, nous avons été intoxiqués en grand. Que les prétendus bombardements géorgiens sur des civils, seraient en fait des bombardements russes. Si c'est ainsi, nous nous réveillons avec un danger majeur à notre porte, un voisin extrêmement agressif et dépourvu de tous scrupules, que nous avons été incapables de prévoir, que nous risquons fort d'être incapables de contrer efficacement. Dans les messages suivants, viendra un tout autre son de cloche.

http://www.lemonde.fr/europe/article/2008/08/19/choses-vues-dans-la-georgie-en-guerre-par-bernard-henri-levy_1085547_3214.html

CiterLa première chose qui frappe dès qu'on sort de Tbilissi, c'est l'inquiétante absence de toute force militaire. J'avais lu que l'armée géorgienne, défaite en Ossétie, puis mise en déroute à Gori, s'était repliée sur la capitale pour la défendre. Or j'arrive aux faubourgs de la ville. J'avance de quarante kilomètres sur l'autoroute qui coupe le pays d'est en ouest. Et, de cette armée censée s'être regroupée pour opposer une résistance acharnée à l'invasion, on ne voit quasi pas de trace. Ici, un poste de police. Plus loin, un quarteron de soldats aux uniformes trop neufs. Mais pas une unité combattante. Pas une pièce de défense antiaérienne. Même pas ce paysage de herses et de chicanes qui, dans toutes les villes assiégées du monde, sont censées retarder la progression de l'ennemi. Une dépêche, pendant que nous roulons, annonce que les chars russes se dirigent vers la capitale. L'information, relayée par les radios et, finalement, démentie, crée un désordre sans nom et fait que rebroussent chemin les rares automobiles qui s'étaient aventurées hors de la ville. Mais le pouvoir, lui, semble avoir étrangement baissé les bras.

L'armée géorgienne serait-elle là, mais cachée? Prête à intervenir, mais invisible? Serions-nous en présence de l'une de ces guerres où la ruse suprême est, comme dans les guerres oubliées d'Afrique, d'apparaître le moins possible? Ou bien le président Saakashvili a-t-il fait le choix du non-combat – comme pour nous mettre, nous, Européens et Américains, devant nos responsabilités et nos choix ("Vous vous prétendez nos amis? Vous nous avez cent fois dit qu'avec nos institutions démocratiques, notre désir d'Europe, notre gouvernement où – fait unique dans les annales – siègent un premier ministre anglo-géorgien, des ministres américano-géorgiens, un ministre de la défense israélo-géorgien, était le premier de la classe occidentale? Eh bien, c'est le moment ou jamais de le prouver")? Je ne sais pas. Mais le fait est que la première présence militaire significative à laquelle nous nous heurtons est un long convoi russe, cent véhicules au moins, venu tranquillement faire de l'essence en direction de Tbilissi. Puis, à quarante kilomètres de la ville, à la hauteur d'Okami, un bataillon, russe toujours, appuyé sur une unité de blindés dont le rôle est d'empêcher de passer, dans un sens les journalistes et, dans l'autre, les réfugiés.

L'un d'entre eux, un paysan blessé au front, encore hébété de terreur, me raconte l'histoire de ce village, en Ossétie, d'où il a fui à pied voici trois jours. Les Russes sont arrivés. Les bandes ossètes et cosaques ont, dans leur sillage, pillé, violé, assassiné. Elles ont, comme en Tchétchénie, regroupé les jeunes hommes et les ont embarqués dans des camions vers des destinations inconnues. On a tué les pères devant les fils. Les fils devant les pères. Dans les caves d'une maison qu'on a fait sauter en y accumulant des bonbonnes de gaz, on est tombé sur une famille qu'on a dépouillée de tout ce qu'elle avait tenté de cacher et on a mis les adultes à genoux avant de les exécuter d'une balle en pleine tête. L'officier russe, responsable du check-point, écoute. Mais il s'en fiche. Il a l'air, de toute façon, d'avoir trop bu et il s'en fiche. Pour lui, la guerre est finie. Aucun chiffon de papier – cessez-le-feu, accord en cinq ou en six points – ne changera rien à sa victoire. Et ce pelé de réfugié peut bien raconter ce qu'il veut.

2. A l'approche de Gori, la situation est différente et devient, soudain, plus tendue. Au bord de la route, des Jeeps géorgiennes dans le fossé. Plus loin, un tank carbonisé. Plus loin encore, un check-point plus important qui bloque, lui, complètement le groupe de journalistes auquel nous nous sommes mêlés. Et, surtout, il nous est clairement dit, là, que nous ne sommes plus les bienvenus. "Vous êtes en territoire russe, aboie un officier bouffi d'importance et de vodka. Ne peuvent aller plus loin que les accrédités par les autorités russes"... Heureusement surgit une voiture battant pavillon diplomatique. C'est la voiture de l'ambassadeur d'Estonie. A son bord, outre l'ambassadeur, le secrétaire du Conseil national de sécurité, Alexander Lomaia, qui a l'autorisation d'aller, derrière les lignes russes, chercher des blessés et qui accepte de m'embarquer, ainsi que la députée européenne Isler Béguin et une journaliste du Washington Post. "Je n'assure la sécurité de personne, prévient-il – c'est clair?" C'est clair. Et nous nous entassons dans l'Audi, qui met le cap sur Gori.

Après six nouveaux check-points, dont un constitué d'un simple tronc d'arbre levé et abaissé par un treuil, commandé par un groupe de paramilitaires, nous arrivons à Gori. Nous ne sommes pas au centre-ville. Mais, du point où Lomaia nous a laissés avant de repartir, seul, dans l'Audi, récupérer ses blessés, de ce carrefour que contrôle un char énorme et haut comme un bunker roulant, nous pouvons constater les incendies à perte de vue. Les fusées éclairantes qui, à intervalles réguliers, illuminent le ciel et sont suivies de détonations brèves. Le vide encore. L'odeur, légère, de putréfaction et de mort. Et puis, surtout, le bourdonnement incessant des véhicules blindés et, une fois sur deux à peu près, des voitures banalisées remplies de miliciens reconnaissables à leurs brassards blancs et à leurs cheveux retenus par des bandanas. Gori n'appartient pas à cette Ossétie que les Russes prétendent être venus "libérer". C'est une ville géorgienne. Or ils l'ont brûlée. Pillée. Réduite à l'état de ville fantôme. Vidée.

"C'est logique, explique, tandis que nous attendons, debout dans la puanteur et la nuit, le retour de Lomaia, le général Vyachislav Borisov. Nous sommes là parce que les Géorgiens sont des incapables, que leur administration s'est effondrée et que la ville était livrée aux pillards. Regardez ceci..." Il me montre, sur son téléphone portable, des photos d'armes dont il souligne lourdement l'origine israélienne. "Est-ce que vous croyez qu'on pouvait laisser ce bazar sans surveillance? D'ailleurs, je vais vous dire..." Il se rengorge. Allume une cigarette dont l'allumette fait sursauter le petit tankiste blond qui s'était endormi dans sa tourelle. "Nous avons convoqué, à Moscou, le ministre des affaires étrangères israéliennes. Et il lui a été dit que, s'il continuait à fournir les Géorgiens, nous continuerions, nous, de livrer le Hezbollah et le Hamas." Nous continuerions... Quel aveu! Deux heures passent. Deux heures de rodomontades et de menaces. Avec, parfois, une voiture qui ralentit mais qui, avisant le tank, semble se raviser et repart. Jusqu'à ce que revienne enfin Lomaia et qu'il nous confie la vieille dame et la femme enceinte qu'il a tirées de l'enfer et qu'il nous charge de ramener à Tbilissi.

Le président Saakashvili, flanqué de son conseiller Daniel Kunnin, écoute mon récit. Nous sommes dans la résidence présidentielle d'Avlabari. Il est 2 heures du matin, mais la noria de ses conseillers fonctionne comme en plein jour. Il est jeune. Très jeune. D'une jeunesse qu'accuse encore l'impatience des gestes, la fièvre du regard, des éclats de rire brusques ou encore cette façon d'enfiler les canettes de Red Bull comme si c'était du Coca-Cola. Ces gens, d'ailleurs, sont tous très jeunes. Tous ces ministres et conseillers sont des boursiers de fondations type Soros dont la "révolution des roses" a interrompu les études à Yale, Princeton, Chicago. Il est francophile et francophone. Féru de philosophie. Démocrate. Européen. Libéral au double sens, américain et européen, du mot. De tous les grands résistants que j'aurai rencontrés dans ma vie, de tous les Massoud ou Izetbegovic dont il m'a été donné de prendre la défense, il est le plus évidemment étranger à l'univers de la guerre, à ses rites, ses emblèmes, sa culture – mais il fait face.

"Laissez-moi préciser une chose, m'interrompt-il avec une gravité soudaine. Il ne faut pas laisser dire que c'est nous qui avons commencé cette guerre... Nous sommes début août. Mes ministres sont en vacances. Je suis moi-même, en Italie, en train de faire une cure d'amaigrissement et sur le point de partir pour Pékin. Or voilà que, dans la presse italienne, je lis : Préparatifs de guerre en Géorgie . Vous m'avez bien entendu : je suis là, tranquille, en Italie, et je lis que mon propre pays est en train de préparer une guerre! Sentant que quelque chose ne tourne pas rond, je rentre dare-dare à Tbilissi. Et qu'est-ce que mes services de renseignement m'apprennent?" Il fait la moue du type qui pose une colle et vous laisse une chance de trouver la bonne réponse... "Que ce sont les Russes qui, au moment même où ils abreuvent les agences de presse de ce baratin, sont en train de vider Shrinvali de ses habitants, de masser des troupes, des transports de troupes, des ravitailleurs de fioul en territoire géorgien et de faire passer, enfin, des colonnes de chars par le tunnel Roky, qui sépare les deux Osséties. Alors, supposez que vous êtes responsable d'un pays et que vous apprenez ça – vous faites quoi?" Il se lève, va répondre à deux portables qui sonnent en même temps sur son bureau, revient, étire ses longues jambes... "Au cent cinquantième char positionné face à vos villes, vous êtes obligé d'admettre que la guerre a commencé et, malgré la disproportion des forces, vous n'avez plus le choix..." Avec l'accord de vos alliés, lui demandé-je? En prévenant les membres de cette OTAN dont on vous a claqué la porte au nez? "Le vrai problème, esquive-t-il, ce sont les enjeux de cette guerre. Poutine et Medvedev cherchaient un prétexte pour nous envahir. Pourquoi?" Il fait le geste de compter sur ses doigts. "Primo, nous sommes une démocratie et nous incarnons donc, quant à la sortie du communisme, une alternative au poutinisme. Secundo, nous sommes le pays où passe le BTC, ce pipe-line qui relie Bakou à Ceyhan via Tbilissi; en sorte que, si nous tombons, si Moscou met à ma place un employé de Gazprom, vous serez, vous, les Européens, dépendants à 100% des Russes pour votre approvisionnement en énergie. Et puis, tertio..." Il choisit une pêche dans la corbeille de fruits que son assistante – "ossète", précise-t-il – vient d'apporter. "Tertio, regardez la carte. La Russie est l'alliée de l'Iran. Nos voisins arméniens ne sont pas loin non plus des Iraniens. Imaginez que s'installe à Tbilissi un régime prorusse. Vous auriez un continuum géostratégique qui irait de Moscou à Téhéran et dont je doute qu'il fasse les affaires du monde libre. J'espère que l'OTAN comprend cela..."

4.Vendredi matin. Nous décidons, avec Raphaël Glucksmann, Gilles Hertzog et la députée européenne, de revenir à Gori que, suite à l'accord de cessez-le-feu rédigé par Sarkozy et Medvedev, les Russes auraient commencé d'évacuer et où nous sommes censés rejoindre le patriarche orthodoxe de Tbilissi en partance, lui-même, pour Shrinvali, où des cadavres géorgiens seraient livrés aux porcs et aux chiens. Mais le patriarche est introuvable. Les Russes n'ont rien évacué. Et nous sommes même, cette fois, bloqués vingt kilomètres avant Gori quand une voiture, devant nous, se fait braquer par un escadron d'irréguliers qui, sous l'œil placide d'un officier russe, fait descendre les journalistes et leur arrache caméras, argent, objets personnels et, finalement, leur véhicule. Fausse nouvelle, donc. L'habituel ballet des fausses nouvelles dans l'art duquel les artisans de la propagande russe semblent décidément passés maîtres. Alors, direction Kaspi, à mi-chemin entre Gori et Tbilissi, où l'interprète de la députée a de la famille et où la situation est, en principe, plus calme – mais, en réalité, deux autres surprises nous y attendent... D'abord les destructions. Ici aussi, les destructions. Mais des destructions qui, cette fois, n'ont visé en priorité ni les maisons ni les gens. Quoi alors? Le pont. La gare. La voie de chemin de fer qu'est déjà en train de remettre en état une équipe de logisticiens conduite, depuis sa chambre, par le chef mécanicien, grièvement blessé à la hanche. Ainsi que le système de commande électronique de la cimenterie Heidelberg, à capitaux allemands, qu'a atteint un missile guidé au laser. "Il y avait là 650 ouvriers, me dit le directeur de l'usine, Levan Baramatze. Seuls 120 ont pu venir aujourd'hui. Notre appareil productif est brisé." A Poti, les Russes ont coulé la marine de guerre géorgienne. En trois points, ils ont touché le pipe-line TBC. Ici, à Kaspi, ils ont, à dessein, atteint les centres vitaux d'une économie dont dépendent, indirectement, celles de la région et du pays. Terrorisme ciblé. Volonté, là aussi, de mettre le pays à genoux.

Et puis, deuxième surprise, les chars. Nous sommes, je le répète, aux portes de la capitale. Condoleezza Rice [secrétaire d'Etat des Etats-Unis], je le précise, est, à cet instant, en train de donner sa conférence de presse. Et voilà que, tout à coup, apparaît, volant à basse altitude au-dessus des arbres, l'un de ces hélicoptères de combat dont l'arrivée est toujours signe du pire. Et voici que, aussitôt après, ceux qui restent des habitants de Kaspi se retrouvent dans la rue, sur le seuil des maisons, puis, très vite, entassés à dix dans les vieilles Lada – chacun hurlant à qui veut l'entendre et, en particulier, à nos chauffeurs, que les Russes arrivent et qu'il faut fuir. D'abord, nous n'y croyons pas. Nous pensons : le type même, comme avant-hier, de la mauvaise rumeur. Mais, en fait, non. Les chars sont bien là. Cinq, exactement. Plus une unité du génie qui commence de creuser des tranchées. Le message est clair. Rice ou pas, les Russes sont ici chez eux. Ils se déplacent, en Géorgie, comme en terrain conquis. Ce n'est pas exactement le coup de Prague. C'est sa version XXIe siècle – lent, par petites touches, à coups d'humiliations, intimidations, parades et paniques...

Le rendez-vous a lieu, cette fois, à 4 heures du matin. Saakashvili a passé la fin de la journée avec Rice. La journée de la veille avec Sarkozy. A l'un comme à l'autre il sait gré de leurs efforts, de la peine qu'ils se sont donnée ainsi que de leur amitié dont rien ni personne ne le fera douter – ne se tutoient-ils pas, avec "Nicolas"? Et le candidat McCain, "proche de Madame Rice", ne lui téléphone-t-il pas, depuis le début de la crise, trois fois par jour? Mais je lui trouve, pourtant, un air mélancolique qu'il n'avait pas le premier soir. La fatigue, peut-être... Ces nuits sans sommeil... Ces revers en série... Ce grondement, aussi, qu'il sent monter dans le pays et que nous sommes bien obligés, hélas, de lui confirmer : "Et si Micha était incapable de nous protéger? Et si ce bouillant jeune président ne nous attirait que la foudre? Et si, pour survivre, il fallait en passer par le désir de Poutine et le fantoche qu'il a dans sa manche?" Il y a de tout cela, oui, sans doute, dans la mélancolie du président. Plus, tout de même, autre chose – plus trouble et qui tient, comment dire?, à l'étrange attitude de ses amis... L'accord de cessez-le-feu, par exemple, que lui a apporté l'ami Sarkozy et qui a été rédigé, à Moscou, à quatre mains, avec Medvedev. Il revoit le président français, là, dans ce même bureau, si impatient de le voir signer. Il l'entend élever le ton, presque crier : "Tu n'as pas le choix Micha; sois réaliste, tu n'as pas le choix; quand les Russes arriveront pour te destituer, aucun de tes amis, aucun, ne lèvera le petit doigt pour te sauver." Et quelle étrange réaction enfin quand lui, Micha Saakashvili, a obtenu qu'ils appellent quand même Medvedev; que Medvedev a fait répondre qu'il dormait – il n'était que 21 heures, mais il dormait, et était injoignable jusqu'au lendemain matin 9 heures : le président français, là aussi, s'est emporté; l'ami français, là non plus, n'a pas voulu attendre; pressé de rentrer ? Trop assuré que l'essentiel était de signer, n'importe quoi mais signer? Ce n'est pas comme cela, songe Micha, qu'on négocie. Ce n'est pas comme cela qu'on se conduit avec ses amis.

J'ai vu ce document. J'ai vu les annotations manuscrites qu'y ont apportées les deux présidents, géorgien d'abord, français ensuite. J'ai vu le second document, toujours signé par Sarkozy et confié à Condi Rice, à Brégançon, pour qu'elle le remette à Saakashvili. Et j'ai vu, enfin, le mémorandum de remarques rédigé, dans la soirée, par la partie géorgienne et jugé par elle vital.

Elle a obtenu – et ce n'est pas un détail – que soit biffée toute allusion au "statut" futur de l'Ossétie. Elle a obtenu – et ce n'est pas négligeable – que soit précisé que le "périmètre raisonnable" à l'intérieur duquel les troupes russes étaient autorisées, dans le premier document, à continuer de patrouiller pour assurer la sécurité des russophones de Géorgie devienne un périmètre de "quelques kilomètres". Mais, de l'intégrité territoriale de la Géorgie, il n'est question dans aucun des documents. Et quant à l'argument de l'aide légitime apportée aux russophones, on tremble à l'idée de l'usage qui en sera fait quand ce seront les russophones d'Ukraine, des pays baltes ou de Pologne qui s'estimeront menacés, à leur tour, par une volonté "génocidaire"... C'est l'Américain Richard Holbrooke, diplomate de fort calibre et proche de Barack Obama, qui, retrouvé, à la fin de la nuit, au bar de notre hôtel commun, aura le dernier mot : "Il flotte, dans cette affaire, un mauvais parfum d'apaisement et de munichisme." Eh oui. Ou bien nous sommes capables de hausser vraiment le ton et de dire, en Géorgie, stop à Poutine. Ou bien l'homme qui est allé, selon ses propres termes, "buter jusque dans les chiottes" les civils de Tchétchénie se sentira le droit de faire de même avec n'importe lequel de ses voisins. Est-ce ainsi que doivent se construire l'Europe, la paix et le monde de demain? J'ai vu ce document. J'ai vu les annotations manuscrites qu'y ont apportées les deux présidents, géorgien d'abord, français ensuite. J'ai vu le second document, toujours signé par Sarkozy et confié à Condi Rice, à Brégançon, pour qu'elle le remette à Saakashvili. Et j'ai vu, enfin, le mémorandum de remarques rédigé, dans la soirée, par la partie géorgienne et jugé par elle vital.

Elle a obtenu – et ce n'est pas un détail – que soit biffée toute allusion au "statut" futur de l'Ossétie. Elle a obtenu – et ce n'est pas négligeable – que soit précisé que le "périmètre raisonnable" à l'intérieur duquel les troupes russes étaient autorisées, dans le premier document, à continuer de patrouiller pour assurer la sécurité des russophones de Géorgie devienne un périmètre de "quelques kilomètres". Mais, de l'intégrité territoriale de la Géorgie, il n'est question dans aucun des documents. Et quant à l'argument de l'aide légitime apportée aux russophones, on tremble à l'idée de l'usage qui en sera fait quand ce seront les russophones d'Ukraine, des pays baltes ou de Pologne qui s'estimeront menacés, à leur tour, par une volonté "génocidaire"... C'est l'Américain Richard Holbrooke, diplomate de fort calibre et proche de Barack Obama, qui, retrouvé, à la fin de la nuit, au bar de notre hôtel commun, aura le dernier mot : "Il flotte, dans cette affaire, un mauvais parfum d'apaisement et de munichisme." Eh oui. Ou bien nous sommes capables de hausser vraiment le ton et de dire, en Géorgie, stop à Poutine. Ou bien l'homme qui est allé, selon ses propres termes, "buter jusque dans les chiottes" les civils de Tchétchénie se sentira le droit de faire de même avec n'importe lequel de ses voisins. Est-ce ainsi que doivent se construire l'Europe, la paix et le monde de demain?


Bernard-Henri Lévy

Ce qui reste en tout cas, c'est l'extrême promptitude de l'attaque russe, prouvant qu'ils avaient sur place tous les espions et les drones souhaitables, qu'ils avaient leurs blindés sur place, moteurs chauds.

JacquesL

Le régime géorgien : hypernationaliste et adepte du nettoyage ethnique

CiterLAIQUES DE TOUS LES PAYS, UNISSEZ-VOUS ! Le régime géorgien : hypernationaliste et adepte du nettoyage ethnique !

mardi 19 août 2008, par Hubert Sage

Il n'est pas possible de ne pas réagir à la complaisance scandaleuse des médias en faveur du régime géorgien et de la politique de son président SAAKASHVILI.

Le faire passer pour l'agressé alors que c'est lui qui a lancé ses troupes contre l'Ossétie du Sud, ce que personne ne peut contester, ce n'est déjà pas mal, mais oublier délibérément que ce n'est pas pour délivrer les habitants mais au contraire pour les asservir, puisque 90% ont par référendum en 2006 voulu se séparer de la Géorgie, après une guerre d'indépendance victorieuse en 1992 (certes aidée par les Russes), c'est de la malhonnêteté intellectuelle.

Alors accepter que SAAKASHVILI raconte sans être démenti que les Russes pratiquent le nettoyage ethnique, voire le génocide, est un comble, même si on n'a aucune complaisance pour les actions passées et présentes des régimes russes successifs ici et là dans le monde !

En effet il est indispensable de faire connaître à tous la nature du régime géorgien, hypernationaliste fanatique, et ethnocidaire. Un peu d'histoire est toujours nécessaire : STALINE, Géorgien de la ville de GORI (et toujours vénéré par les habitants de la ville), donna à la Géorgie, une des Républiques soviétiques, les territoires d'Ossétie du Sud et d'Abkhasie, érigés en régions dites autonomes, qui permirent une colonisation massive de ces 2 territoires par des colons géorgiens qui se comportèrent en colonisateurs brutaux, brimant les autochtones par les moyens administratifs et économiques classiques.

Evidemment, lors de la chute de l'URSS et de l'indépendance de la Géorgie en 1991, le gouvernement géorgien supprima ces 2 régions autonomes pour amorcer une répression ethnique qui n'osa pas dire son nom ; mais le résultat ne se fit pas attendre : les Ossètes et les Abkhases se révoltèrent et conquirent leur indépendance avec l'aide des Russes (qui certes avaient intérêt à affaiblir la Géorgie) mais qui, néanmoins laissèrent une des provinces d'Abkhasie et une importante partie de l'Ossétie du Sud à l'Etat géorgien. Certes les colons géorgiens, exécrés par la population locale furent obligés de partir des territoires libérés (jusqu'à 250 000 en Abkhasie), mais les nombreux Ossètes du Sud qui vivaient dans le territoire resté à la Géorgie, devant les brimades, se réfugièrent en totalité en Ossétie du Nord, membre de la Fédération de Russie, sur le versant nord du Caucase.

Pour bien comprendre la situation de domination que les colons géorgiens exerçaient contre les populations locales, il faut se rendre compte que les minorités arméniennes et grecques qui formaient près de 15% de la populations d'Abakhasie, bien que chrétiens, se battirent avec leurs milices aux côtés des abkhases musulmans (ce qui est plus que significatif, dans ces régions, de la réalité et de l'intensité de l'oppression géorgienne) contre les colons géorgiens chrétiens qui étaient parvenus à devenir majoritaires dans la région d'Abkhasie.

En effet les régimes géorgiens qui se sont succédés en Géorgie depuis l'indépendance de 1991, à l'exception notable de celui de CHEVERNADZE, l'ex ministre des affaires étrangères de GORBATCHEV, se sont caractérisés par un impérialisme ethnique et religieux fanatique, avec en prime l'action ethnocidaire de l'église orthodoxe géorgienne qui se distingue par l'accaparation brutale des autres lieux de cultes chrétiens

Il faut ainsi faire connaître au grand jour les brimades exercées depuis des décennies par l'administration et la police géorgienne dans la province de DJAVAGH (150 000 habitants), donnée par STALINE à la Géorgie en 1920, alors qu'elle est peuplée à 90% d'Arméniens et située à la frontière de cette République.

Là, non seulement une politique active de type « minidragonnades » en vue d'affamer la population (donc de réaliser un nettoyage ethnique) est organisée désormais par les autorités géorgiennes de SAAKASHVILI, (une révolte a failli se déclencher en juillet 2008 contre ces exactions) mais les clercs de l'Eglise orthodoxe géorgienne (qui ont demandé en 2007 le rétablissement de la royauté !!!) sont envoyés presque systématiquement dans les grandes églises arméniennes historiques pour s'en emparer et supprimer les inscriptions arméniennes gravées sur la pierre en les remplaçant par des inscriptions géorgiennes (cela s'appelle de l'ethnocide) !!!!

Et tout ceci dans l'indifférence générale, notamment celle de l'administration des USA qui se gargarise pourtant de démocratie et de droits de l'homme, et parle pour cela de défendre ce « pauvre » SAAKASHVILI et son gouvernement hypernationaliste fanatique, avec un parlement où il n'y a aucun Abkhase, aucun Ossete et aucun Arménien originaire de ces provinces données par STALINE à la Géorgie. !!!! Il faut aussi savoir que l'administration étasunienne, qui soutient sans vergogne le régime hypernationaliste géorgien soutient également, et en même temps, le régime hypernationaliste fanatique d'Azerbaidjan qui voulait faire dans les années 90 (comme en 1922 à Shoushi par des massacres de nature génocidaire) le nettoyage ethnique des Arméniens dans la province du Haut Karabagh donnée par STALINE à l'Azerbaidjan (les 150 000 Arméniens de la province se sont alors révoltés et ont conquis leur indépendance), et les régimes turcs successifs connus pour leur savoir-faire dans le nettoyage ethnique génocidaire et le négationnisme, rejoints maintenant pour ce faire par les forces islamistes.

Et tout ceci, en vue d'acheminer, sous leur contrôle garantissant l'ultralibéralisme, pétrole et gaz de l'Azerbaidjan à un port turc de la Méditerranée, les oléoducs et gazoducs devant passer obligatoirement par la Géorgie. Il va donc de soi pour l'administration des USA de soutenir sans retenue des régimes qui se ressemblent par leur hypernationalisme fanatique en instrumentalisant des forces religieuses rétrogrades et obscurantistes, qui jouent elles-mêmes la surenchère nationaliste, mais qui ont tous le grand mérite à ses yeux de prôner l'ultralibéralisme économique.

Or, même s'ils ont un caractère formel de démocratie par des élections, ces régimes n'ont pas le caractère républicain émancipateur qui consiste à garantir les droits des populations à vivre dans des états-nations, et les droits de l'homme universels et imprescriptibles de liberté individuelle, d'égalité en droit et de fraternité sociale qui fondent l'humanisme et la laïcité.

Les médias pourraient-ils rappeler tout cela au lieu de s'aligner sur la thèse scandaleuse de l'administration étasunienne, soutenue d'ailleurs avec acharnement par des régimes ultra catholiques et ultra libéraux comme ceux de la Pologne et de la Lituanie ?

Hubert Sage

Président du cercle Laïcité et République Sociale

Pas facile d'avoir des informations fiables, à travers tout ce pathos fanatisé.

JacquesL

Extrait de Marianne :

Citer
Les vraies raisons de la guerre en Géorgie
Le président géorgien est-il tombé dans le panneau de la provocation russe ? Toujours est-il qu'il a donné à Moscou une belle occasion de chercher à reconquérir son influence perdue dans le Caucase.



Les vraies raisons de la guerre en Géorgie

Cette fois, le doute n'est plus permis. Le pouvoir russe s'est bien saisi de la crise ossète pour tenter de reconquérir une partie de sa zone d'influence perdue avec l'effondrement de l'URSS. En lançant ses blindés à l'intérieur du territoire géorgien, au-delà même des frontières de l'Ossétie du Sud, Moscou démontre que sa préoccupation dépasse le sort de ce petit peuple caucasien. Son but stratégique est de déstabiliser le président de la Georgie, Mikhaïl Saakachvili, résolument pro-américain au point d'avoir envoyé un contingent militaire combattre en Irak aux côtés des Etats-Unis.
Il y a quelques jours encore, l'affaire était moins claire. Lorsque les troubles ont éclaté en Ossétie du Sud, la partie russe pouvait faire valoir quelques arguments à l'appui de ses thèses. C'est le géorgien Joseph Staline qui a coupé en deux l'Ossétie, en 1922, attribuant sa partie sud à son pays d'origine. Or les Ossètes constituent un peuple caucasien dont la langue et la culture se distinguent nettement de celles de la Géorgie. A l'époque, l'Ossétie du Sud fut d'ailleurs constituée en région « autonome ». Mais la greffe n'a jamais pris. Les Ossètes du Sud se sont toujours sentis plus proches de leur frères du Nord, eux-mêmes rattachés à la fédération russe. Leur souhait a invariablement été de les rejoindre, et de passer par là-même dans le giron de la Russie. Celle-ci peut ici s'appuyer sur le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. L'argument serait toutefois plus convaincant si Moscou l'appliquait aux Tchétchènes, qui n'habitent pas très loin des Ossètes...
Cette question nationale récurrente a provoqué une guerre sanglante au début des années quatre-vingt-dix. En 1992, l'Ossétie du Sud a conquis son indépendance de fait. Mais elle restait formellement partie intégrante de la Géorgie. Et aucun pays ne reconnaissait ce petit « Etat ». Le conflit fut ainsi gelé pendant de nombreuses années. Jusqu'à ces dernières semaines...
Plusieurs facteurs expliquent l'éclatement du conflit. Le nationalisme imprudent du président géorgien Mikhaïl Saakachvili ne peut être passé sous silence. Il s'est fait élire en 2004 avec la promesse de « réunifier » son pays, c'est-à-dire de reprendre le contrôle des régions indépendantistes comme l'Ossétie du Sud ou l'Abkhazie. Ses pressions ont été tellement mal vécues que les Ossètes méridionaux ont proclamé leur « indépendance » par référendum en 2006. La semaine dernière, des troubles ont éclaté en Ossétie du Sud dans des conditions encore mal éclaircies. Ce qui est sûr, c'est que l'armée géorgienne en a profité pour essayer de reprendre le contrôle de la région.


L'ours russe sort ses griffes
Grave erreur stratégique. La Russie pouvait d'autant moins laisser passer cette offensive qu'elle avait plusieurs bonnes raisons de sortir ses griffes. Au début de l'année, Moscou avait d'abord prévenu l'Occident qu'il devait s'attendre à de sérieuses difficultés dans la région : quand le Kosovo a déclaré son indépendance, en février avec l'appui des Etats-Unis, les dirigeants russes ont clairement menacé de faire éclater d'autres frontières. Ils pensaient bien sûr à celles de la Géorgie. Comment reconnaître le droit des Kosovars à se dégager d'une tutelle nationale jugée oppressante et le refuser aux Ossètes ?
Au-delà de la question ossète, Moscou avait une autre raison stratégique pour s'en prendre à la Géorgie. Ce pays fait des pieds et des mains pour intégrer l'OTAN. Une perspective insupportable pour Vladimir Poutine, resté le véritable maître de la Russie. Une Géorgie déstabilisée serait, à coup sûr, dans l'incapacité de rejoindre l'alliance atlantique. Or Moscou cherche à réaffirmer son influence sur ce Caucase qui faisait partie de son empire à l'époque soviétique.
Restent de triviales considérations économiques qu'on ne saurait oublier. De par sa situation géographique, la Géorgie permet de contourner la Russie par voie d'oléoduc ou de gazoduc. Ce pays est devenu un axe de transport pétrolier avec l'inauguration de l'oléoduc Bakou (Azerbaïdjan)-Tbilissi (Géorgie)-Ceyhan (Turquie). La trop fameuse société russe Gazprom s'intéresse de très près à ce qui se trame sur le territoire géorgien...
Toutes les conditions étaient donc réunies pour que Moscou prenne le risque mesuré de provoquer des cris d'orfraie en Occident en donnant une bonne leçon à la Géorgie. Les Etats-Unis multiplient les protestations verbales et l'Europe cherche tant bien que mal à dégager les voies d'un compromis. En attendant, Poutine est à la manœuvre.

Lundi 11 Août 2008 - 12:46
Eric Dupin

JacquesL

#3
Autopsie d'un conflit
http://www.lemonde.fr/web/imprimer_element/0,40-0@2-3214,50-1089640,0.html
Où vous verrez qu'il y avait bien une forte part d'intox russe dans ce qu'on vous a dit de la chronologie des attaques.
Cela ne retranche rien aux responsabilités politiques locale de part et d'autre, qui sont lamentables.

CiterAutopsie d'un conflit
LE MONDE | 30.08.08 | 14h25  •  Mis à jour le 30.08.08 | 14h25

Sur les hauteurs de Tskhinvali, "capitale" de l'Ossétie du Sud, la base du bataillon des forces russes de "maintien de la paix" n'est plus que ruine. Les bâtiments où logeaient les soldats, l'unité médicale et les bureaux ont été les premières cibles de l'armée géorgienne lors de son offensive contre la province rebelle, dans la nuit du 7 au 8 août.

Qui a tiré le premier ? Le capitaine Vladimir Ivanov, commandant adjoint du contingent mixte (russe et géorgien) "de paix", est formel : "Les premiers tirs géorgiens ont été déclenchés le 7 au soir, à 23 h 30. Ils ont tiré à l'arme lourde, aux lance-roquettes et lance-grenades, aux obus de 122 mm et de 152 mm. Les tanks T72 situés sur les hauteurs visaient la ville et notre bataillon. A 6 heures, l'assaut a commencé. Les soldats venaient de trois directions différentes : des villages (géorgiens en Ossétie du Sud) de Tamaracheni, Ergneti et Nikosi. A 9 heures, l'aviation géorgienne est venue en soutien."

Pour comprendre, il faut avoir à l'esprit la topographie de l'Ossétie du Sud, l'enchevêtrement de villages ossètes et géorgiens, imbriqués les uns dans les autres. Les deux communautés vivent côte à côte mais dans la méfiance. Le discours est invariable : le fanatique, c'est toujours l'autre... Marqué par les fractures religieuses et ethniques, soumis aux jeux des alliances entre les grandes puissances, le Caucase, la "montagne des peuples", est une zone instable où les braises des conflits passés ne demandent qu'à être ravivées.

Dans cette région de hautes vallées encaissées dans la montagne, le contrôle des sources, des routes et des cols est depuis des siècles l'objet d'âpres luttes entre les différents groupes ethniques. En Ossétie du Sud, pas de cohabitation donc, mais un apartheid en place depuis l'effondrement de l'URSS ; la Géorgie, en proie aux démons du nationalisme, a voulu abolir le statut de région autonome accordé à la province depuis l'époque soviétique.

"Les Ossètes sont des déchets que nous allons expulser par le tunnel de Roki (qui sépare la Géorgie de la Russie)", avait dit à l'époque le président géorgien, Zviad Gamsakhourdia. Il fallait laver l'offense. Soutenue militairement par la Russie, l'Ossétie, après un conflit meurtrier, a fait sécession en 1992. Illustration de ce développement séparé : en Ossétie du Sud, chacune des deux communautés a sa propre conduite de gaz, sa propre arrivée d'eau, sa propre route de contournement ; depuis la sécession, les villageois de l'enclave géorgienne au nord de Tskhinvali peuvent se rendre à Gori (Géorgie) en évitant les villages ossètes. Et les Ossètes, pour aller de Tskhinvali à Djava, au nord de la province, empruntent une déviation afin de ne pas traverser les villages géorgiens. Un seul axe routier principal mène au tunnel de Roki, l'unique porte d'accès à la Russie. C'est par cette passe, un tunnel de 5 kilomètres sous la montagne qui relie l'Ossétie du Nord (Russie) à celle du Sud (Géorgie), que Moscou a envoyé sa 58e armée, le 9 août.

MIKHEÏL SAAKACHVILI, UN "MALADE MENTAL" POUR MOSCOU

Alan Djoussoev, 34 ans, confirme : "le 7 août, je suis allé jouer au basket. Après, on a décidé de se baigner dans la rivière. Puis je suis rentré chez moi. C'est alors que tout a commencé. Je suis descendu au sous-sol pour en sortir quand les bombardements ont cessé, vers 4-5 heures. Puis les tanks sont entrés. On ne s'attendait pas à une telle attaque, la riposte n'était pas très bien organisée. Nous avons réussi à les repousser deux fois, mais on n'aurait pas pu le faire une troisième si les Russes n'étaient pas arrivés, dans l'après-midi du 9 août, pour nous aider."

Le grand frère russe, protecteur de ce petit peuple indo-européen depuis le XVIIIe siècle, ne pouvait rester sans réagir. Aux yeux du Kremlin, l'affaire est entendue : les Géorgiens ont tout déclenché, tuant "2 000 civils" ossètes et 18 soldats russes des forces de "maintien de la paix".

Selon la version russe du conflit, le président géorgien, Mikheïl Saakachvili, profitant de ce que le monde entier avait les yeux tournés vers la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de Pékin, a lancé une opération de reconquête par la force de la province séparatiste dans la nuit du 7 au 8 août. Décrit comme "un malade mental", il est déclaré responsable du "génocide" des Ossètes du Sud. Un psychiatre russe a analysé son "syndrome" en direct à la télévision. Il "sera jugé", le parquet militaire russe l'a promis. L'opinion publique adhère. A la télévision, dans les conversations à bâtons rompus autour d'une tasse de thé dans la cuisine, les épithètes pleuvent : Saakachvili, "agent des Etats-Unis", est "un criminel de guerre", "pire qu'Hitler".

Entre Vladimir Poutine et Mikheïl Saakachvili, l'hostilité personnelle est abyssale. Parmi les ingrédients de cette guerre, il y a la vendetta personnelle. Tout oppose l'ancien agent du KGB au caractère froid, formé à Dresde, en ex-Allemagne de l'Est, et nostalgique de la puissance soviétique, et le jeune trublion géorgien, éduqué à la Columbia University, soutenu et applaudi par les Etats-Unis en tant que héraut de la démocratisation dans l'ex-URSS, qui se campe en héritier du roi David le Bâtisseur, artisan de l'unité du pays au XIIe siècle.

LE 7 AOÛT, UNE JOURNÉE DE DUPES

Vu de Tbilissi, le conflit ne commence pas avec l'offensive géorgienne du 7 août, mais avant. En juillet et août, les villages géorgiens de l'enclave (Zemo-Nikozi, Kvemo-Nikozi, Nuli, Avnevi, Eredvi, Ergneti) sont à plusieurs reprises la cible de tirs des séparatistes ossètes. Les 28 et 29 juillet, ils font feu sur un groupe de soldats de la paix et d'observateurs de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) en route vers les villages de Tchorbaouli et d'Andisi, sans faire de victimes.

Le 1er août, un pick-up transportant six policiers géorgiens explose sous l'effet d'une bombe à retardement, faisant cinq blessés graves. En représailles, Tskhinvali subit des tirs d'artillerie en provenance des villages géorgiens. Le 2 août, les séparatistes ossètes ripostent à l'arme lourde. Tbilissi accuse alors la Russie de fournir les rebelles en armes et en munitions, via le tunnel de Roki.

La guerre éclate le 7 août. Cette journée a comme un parfum de dupes. Alarmé par la situation sur le terrain, le négociateur géorgien, Timour Iakobachvili, décide de se rendre à Tskhinvali, déjà désertée par ses habitants. Là, il attend Iouri Popov, le diplomate russe. En vain. Le diplomate ne peut venir à cause d'une crevaison. Il n'a pas de pneu de rechange !

Le "président" ossète, Edouard Kokoïty, lui non plus ne se déplace pas. Seul Marat Koulakhmetov, le commandant de la "force de paix" mixte, reçoit le négociateur géorgien. Au cours de la conversation, il lui dit son ras-le-bol des séparatistes ossètes, devenus incontrôlables.

Le soir, à 19 heures, Mikheïl Saakachvili, rentré précipitamment d'une cure d'amaigrissement en Italie, déclare un cessez-le-feu côté géorgien. A 22 h 30, deux membres de la "force de paix" géorgienne sont tués et six blessés. Les villages géorgiens de Tamaracheni et de Kourta sont ensuite pilonnés par l'artillerie ossète. Mais il y a plus alarmant. A ce moment précis, les Géorgiens en sont sûrs, une colonne russe de 150 blindés entre dans le tunnel de Roki. L'information leur aurait été transmise par un satellite américain. Moscou niera.

A partir de là, il faut faire vite, sinon l'armée russe sera, dès l'aube, aux abords du pont du Kourta, qui marque l'entrée dans l'enclave. L'armée géorgienne reçoit l'ordre de marcher sur Tskhinvali, l'aviation est mobilisée, les lance-roquettes multiples entrent en action depuis les villages géorgiens. Mais la puissance de feu des séparatistes associée à la supériorité aérienne russe vont vite avoir raison des défenses géorgiennes.

PUNIR LA GÉORGIE

Les militaires géorgiens ont beau avoir été bien entraînés par les "boys" de l'armée américaine, leur matériel a beau être dernier cri (les chars sont dotés de systèmes de vision nocturne à infrarouge et de GPS), ils ne font pas le poids. Les professionnels (37 000 hommes) sont envoyés en première ligne, le reste de la troupe, 100 000 réservistes mal entraînés, est dépassé par les événements. La supériorité aérienne russe est absolue. Pourtant, pendant la guerre éclair, la défense aérienne géorgienne se targue d'avoir abattu 20 appareils russes. Faux, dit Moscou, qui reconnaît toutefois la perte de quatre appareils, dont un bombardier T22 à long rayon d'action.

Le 8 août, Vladimir Poutine est à la manoeuvre. Il rejette tous les arguments que lui soumet Nicolas Sarkozy à Pékin en marge des JO. Le président français tente de le dissuader de lancer son armée à l'assaut : "Donnez-moi quarante-huit heures de cessez-le-feu et j'obtiens le retrait des Géorgiens. - Niet. - Donnez-moi vingt-quatre heures et ils se retirent. - Niet. Ils seront punis !"

La prise de Tskhinvali par les Géorgiens, le 8 août à 14 h 30, sera de courte durée. Le surlendemain, l'armée, défaite, reçoit l'ordre de se retirer. Le 11 août en fin de journée, des colonnes de véhicules font route vers Gori, aux portes de l'enclave séparatiste, pourchassées par l'aviation russe. La guerre est finie, l'occupation russe commence. Il faut punir la Géorgie, l'affaiblir aussi afin de couper court à ses aspirations de rejoindre l'OTAN.

Grisés par leur victoire, les Russes sont prêts à tout. Le ministre des affaires étrangères, Sergueï Lavrov, confie à son homologue américaine, Condoleezza Rice, que la Russie n'acceptera jamais de négocier avec Mikheïl Saakachvili : il doit partir. Aux yeux de Moscou, la "révolution des roses" de 2003, qui a porté "Micha" au pouvoir, n'était qu'un vaste complot orchestré par Washington.

CÔTÉ RUSSE, L'ÉTAU MILITAIRE ÉTAIT PRÊT

Depuis quand la guerre était-elle en préparation ? "L'armée russe savait que la Géorgie préparait une offensive. Mais l'état-major croyait que le premier coup serait porté contre l'Abkhazie (l'autre province séparatiste de Géorgie) par voie de terre et de mer. Cette hypothèse était envisagée depuis deux ou trois ans. Quelques jours avant l'offensive contre Tskhinvali, des troupes aéroportées ont donc été transférées vers l'Abkhazie", a expliqué au Monde l'expert militaire russe Viktor Baranets.

La présence de troupes russes du génie, déployées au printemps en Abkhazie pour réparer la voie ferrée abkhaze (le tronçon entre Otchamtchira, le port abkhaze où 5 000 soldats russes ont débarqué le 10 août, et Soukhoumi), découlait donc de cette hypothèse ? Réponse de l'expert : "Si notre armée répare des lignes de chemin de fer, n'importe quel imbécile peut comprendre qu'il s'agit de préparatifs en vue d'un transfert de troupes ! Les Géorgiens ne pouvaient pas ne pas comprendre ce dont il s'agissait. C'était un message à l'adresse des Géorgiens !"

Les Russes avaient préparé l'étau militaire dans lequel ils allaient enserrer la Géorgie. Vladimir Poutine attendait une occasion à saisir. Les bâtiments russes de la flotte de la mer Noire, affirme une source haut placée au ministère de la défense d'un pays européen, ne peuvent pas appareiller dans des délais aussi courts - quelques heures -, "il leur faut des jours pour être prêts, étant donné leur état de vétusté". La coordination des opérations navales, aériennes, et terrestres russes, dans la pénétration du territoire géorgien, témoigne de cette anticipation. Impossible, soulignent les experts, d'envoyer en quarante-huit heures 20 000 hommes et 2 000 chars en Géorgie sans avoir rien préparé.

En fait, la guerre était en gestation depuis longtemps. Le premier coup de semonce date de la déclaration d'indépendance du Kosovo, le 17 février. Vladimir Poutine, encore président pour quelques semaines, fait alors savoir qu'il y aura des conséquences sur les conflits non résolus de l'ex-URSS, donc sur les régions séparatistes de Géorgie.

Le 16 avril, au moment du sommet de l'OTAN à Bucarest, la Géorgie et l'Ukraine voient pas se confirmer leur espoir d'adhérer un jour à l'Organisation du traité de l'Atlantique nord. L'élite politico-militaire russe, qui ne s'est jamais consolée de la perte de l'empire, tsariste ou soviétique, est prête à tout pour contrer une nouvelle expansion de l'Alliance atlantique à ses frontières. Dominer l'espace postsoviétique, reconquérir cette zone considérée par la Russie comme relevant de la sphère de ses intérêts traditionnels : tel est l'un des objectifs affichés par le Kremlin.

Parce qu'il comprend qu'il ne pourra pas entraver les aspirations atlantistes de la Géorgie et de l'Ukraine, Vladimir Poutine signe un décret autorisant l'établissement de relations officielles entre la Russie et les entités sécessionnistes géorgiennes. Le 21 avril, Mikheïl Saakachvili lui téléphone, le prie de revenir sur sa décision. Le dirigeant géorgien évoque les soutiens que lui apporte l'Ouest. Le président russe lui répond : "Tes déclarations occidentales, tu peux te les mettre au c..."

GÉORGIE - ETATS-UNIS, SIX ANS DE COOPÉRATION

Brusquement, la situation se dégrade en Abkhazie. Un drone géorgien, de fabrication israélienne, y est abattu, un incident rapporté dans un document de l'ONU. Le risque de déflagration semble alors plus grand en Abkhazie, sur le littoral de la mer Noire, qu'en Ossétie du Sud, région agricole sans grand intérêt stratégique. Mais l'Ossétie du Sud, avec ses "hommes aux épaulettes" inféodés au Kremlin, s'est avérée plus facile à déstabiliser.

Entre le mois d'avril et le déclenchement de la guerre en août, Washington n'a eu de cesse de mettre en garde la direction géorgienne : surtout ne pas céder aux provocations russes, ne pas lancer d'opération armée vers l'une ou l'autre des enclaves séparatistes. Les renseignements américains, qui surveillent les concentrations de troupes russes dans le nord du Caucase, préviennent Mikheïl Saakachvili que s'il agit, les représailles russes seront importantes, avec une campagne de bombardements aériens.

Les Américains sont renseignés en direct sur les envies géorgiennes d'en découdre : depuis des années, ils ont des conseillers dans les structures de sécurité et au ministère de la défense à Tbilissi. Les premiers "bérets verts" (forces spéciales) américains ont atterri en Géorgie en 2002 dans le cadre de la lutte contre Al-Qaida. A l'époque, Vladimir Poutine avait déclaré qu'il n'y voyait "aucune tragédie". Aujourd'hui, il accuse les Etats-Unis d'avoir "créé ce conflit spécialement" à des fins de politique intérieure.

Soucieux d'échapper au tête-à-tête avec le grand voisin du Nord, Mikheïl Saakachvili a toujours cherché le soutien des pays occidentaux. Mais à l'Ouest, on ne comprend rien à ces "conflits gelés", dont les braises ne cessent de rougeoyer. A son arrivée au pouvoir en 2004, le président géorgien a promis de ramener les territoires irrédentistes dans le giron du pouvoir central. Trois mois après son élection, il avait réussi, sans un seul coup de feu, à se débarrasser d'Aslan Abachidzé, le roitelet d'Adjarie (région du sud de la Géorgie, à la frontière avec la Turquie). Sans doute est-il persuadé, quatre ans plus tard, qu'il peut tenter le coup de force en Ossétie en Sud. Au pire, il réussira à internationaliser le problème des "conflits gelés".

Pour Moscou, l'urgence est tout aussi grande. En décembre, l'Alliance atlantique réexaminera la candidature de la Géorgie et de l'Ukraine. Et puis la communauté internationale commence à s'intéresser de plus près à la résolution des conflits. En juillet, le ministre allemand des affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, s'est rendu à Soukhoumi, la "capitale" abkhaze, avec un plan de paix dont il pensait qu'il avait l'agrément des Abkhazes et des Russes. La tentative échoue devant ce qui apparaît comme une volte-face de Moscou. "Steinmeier a été piégé par les Russes", estime une source au sein de l'OSCE. Le Kremlin lui aurait fait miroiter une ouverture avant de sceller l'échec de son voyage, preuve de l'impuissance européenne.

La Russie ne veut à aucun prix que la communauté internationale mette son nez dans ces confettis de l'empire soviétique. Les "conflits gelés" - l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud en Géorgie, la Transnistrie en Moldavie - sont autant de leviers possibles de déstabilisation de la périphérie. Dirigés en toute opacité par des satrapes corrompus à la botte du Kremlin, ces "trous noirs" aux contours flous ont le don de plaire à l'élite politico-militaire russe, obsédée par la restauration de l'empire. "La douleur fantomatique de la perte de l'empire soviétique reste vive, comme un membre amputé que l'on sent encore...", avait coutume de dire le sociologue défunt Iouri Levada (1930-2006).

En quatorze ans, chacun des trois présidents russes a eu sa guerre. En 1994, Boris Eltsine lance les chars à l'assaut de la Tchétchénie ; cinq ans plus tard, Vladimir Poutine met le second conflit tchétchène au centre de sa campagne électorale. Avec l'intervention en Géorgie, l'obsession militaire refait surface. Il fallait bien que Dmitri Medvedev, lui aussi, ait sa guerre.

Marie Jégo, avec Alexandre Billette, Natalie Nougayrède, Sophie Shihab et Piotr Smolar
Article paru dans l'édition du 31.08.08

JacquesL

Poutine reconnaît avoir planifié la guerre en Géorgie, deux ans à l'avance.

http://www.lefigaro.fr/international/2012/08/10/01003-20120810ARTFIG00541-poutine-reconnait-avoir-planifie-la-guerre-en-georgie.php

CiterLe président russe a affirmé que l'offensive militaire contre la Géorgie avait été préméditée et préparée par l'état-major, sous ses ordres. Il a aussi reconnu que les militaires russes avaient armé et entraîné des milices locales en Ossétie du sud, l'une des régions séparatistes de Géorgie, au cœur du conflit d'août 2008.

Contrairement a ce qu'avait toujours prétendu Moscou - que l'offensive militaire lancée le 8 août 2008 n'avait été qu'une réponse à une attaque surprise de Tbilissi en Ossétie du sud 24 heures plus tôt - la guerre de Géorgie a été planifiée par l'état-major russe presque deux ans avant les événements. C'est Vladimir Poutine lui même qui vient de le confirmer à la télévision. «Il y avait un plan, ce n'est pas un secret... C'est dans le cadre de ce plan qu'a agi la Russie. Il a été préparé par l'état-major général, fin 2006 ou début 2007. Il a été approuvé par moi et convenu avec moi», a affirmé le président russe, qui était déjà aux manettes à l'époque, en tant que premier ministre. Selon ce plan, des armes lourdes et des troupes ont été préparées et mobilisées en vue d'une invasion prochaine de la Géorgie.

À l'issue de cette guerre éclair de cinq jours, la Russie a reconnu l'indépendance des deux régions séparatistes de Géorgie, l'Ossétie du sud et l'Abkhazie. Contrairement au plan de paix international imposé aux belligérants par Nicolas Sarkozy, Moscou y maintient depuis d'importantes forces militaires.

Faisant voler en éclat ses précédentes déclarations selon lesquelles, jusqu'à la guerre, Moscou n'entretenait que des «gardiens de la paix» dans les régions séparatistes, Poutine a aussi reconnu pour la première fois que des militaires russes avaient pendant plus de deux ans formé et entraîné les milices locales avant l'offensive contre le régime de Tbilisi, en violation totale des lois internationales. «Dans le cadre de ce plan, un entraînement de miliciens d'Ossétie du sud a été effectué», a-t-il dit. Avant d'ajouter: «Nos spécialistes militaires pensaient initialement que ces milices ne pourraient pas aider dans une confrontation entre armées régulières, mais en fait, elles nous ont été fort utiles.»

La reconnaissance du caractère prémédité de l'agression militaire et de l'intégration des milices séparatistes d'Ossétie du sud dans le plan de l'état major russe met à mal la version officielle qui était jusque là fournie par Moscou, et parfois reprise, au nom d'intérêts diplomatiques ou économiques, jusqu'en Occident. Elle pose aussi des questions, selon l'analyste militaire russe Pavel Felgenhauer, sur «l'intégrité» du rapport de l'Union européenne rédigé par la diplomate suisse Heidi Tagliavini, «qui avait accusé les Géorgiens d'avoir commencé la guerre en attaquant des gardiens de la paix russes». Ce qui, selon la diplomate, avait justifié la réponse militaire russe.
Un pied de nez aux Occidentaux

Depuis quatre ans, le régime de Tbilissi répétait inlassablement que l'incursion armée en Géorgie, en août 2008, constituait «un acte d'agression prémédité contre une nation souveraine» et que l'attaque des forces géorgiennes n'avait été lancée que parce que les troupes russes s'apprêtaient à franchir la frontière. Selon le pouvoir géorgien, la guerre russe d'août 2008 était une réaction aux «premiers succès des réformes géorgiennes» qui, en offrant un exemple de développement à l'ancien espace soviétique, menaçaient le modèle russe. Elle était aussi une réponse à l'indépendance du Kosovo, désapprouvée par le Kremlin.

En assumant pleinement le caractère prémédité de l'offensive contre Tbilissi, Vladimir Poutine fait un pied de nez aux Occidentaux, qu'il affronte depuis plusieurs mois sur le dossier syrien et à qui il signifie ainsi qu'il n'a que faire des règlements internationaux. «Ce n'est pas une erreur de la part de Poutine», commente un proche du dossier. Le président russe a aussi réagi aux propos de son premier ministre, Dmitri Medvedev, qui tentait de se justifier après avoir été accusé de «faiblesse» et «d'indécision» au moment du déclenchement de la guerre par des généraux russes, dans un documentaire diffusé à l'occasion du quatrième anniversaire du conflit. Dans ce film, l'ancien chef d'état major Iouri Baluyevsky confirme lui aussi que l'invasion avait été planifiée de longue date et que les commandants avaient reçu des ordres de mission longtemps à l'avance.

Cette rhétorique n'est pas forcément de bonne augure pour l'avenir. Le président géorgien, Mikhail Saakachvili, redoute que la Russie fomente des troubles pendant les élections législatives qui auront lieu dans un mois. Réagissant aux aveux de Poutine, le gouvernement géorgien a appelé «la communauté internationale à continuer d'exercer des pressions sur la Russie pour qu'elle retirer ses forces d'occupation de la Géorgie et qu'elle respecte l'intégrité et la souveraineté territoriale de ses voisins. Le renforcement des positions militaires dans les régions sécessionnistes est considéré comme une «menace grave et immédiate à la sécurité de la Géorgie».

L'expert militaire Pavel Felgenhauer est l'un des rares à avoir prévu la guerre en 2008. Aujourd'hui, il tire à nouveau la sonnette d'alarme dans Eurasia Daily Monitor: «L'état-major général russe a sans doute un autre plan pour envahir et occuper le reste de la Géorgie. Comme en 2008, la décision de l'activer sera décidée par la même et unique personne, Vladimir Poutine.»
Par Isabelle Lasserre