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Plan de carrière des grands escrocs : Jeanne de la Motte-Valois.

Démarré par JacquesL, 02 Décembre 2008, 09:08:52 PM

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JacquesL

Nous en avions entendu parler vaguement, en cours d'histoire, c'était l'affaire du "collier de la reine", en 1785.

Le cardinal Louis de Rohan, d'abord, décrit par Claude Manceron :
Citer...Louis-René-Édouard, cardinal de Rohan, grand-aumônier de France, commandeur de l'ordre du Saint-Esprit, supérieur général de l'hôpital royal des Quinze-Vingts (pour les aveugles) à Paris, titulaire de l'évêché le plus riche de France, prince du Saint-Empire, supérieur des deux grandes abbayes de Saint-Vaast (Arras) et de la Chaise-Dieu (en Auvergne), proviseur de la Sorbonne, membre de l'Académie française (depuis 1761), landgrave d'Alsace, donc seigneur de quatorze lieues carrées et de vingt-cinq milles âmes réparties dans les bailliages de Ruffach, Dachstein, Mützig, Schirmek, Marckolsheim, Benfeld, Wasselonne, Kochersberg et Saverne, sans compter une extension d'autorité sur quatre-vingts villes, bourgs et villages du margraviat de Bade, en vertu de l'enchevêtrement territorial des traités de Westphalie. Une belle figure, mais comme d'enfant, rondelette, gracieuse et poupine, haute en couleurs, les cheveux d'un gris blanc et le devant de la tête dégarnie, le port droit, la démarche aisée. Il porte ses cinquante ans avec la majesté de l'embonpoint naissant. Affable, aimable, avenant, tout le monde en convient, oui, mais un certain regard trouble ses premières rencontres avec les dames, en bien ou en mal, c'est selon... Selon elles. L'attaque de l'homme à femmes, que les Anglais appellent un regard leer, un regard lourd, qui pèse, qui s'attarde, et qui tient lieu parfois de préliminaires. Mme d'Oberkirch, la convenable baronne l'avait bien vu : « C'est un beau prélat, fort peu dévot, fort adonné aux femmes. » Marie-Antoinette, si jeune qu'elle ait été, en 1770, quand Rohan l'avait accueillie aux portes de la France, dans un faste inouï, sur le chemin de son mariage avec le Dauphin, avait secoué ce regard un peu trop poussé, même sur elle, peut-être surtout sur elle, d'un frisson de ses belles épaules. Non mais, qu'est-ce qu'il se croyait, cet évêque? Le malheur de Rohan, c'est la faiblesse d'un homme de courte intelligence, donc incapable de discerner les caractères, qui est né dans la soie pour vivre dans la pourpre et qui finit par se prendre pour un demi-dieu. Il se croyait, voilà.

Et le cardinal de Rohan trouvait qu'il n'avait pas encore assez de femmes dans son lit, ni assez de biens au soleil, il lui fallait de plus être favori de la reine - qui le méprisait solidement, mais il était trop bête pour le percevoir - et être nommé premier ministre par elle. Pourquoi premier ministre ? Parce que ça irait bien avec sa robe. Rohan n'avait pas la plus petite idée de la politique qu'il voulait faire, ni de l'état catastrophique des finances de la monarchie, ni le premier bout du début du commencement de l'ombre des moyens qu'il prendrait pour redresser les finances royales. Non, juste la fatuité : ça irait bien avec sa robe de cardinal.


D'où revenait Jeanne de la Motte ?

Le récit qui suit est largement dû aux Mémoires de Jacques-Claude Beugnot, alors avocat à Bar sur Aube, que Jeanne de la Motte utilisait occasionnellement comme sigisbeo. Jacques-Claude Beugnot (1761-1835) finira comme comte d'Empire et éphémère ministre de la Marine sous Louis XVIII, après avoir été député modéré à la Législative, et être entré au Conseil d'Etat sous le Consulat.

Citer... Quand ces deux soeurs, on aurait dit Peau d'Âne et Cendrillon, étaient venues s'abattre six ans plus tôt à la misérable auberge de La Tête rouge, au terme de leur fugue hors de l'abbaye de Longchamp, où elles n'avaient pas voulu s'enterrer vivantes, c'est quasiment tout Bar-sur-Aube qui était tombé amoureux d'elles. « Elles avaient chacune un gros écu dans leur poche et une chemise de rechange pour toute garde-robe. » Or, on connaissait leur histoire, ici, puisqu'elles revenaient près du lieu de leur naissance et de leur enfance écrasée, dans la chétive masure de Fontette, au canton d'Essoyes, à quatre lieues de Bar-sur-Aube, « percée sur la rue d'une petite trappe par où les habitants leur apportaient, chacun à leur tour, de la soupe ou quelques aliments grossiers ». Le père de Beugnot s'en souvenait bien :
« — J'en ai été le témoin, disait-il à Jacques-Claude, et le curé n'osait pas ouvrir la porte de ces enfants nus et nourris comme des espèces de sauvages. »
Leur mère? Une traînée, la Marie Josselle, fille de manouvrier, ancienne servante au château de Fontette avant de tomber dans la putasserie et la boisson. « Jeanne était paresseuse à se lever, et il arrivait que, le matin, sa mère la poursuivit à coups de fourche, jusque sous son grabat, pour la faire sortir . » La Marie avait réduit à l'état de loque le gentilhomme sauvage, un peu bûcheron, un peu braconnier, un peu brigand, qui perpétuait la lignée des Saint-Rémi, et avait fini par l'épouser. On le respectait en fuyant de devant ses pas, puisque cette brute « à la carrure imposante » était un authentique Valois. L'enracinement des Saint-Rémi à Fontette datait d'Henri II, les nourrices en témoignaient aux veillées depuis deux siècles. Cette masure-porcherie était le dernier vestige du superbe domaine de Fontette, que le roi Henri avait donné au bâtard reconnu qu'il avait eu de Nicole de Savigny : le premier des Saint-Rémi de Valois avait également été gouverneur de Châteauvillain... Les trois fils légitimes d'Henri II, puis les rois Bourbon, avaient fini par oublier ces cousins affligeants, à force qu'ils pourrissent en Champagne.
Au printemps de 1760, les derniers débris de ce naufrage humain s'étaient entassés, en guise de radeau, sur une charrette, pour aller mendier au bon coeur des Parisiens. « Le baron et la baronne de Saint-Rémi » disparaissaient du « fief de Fontette », dont ils avaient jeté les derniers morceaux aux créanciers. Ils emportaient leurs enfants à l'océan misère, d'où une vague imprévue avait rejeté leurs deux filles, vingt ans plus tard, au rivage natal. Émouvantes comme Vénus, et presque aussi nues qu'elle.

Les « demoiselles de Saint-Rémi » n'étaient pas restées longtemps à La Tête Rouge. Les Beugnot (le père encore, le fils déjà) s'étaient empressés. Une dame de Surmont, qui faisait la pluie et le beau temps dans la bonne société de Bar-sur-Aube, les avait hébergées, au double risque d'une crise conjugale avec son mari (le prévôt de Bar-sur-Aube, on dirait plus tard « le commissaire »), aussitôt subjugué par Jeanne, et, d'une révolution de salon. « Mesdemoiselles de Saint-Rémi apportèrent du mouvement et de la vie chez Mme de Surmont. Les jeunes gens qui y étaient admis ne furent pas longtemps à s'apercevoir que ces demoiselles avaient beaucoup de choses communes avec les princesses de roman et qu'elles n'étaient pas plus cruelles. Toute réflexion faite, elles se seraient laissé fléchir, si de riches bourgeois, sincèrement épris, avaient aspiré à l'honneur de leur main, et Jacques-Claude Beugnot l'avait compris au point de vivre à ce moment-là un petit roman triste. « J'admirais, sans en connaître le danger, cet esprit hardi (de Jeanne) que rien n'arrêtait (...). Je ne tarissais pas sur son éloge. Dans l'année où mesdemoiselles de Saint-Rémi vinrent demeurer à Bar-sur-Aube, mon père, pour la première fois de sa vie, pressa mon départ pour Paris... »
Six ans ont passé; il peut bénir son père, mais Jeanne, de toute façon, ne se serait jamais appelée Mme Beugnot. Elle affichait rien moins que la volonté de reconquérir « ses immenses propriétés de famille », notamment les terres d'Essoyes, de Fontette et de Verpillières, « tombées entre les mains du Roi », c'est-à-dire raflées par l'intendant de Troyes pour le domaine de la couronne, à la déconfiture du père de Jeanne. A partir d'un écu, il ne lui fallait pas perdre de temps, et elle devait choisir des alliés aux dents longues. Elle s'était si bien entendue avec le propre neveu des Surmont, Nicolas de La Motte, qu'elle l'avait épousé le 6 juin 1780, avant de donner naissance à des jumeaux... le 6 juillet de la même année *. Beugnot en avait été presque consolé : « Cette dernière circonstance ravalait à la classe des événements fort vulgaires un hymen qui, jusque-là, paraissait si étrange. » Bonne fille, Jeanne lui avait rapidement procuré d'autres consolations « vulgaires », à charge pour Jacques-Claude de rompre des lances juridiques en rédigeant des mémoires en faveur de la revanche locale des Valois.
Les choses d'abord n'avaient pas marché vite. Silence de la Cour et des bureaux en réponse au mémoire génial, du moins en est-il convaincu, et « lardé de réflexions philosophiques alors à la mode du jour », où Beugnot « demandait aux Bourbons de payer la dette naturelle de ceux dont ils avaient recueilli le magnifique héritage ». Deux ans, trois ans, à végéter pour Jeanne et son mari dans deux petites pièces de La Ville de Reims, une auberge de troisième ordre, rue de la Verrerie à Paris. « Son crédit avait singulièrement baissé, et deux prêts de dix louis chacun ** que je lui avais faits ne l'avaient que faiblement relevé. »

* Ils n'ont vécu que quelques jours; les La Motte n'ont pas eu d'autres enfants.
* * Environ 3 000 francs actuels, au total. C'est bien sûr Beugnot qui parle.


Août 1785
Dans cette caverne dorée...


CiterAllait-elle s'enfoncer, comme ses parents?
... Et soudain, l'envol de la fusée. Les disparitions mystérieuses de plus en plus longues, les retours de Jeanne, qui changeait à vue d'oeil. « Je crus remarquer dans ses traits et dans ses manières quelque chose de tranquillisé; une pointe de hauteur s'y faisait déjà sentir.
Cendrillon avait trouvé un carrosse qui la conduisait aux plus grands seigneurs, le cardinal-prince-évêque Louis de Rohan, mais aussi quelques autres; n'a-t-elle pas « obtenu une audience de M. le maréchal de Richelieu, qui encore aimable et toujours galant, lui a fait un accueil ravissant (sic). Elle fondait aussi des espérances de ce côté » : Richelieu venait de se remarier, à quatre-vingt-quatre ans, avec une jolie Lorraine de petite noblesse qui n'a que cinquante ans de moins que lui, et qui ne parvient pas, malgré une garde vigilante, « à chasser toutes les mouches bourdonnant encore autour du front du vieux libertin ". Beugnot commençait à rétrograder, toujours par fierté : « Voilà Mme de La Motte placée entre le plus vieux et le plus maladroit courtisan du siècle! II ne restait guère de place au milieu pour un petit avocat. » Mais elle l'avait relancé, par amitié, par calcul, et par quête d'un auditeur. Elle n'en était plus, à l'entendre, à des Rohan ou à des Richelieu, c'est plus haut, bien plus haut qu'elle « fréquentait », mais la morale n'y gagnait rien, Beugnot restait la bouche ouverte et n'osait plus poser de questions, de peur de comprendre, elle insistait déjà bien assez, la Reine, je vous dis, la Reine et moi... Il s'en bouchait les oreilles, mais à moitié.

Les La Motte avaient pris chambre à Versailles, à l'hôtel, il est vrai, mais ils avaient aussi loué une maison à Paris, rue Neuve-Saint-Gilles, dans le Marais, « avec loge de portier, four à pain, remise, grande et petite écurie, trois étages, dont les hautes fenêtres sont ornées de balustrades en fer à fleurs et à dessins * », et quand ils sont revenus la première fois pour quelques jours à Bar-sur-Aube, quel ne fut pas l'étonnement des bonnes gens à les voir précédés « d'un fourgon très chargé, traîné par un bel attelage et suivi par deux chevaux de main de grand prix ». Plus question de descendre dans les auberges, miteuses ou non ; « on renvoie promptement de chez lui (contre dédommagements, certes) le propriétaire d'une maison assez vaste; on en prépare les appartements à la hâte. Un maître d'hôtel, arrivé avec le fourgon, met en réquisition plus d'approvisionnements qu'il n'en faudrait pour alimenter pendant six mois la meilleure maison de la ville. On se regardait en se rencontrant dans les rues; on se demandait quel était ce supplément aux Mille et une nuits... ».
Beugnot portait son secret comme une croix délectable; il savait, lui : la Faveur, avec un grand F. A Paris, quand il était reçu rue Neuve-Saint-Gilles, il se présentait « toujours en habit noir et en cheveux longs (rangés dans un petit sac), et ce signe de respect convenait beaucoup à la comtesse. Elle ne manquait jamais de me présenter comme un jeune magistrat et me plaçait immédiatement après les gens titrés  »
Il n'a jamais aperçu Rohan; le Cardinal ne vient chez elle que pour la voir seule dans sa chambre. Mais Beugnot a pu rencontrer là, parce qu'il le cherchait, il a pu voir, il a pu toucher, il a pu entendre cet homme « d'une taille médiocre, assez gros, avec le teint olive, le cou fort court, le visage rond, orné de deux gros yeux à fleur de tête et d'un nez ouvert et retroussé », Cagliostro, le grand sorcier du jour, dans un « habit à la française, gris de fer, galonné en or, une veste écarlate, une culotte rouge, l'épée engagée dans les basques de l'habit, avec un chapeau brodé, garni d'une plume blanche », sans parler des manchettes de dentelle, des bagues de prix, et des boucles de souliers d'un vieux dessin qu'on aurait pu croire de diamants fins, enfin tout l'apparat qui permettait à Cagliostro de mystifier les grands chrétiens qui ne croyaient plus en leur dieu, et de les tenir la bouche béante, quand il leur parlait, comme ce soir-là, « du ciel, des astres, du grand arcane * *, de Memphis, de l'hiéroglyphante (sic), de la chimie transcendante, de géants, d'animaux immenses, d'une ville, dans l'intérieur de l'Afrique dix fois plus grande que Paris, où il avait des correspondants, entremêlant ce discours de fadeurs comiques à Mme de La Motte, qu'il appelait sa biche, sa gazelle, son cygne, sa colombe... ».


* Qui deviendra le no 10 de la rue Saint-Gilles.
* * Le remède universel, rêve de l'illuminisme.


CiterIl avait eu comme un sursaut, le petit bourgeois, il était rentré seul à pied chez lui par une douce nuit de printemps, et, arrêté au coin de la place Royale *, il avait « pris en pitié la pauvre espèce humaine, en réfléchissant que des puissants de la terre se réfugiaient dans les misères de l'extravagance contre la satiété des biens dont l'ordre social les accablait (sic) dès le berceau. Je me représentai ce malheureux cardinal de Rohan, entre Cagliostro et Mme de La Motte qui, je le vois bien, sont d'accord pour le conduire aux bords de l'abîme; et ma propre curiosité est-elle bien innocente? Que vais-je faire dans cette caverne dorée qu'habitent des êtres que je méprise, mais qui devraient me faire horreur? »
Sympathique Beugnot, homme de faiblesse et d'aveu... Il aura été le meilleur témoin de 1785 * *. Et il aura, une ou deux fois, reculé devant les sables mouvants de sa propre vie.
Il avait suffisamment pris de la distance, en tout cas, pour ne plus mettre les pieds rue Neuve-Saint-Gilles après « le dernier souper que j'ai fait chez elle », et qui s'était prolongé tard, très tard, parce que les La Motte — qui ne l'attendaient pas; il s'invitait à son gré — n'étaient rentrés chez eux qu'entre minuit et une heure, en compagnie d'un de leurs nouveaux commensaux, Marc-Antoine Rétaux de Villette. Beugnot a des raisons de ne pas supporter la fatuité de « ce beau jeune gars d'une trentaine d'années, la taille bien faite, les cheveux blonds où brillaient déjà quelques fils d'argent, et des yeux bleus, un teint frais et coloré », Jeanne exagère, elle étale un ménage à trois aux yeux de son petit avocat, on voit bien qu'elle est tombée sous la coupe de cet homme à femmes, encore un ancien gendarme, qui lui a été présenté par son mari, pourquoi se gêneraient-ils? C'est Paris.
Pourtant, le malaise décisif de Beugnot n'était pas tellement venu de Villette, mais de cette inconnue qui les accompagnait aussi et gardait tant de mesure et de timidité qu'il l'avait crue muette ou imbécile pendant une partie du souper. Belle, cependant, « fort belle, de vingt-cinq à trente ans, et remarquablement bien faite. (...) La figure de cette femme m'avait jeté, dès le premier coup d'œil, dans cette sorte d'inquiétude qu'on ressent devant une figure qu'on est bien sûr d'avoir vue quelque part, sans qu'on puisse se rappeler dans quel endroit et dans quel temps. J'avais l'espoir de m'en éclaircir en la reconduisant. Je lui adressai différentes questions pour qu'elle me mît sur la voie, mais je n'en pus rien tirer. (...) Je déposai cette belle silencieuse rue de Cléry », sans avoir digéré ce repas, ou du moins la façon dont les convives avaient « déraisonné, fredonné, on ne tenait plus sur ses jambes ». Une hystérie de victoire sur qui, sur quoi? Sur la vie, certainement, mais à quel propos? Entre deux vins, Villette avait failli trop en dire, mais « Mme de La Motte, à côté de laquelle il était à table, lui porta vivement la main à la bouche et lui dit, du ton le plus impératif :
« — Taisez-vous. M. Beugnot est trop honnête homme pour nos confidences.
« Le compliment eût été flatteur si, dans le langage ordinaire, Mme de La Motte ne se fut indifféremment servie des mots honnête homme et de bête comme synonymes. »


*    Place des Vosges, aujourd'hui.
**    Comme il le sera, à propos des désastres de Napoléon en 1813, et de certains épisodes des Cent Jours.

Remontée en fortune par la marquise de Boulainvilliers puis par le cardinal de Rohan :

Citer... Rohan restait sur la réserve, mais fondante. Février 1783, il acceptait de cautionner un emprunt de cinq mille livres faits par les La Motte au plus solide usurier de Nancy, le juif Cerf-Beer », comme disaient avec mépris tant et tant de nobles personnes qui frappaient à sa porte *. Le « comte » vendait les brevets de leurs deux pensions, en une sorte de viager, à un sieur Hubert Gautier, « bourgeois de Paris », moyennant un versement global de neuf mille livres **. On pouvait s'installer. On s'étendait en relations, on s'offrait une petite maison à Fontainebleau où « beaucoup de Messieurs comme il faut (sic) venaient alternativement faire visite à Mme la comtesse, tandis que M. le comte allait se chauffer dans les appartements du château. (...) Militaires et gens de robe se faisaient un plaisir de lui rendre visite et de lui laisser des marques de leur générosité. »

Elle avait une assiette enfin suffisante pour s'entourer d'une petite cour d'amour. Quelques financiers mûrissants, des petits abbés, un « frère minime » digne de Rabelais : le père Loth, des officiers qui s'ennuyaient à Paris, et surtout un amant attitré, recruté en collègue de gendarmerie par son mari Marc-Antoine Rétaux de Villette, un beau gars de trente ans, fils du directeur général des octrois de Lyon. « D'un tempérament ardent ***, il recherche les femmes avec avidité, toutes lui sont bonnes, et il les choisit quelquefois dans les derniers rangs des prostituées. Ce sont ses qualités physiques qui ont porté Mme de La Motte à en faire choix pour amant. » Mais aussi pour homme à tout faire. Son allant, son esprit d'aventure allaient compenser la mollesse de La Motte, trop timide pour l'aboutissement des grandes manœuvres de sa femme qui pouvait enfin partir, dès la fin de 1783, à l'abordage de la galère amirale de France. De la galerie, plutôt : celle des glaces, à Versailles. « On sait que le public, à l'exception des gens vêtus comme ceux de la dernière classe du peuple ****, entrait dans la galerie et dans les grands appartements de Versailles comme dans le parc. »


* Dans son Mémoire justificatif publié à Londres en 1789, Jeanne de La Motte l'appellera drôlement : « le juif Cerbère ». En fait, il s'agit d'un important bourgeois, représentatif, sous la Révolution, de la communauté juive de Lorraine.
** Plus de soixante mille francs actuels. Ce fait montre la dégénérescence des « récompenses honorifiques » en objets de trafic, voire de spéculation.
*** Selon un rapport de l'inspecteur Quidor, chargé de « la police des filles » à Paris.
**** Sic. Cette phrase est de Mme Campan. Et la réserve ainsi posée trace les limites de la facilité d'approche des souverains tant vantée par certains historiens. L'habit était la marque de la richesse, sinon de la noblesse. Et « la dernière classe du peuple », c'était le peuple.

CiterHabillée comme il sied, d'allure distinguée, connue par les commensaux des Boulainvilliers ou de Rohan, Jeanne peut se placer ici ou là sur le passage des Grandes. Elle mise sur les princesses, pas sur les princes : Rohan lui suffit. Elle ne veut pas être suspectée de haut racolage. Elle s'évanouit à propos, en décembre 1783 aux pieds de la soeur du Roi, Mme Élisabeth, puis en janvier devant la comtesse d'Artois; on s'émeut d'autant plus qu'elle est une Valois, toujours le sésame, donc de « notre milieu », la pauvrette, un milieu où l'on comprend très bien qu'elle préfère mourir de faim, mais « paraître ». Elle leur donne mauvaise conscience. Elle les pousse à la bonne action. On quête sur place pour elle, à l'initiative de l'aumônier d'Élisabeth, et celle-ci lui envoie ses médecins à domicile 146. On lui redonne une nouvelle pension, de quinze cents livres. On s'habitue à sa présence-remords. On intéresse aussi vaguement à elle l'autre Madame, la comtesse de Provence. Jeanne peut s'évanouir une fois de plus, mais sur le passage, cette fois, de Marie-Antoinette, le 2 février 1784.
La Reine s'aperçoit à peine du remue-ménage et ne s'arrête même pas, mais elle s'informe, compatit et oublie. Peu importe. Jeanne a gagné la première manche : elle peut sans trop d'invraisemblance faire croire au Cardinal que la Reine l'a remarquée. Reste à emporter la seconde en persuadant au pauvre homme et à quelques-uns qu'elle EST remarquée. Ce sera chose faite au printemps. Le grand-vicaire de Rohan, l'abbé Georgel, un Figaro en soutane, écrira pudiquement : « Elle entreprit de persuader au Cardinal qu'elle était parvenue à s'immiscer dans l'intime familiarité de Sa Majesté. »
Ici doit cesser la litote. Le fond du sac est si simple! Jeanne de La Motte, qui est en situation de parler de tout à Rohan, puisqu'elle est sa maîtresse depuis quelques mois, le convainc, à partir de mars 1784, qu'elle couche avec la Reine *.
La parole est à Jeanne de La Motte-Valois ** : « Je n'avais point de secrets pour lui; il n'en avait point pour moi. Nous lisions mutuellement dans nos âmes celui de notre ambition respective; la sienne est connue de tout le monde, il voulait être Premier ministre, la mienne se bornait à être Dame de Fontette. » Dans sa mythomanie déchaînée, elle voudra faire croire que c'est Rohan qui l'a poussée vers le boudoir de Marie-Antoinette, elle mettra ses propres fantasmes dans la bouche du Cardinal. « Rien n'égale l'étonnement dans lequel il me jeta un jour que, m'étant trouvée sur le passage de la Reine, Sa Majesté daigna m'honorer d'un de ces sourires auxquels il est si difficile de résister. Je me rappelle que, l'instant d'après, ayant par hasard levé les yeux sur lui, je vis étinceler la joie dans les siens :
« — Savez-vous, Comtesse, que ma fortune est entre vos mains, ainsi que la vôtre? (...) J'ai découvert avec certitude que la Reine a du goût pour vous.
« — Du goût?... Vous voulez dire des bontés, de la compassion?...
« — Vous donnerez au sentiment dont elle vous honore le nom qu'il vous plaira. Tout ce qu'il faut que vous sachiez, c'est que votre tournure lui plaît. (...) Attachez-vous donc entièrement à la Reine. »


*   La pudibonderie des historiens de l'affaire du collier, due à l'auto-censure malsaine du XIXe siècle à propos de ce qui touche à la sexualité, a jeté le voile sur cette évidence qui donne la clé de voûte de la machination de Jeanne, dont le mensonge essentiel, qu'il soit cru ou non, comme il le fut par Rohan ou par ceux qui calomniaient la Reine, c'est celui-là.

**   Dans les Mémoires justificatifs qu'elle publiera en 1789 à Londres. Ce tissu d'affabulations donne un réchauffé des contes qu'elle débitait à Rohan.

JacquesL

Citer
D'où — toujours d'après elle — le motif de son évanouissement du 2 février, suivi... d'une convocation que la Reine lui fait transmettre par sa première femme de chambre, Mme de Mizery, qui « me fit pressentir dès ce premier moment que l'honneur que j'allais avoir d'être présentée à Sa Majesté devait être tenu secret pour tout le monde, me prévenant que la plus légère indiscrétion de ma part me perdrait sans retour ». L'impasse est faite : elle pourra se vanter, auprès d'un auditoire trié, d'être « l'intime » de la Reine, sans que personne l'ait jamais vue près d'elle. « En conversant ainsi, j'attendis jusqu'à onze heures que la Reine se retirât du jeu. Elle parut enfin. Dieu! que je la trouvai belle! (...)
«   Sa Majesté sourit, et son regard me dit en ce moment bien des choses, dont l'explication se trouve dans ses lettres au Cardinal »
Oui mais, si coup de foudre il y a, pourquoi la Reine, en levant le petit doigt, ne fait-elle pas restituer dans l'année les domaines champenois des Valois aux La Motte? La parade est aussitôt trouvée; Jeanne manquait totalement de scrupules, mais certes pas d'imagination : Marie-Antoinette, déjà si critiquée pour ce qu'elle octroie à Yolande de Polignac, doit se cacher rigoureusement d'avoir toute autre favorite. Elle a prévenu Jeanne dès ce premier entretien :
«   — Je ne puis concilier le désir que j'aurais de vous servir publiquement avec celui que j'éprouve de vous voir familièrement. Mais je puis vous rendre indirectement les bons offices que vous attendrez de moi... »
Est-ce assez clair? La Reine ne pourra quasiment rien faire pour Jeanne elle-même, mais beaucoup pour les amis que la chérie lui recommandera discrètement. Voici la comtesse toute puissante pour eux, pas pour elle. Les gens qu'elle aura poussés vers la source des grâces sauront se montrer reconnaissants envers cette sœur de charité de Lesbos, s'ils sont honnêtes. Rohan le premier.
«   Sa Majesté finit par me faire présent d'une bourse et m'honorer d'un premier baiser, m'enjoignant de rester à Versailles (...). Il était dit que nous nous reverrions. » Ce sera vite venu a quelques jours après, entre onze heures et minuit, au petit Trianon », naturellement. « Cette seconde entrevue ne fut pas purement d'affaires; j'y reçus l'explication de ce qu'avait voulu me faire entendre le Cardinal lorsqu'il m'avait parlé de goût et de tournure (...). En vérité, je me crus quelque chose de plus qu'une simple mortelle. »
Et elle en remettait, elle en remettra :
« Sa Majesté termina notre long entretien en signalant sa munificence par le don d'un portefeuille contenant pour dix mille livres de billets de caisse. Son dernier mot fut :
« — Adieu, nous nous reverrons !
« En effet, nous nous revîmes, et souvent, et longtemps, et toujours sur le même pied. Cet aveu oppresse mon âme, mon cœur se resserre, la plume échappe de mes doigts! 0 mon auguste souveraine, c'est à vous seule que je m'adresse présentement ** ; rappelez-vous ces moments d'ivresse que j'ose à peine retracer. Alors vous m'élevâtes jusqu'à vous; vous vous abaissâtes jusqu'à moi. Mais en vain daignâtes-vous vous dépouiller à mes yeux de l'imposante majesté, je Ia reconnus dans votre abandon même. Je me dis : c'est la déesse Flore qui s'amuse d'une humble fleurette. »
Comment Rohan a-t-il pu la croire, quand elle lui racontait tout cela, et comment quelques autres ont-ils pu l'entendre à demi-mot et lui faire crédit là-dessus? C'est que le terrain est préparé, non seulement chez eux, mais dans la plupart des « milieux informés « de Versailles, à partir du comportement insouciant de Marie-Antoinette qui s'enfonce dans le désespoir de la frivolité et en vient presque à la provocation inconsciente à l'égard d'un mari qu'elle ne se cache presque plus de mépriser, mais aussi de cette immense cage dorée d'une Cour qui l'enferme, la surveille, et commence à l'écraser en raison de ce que la pauvre femme a finalement de meilleur : son irrépressible spontanéité.
Jeanne de La Motte n'avait pas l'intention de se prétendre favorite dans cette acception précise, quand elle est arrivée à la Cour. C'est le grand chuchotis qui l'a inspirée. Il est probable que, profondément aigrie et portée à la malveillance, elle a cru que Marie-Antoinette était vraiment lesbienne. Alors, après tout, pourquoi pas moi? Elle a été au fond de la pêche en eaux sales, jusqu'au bout de la logique de la calomnie qui fait depuis quelques années l'environnement de la Reine de France.


* Lettres d'amour fabriquées que Jeanne va faire passer à Rohan comme émanant de la Reine, détruites par le Cardinal au moment de son arrestation, et dont elle publie le texte « reconstitué » à sa fantaisie en appendice de ses Mémoires.
* *  Ce conte est fabriqué en 1789. Jeanne espérait revenir en France pour jouer de ses "révélations croustillantes".

Soyons plus brefs à présent.
La femme très bien faite qui avait intrigué Beugnot, la modiste Nicole Leguay, venait de jouer le rôle de sosie de la reine, pour duper la flamme de Rohan, fugitive mascarade la nuit au bosquet de Vénus, ou allait bientôt le jouer. Cette orpheline maltraitée n'était pas une lumière.

Le collier, monumental fleuve de diamants, les joailliers Böhmer et Bassenge l'avaient monté sur incitation verbale de Louis XV, à l'intention de la du Barry. Louis XV décédé, à qui fourguer ce bijou largement excessif ? Marie-Antoinette, dûment gourmandée par sa mère pour sa frivolité dépensière, le refusa, très à contre-coeur. Böhmer et Bassenge firent le tour des cours d'Europe, en vain. Ils sont au bord de la faillite. Retour à Marie-Antoinette...

Ils envoient donc leurs négociateurs chez Jeanne de la Motte, qui a bien fait naître la rumeur qu'elle a de l'influence sur la reine. Jeanne flaire aussitôt l'occasion de s'emparer du bijou, et de le revendre par morceaux. Pour ne pas éveiller les soupçons, elle fait semblant de mettre le cardinal dans le coup, que c'est lui qui va l'acheter et en faire cadeau à la reine... Encore et toujours à coups de faux en écriture. Les faux sont écrits par Rétaux de Villette, sous la dictée de Jeanne.

Son calcul était que lorsque le cardinal s'apercevrait, poursuivi par ces créanciers qu'il n'avait pas prévus, qu'elle l'avait roulé, il paierait sans rien dire. Seulement voilà, Louis de Rohan est bête, mais honnête, en plus d'être arrivé quasiment au bout de ses crédits... Bref, il sera arrêté en habits "pontificaux" et conduit à la Bastille, juste avant de dire la messe du 15 août 1785 à la chapelle royale. Emotion dans toute la France, scandale dans l'Europe entière.

Jeanne de la Motte sera arrêtée à Bar sur Aube. L'incurie des enquêteurs laissera à son mari le temps de s'enfuir en Angleterre, où les agents secrets échoueront à l'enlever à Londres. Rétaux de Villette sera enlevé à Genève, et Nicole Leguay à Bruxelles, moyennant grasse corruption de la police locale.

Moralement, la monarchie ne se relèvera jamais du procès désastreux qui suivit, au Parlement de Paris.
Louis XVI aussi était de plus en plus abêti par ses bâfrées, ses chasses et ses loisirs, ne gouvernait que par bouffées, était incapable de calculer les conséquences de ses décisions et de ses bouffées. Ses ministres étaient de plus en plus médiocres et paralysés, après la désastreuse disgrâce de Turgot.

JacquesL

Bien sûr que j'étais personnellement remué par cet épisode de l'escroquerie au collier, montée par Jeanne de la Motte  (sinon je ne vous l'aurais pas numérisé) : faux en écriture, montage de rumeurs, stratégie de la prostitution comme sexualité, la malveillance comme ressort intime... J'ai la même aventurière histrionique à la maison, en beaucoup plus paresseuse, qui elle aussi utilise son vagin comme source du pouvoir et de l'extorsion de fonds.

Il est visible que c'est elle qui a dicté les deux tiers des délires produits en justice sous la signature de, hem... Alie Boron, que l'on lira à http://jacques.lavau.deonto-ethique.eu/mission_parricide/tembaurain.png et à http://jacques.lavau.deonto-ethique.eu/mission_parricide/tembaurain2.png.

Au delà de l'émotion devant autant de vice triomphant si longtemps, il y a de quoi s'interroger sur la genèse de la pathologie histrionique. Et là, il y a des os à ronger.

Ultérieurement, à Londres, Jeanne prétendra avoir eu à faire face à des viols ou tentatives de viols par le marquis de Boulainvilliers, mais elle se contredit, notamment sur les dates. Vous détaillerez cela en lisant vous même ce tome 4 des Hommes de la liberté, La révolution qui lève, paru en 1979 chez Robert Laffont. Je ne vous ai pas non plus recopié les épisodes de crises hystérique de Jeanne de la Motte, lors des interrogatoires et confrontations, où elle manque de peu de crever les yeux à Rétaux de Villette. Lisez.


Différences ?
Il est évident, aux détails du récit que je n'ai pas reproduits ci-dessus, que Jeanne de la Motte était beaucoup plus narcissique. Il s'agit d'un vrai intergrade narcissique-histrionique, avec la particularité qu'il n'y a systématiquement jamais un mot de vrai dans ce qu'elle raconte aux uns et aux autres. Elle était assez narcissique et douée, pour être l'âme de toute la conspiration qu'elle monta pour rouler les uns et les autres.



Cartographier les limitations intellectuelles des autres ?

L'habileté principale de l'histrionique, est de flatter les vices des autres, de les exploiter par leurs limitations. Encore que Jeanne de la Motte sous-estima la bêtise du cardinal de Rohan, et le crut corrompu à la façon du siècle, alors qu'il ne l'était pas. Dans l'ensemble, cela reste quand même un génie du parasitisme.

Dans les années 1974-1976, quand je travaillais à CORDI, petite société d'inventeurs, Joseph était fascinant par sa faculté de cartographier les limitations intellectuelles que les institutions savaient imposer à leurs membres. Notre stratégie était de repérer leurs zones aveugles, et de tester si dans ces zones aveugles ne résiderait pas, des fois, un processus technique viable, qu'ils n'auraient pas décelé. Il nous fallait largement cela pour avoir des chances de concurrencer des entreprises autrement plus puissantes et riches que nous-mêmes.

A vrai dire, comme je l'ai conté dans Un cas d'inculture d'entreprise, exploitable par un escroc : le cas Stargil, 1983 –1984 (en perspective dans la galerie des escrocs et imposteurs) , MchlLfbvr était encore plus virtuose dans la détection et l'exploitation des vices de son interlocuteur, mais lui était un authentique escroc, et demeure probablement encore aujourd'hui un authentique histrionique.

C'est aussi le travail de tout expert conseil, ou expert judiciaire, que de se faire une idée claire des limitations intellectuelles et morales d'une institution. Mais nos objectifs d'expert sont, en principe, des objectifs avouables.

Et à quoi discrimine-t-on les objectifs avouables des objectifs inavouables ?
Gagnant-gagnant ou pas.
Si vous aboutissez à ce que tout le monde gagne, à ce qu'il n'y ait pas de perdant, vos objectifs sont avouables.
L'objectif d'un maître-chanteur ou d'une maîtresse-chanteuse n'est jamais avouable.

JacquesL

Ce sont les méthodes de l'enquête psychosociale qui vont ramener le plus de matériaux, et non les méthodes de la psyK. Regardons les représentations, et les apprentissages d'habiletés.
Par la mendicité, et surtout la mendicité à Paris, les deux soeurs Saint-Rémi de Valois ont appris les ruses de la manipulation.
Par les séjours chez le marquis et la marquise de Boulainvilliers, Jeanne de Saint-Rémi de Valois va se convaincre qu'elle a des privilèges de naissance, et qu'il lui faut les faire valoir. Du reste vit-elle chez les privilégiés, qui lui donnent leur vision du monde, du haut des privilèges.

Certes la même année 1785, madame Roland ne comprend pas un traître mot à la toute première révolte de la misère des canuts, tisserands et chapeliers de Lyon. Les seuls personnes qui y comprennent un peu sont d'une part ceux qui organisent la répression, font remonter les troupes de Valence pour assiéger Lyon, d'autre part les trois comtes de Lyon, trois ecclésiastiques, qui contre toute attente, vont se conduire en chrétiens.

Tandis que la seule révolution que puisse imaginer Jeanne de la Motte, est de ruser et escroquer pour rétablir les privilèges qui à ses yeux, découlent de sa naissance.


Regardez et écoutez l'interview d'Anne Vaillancourt,
http://garscontent.com/2008/Quart%202/06-Juin/04/vaillancourt10.wma
résumé écrit à http://debats.caton-censeur.org/index.php?option=com_content&task=view&id=59&Itemid=57
Elle y décrit l'enseignement de la pensée magique au Centre Féminin du Saguenay :
"Vous les femmes même illettrées, vous pouvez devenir PDG, grâce au féminisme. "

Du reste, son autre interview a été censuré de façon bizarre :
Citation de: Anne VaillancourtJ'ai moi-même participé à une émission radiophonique avec Jean Casault, un animateur à Québec, pour dévoiler les dessous d'une maison d'hébergement (centre féminin), ou j'ai travaillé longtemps.  Deux semaines plus tard, à la fin juillet 2008, m. Casault était remercié par son employeur, le réseau Corus, pour des raisons obscures:  Je n'ai jamais entendu mon entrevue, finalement.

Donc voilà une source pour une représentation des privilèges à faire valoir : les privilèges féminins, acquis par la naissance. Qui était le propagandiste écouté par celle qui fut chargée d'une mission parricide : ma mère, militante de la misandrie victimaire.

Allons chercher une troisième source, que je n'aurais pas eue si l'amour n'avait fait des merveilles - merveilles éphémères, mais merveilles tout de même. Dans mes Mémoires, elle porte le pseudonyme de Firefly, en souvenir du nom porté par Groucho Marx dans Duck soup (M. Farfelu, dans les sous-titres). Personnage haut en couleur, narcissique-histrionique elle aussi, mais sans trace de perversité ni de ruse, juste un sadisme occasionnel, elle aussi s'était convaincue qu'elle était née princesse, et devait agir pour reconquérir son rang depuis des origines modestes. Son astrologue exploitait sans vergogne cette croyance, ce scénario de vie.

Il nous faut une quatrième information. Pourquoi donc la missionnée parricide, à qui on donne usuellement le pseudonyme de "Frédégonde", a-t-elle dû se replier sur la position d'imposture, au lieu d'avoir une vie normale ? Rêver vivre de chantage jusqu'à la mort de ses parents ? Pourquoi très tôt a-t-elle tourné le dos à toute vie normale de personne debout ?
Parce qu'elle est incapable de soutenir aucun effort. Très vite, elle s'effondre après dispersion hystérique, et se met à accuser les autres, tout en ne travaillant plus rien.
Pourquoi ? Là c'est plus difficile, et le raisonnement est plus ténu.
On a une hypothèse, sans grandes preuves, mais sans concurrence non plus, due pour l'essentiel à Arthur Janov : à rythme de naissance cassé, rythme d'effort cassé aussi, pour la vie. Or on trouve cet événement-là, en cette nuit et ce matin du premier janvier 1975 : la sage-femme de garde, est mal réveillée et peu lucide, et décide assez vite d'augmenter la dose d'ocytocine perfusée à mon épouse. Puis elle retourne dormir sans rien surveiller. Bientôt mon épouse est tétanisée par les contractions, se trouve totalement épuisée, et le dilatation du col ne progresse plus du tout : les intervalles de repos et de détente ont disparu. J'ai bien cru perdre ma femme, là, la voir mourir sous mes yeux. A dix heures du matin, Claudine L. se réveille enfin, constate le désastre sans rien dire, remplace l'ocytocine par le simple sérum isotonique, et falsifie la feuille de suivi : elle porte à cette heure là le début de l'ocytocine, alors que la perfusion d'ocytocine avait commencé vers 6 h 30 à 7 heures, et portera l'arrêt à 11 heures (mais nous ne le saurons que dix jours plus tard). Vers midi les médecins arriveront à la clinique, se feront expliquer le coup par la sage femme, au vu de la feuille falsifiée, ne me poseront aucune question de contrôle, et perplexes décideront une césarienne. Ultérieurement, dix jours plus tard, le médecin-chef (Boutin ?) aura la bonne idée de venir nous interroger, nous découvrirons ensemble la falsification de la feuille de suivi. Il nous expliquera que sans cette falsification qui les avait induit en erreur, ils auraient pris la décision de mettre la parturiente au repos environ quatre heures, puis lui faire reprendre le travail après ce repos indispensable.

D'obstacle imprévu dans le large bassin de mon épouse, il n'y en avait aucun. A quinze heures, Frédégonde était extraite par césarienne, déposée dans les bras de la sage-femme, et nous sortions pour la sécher et l'habiller. La sage-femme fut la seule personne au monde à jamais m'affirmer que ce fut là ma fille.

Donc voilà où elle en est, quant au rythme d'effort appris par naissance : les efforts apportent souffrance et catastrophe, il suffit donc d'attendre que le chirurgien arrive pour opérer le miracle.

Mais alors, s'il n'y avait aucun obstacle physique imprévu dans le bassin, d'où vint l'obstacle à la dilatation du col, qui trompa assez Claudine L., la sage-femme, pour qu'elle y allât de ses fautes professionnelles propres (dont elle était coutumière, du reste) ?
Je ne détaillerai pas ma cinquième source, mais sa conclusion : la peur que l'on découvre que l'enfant n'est pas de son père légal, mais est de conception adultérine, la peur que cela soit évident. Qu'elle soit de conception adultérine, Frédégonde s'en était assez vantée, au printemps 1991, avant que sa mère lui dicte des thèmes de harcèlement politically plus corrects. Cela se voit au premier coup d'oeil, aussi, que Frédégonde ne ressemble ni à frère ni à soeur ni à père, tout en ressemblant à sa mère. Et cela se sait, que la mère était en vacances en Bretagne, à l'époque de la conception, à l'époque de la mort de Pompidou.

Donc voilà la chaîne de causalités, ténue mais la plus vraisemblable : l'adultérinité de la conception, camouflée, a perturbé la parturition. Ce qui a perturbé l'apprentissage de rythmes d'efforts efficaces et victorieux, et installé un rythme perdant, où Frédégonde organise sa propre perdition. Mais, ô divine sauvegarde, à son adolescence trois femmes en concurrence pour le pouvoir, respectivement ma mère, mon épouse et hmm "Alie Boron, s'emparent d'elle et lui inculquent que si elle exploite et méprise les hommes, si elle contribue à discrètement zigouiller son père, alors on la récompensera comme tueuse à gages. La voilà donc en concurrence féroce pour le pouvoir avec ces commanditaires, à les faire chanter et à les compromettre davantage.

Autre source du schéma de vie histrionique : une puberté trop précoce. A dix ans et demi, à la piscine, ces gamines s'exerçaient à imiter le déhanchement excessif féminin. Restée foudroyée par la jalousie de sa mère, mon épouse n'était pas une guide bien capable ni bien présente, pour l'entrée en féminité de notre fille. Tout se passa donc entre copines. Elles s'exercèrent à exacerber l'attrait sur les mâles, tout en les détestant et en les méprisant. Très vite, Frédégonde ne fit plus rien d'autre que d'évaluer et de comptabiliser tous les garçons qu'elle faisait baver de désir, tout en les méprisant férocement.

A suivre.

JacquesL

#4
L'arme des évanouissements fort à propos - ici sur le passage des princesses, puis de Marie-Antoinette - est caractéristique des histrioniques. Nous l'avions appris lors du "débriefing" de nos stages de Licence. L'une d'entre nous était stagiaire au Lycée Fauriel, lycée huppé de Saint-Etienne, et était confrontée au numéro d'une de ces "tombeuses", ces adolescentes qui savent tomber en pâmoison au moment juste adéquat pour rétablir leur pouvoir sur la situation.
Le professeur, Dominique Ginet, intervint pour nous donner la conduite à tenir dans l'enseignement et l'éducation, devant ces numéros de tombeuses : pousser un bref coup de gueule "Tu fais ça chez toi tant que tu veux, mais pas ici ! Compris ?"

Caractéristique ? Sans doute faut-il établir un distinguo, probablement sur l'âge de l'entrée en histrionisme. En effet, le coup de la pâmoison, notre fille aînée ne nous l'a jamais fait. Elle en a fait bien d'autres, par exemple le coup de la "tentative de suicide" simulée, avec connaissances en pharmacopée suffisantes pour ne prendre aucun risque : au paracétamol...

Oui, mais voilà, elle n'est entrée en histrionisme et en mythomanie que fort tardivement, après avoir accepté à treize ans la mission parricide dont la mandait sa mère, pour s'assurer un veuvage mains propres mains nettes, pas vue pas prise... Et c'était un histrionisme où la perversion sexuelle n'était pas dominante, mais bien la perversion sadique.
Chez le pervers histrionique, le rackett parental porte sur la cruauté : "Tu m'aides à tourmenter et à éliminer tel parent, frère ou soeur ou grand-parent, et en récompense tu auras tels privilèges". Alors que chez l'histrionique sexuel, classiquement la future hystérique (moins fréquemment le futur hystérique) est devant le rackett : "Prouve-moi que je suis sexuellement irrésistible, en déployant toute ta séduction sexuelle pour moi, et en récompense je t'accorderai tels privilèges".  

Hé bien voilà, la comparaison avec Jeanne de la Motte-Valois nous a permis d'établir un autre critère de distinction entre pervers histrioniques et histrioniques à thème sexuel : pas ou très peu de symptômes psychosomatiques chez le pervers histrionique, assigné à séduction par le sadisme.

Il y aurait sans doute une autre catégorie à créer : les histrioniques mystiques, ceux qui savent se créer des stigmates, des plaies sanglantes, et toute cette sorte de choses. Mais là, je manque d'expérience. Qui prend le relais ?


JacquesL

Citer Il y aurait sans doute une autre catégorie à créer : les histrioniques mystiques, ceux qui savent se créer des stigmates, des plaies sanglantes, et toute cette sorte de choses. Mais là, je manque d'expérience. Qui prend le relais

A rapprocher éventuellement de ce bébé en grande souffrance relationnelle, qui commençait à saigner du nombril. Comme s'il cherchait à rétablir la physiologie d'avant naissance, avant les emmerdements.

A rapprocher certainement de ces enfants qui ne sont bien traités que quand ils sont malades ou blessés - par exemple en raison de la concurrence dans la fratrie -, et qui se rendent malades ou se blessent.

A rapprocher aussi des automutilations des schizophrènes précoces, décrits avec une précision saisissante par François Dumesnil, dans "Le traitement relationnel, au coeur des psychoses précoces". Les automutilations ont un caractère spectaculaire, donc répondent d'abord à un besoin relationnel, fort dévoyé hélas.