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Un exposé de comprador, par Eric le Boucher.

Démarré par JacquesL, 20 Janvier 2010, 03:37:21 AM

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JacquesL

Cet économiste commence par impressionner, son exposé est documenté... Mais il est extrêmement subjectif et militant.
L'écrivain pasticheur n'aurait pas osé composer un hymne de comprador aussi caricatural, mais le voilà, il existe :
http://www.slate.fr/story/15899/Chine-guerre-economique-europe-droits-homme

CiterLa guerre économique contre la Chine est déclarée

Première partie: l'inquiétante montée de la sinophobie.

Mardi 19 Janvier 2010

 
On ne rencontre plus un chef de grande entreprise sans qu'il confie: «Le vrai problème, c'est la Chine.» Le milieu des affaires français devient sinophobe. La transformation a été rapide. Il y a deux ans, un an encore, les chefs d'entreprises n'avaient que le mot «Chine» dans leurs plans d'investissements et dans leurs agendas. Ils avaient une admiration sans borne pour les  autorités de Pékin qui ont su conduire, sans erreur, la modernisation du si vaste et explosif Empire du Milieu, et qu'importait en vérité, devant cette réussite, que le pouvoir fut communiste et brutal avec les opposants. Aujourd'hui, cette admiration demeure, les entreprises françaises rêvent encore de Chine, d'y aller, d'y investir, d'y vendre.  Mais concernant les attitudes du gouvernement de Pékin, elles trouvent désormais que «trop, c'est trop».

Google, ce héros

Google est devenu leur héros en une journée. Que le géant de l'Internet ait osé se lever pour dénoncer les «attaques» dont son moteur de recherche informatique a fait l'objet et qu'il accuse, sans se cacher, le pouvoir chinois, voilà qui les réconfortent! Enfin! Enfin, une firme occidentale tient tête et refuse de s'agenouiller! Bravo pour ce courage de dire «non!»  Non, aux censures, non au pillage et à la contre-façon généralisée, non aux impositions de partenaires chinois obligés, non à la corruption, non à l'absence d'Etat de droit et d'équité! Cela suffit! Dans l'ensemble de la communauté des grandes firmes internationales, pas seulement les françaises, le geste de Google est salué comme un très important coup de poing sur la table. Aucun autre groupe n'aura la force et le culot de faire comme Google, mais son geste rencontre l'assentiment unanime. «Il y a une frustration croissante parmi les entreprises faisant des affaires en Chine», explique John Neuffer, vice-président de l'Information Technology Industry Council aux Echos.

Toutes les grandes multinationales sont venues en Chine attirées par le marché de 1,3 milliard d'individus. Toutes ont accepté en échange les exigences imposées par les autorités, le jeu en valait largement  la chandelle. Elles sont passées sur les mille tracas, les pertes financières lourdes et répétées et, le pire, les humiliations systématiques et permanentes. On ne renonce pas à l'Eldorado.

La Chine, de son côté, s'est voulue accueillante dans les années 1980 et 1990. Ses propres conglomérats hérités du passé maoïste étaient incapables de fournir les produits exportables aux Etats-Unis et en Europe. Pour suivre sa stratégie de développement «par l'export», celle que la Chine empruntait à partir de 1979 après le Japon, la Corée puis tous les «tigres du sud-est asiatique», Pékin avait besoin du savoir-faire étranger, des technologies, des normes de qualité, des méthodes de productivité. Elle devait en passer par une certaine ouverture pour parcourir au plus vite la «courbe d'apprentissage» du rattrapage économique.

Cette ouverture était calculée. La Chine est la Chine, il fallait garder la main, imposer des joint-ventures avec des sociétés chinoises, s'inspirer, étudier et copier les savoir-faire, voire les produits eux-mêmes, sans s'embarrasser outre-mesure des droits de propriété et des copyrights. L'affaire Danone a montré combien ce type d'ouverture «à la chinoise» était difficile à vivre pour les firmes étrangères, soumises à une compétition inégale et illégale avec la complicité totale mais opaque du pouvoir.

La crise du «modèle« occidental

Les optimistes plaidaient que ce jeu chinois était normal et justifié. Viendra le temps, disaient-ils, où, grâce à la croissance et la hausse des niveaux de vie, les entreprises chinoises exigeront elles-mêmes une concurrence plus loyale et une lutte contre la  corruption. Tout est question de «phase» dans le développement, la Chine étant, comme les Etats-Unis vers 1880, dans une période où les règles et les lois sont en retard. Même considération sur la démocratie au sens large : le bien-être matériel finira par l'imposer, le système chinois va acclimater inévitablement les règles de droit. L'économie précède la politique, comme a dit Marx. Les firmes occidentales doivent être patientes, attendre que peu à peu le droit s'installe, que peu à peu la Chine importe un comportement capitaliste loyal. Son entrée dans l'OMC (Organisation mondiale du commerce) prouve qu'elle veut s'intégrer dans l'économie mondialisée, en finissant forcément par en adopter les règles.

Puis, la crise est venue. La plus forte depuis cinquante ans. Elle est venue du capitalisme américain, de ses excès financiers, de son absence de règles et de régulation. Le coupable est le modèle occidental, l'«ultra-libéralisme». Ce ne sont pas les Chinois qui le disent, mais les Européens et les Américains le reconnaissent. Or, le pouvoir à Pékin a eu très peur. Cette crise «occidentale» a failli rompre les 30 ans de développement ininterrompus. Fin 2008, la production industrielle partait en vrille, des centaines de milliers d'ouvriers, sans plus de travail, quittaient les côtes et reprenaient le chemin des campagnes. Sans le plan de relance massif  (12% du PIB!, six fois plus que la France!) décidé par le gouvernement, la Chine était sur le chemin de la récession comme les économies développées. Avec des conséquences sociales et politiques incalculables pour le régime communiste. Heureusement, le plan a fonctionné et la croissance est repartie vers les 10% en 2009. Mais ce sauvetage, souligne-t-on à Pékin, ne soit rien aux Américains, ni aux Européens, ni même au FMI (Fonds monétaire international). Il doit tout à la Chine elle-même.

D'où un changement de cap et surtout de ton: les Occidentaux ne doivent plus donner la moindre leçon, leur «modèle», celui qu'ils nous demandent d'importer, est un échec manifeste. Il a failli. Le processus d'acclimatation progressive doit donc s'arrêter. L'Empire doit, certes, continuer d'accepter les firmes étrangères, mais avec une volonté raffermie de les plier aux conditions chinoises. Le nationalisme sort partout vainqueur de la crise, mais en Chine il prend la taille du pays.

Or, la Chine a gagné en autonomie. Elle peut reprendre ses marques vis-à-vis des normes occidentales. D'abord parce qu'un chemin considérable a été parcouru en trente ans, l'Empire ne pesait encore que 7% du PIB mondial en 2000 (en parités de pouvoir d'achat), il en représentera 14% en 2011, soit autant que la zone euro (15%) et presque autant que les Etats-Unis (20%) (la lettre de Coe-Rexecode 1er janvier 2010). La Chine produit 45% de l'acier mondial, elle est le premier marché automobile du monde, elle a dépassé l'Allemagne comme premier exportateur.

Et, deuxième changement, cette puissance a redéfini le paysage économique asiatique. La Chine est la locomotive de l'Asie, laquelle se consolide sur elle-même et devient la seule région du monde à croissance forte. Au 1er janvier a été mise en place la zone de libre-échange Asean-Chine, regroupant 1,6 milliard d'individus, produisant 6.000 milliards de dollars de PIB et s'échangeant 4.500 milliards de produits ce qui constitue le plus grand regroupement de pays émergents (7.000 produits échangés sans droit de douane). Un fonds de réserves de change a été créé en parallèle, amorce d'une coopération monétaire et financière.

La leçon chinoise

Dans le même temps, troisième facteur qui permet le discours d'autonomie, la Chine a assuré ses besoins en matières premières et en énergie. L'oléoduc Espo (East Siberia-Pacific Ocean) d'une capacité de 600.000 barils/jour a été inauguré le mois dernier: il marque la signature d'une nouvelle alliance avec la Russie, qui, elle, trouve en regardant vers l'Asie un moyen de montrer aux Européens qu'ils ne sont pas ses seuls clients. Les pays du Golfe ont les mêmes réflexes de tourner leurs regards vers l'Asie et la Chine qui deviennent leurs gros débouchés. Enfin, le fonds souverain  CIC a dépensé 43 milliards de dollars en 2009 pour sécuriser l'accès aux minerais, en Australie comme en Afrique.

En clair, la Chine a les moyens de parler haut, de plus en plus haut. Elle peut se dégager des influences occidentales et affirmer clairement «ses réticences à s'intégrer complètement dans un ordre  multilatéral à l'élaboration duquel elle n'a pas contribué», comme le note Jacques Mistral («L'Amérique et le défi chinois», Ifri).

La crise débouche sur un resserrement asiatique sous l'égide de Pékin. Les Occidentaux, dont on a aujourd'hui moins besoin, sont repoussés. Google fait des histoires? Refuse que l'on farfouille dans ses fichiers pour y espionner les dissidents? Qu'il parte! Baidu, le moteur de recherche Internet chinois a gagné 60% de part de marché. Une victoire nationale saluée comme telle. La Chine croit pouvoir se passer de Google. Les grandes firmes occidentales, qui espéraient que leurs conditions d'implantation allaient progressivement s'assouplir, sont tentées de comprendre qu'il n'en sera rien. La sinophobie a de beaux jours devant elle.

Eric Le Boucher

LIRE EGALEMENT SUR LE MEME SUJET: La Chine, le pays où la piraterie est légale, En exécutant Amal Shaikh, la Chine proclame sa puissance et Google, Un cheval de Troie derrière ma grande muraille numérique.

Les commentaires :
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Comments
Péril jaune ?
Soumis par jcroispas .

Nous avons déjà eu ce genre d'analyse dans les années 70 sur le Japon même si le système politique n'avait rien à voir avec le système Chinois actuel. Et on connait la suite: le Japon est une très grande nation industrielle ... mais n'a jamais empêché l'Allemagne d'être le premier exportateur mondial. Le Japon a montré des limites. Par exemple tout son agro-alimentaire s'exporte très peu et il n'est pas leader sur les technologies de l'information. Le Japon a fait des fusées, des avions mais ne les a pas vendus dans le monde. Sa place est dans l'automobile, la mécanique, le multi-média et quelques autres domaines. On s'est rendu compte, avec le temps, que les Japonais ne pourraient pas tout faire et que leur forte culture s'exportait mal. L'analyse qui doit être faite sur la Chine aujourd'hui est similaire: où seront-ils forts et sur que seront-ils forts ? Il sont aujourd'hui fort de la faiblesse du coût de leur main d'œuvre. Mais sur les 3 dernières années, leur avantage sur ce point ne serait-ce que par rapport à la Tunisie a diminué fortement. Les chefs d'entreprise qui sont sur le terrain ne se font pas peur avec le péril jaune, ils analysent segment par segment. Et puis l'autre paramètre, c'est l'accès aux consommateurs finaux. Quand Carrefour vend une chemise chinois, quand son fournisseur chinois gagne 1, Carrefour gagne 30. La fortune actuelle de la Chine fait surtout la fortune de ceux qui distribuent ses produits...

   
sinophobie
Soumis par pirate .

On est toujours tenté de se dire que c'est mal d'être phobe de quelque chose, mais la Chine n'est pas n'importe quelle nation. En plus d'être une puissance économique phénoménale, elle entend devenir une puissance politique avec un rayonnement digne des américains ? Bien mieux même un rayonnement de l'Orient sur l'Occident. Et dans cette logique bien à elle, fort de son pouvoir et de la façon dont elle le conduit, la Chine ne s'embarrasse nullement de scrupule. Les pays rejetés par la communauté internationale pour leur dictature, sont accueilli à bras ouvert par la Chine, et elle ne fait même pas semblant de prétendre à autre chose comme le font les pays occidentaux. La Chine ne s'embarrasse pas de prétexte. Pendant qu'elle minorise ou tue les ouïgours au nom de la lutte contre l'islamisme, l'alibi, elle serre la main à Kartoum, ou comme vous le relatiez ici même, également la main des guinéens en fermant les yeux sur les exactions du gouvernement en échange des matières premières. Matière première comme le cuivre qu'elle préfère aux bons du trésor américain et dont actuellement elle fait le cours. Sans compter un vecteur majeur des 10 ans à venir : l'eau. La Chine, avec le Tibet, a les moyens de tenir la dragée haute à l'Inde et au Bengladesh. Et il sera bien inutile de lui faire entendre raison quand elle décidera de détourner cette eau à son profit. La Chine est non seulement nationaliste, mais également forte d'une population mouvante de un milliard et demi d'individu qu'il faut contenter sous peine de grand danger. N'oublions pas que la Chine a les pieds sur un chaudron : disparité ville/campagne, 50 ethnies différentes, cinq religions sans compter le goût des sectes et bien entendu, un autre facteur important dans un pays corrompu comme la Chine : les triades.
Alors oui il y a de fortes raisons de se défier de la Chine, comme l'on a raison de le faire de tout pays dont le pouvoir est aux mains de l'armée et des services secrets, comme c'est précisément le cas en Russie. Et puis il était quand même temps que nos industriel se réveillent, l'espionnage industriel chinois a tout de même commencé... dans les années 30.

On devrait inventer une religion avec un seul commandement : profite de la vie
Se faire traiter de con par un imbécile est un plaisir de goumet.

   
pirate sinophobe
Soumis par anti-vert .

Votre parti-pris pro-indien (=systéme de castes, pays ayant d'encore plus graves problèmes que la Chine) est pour le moins voyant. Et l'Inde n'est pas corrompue peut-être ? je rêve! M Mittal, qui a mis la main sur Arcelor, vous connaissez?
Quant à la présence de la Chine en Afrique, elle n'est que conjoncturelle, demain les Africains seront 2 milliards, plus nombreux que les Chinois, la roue tourne.
Je repose ici la question : pourquoi, au sein des BRIC, le tandem Chine-Russie est il vomi par les élites françaises et le tandem Inde-Brésil ("lula homme de l'année" du Monde) adulé? c'est d'une partialité inouie, et quant on voit le type de sociétés qu'ont l'Inde et le Brésil (encore plus inégalitaires que la Russie et la Chine), on ne peut qu'être stupéfaits.
Et si il ne s'agissait que d'une jalousie de grande puissance vindicative sur le déclin, la Chine et la Russie étant comme la France des puissances nucléaires memebres du Conseil de Sécurité de l'ONU ?

The Ordinary Live In Emergency, The Extraordinary In Urgency


Pendules à l'heure de Pékin
Soumis par Olivier DAVID .

La Chine n'est pas seulement entrée dans l'OMC, elle est en train de l'absorber aussi sûrement que l'Afrique, le CIO ou la diplomatie française, UMP inclus. La Chine n'a pas d'autre projet ou état d'âme que de laver l'humiliation de siècles de colonisation, de grand homme malade de l'Asie, d'archaïsme post-communiste, etc. Le meilleur moyen, c'est d'acheter tout le monde, d'une manière ou d'une autre, de soumettre tout le monde comme elle sait si bien le faire, ça marche très bien et on ne voit pas une seule raison pour qu'elle s'arrête en si bon/mauvais chemin. Liu Xiaobo condamné à 11 ans un 24 décembre est un message assez clair...

http://shodavid.blog.lemonde.fr/

Eric le Boucher nous admoneste collectivement d'oser commencer à s'apercevoir que la Chine ne sera jamais un pays amical.
Les salariés français de l'industrie, qui voient leurs emplois liquidés les uns après les autres, se faisaient moins d'illusions que la bourgeoisie d'affaires, compradore, convaincue que le sale sort fait aux travailleurs ne les atteindra jamais.


JacquesL

#2
http://www.slate.fr/story/15955/Chine-guerre-economique-mondialisation-responsabilite-concurrence
http://www.slate.fr/print/15955

CiterLa Chine est irresponsable
Par Eric Le Boucher

La Chine est irresponsable [2/2]
Seconde partie de l'article sur la guerre économique contre la Chine.
Eric Le Boucher [1]
Wednesday, 20 January 2010

Seconde partie de l'article sur la guerre économique entre la Chine et les pays occidentaux. La première partie de l'article d'Eric Le Boucher se trouve ici [2].

Ce week-end là, les 28 et 29 novembre, Jean-Claude Trichet, président de la Banque centrale européenne (BCE), Jean-Claude Junker, président de l'Eurogroupe [3], et Joaquin Almunia, commissaire européen aux Affaires économiques et monétaires comprennent qu'ils ne pèsent plus rien. Les trois autorités européennes sont venues à Nankin dire leur conviction que le yuan doit être décroché du dollar américain et réévalué. Le Premier ministre chinois, Wen Jiabao, les reçoit à peine et publie immédiatement un communiqué agressif: les Européens sont venus «affaiblir l'économie chinoise». Pour la délégation, c'est l'humiliation. Quinze jours plus tôt, Barack Obama avait essuyé le même refus à la même demande. Mais avec les Européens, les Chinois ne mettent même plus les formes.

La Chine sort de la crise renforcée par l'échec du «modèle occidental» (lire La guerre économique est déclarée [2]). Elle est devenue le seul moteur vaillant de l'économie mondiale. Elle est plus que jamais le pôle central de l'Asie. Mais au lieu de prendre sa place légitime dans le concert des nations, la Chine continue de jouer en solitaire, pour son seul intérêt, sans aucune préoccupation multilatérale. La troisième puissance économique mondiale, grande bénéficiaire de la mondialisation, refuse de voir que sa politique concerne désormais le monde entier. Jamais en 2000 ans, l'Empire n'a eu de colonie ni de politique étrangère. La Chine au «Milieu du monde» se suffisait à elle-même. Au XXIe siècle pourtant, il lui faudra affronter les conséquences de son importance retrouvée. Le monde est ouvert, interpénétré, chaque région est dépendante des autres. Il faudrait vite que les autorités chinoises s'en aperçoivent et renoncent à leur bel isolement.

Hélas, comme en témoigne la politique monétaire, elles sont tentées de prendre le chemin opposé, de se raidir et de dénoncer les «pressions» occidentales, comme celles de Jean-Claude Trichet, pour s'enfermer sur une vision uniquement «chinoise». Le risque que porte aujourd'hui cette attitude est lourd, c'est celui d'une guerre monétaire et économique et d'une fin de la mondialisation [4].
Point de bascule

Il n'y a pas que le yuan sur lequel Pékin se cabre. Les attaques contre le site google.cn [5] pour y espionner les dissidents sont observées avec inquiétude à Washington. A Copenhague aussi [6] les représentants chinois ont très mal pris les «pressions» pour leur faire faire des promesses chiffrées de réduction de CO². Sur beaucoup d'autres sujets, les discussions avec l'administration Obama marquent le pas ces derniers mois. Sur l'Iran, sur Taïwan, sur le Tibet, le pouvoir semble de plus en plus excédé par les demandes du G7. Comme le résume Nicholas Lardy, expert de la Chine au  Peterson Institute for International Economics de Washington (PIIE [7]), «nous sommes à un point de bascule où ceux qui ont pensé que la Chine pouvait s'intégrer dans le système international et y jouer un rôle positif rencontrent de plus en plus de difficultés à plaider leur cause » (cité par Geoff Dyer, Financial Times du 15 janvier [8]).

Le yuan est au centre de la nouvelle attitude chinoise et, avec raison, au centre des préoccupations occidentales. Il y a sept mois, pour lutter contre la crise, la Banque centrale chinoise a recollé le yuan au dollar (les économistes parlent de «peg»). Il s'agissait de s'assurer que la compétitivité des produits «made in China» ne serait pas affaiblie. Au total, le yuan a glissé avec la monnaie américaine et a perdu 12% face à l'euro. Or, depuis, la croissance est revenue à 10% mais Pékin refuse de réévaluer. Le yuan faible cause pourtant beaucoup de problèmes ailleurs: en Europe, bien entendu, mais aussi dans les autres pays asiatiques ou en Amérique latine. Le Mexique et le Brésil sont les plus touchés.

Mais il y a plus. En conservant un yuan sous-évalué (de sans doute 30%), la Chine s'est remise sur la courbe de hausse de ses excédents commerciaux. Sa stratégie reste l'export, le mercantilisme. Les conséquences économiques sont doubles. Un, les réserves chinoises de change ont grossit encore de 453 milliards de dollars en 2009, pour atteindre la somme astronomique de 2 400 milliards. Cet argent s'ajoute aux investissements étrangers jusqu'à l'excès. La Chine a aujourd'hui trop de liquidités, ce qui crée des bulles spéculatives, sur les prix des logements et sur les actifs financiers. Ce trop d'argent brûle les doigts des responsables monétaires et met en cause la stabilité. Deux, le «Grand déséquilibre» des flux mondiaux d'épargne entre les Etats-Unis et la Chine, perdure malgré la crise, au lieu de se résorber. «La reprise mondiale reste menacée car bancale», déplore Olivier Blanchard, l'économiste en chef du FMI (Fonds monétaire international).  Voilà pourquoi le yuan est une préoccupation légitime de tous: non seulement le yuan étouffe une partie des autres pays développés et émergents, mais il «plombe» l'économie globale.
Dépendance

La conséquence est que la Chine n'est pas si «autonome» qu'elle le croit. Elle dépend encore des autres. Une moitié de ses exportations part à destination de l'Europe et de l'Amérique. Le consommateur du G7 est encore celui qui fait l'enrichissement chinois. Les raisonnements tenus dans la Cité interdite sur «un découplage» de la Chine et même de l'Asie sont faux. La réalité est que les trois grandes zones, Amérique, Europe, Asie, sont étroitement liées d'un point de vue monétaire comme d'un point de vue économique.

Réévaluer sa monnaie, augmenter le pouvoir d'achat des salariés, bâtir des systèmes de sécurité sociale et de retraite pour que les ménages chinois épargnent moins: la correction de la trajectoire économique de l'Empire est connue, y compris des autorités de Pékin. Mais la divergence vient de l'intensité et de la vitesse de cette nécessaire inflexion. Pékin veut prendre son temps, et profiter le plus possible du mercantilisme et du yuan sous-évalué, le G7 dit qu'il y a urgence.

Pourquoi urgence? Pour consolider la reprise, comme le dit Olivier Blanchard, mais aussi parce qu'en Occident, les opinions se retournent. Celle de Google [5] suivi par la plupart des chefs d'entreprises européens et américains excédés par les «conditions chinoises» imposées à leur business. Celle des opinions publiques qui s'inquiètent pour l'emploi. La Chine, après avoir aspiré les productions industrielles sur son territoire, est en passe de s'imposer dans les secteurs de haute technologie. Que restera-t-il en France, en Europe, en Amérique ?

L'économiste Patrick Artus s'est livré à des calculs refroidissants («La Chine accroît-elle ou réduit-elle la croissance de la zone euro?» Flash, 15 janvier, Natixis [9]). Les effets positifs de la puissance chinoise existent: le marché de 1,3 milliard de consommateurs offre de beaux débouchés, la faiblesse des prix des produits chinois diminue l'inflation, donc augmente le pouvoir d'achat au sein du G7, les liquidités abondantes de la Banque centrale chinoise abaissent partout le coût de l'argent. Mais il est aussi des effets négatifs: les entreprises chinoises prennent des marchés aux européennes, des millions d'emplois sont délocalisés et une pression pèse sur les salaires, les prix des matières premières, enfin, sont poussées à la hausse. Quel est le bilan?

Il y a encore trois ans, personne n'aurait douté d'une réponse positive, très positive même. Or, pour  Artus, «au total les effets négatifs l'emportent, la zone euro profite peu de la reprise en Chine et l'effet désinflationniste est limité». Si le pétrole et les autres matières premières grimpent encore, le bilan global s'aggravera de façon «importante». Les opinions publiques sauront s'en apercevoir. Elles exigeront des mesures protectionnistes. La Chine, première bénéficiaire de la mondialisation rappelons-le, joue très gros. Ou elle prend ses responsabilités ou les gouvernements du G7 seront poussés par une sinophobie irrésistible à prendre les leurs.

Eric Le Boucher

LIRE EGALEMENT SUR LA CHINE: La Chine, le pays où la piraterie est légale [10], En exécutant Amal Shaikh, la Chine proclame sa puissance [11] et Google, Un cheval de Troie derrière ma grande muraille numérique

Source URL: http://www.slate.fr/story/15955/Chine-guerre-economique-mondialisation-responsabilite-concurrence

Links:
[1] http://www.slate.fr/source/eric-le-boucher
[2] http://www.slate.fr/story/15899/Chine-guerre-economique-europe-droits-homme
[3] http://www.assemblee-nationale.fr/europe/fiches-actualite/eurogroupe.asp
[4] http://www.slate.fr/story/14443/mondialisation-protectionnisme-commerce-economie-demondialisation
[5] http://www.slate.fr/story/15849/google-un-cheval-de-troie-derriere-la-grande-muraille-numerique
[6] http://www.slate.fr/story/14811/copenhgaue-chine-pekin-pays-developpe
[7] http://www.piie.com/
[8] http://www.ft.com/cms/s/0/e2f16c94-0175-11df-8c54-00144feabdc0.html
[9] http://docs.google.com/viewer?a=v&q=cache:WIkh5mmCaCUJ:cib.natixis.com/flushdoc.aspx?id=51269 patrick artus 15 janvier flash natixis&hl=fr&gl=fr&sig=AHIEtbSRufQLPVfMZ46P59PxwP9iUnhEXQ
[10] http://www.slate.fr/story/12201/la-chine-le-pays-ou-la-piraterie-est-legale
[11] http://www.slate.fr/story/15101/chine-peine-mort-amal-shaikh-puissance-droits-homme

Lecteurs commentateurs :
CiterNo future

Soumis par Olivier DAVID .

Quel que soit le verdict des calculettes et projections, on peut être sûr d'une chose: jamais la Chine ne fera quoi que ce soit contre ses intérêts quand bien même l'avenir du monde en dépend; jamais elle ne tolérera la moindre suggestion concernant sa politique intérieure. Depuis des années, le mercantilisme généralisé de l'hyperindustrialisation /hyperconsommation a conduit le monde à renoncer à toute éthique, à tout accepter de l'usine du monde dont l'Occident profite allègrement.
http://shodavid.blog.lemonde.fr/2009/10/26/la-fabrique-de-lincompetence/
On peut imaginer sans trop forcer sur la parano qu'un clash serait souhaitable pour Beijing. Ce serait l'occasion de montrer la toute puissance de la Chine, la face retrouvé du géant humilié. Et le Parti a besoin de la fibre nationaliste, toujours très prompte dès que l'étranger est montré du doigt, pour maintenir la stabilité intérieure. La Chine ne souhaite pas, n'est peut-être pas capable, de jouer avec les autres, l'Autre. Elle ne sait que contraindre, soumettre, imposer, avec ou sans le sourire.

http://shodavid.blog.lemonde.fr/

CiterA la guerre comme à la guerre
Soumis par patricedusud .

Non la chine n'est pas irresponsable, la chine est simplement sûr de sa puissance et hégémonique.
Non l'Iran n'est pas irresponsable, l'Iran a une stratégie affichée depuis longtemps : celle de sanctuariser son territoire pour pouvoir détruire Israël en toute impunité.
Munich n'a donc servi à rien et les démocraties sont toujours aussi naïves ou impuissantes face aux dangers visibles comme le nez au milieu de la figure.
La guerre économique est déclarée depuis longtemps mais maintenant le rapport des forces n'est plus favorable aux occidentaux.
On pourrait imaginer un boycott généralisé du made in China mais comment empêcher quelqu'un de payer deux à trois fois moins cher un vêtement et un capitaliste le nez dans sa bottom line de délocaliser sa production?
On pourrait imaginer des barrières douanières mais comment écouler nos airbus, nos centrales, etc.
Un jour peut-être le salut viendra du citoyen chinois car la fenêtre est maintenant grande ouverte et ce n'est pas les attaques très médiatisées contre Google qui empêcheront les chinois d'accéder à l'information sur un monde épris de liberté et de justice.
En attendant nos contorsions maladroites oscillant entre courbette pour vendre nos produits, installer des usines et froncements de sourcil pour dénoncer les atteintes aux droit de l'homme ou le cours scandaleux du yuan n'ont jamais impressionné nos interlocuteurs chinois. D'ailleurs le terme interlocuteurs lui-même prête à sourire tant il s'agit de leur part de monologue à usage de propagande interne.