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jacquesloyal

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Réédition du coup des "Irlandais de Vincennes".

Démarré par JacquesL, 18 Avril 2009, 10:56:42 PM

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JacquesL

Sur ce coup-ci, m'Amie (aussi connue sur ce forum, mais hélas peu active) a été bien plus rapide que moi : elle a immédiatement reconnu dans l'affaire Coupat une réédition du coup des "Irlandais de Vincennes", une manipulation politico-policière montée de toutes pièces.

Le journal Libération est arrivé à la même conclusion, après une enquête qui semble complète :
http://info.france2.fr/france/53488939-fr.php
http://www.liberation.fr/societe/0101562270-sept-mois-de-traque-d-une-cellule-invisible
http://www.liberation.fr/societe/0101562266-la-fabrique-d-un-presume-coupable
http://www.arretsurimages.net/vite.php?id=4067

A quand l'incendie du Reichstag ?

JacquesL

#1
Il faut lire pendant que c'est libre, cet interview de Julien Coupat, à http://www.lemonde.fr/web/imprimer_element/0,40-0@2-3224,50-1197456,0.html

J'hésite à en prendre des extraits à copier ici.
Je suis partagé. Bien sûr qu'il a toute ma sympathie pour l'injustice de l'accusation et de la détention sur prétextes bidonnés, confectionnés de toutes pièces.

Bien sûr que je suis admiratif devant la brillance des analyses.

Citation de: Julien CoupatNous vivons actuellement, en France, la fin d'une période de gel historique dont l'acte fondateur fut l'accord passé entre gaullistes et staliniens en 1945 pour désarmer le peuple sous prétexte d'"éviter une guerre civile". Les termes de ce pacte pourraient se formuler ainsi pour faire vite : tandis que la droite renonçait à ses accents ouvertement fascistes, la gauche abandonnait entre soi toute perspective sérieuse de révolution. L'avantage dont joue et jouit, depuis quatre ans, la clique sarkozyste, est d'avoir pris l'initiative, unilatéralement, de rompre ce pacte en renouant "sans complexe" avec les classiques de la réaction pure – sur les fous, la religion, l'Occident, l'Afrique, le travail, l'histoire de France, ou l'identité nationale.

Face à ce pouvoir en guerre qui ose penser stratégiquement et partager le monde en amis, ennemis et quantités négligeables, la gauche reste tétanisée. Elle est trop lâche, trop compromise, et pour tout dire, trop discréditée pour opposer la moindre résistance à un pouvoir qu'elle n'ose pas, elle, traiter en ennemi et qui lui ravit un à un les plus malins d'entre ses éléments. Quant à l'extrême gauche à-la-Besancenot, quels que soient ses scores électoraux, et même sortie de l'état groupusculaire où elle végète depuis toujours, elle n'a pas de perspective plus désirable à offrir que la grisaille soviétique à peine retouchée sur Photoshop. Son destin est de décevoir.

Mais je suis très très mal à l'aise devant les impasses mystiques de cette intelligence, néo-Mao-spontex, mythifiant le génie des masses, rebaptisée ici "la rue". Le ton général est terriblement paranoïde, la pensée strictement bipôlaire : le monde est clivé entre les bons et les méchants.

Evidemment que sa violence verbale, dont je demeure persuadé qu'elle ne débouchera que sur de l'impuissance politique, me met en cause dans ma propre inefficacité politique d'écrivain marginal.

Je suis atterré par la symétrie et l'escalade symétrique entre Coupat et ses accusateurs. Paranoïas symétriques, comme furent symétrisés l'Okhrana de Nicolas II et Joseph Djougachvili dit Staline, modelé par la répression et la clandestinité...

Coupat s'imagine que les bourdes et les délits accumulés par la cour du petit roi Nic le hutin vont déboucher sur une victoire de "la rue" : "Chaque pas qu'ils font vers le contrôle de tout les rapproche de leur perte." et toute sa force de projection le fait projeter vers une rue ou des banlieues messianisées. Politisé à l'extrême et peu averti des réalités économiques, il exagère l'avenir des U.S.A. comme il exagère sans doute notre propre avenir de nation française.

Une élite aveuglée et délinquante peut ne pas conduire à la victoire du pays profond sur ses élites, elle peut bien déboucher sur une défaite totale du pays, au profit d'un vainqueur extérieur. Cela lui échappe, comme lui échappe la délocalisation du capitalisme, qui ne réside plus guère là où on pourrait l'atteindre.

Pour prendre un exemple local à l'Europe, le déclenchement de la première guerre mondiale. Aucun des pays belligérants n'avait de buts de guerre. Les marxistes ont prétendu qu'il s'agissait de la guerre des marchés industriels. C'est faux, cette guerre-là, l'Allemagne l'avait déjà gagnée. Celui qui avait mobilisé le premier et tout déclenché, Nicolas II, n'avait aucun but de guerre, juste le mobile de la fierté blessée d'avoir été écrasé en 1905 par les japonais. En revanche, les classes dirigeantes des nations d'Europe qui se sont ainsi jetées les unes sur les autres avaient un but de guerre civile : saigner et mater leurs classes ouvrières dont elles avaient peur, et leurs paysanneries. Voilà pourquoi elles les ont envoyé mourir au champ d'horreur.
Et qui fut le vainqueur économique de cette guerre mondiale ? Les Etats Unis.
Le Japon dans une moindre mesure.

Les élites pourries ne servent pas leurs pays, ne préparent pas la victoire de l'avant-garde révolutionnaire, elles préparent l'écrasement de leur pays par des ennemis extérieurs. Le défi qui se pose à l'opposition, est d'éviter cet écrasement économique, voire militaire par surcroît. Malgré le prestige que lui vaudra l'injustice et l'emprisonnement, Coupat n'est pas la personne qu'il faut pour cela.


Premier compte-rendu du scandale de ce montage de l'affaire Tarnac :
http://deonto-famille.org/citoyens/debattre/index.php?topic=896.0

JacquesL

Une réaction d'un lecteur du Monde :
Citer
François k. :
  Ce que je déplore dans le texte de M Coupat, c'est la faiblesse éthique de sa pensée. ... Il serait souhaitable que ces jeunes intellos se réclament non seulement des valeurs fondatrices de la République mais des valeurs morales tout court. Et qu'ils s'interrogent sur ce qu'est l'homme, ce qu'il doit faire ou ne pas faire, ce qu'il lui est permis d'espérer.
Mais le discours du pouvoir est aussi indigent à cet égard. 

JacquesL

#3
Citation de: Mateo le 03 Juin 2009, 04:38:26 PM
Une critique des héritiers du Situationisme de Guy Debord, par la revue Le Tigre :

http://www.le-tigre.net/Heritiers-situationnistes.html


Merci et bravo pour le lien et la qualité de l'analyse qu'on y trouve.

Il est évident que les citations de Simone Weil m'interpellent.
[15] Simone Weil, « Réflexions pour déplaire » (1936), repris dans ses Œuvres, Gallimard, 1999, p. 401.

[16] Simone Weil, « Réflexions sur la guerre » (1933), ibidem, p. 459.

J'avais abouti, en moins grand, à la même conclusion en août 1968.

Je ne discerne pas du tout qui est cet Agamben qui est mentionné plusieurs fois.


Je vais encore me répéter, mais aussi bien ce lien sur l'héritage situationniste que l'interview de Coupat, ou une brève plongée sur tel forum troskyste, tout cela me confirme qu'il faut prendre la peine et le risque d'exposer noir sur blanc, par écrit, ses valeurs. Les exposer au feu de la critique et du débat. Se contenter de l'ironie, de la dérision, des allusions, du talent de polémiste, ne peut conduire qu'à des dérives graves.

JacquesL

Les opinions sont libres, et la réponse aussi.
Apparemment personne ne conteste le fonctionnement paranoïde de Coupat.
Mais la critique de Jean-Jacques est fort perfectible, ce qui implique "critiquable".

A mes yeux, l'imposture freudienne est un très très mauvais allié.
Citation de: Jean-Jacquescomment ne pas ressentir dans cette violence verbale toute la problématique oedipienne qui le taraude sans cesse ? Papa est à détruire... Lui qui m'a séparé du grand tout indistinct de la mère...

Au secours Dr Freud !!!

... qu'il projette en permanence sur tout ce qui peut ressembler de près ou de loin à l'image du père ?

Il n'est pas acceptable de se contenter de renvoyer Coupat à la seule pathologie individuelle et familiale, et encore moins à le faire au nom du freudisme.

Citation de: Jean-JacquesOn notera ici encore la montée en puissance du vocabulaire : Coupat crache
son venin, sa haine déborde dans chaque phrase...
Cela et la suite, c'est une méthode de débat inacceptable. Coupat est complètement méprisé et haï par Jean-Jacques.

Le devoir d'un éditeur de site est de rappeler Jean-Jacques à plus de discipline de respect des autres. Nous lit-il ici ?

Peut-être aussi renvoyer Jean-jacques à lui-même :
Qu'est-ce qui ne va pas en toi, qui fait que le Coupat te dérange à ce point ?

Là encore, il faut prendre le risque d'exposer aux vents de la critique et du débat, les valeurs au nom desquelles on critique autrui, voire déteste autrui.

JacquesL

Il est bien confirmé qu'il s'agissait là d'une falsification policière maximale, exactement ce qu'on pouvait attendre de l'ex-ministre de la police qui détenait le palais de l'Elysée. Ce qui est nouveau en France, mais connu au Royaume Uni depuis au moins février 2011, voire depuis 2010.

http://www.lemonde.fr/societe/article/2012/11/08/l-espion-anglais-qui-a-piege-le-groupe-de-tarnac_1787480_3224.html
http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/11/14/le-secret-le-mieux-garde-de-l-affaire-de-tarnac_1790316_3232.html

Il s'agit de l'agent britannique Mark Kennedy, chargé de provoquer les altermondialistes pour organiser leurs arrestations. Pervers et largement mythomane.

CiterFinalement, il y avait bien un homme qui vivait dans la "clandestinité" dans l'affaire de Tarnac. Mais il ne s'agissait pas d'un des jeunes gens interpellés le 11 novembre 2008 en Corrèze, à Rouen et à Paris, contrairement à ce que les rapports de police décrivaient. C'était Mark Kennedy. Son métier : policier britannique infiltré dans la mouvance altermondialiste de 2003 à 2010.

Mardi 6 novembre, comme l'a révélé Rue89, Me William Bourdon, avocat de Yildune Lévy, mise en examen pour "participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme", a demandé à la juge d'instruction chargée du dossier, Jeanne Duyé, la communication de "l'entier dossier de renseignement" dont sa cliente a fait l'objet avec son mari, Julien Coupat, également mis en examen.
...
Mark Kennedy, 42 ans, a passé sept ans sous le nom de Mark Stone à parcourir  le monde, de manifestations antiracistes en happenings écologistes, sans oublier  les réunions anti-G20. Il travaillait pour le National Public Order Intelligence Unit (NPOUI), un organisme britannique de lutte contre le terrorisme "intérieur".

En 2009, il participe à l'organisation de l'occupation d'une centrale à charbon à Ratcliffe-on-Soar (Royaume-Uni). Tous les participants sont interpellés, sauf lui. Le doute s'installe parmi ses proches. Le 20 octobre 2010, une confrontation est organisée par les militants, et il se découvre. L'affaire est révélée par le quotidien The Guardian. Le scandale provoque la disparition du NPOUI.

"STRUCTURE CLANDESTINE"

Dans le dossier de Tarnac, Mark Kennedy n'apparaît (presque) nulle part. Un "Mark" a été griffonné dans les carnets de Julien Coupat. Pourtant, il est partout, dès le début. Car l'enquête sur les militants français n'a pas commencé en novembre 2008, après les sabotages de lignes SNCF, mais le 11 avril, lorsque le patron de la sous-direction antiterroriste de la police judiciaire demande au parquet de Paris d'ouvrir une enquête préliminaire sur "une structure clandestine anarcho-autonome (...) projetant de commettre des actions violentes", sur la base d'"informations communiquées par la direction centrale des renseignements généraux".

Parmi ces éléments, un fait concret : l'interpellation de Julien Coupat et Yildune Lévy par la police canadienne, le 31 janvier 2008, alors qu'ils franchissent clandestinement la frontière américano-canadienne.

Mais aussi des détails plus flous issus de surveillances ou de sources internes au mouvement : la participation du couple "à une réunion d'anarchistes américains à New York", du 10 au 15 janvier, et "des relations étroites avec des activistes européens (...) notamment en Pologne, en Espagne, en Grèce, en Italie, en Suisse, en Allemagne et au Royaume-Uni". Un rapport confidentiel rédigé en juin 2008 par la direction centrale des renseignements généraux – publié en mars 2012 par Mediapart – est plus précis encore sur les dates et les participants aux réunions européennes, mais il n'a jamais été joint à la procédure...
...

Citer
C'est en février 2011 que parut la première brève sur le sujet : "Ce fut longtemps le secret le mieux gardé de l'"affaire de Tarnac" : un agent britannique, infiltré au coeur des mouvements altermondialistes et environnementalistes européens, a joué un rôle important dans cette enquête" (L'Express). La nouvelle est longtemps restée sans suite, orpheline. Les scandales ne s'importent pas comme n'importe quelle autre marchandise.

Leur naissance doit trop à la conformation morale du pays où ils éclatent. "L'affaire Mark Kennedy", en Angleterre, a nourri les tabloïds et les émissions à sensation pendant des mois. Elle a conduit à la dissolution de l'unité "d'élite" des services secrets pour laquelle il travaillait, au déclenchement d'une kyrielle d'enquêtes sur les méthodes d'infiltration de la police anglaise, à la démission d'un procureur, au non-lieu de toutes les procédures impliquant de près ou de loin Mark Kennedy, et même à l'annulation de jugements déjà rendus.

Mais le fond du scandale était éthique : il tenait à l'incompatibilité du stupre et du lucre avec l'ethos puritain anglais. Peut-on, dans le cadre de son travail d'officier de renseignement, coucher avec des dizaines de charmantes jeunes anarchistes ? Est-il permis de dépenser plus de 2 millions d'euros, sept ans durant, pour financer les soirées techno, les beuveries, les vacances, les montres-espions à 7 000 euros d'un James Bond piercé et tatoué de l'anarchie, et tout ça pour un peu d'information sur les activités des écologistes radicaux, des antifascistes, des militants antiglobalisation ? La sensibilité nationale répondait sans hésitation "non" à ces questions superflues. D'où l'ampleur et la durée du scandale. En Allemagne, où l'on est, semble-t-il, d'abord soucieux des procédures et du sol national, l'affaire Mark Kennedy porta plutôt sur la légalité ou non de l'usage d'un agent étranger sur le territoire allemand.

On peut dresser de l'affaire de Tarnac plusieurs généalogies également scandaleuses, et presque également barbouzardes, mais la plus significative politiquement est celle qui part de Mark Kennedy : car c'est elle qui en dit le plus long sur les arcanes de notre temps. Mark Kennedy travaillait officiellement pour la National Public Order Intelligence Unit, un service de renseignement britannique créé en 1999 afin de combattre le retour de la contestation écologiste et antiglobalisation au Royaume-Uni.

Le déploiement massif d'agents infiltrés dans ces mouvements traduit "sur le terrain" le lancement d'une nouvelle doctrine policière qui se nomme en anglais "intelligence-led policing" et en français, sous licence d'importation déposée par Alain Bauer et Xavier Raufer, le "décèlement précoce". C'est dans les années 2000 que le Royaume-Uni s'attache, au travers de sa présidence de l'Union européenne, à la diffuser et à la faire adopter par ses partenaires européens ; ce en quoi les autorités britanniques ont réussi, comme elles s'en flattent publiquement : car, avec la doctrine, c'est un ensemble de services, de techniques et d'informations qui pourront être échangés et vendus aux partenaires en question.

Des "informations" sorties de l'imagination fertile de Mark Kennedy, par exemple. La nouvelle doctrine dit ceci : l'engagement politique, dès qu'il dépasse le cadre inoffensif de la manifestation ou de l'interpellation des "dirigeants", sort du cadre démocratique pour entrer dans le domaine criminel, dans le "préterrorisme". Ceux qui sont susceptibles de sortir de ce cadre sont repérables à l'avance. Plutôt que d'attendre qu'ils commettent un crime, comme occuper une centrale à charbon ou bloquer un sommet européen ou un G8, il suffit de les arrêter dès qu'ils en forment le projet, quitte à susciter soi-même le projet.

Les techniques de surveillance humaine comme l'électronique à disposition doivent être suffisamment étendues, sophistiquées et partagées. Et comme ces techniques "préventives" ne sont elles-mêmes guère compatibles avec l'ordre réputé démocratique, il faut s'organiser en marge de celui-ci. C'est d'ailleurs en toute franchise ce que répondit le chef du BKA allemand (équivalent local de la direction centrale du renseignement intérieur, DCRI) lorsqu'une commission d'enquête parlementaire s'avisa de l'interroger sur l'affaire Kennedy : "Contre les euro-anarchistes, contre ceux qui s'organisent conspirativement et internationalement, nous devons nous organiser tout aussi conspirativement et tout aussi internationalement." "Il faut agir en partisan partout où il y a des partisans", disait Napoléon dans une formule que Carl Schmitt se plaisait tant à citer.

Il ne fait aucun doute que le début des ennuis pour les gens de Tarnac vient d'informations, fabriquées pour certaines, volontairement gonflées pour d'autres, émanant de Mark Kennedy : il fallait bien qu'il justifie son salaire, et ses employeurs, leurs crédits. Des réseaux franco-britanniques de l'ombre auront assuré leur transmission discrète à la DCRI, qui s'est trouvée ainsi piégée, elle, bien plus que ceux de Tarnac. Telle est donc la véritable signification, et le véritable skandalon, de l'affaire de Tarnac. Ce qui se cache sous l'apparence d'un fiasco judiciaire français, c'est la constitution d'une conspiration policière mondiale revendiquée dont Mark Kennedy, officiellement actif dans onze pays, de l'Europe aux Etats-Unis en passant par l'Islande, n'est à ce jour que le plus fameux pion.

Comme toujours, la prose policière ne contient de vérité qu'à condition de l'inverser terme à terme : lorsque la police dit : "Les euro-anarchistes sont en train de tisser un réseau pré-terroriste européen pour attaquer les institutions", il faut évidemment lire : "Nous, policiers, sommes en train de doubler les institutions par une vaste organisation européenne informelle afin d'attaquer les mouvements qui nous échappent." Le ministre de l'intérieur, Manuel Valls, a déclaré à Rome que, face aux "processus de radicalisation dans de nombreux pays", il importait d'accentuer la coopération au sein d'Interpol contre les "formes de violence provenant de l'ultra-gauche, de mouvements anarchistes ou d'autonomes".

Or ce qui se passe en ce moment en Europe, en Espagne, au Portugal, en Grèce, en Italie, au Royaume-Uni, ce n'est pas que surgissent ex nihilo des groupes radicaux venus menacer la quiétude de la "population", mais que les peuples eux-mêmes se radicalisent devant l'évident scandale qu'est l'ordre présent des choses. Le seul tort de ceux qui, comme les gens de Tarnac, sont issus du mouvement antiglobalisation et de la lutte contre la dévastation du monde, c'est d'avoir formé un signe avant-coureur d'une prise de conscience désormais générale.

Au train où vont les choses, il se pourrait bien qu'un jour le refus de l'identification biométrique, aux frontières comme dans la vie, devienne une pratique diffuse. Ce qui constitue la plus lourde menace sur la vie des gens, ce ne sont pas de chimériques "groupes terroristes", mais l'organisation effective de la souveraineté policière à l'échelle mondiale, et ses coups tordus. L'Histoire nous rappelle que les intrigues de l'Okhrana, la police secrète russe, n'ont guère porté bonheur au régime tsariste. "Il n'est pas de force au monde qui puisse endiguer le flot révolutionnaire quand il monte, et toutes les polices du monde, quels que soient leur machiavélisme, leurs sciences et leurs crimes, sont à peu près impuissantes", notait l'écrivain Victor Serge. Il délivrait aussi ce conseil dans Ce que tout révolutionnaire doit savoir sur la répression, 1926 : "Si l'accusation se base sur un faux, ne pas s'en indigner : la laisser plutôt s'enferrer avant de la réduire à néant."

Giorgio Agamben, philosophe et Yildune Lévy, mise en examen dans l'affaire de Tarnac

JacquesL