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Comment Londres et Wall Street ont mis Hitler au pouvoir

Démarré par JacquesL, 01 Mai 2020, 05:15:00 PM

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JacquesL

Comment Londres et Wall Street ont mis Hitler au pouvoir

https://solidariteetprogres.fr/hitler-pouvoir-par-londres-wall-street.html

mardi 19 septembre 2006

Les cartels : un plan Schacht-Dulles-Morgan
La formation des cartels
L'aspect bancaire et la BRI
La conspiration pour mettre Hitler au pouvoir
Le complot contre Roosevelt
La faction pro-Hitler en Angleterre
Les préparatifs de la Deuxième Guerre mondiale
Le rôle d'IG Farben dans la guerre d'agression
Auschwitz : la solution d'IG Farben au problème des matières premières
Commerce avec l'ennemi
La Banque Worms et le synarchisme
Opération Sunrise et Guerre froide
Sabotage du programme de décartellisation
Les débuts de la globalisation
Aldolf Hitler et Hjalmar Schacht



par William F. Wertz

La guerre économique et financière menée aujourd'hui par l'oligarchie peut se réclamer essentiellement de trois antécédents historiques : 1) l'empire vénitien au cours de la période précédant la guerre de Cent ans et l'âge des ténèbres du XIVème siècle ; 2) l'empire établi, sur le modèle vénitien, par la Compagnie des Indes orientales suite au traité de Paris qui mit fin à la guerre de Sept ans en 1763 ; 3) les cartels anglo-américano-allemands mis en place dans les années 20. C'est ce dernier aspect que nous allons examiner ici, car il est l'incarnation la plus récente du danger que représente actuellement une oligarchie financière déterminée à dominer le monde sous couvert de « globalisation ».

Il s'agit ici de montrer que le système financier oligarchique d'après-guerre, décrit en partie par John Perkins dans son livre Confessions d'un tueur à gages économique [1], représente la continuation des accords de cartellisation des années 20, qui menèrent à la Deuxième Guerre mondiale. Ces accords, que le président Franklin Roosevelt comptait démanteler après la guerre, constituent en quelque sorte un précurseur de la globalisation actuelle.

Hjalmar Schacht, directeur de la Reichsbank et protégé du directeur de la Banque d'Angleterre, était le cerveau de l'économie nazie et des arrangements avec les cartels anglo-américains.
Aldolf Hitler et Hjalmar Schacht
Hjalmar Schacht, directeur de la Reichsbank et protégé du directeur de la Banque d'Angleterre, était le cerveau de l'économie nazie et des arrangements avec les cartels anglo-américains.
Dans une lettre au secrétaire d'Etat Cordell Hull, datée du 8 septembre 1944, le Président américain disait : « L'histoire de l'utilisation par les nazis du trust IG Farben se lit comme un roman policier. La défaite de l'armée nazie devra être suivie de l'éradication de ces armes de guerre économique. »

Cependant, malgré l'intention clairement exprimée par Roosevelt avant sa mort prématurée (en avril 1945), ces cartels furent protégés pendant la guerre par leurs partenaires anglo-américains et leur démantèlement ultérieurement prévu fut bloqué par ces mêmes intérêts.

Aldolf Hitler et Hjalmar Schacht
Hjalmar Schacht, directeur de la Reichsbank et protégé du directeur de la Banque d'Angleterre, était le cerveau de l'économie nazie et des arrangements avec les cartels anglo-américains.


En réalité, c'est une oligarchie financière internationale basée à Londres et à Wall Street qui permit la montée au pouvoir d'Hitler. Face à la dépression mondiale, elle ne voulait en aucun cas résoudre la crise en faisant appel aux méthodes du système américain de développement économique appliquées par Roosevelt aux Etats-Unis et proposées en Allemagne au début des années 30 sous forme du plan Lautenbach. Elle préféra encourager la création de gouvernements fascistes en Italie, en Allemagne, en Espagne, etc., afin de mieux garder le contrôle d'un système financier en plein effondrement, aux dépens de l'intérêt public. Les régimes fascistes ainsi mis au pouvoir devaient imposer une politique de pillage et de répression meurtrière et lancer la militarisation afin de renforcer encore le pillage.

On voit le reflet de cette politique aujourd'hui dans le dessein mondial visant à imposer, sous l'égide du Fonds monétaire international (FMI), la collecte de la dette extérieure assortie d'une austérité draconienne. La privatisation et donc le pillage du système de retraites (Social Security System), poursuivis avec acharnement par l'administration Bush, représentent le fer de lance de cette politique fasciste. Le modèle, explicitement invoqué par Bush, est la politique économique mise en œuvre au Chili à l'époque de la sinistre « Opération Condor » menée par le dictateur Augusto Pinochet - ce modèle lui-même ayant été préconisé par George Shultz et la Chicago School.

Au moment où Hitler commençait sa vaste mobilisation en vue de préparer une guerre d'agression, l'oligarchie financière basée à Londres et à Wall Street entretenait de multiples liens et relations avec les filiales allemandes des cartels ; ces sociétés continuèrent à commercer avec l'ennemi pendant la guerre et cherchèrent, par la suite, à protéger leurs avoirs. Dans le contexte de la Guerre froide, qu'elle orchestra avec l'aide de Winston Churchill et du président Truman, l'oligarchie financière se servit des mêmes avoirs pour torpiller le système de Bretton Woods, inspiré et lancé par Franklin Roosevelt, qui reposait sur la souveraineté des Etats-nations et le système américain d'économie politique. A la place, elle prônait une forme de fascisme universel sans Hitler que nous appelons, aujourd'hui, globalisation.

Le président américain Dwight D. Eisenhower mit clairement en garde contre cet appareil dans le discours qu'il prononça en quittant ses fonctions, en janvier 1961, où il parlait du danger que représentait le « complexe militaro-industriel ». Il ne fut pas possible d'éliminer immédiatement le système de Bretton Woods - il fallut pour cela attendre la première décision fatidique prise en 1971 par un président Nixon écoutant les conseils de George Shultz.

Les cartels : un plan Schacht-Dulles-Morgan
Le rôle des frères Dulles, John Foster et Allen, dans la création des cartels et dans ce qui allait devenir le projet Hitler, remonte à l'époque du traité de Versailles, en 1919, qui fit porter à l'Allemagne l'entière responsabilité de la Première Guerre mondiale. En conséquence, elle perdit 13,5 % de ses territoires d'avant 1914 et fut condamnée à verser des réparations de guerre. Pour tenter de les honorer, l'économie allemande fut saignée à blanc pendant les années 20, menant en fin de compte à la chute de la République de Weimar. L'aggravation de la dépression au début des années 30 contribua ainsi à la montée au pouvoir d'Hitler.

Remontons à l'époque de la Première Guerre mondiale, Allan Dulles est envoyé à Berne (Suisse) par son oncle, Robert Lansing, à l'époque secrétaire d'Etat du président Woodrow Wilson, où il est chargé du renseignement à la Légation américaine. Par le biais du même oncle, les frères Dulles prennent part aux négociations du traité de paix de Versailles. En 1920, Allen Dulles sera nommé premier secrétaire de l'ambassade américaine à Berlin.

Son frère, l'avocat John Foster Dulles, représentera les intérêts de la Banque d'Angleterre et de la société J.P.Morgan dans l'Europe d'après guerre. Au printemps de 1920, au lendemain des négociations de Versailles, John Foster rencontre Hjalmar Schacht (1877-1970), à l'époque fonctionnaire subalterne auprès de l'autorité bancaire allemande créée par les Alliés et qui deviendra plus tard l'architecte de l'économie de guerre nazie basée sur les travaux forcés.

Le 20 mars 1922, Schacht fait part à John Foster Dulles d'une proposition de nouveau système international :

CiterUne solution au problème des réparations (...) pour donner à l'Europe quelques années, disons cinq ans, afin de restaurer (...) de solides conditions dans les différents pays. (...) L'Allemagne doit pouvoir trouver un prêt, disons de 5 milliards de marks-or, qui seront versés à la France. (...) Mon idée est que ce ne soit pas un emprunt d'Etat, mais un emprunt de compagnies privées. Je veux former, disons, quatre compagnies privées allemandes, et à chacune d'entre elles, le gouvernement allemand devra accorder le monopole des exportations en gros de produits tels que le charbon, la potasse, le sucre et le ciment. Chacune de ces compagnies contrôlera l'exportation d'un de ces produits. Le monopole devra être accordé pour 20 ans. Les producteurs nationaux devront leur remettre leur production. (...)

Ces sociétés émettront des emprunts d'un montant total de 5 milliards de marks-or. (...) Comme le total des exportations des quatre peut être estimé à 500 millions de marks-or, le montant de l'emprunt sera remboursé en 10 ans. (...)

L'emprunt que je propose (...) n'est basé sur aucun traité politique. (...) Le remboursement sera sous le contrôle, tout d'abord, d'industriels et d'hommes d'affaires appartenant aux rangs les plus élevés.

Dulles fait suivre la lettre à Thomas W.Lamont, un associé de J.P.Morgan, et au cours des années qui suivent, l'essentiel de ce plan Schacht-Dulles-Morgan sera mis en oeuvre. Voilà l'origine des cartels internationaux basés en Allemagne et dirigés par les Britanniques, qui furent créés dans les années 20.

Schacht lui-même sera nommé Commissaire à la monnaie nationale allemande en novembre 1923, et un mois plus tard, président de la Reichsbank.

Depuis 1919, John Foster Dulles était l'avocat de Richard Merton, fondateur du plus important de ces cartels, l'Interessen Gemeinschaft Farben (IG Farben). En 1924, il est choisi par J.P.Morgan pour mettre en oeuvre le plan Dawes prévoyant la réorganisation, dans le cadre de négociations avec Schacht, du versement des réparations de guerre. En 1926, il deviendra directeur exécutif de Sullivan and Cromwell, le cabinet d'avocats de tous les cartels.

La formation des cartels
De 1926 à 1929, le plan Schacht-Dulles-Morgan débouche sur une série d'arrangements impliquant nombre des plus grandes sociétés britanniques, américaines et allemandes. Les deux principaux cartels sont le trust chimique IG Farben et le Cartel international de l'Acier, dont la création est redevable aux prêts étrangers d'un montant de 800 millions de dollars accordés dans le cadre du plan Dawes, en vue de cartelliser la chimie et la sidérurgie allemandes. Ces prêts sont gérés aux trois-quarts par trois firmes de Wall Street : Dillon, Read & Co ; Harris, Forbes & Co et National City.

En 1925, IG Farben regroupe six des plus gros producteurs chimiques allemands. En août 1927, Standard Oil conclura avec lui un programme conjoint de recherche et développement sur l'hydrogénation (production d'essence à partir du charbon), procédé découvert par un chercheur allemand en 1909. En 1928, Henry Ford fusionnera ses actifs allemands avec ceux d'IG Farben. Le 9 novembre 1929, un cartel pétrochimique international sera créé suite au mariage d'IG Farben avec les Britanniques ICI et Shell Oil, et les Américains Standard Oil et Dupont.

C'est l'accord entre Standard Oil et IG Farben qui constitue le pilier du cartel. Premièrement, Standard Oil se voit accorder la moitié de tous les droits concernant le procédé d'hydrogénation pour tous pays sauf l'Allemagne. Deuxièmement, Standard Oil et IG Farben se mettent d'accord pour « ne jamais se concurrencer l'un l'autre dans les secteurs de la production chimique et de la production pétrolière. Désormais, si Standard Oil souhaitait entrer dans le domaine des produits chimiques industriels ou des médicaments, ce ne serait possible qu'en partenariat avec Farben. En retour, Farben s'engageait à ne jamais pénétrer le secteur du pétrole sauf en association avec Standard ».

Lorsqu'éclate la Deuxième Guerre mondiale, IG Farben a passé des accords de cartel avec 2000 sociétés dans le monde, dont Ford Motor Co., Alcoa, General Motors, Texaco et Procter et Gamble, pour n'en citer que quelques-unes.

En 1926, le Cartel international de l'Acier ouvre ses bureaux au Luxembourg. Il servira de véritable « gendarme privé » du commerce mondial de l'acier de 1926 à 1939. Sa composante allemande, qui regroupe les quatre plus gros producteurs d'acier nationaux, s'appelle Vereinigte Stahlwerke. Dirigé par Ernst Poensgen, Fritz Thyssen, Otto Wolff et autres, ce groupe recevra 100 millions de dollars de la part d'investisseurs privés aux Etats-Unis. Dillon, Read & Co., la société de placement new-yorkaise de Clarence Dillon, James V.Forrestal et William H.Draper, Jr., s'occupe de l'émission des obligations.

Lors de la signature du premier accord international, le 30 septembre 1926, tous les sponsors du cartel se vantent de ce que le premier pas vers la formation « des Etats-Unis économiques de l'Europe » vient d'être franchi. Douze ans plus tard, près de 90 % du fer et de l'acier commercialisé au niveau international est sous le contrôle du Cartel de l'Acier. Outre l'Allemagne qui le dirige, l'Autriche, la Pologne, la Tchécoslovaquie, le Royaume Uni et les Etats-Unis en font partie, même s'il est interdit aux compagnies américaines, U.S.Steel, Bethlehem et Republic, de signer les accords formels, sous peine de violer les lois anti-trust américaines.

En 1919, trois producteurs allemands de lampes électriques, Siemens & Halske, AEG et Auergesellschaft, avaient formé une nouvelle société dénommée Osram, pour tenter de regagner les biens et les marchés perdus à l'étranger. AEG était en grande partie contrôlé par General Electric et des liens similaires existaient entre toutes les autres entreprises du même genre en Allemagne, en Angleterre et aux Etats-Unis. En 1924, afin de prévenir toute concurrence extérieure, Osram propose la création en Suisse d'une société dénommée Phoebus, qui appartiendrait à toutes les compagnies du cartel et serait dirigée conjointement par elles. En juillet 1929, Osram et la filiale de General Electric pour l'étranger, International General Electric, créent un « partenariat pour tout temps ». A partir de 1929, les relations entre Osram et International General Electric se développeront suivant le même modèle que celles entre IG Farben et ses partenaires étrangers.

Pendant les années 20, quatre cinquièmes de l'industrie allemande étaient encore regroupés dans des cartels.

L'aspect bancaire et la BRI
Ce qu'on appelle le « système américain d'économie politique » est basé sur le concept de banque nationale, contrairement au concept libéral anglo-hollandais de banque centrale indépendante. Montagu Norman, le gouverneur de la Banque d'Angleterre de 1919 à 1944, fut le principal promoteur de la création de banques centrales indépendantes. Tout comme la Banque l'Angleterre, la Reichsbank allemande appartenait à des intérêts privés. Elle fut dirigée par un protégé de Montagu Norman, Hjalmar Schacht, de 1923 à 1930 puis à nouveau de 1933 (après la prise de pouvoir d'Hitler) jusqu'en 1939, quand il céda la place à Walther Funk.

L'Allemagne comptait six banques commerciales et de placement centralisées : 1 ) la Bank der Deutschen Arbeit, créée par les nazis, 2 ) la Reichs Kredit Gesellschaft, 3 ) la Berliner Handelsgesellschaft, 4 ) la Commerzbank et 5) et 6 ) les deux géants qu'étaient la Dresdner Bank et la Deutsche Bank. Ces deux dernières combinaient les activités de banque de dépôt et de placements, pratique interdite aux Etats-Unis, ce qui faisait leur force. Elles étaient aussi directement liées à IG Farben : le seul directeur du géant chimique venu de l'extérieur était Edward Mosler, de la Deutsche Bank, et c'est un ancien d'IG Farben, Carl Pfeiffer, qui sera nommé directeur de la Dresdner Bank.

En dehors de ces six grandes banques, il y avait plusieurs sociétés bancaires en nom collectifs, petites mais importantes, dont la Bankhaus JH Stein de Cologne, dirigée par le baron Kurt Schröder. Après la guerre, on devait découvrir qu'au moins 20 des grands directeurs de cartels, dont le baron von Schnitzler et Otto Wolff, d'IG Farben, ainsi que Friedrich Flick, de la Vereinigte Stahlwerke (Aciéries unies), effectuaient régulièrement des dépôts sur un compte spécial de cette banque, dénommé « compte spécial S ». Lorsque le chef des SS Heinrich Himmler avait besoin d'argent, les donateurs déposaient de l'argent sur ce compte qui servait alors à financer les SS. D'après les relevés, von Schnitzler y versait régulièrement des fonds, d'un montant d'au moins 40 000 dollars par an, de même que Friedrich Flick.

Hormis ces banques privées, l'internationale synarchiste avait à sa disposition un instrument de choix pour la mise en place des cartels : la Banque des règlements internationaux (BRI) sise à Bâle. Depuis sa création, et jusqu'à aujourd'hui, on la surnomme la « banque des banquiers ». En opposition à la conception du système américain de banque nationale, la BRI repose sur le modèle anglo-hollandais de banque centrale échappant au contrôle des Etats-nations souverains.

La BRI fut créée en 1930, dans le cadre du plan Young, par les banques centrales internationales, dont la Banque d'Angleterre et la Réserve fédérale des Etats-Unis, à l'initiative de Hjalmar Schacht, alors directeur de la Reichsbank. Celui-ci pouvait compter sur le soutien de Montagu Norman, lui-même conseillé par le baron Bruno Schroder, de la branche britannique de la J. Henry Schroder Bank. L'associé de Schroder, Frank Cyril Tiarks, fut le co-directeur de la Banque d'Angleterre aux côtés de Norman, tout au long de la carrière de ce dernier.

Parmi les directeurs de la BRI (et donc avec la complicité des présidents américains successifs, dont Thomas McKittrick pendant la Deuxième Guerre mondiale), figuraient Harman Schmitz, directeur d'IG Farben, le baron Kurt von Schröder, directeur de la JH Stein Bank de Cologne et principal financier de la Gestapo et de la Brigade Tête de Mort, Walther Funk, de la Reichsbank, et l'économiste nazi Emil Puhl, les deux derniers ayant été personnellement nommés au conseil d'administration par Hitler.

Les fonds américains et britanniques destinés à soutenir l'accession d'Hitler au pouvoir et à financer, par la suite, sa machine de guerre, transitaient par la BRI. Avant 1940, celle-ci avait investi des millions de dollars en Allemagne, tandis que Kurt von Schröder et Emil Puhl, de leur côté, avaient déposé d'importantes quantités d'or à la BRI, sommes utilisées après la guerre pour financer les « rat-lines » (référence aux lignes du mât d'un navire qui coule, sur lesquelles les rats tentent de fuir). Grâce à ces filières, des nazis et leurs collaborateurs pourront s'échapper d'Europe pour se réfugier en Amérique du Sud et au Moyen-Orient.

Malgré l'importance de la BRI pour Hitler, la Grande-Bretagne ne s'opposa pas aux activités de la banque, même après la décision britannique d'entrer en guerre contre l'Allemagne. Sir Otto Niemeyer et Montagu Norman, respectivement directeur et PDG britanniques, conservèrent leur poste tout au long de la guerre.

Lors de la conférence de Bretton Woods en juillet 1944, deux résolutions seront déposées, l'une appelant à la dissolution de la BRI et l'autre à une enquête sur ses comptes. La première résolution sera retirée suite à des pressions ; quant à la seconde, aucun enquête ne sera ouverte après la guerre. A ce jour, la BRI n'a jamais interrompu son activité.

La conspiration pour mettre Hitler au pouvoir
Dans son livre, John Perkins décrit son propre passé de tueur à gages économique pour le compte d'une oligarchie financière. Il explique que lorsque les tueurs à gages ne réussissent pas à faire plier le pays concerné, on déploie alors les « chacals » pour exécuter les basses œuvres : assassinats ou coups d'Etat. En cas d'échec des chacals, c'est à l'armée d'intervenir directement. En un sens, IG Farben était le tueur à gages économique de l'oligarchie financière de l'époque et les nazis, les chacals.

En 1930, Schacht démissionne de la Reichsbank, à cause de différends avec le gouvernement de Weimar. Comme Hitler, qu'il allait soutenir, Schacht est contre la poursuite du versement des réparations de guerre et, comme Hitler, il prône une austérité brutale pour la classe laborieuse, à travers la militarisation de l'économie.

Schacht exprimera clairement ce point de vue dans un discours prononcé le 20 octobre 1930 lors d'une conférence de la Foreign Policy Association à New York, intitulée « Le plan Young et l'économie mondiale ». Etait également présent son collègue de longue date, John Foster Dulles.

Schacht critique à cette occasion les sociaux-démocrates allemands qui veulent élever le niveau de vie des travailleurs aux dépens des 80 000 Allemands les plus riches. L'Allemagne, note-t-il, a un déficit commercial de plus de deux milliards de marks, dû au manque de matières premières. En outre, elle doit payer pour 1,5 milliard de marks-or par an en intérêts et en amortissement des dettes privées, plus environ 2 milliards de marks en réparations de guerre. Au total, l'Allemagne doit verser à l'extérieur plus de 5 milliards de marks par an, prélevés sur son excédent commercial.

CiterPour réaliser cet excédent commercial, nous devons importer les matières premières nous permettant de fabriquer nos biens. Pour atteindre cet objectif, nous devons augmenter le commerce actuel de près de 50 %. Je pense que les pays alliés (...) ne l'accepteront pas. (...)

Schacht conclut son discours en faisant l'éloge des « hitléristes » qui viennent d'obtenir de bons scores aux élections allemandes. Le soutien reçu par Hitler dans ces élections, où il avait fait campagne contre le paiement des réparations, est qualifié par Schacht d'« avertissement pour le monde » :

CiterMesdames et Messieurs, les derniers événements politiques en Allemagne ne signifient pas que quelque chose de violent ou de révolutionnaire va se produire. Ils représentent simplement une forme de protestation dans les limites légitimes de la Constitution. Je pense que c'est un grand avantage de la démocratie moderne que l'on puisse ressentir, à partir du vote constitutionnel, les sentiments et les opinions d'un grand peuple. Voilà ce que signifient ces dernières élections. Même les hitléristes, même ces radicaux de droite, ne feront rien de violent. Tout ce qu'ils demandent, c'est de ne pas devoir devenir malhonnêtes, de ne pas être obligés, par les circonstances politiques, de se trouver dans une situation qui les amène à perdre le respect de soi. Ils veulent garder le respect d'eux-mêmes, et c'est pourquoi ils ont envoyé cet avertissement au monde.

Peu après, Schacht commence à organiser du soutien pour Hitler et son Parti des travailleurs allemands national-socialiste (NSDAP, le parti nazi). En 1931, après des discussions avec Hitler et Hermann Göring, Schacht pousse le chancelier Brüning à accepter le NSDAP dans le gouvernement. Puis, en novembre 1932, en tant que membre d'une organisation appelée Cercle des amis de l'économie, Schacht lance une pétition dans les cercles industriels et financiers, appelant le président Hindenburg à nommer Hitler chancelier. Ce qui fut fait le 30 janvier 1933, après une réunion avec le chancelier Franz von Papen et Hitler chez le baron Kurt von Schröder à Cologne.

Néanmoins, le Parti nazi est loin d'être assuré de la victoire aux élections de mars. Par conséquent, le 20 février 1933, Göring invite 20 grands industriels et banquiers à écouter un discours d'Hitler sur l'« entreprise privée ». Göring leur demande alors un soutien financier et Schacht se fait encore plus explicite : « A cette table, nous devons collecter un fond de 3 millions de marks. »

Von Schnitzler, qui participait à la réunion, en présente un compte-rendu au conseil d'administration d'IG Farben. Celui-ci verse alors 400 000 marks, la plus grosse contribution individuelle à la campagne d'Hitler. Le lendemain intervient l'incendie du Reichstag, qu'Hitler met sur le dos des communistes, alors qu'il était en réalité instigué par Göring. Hitler utilise cet incendie comme prétexte pour imposer des décrets d'urgence. Tel fut le premier acte d'Hitler et des nazis après réception du don d'IG Farben.

Il était clair pour Schacht et ceux qui le soutenaient à Londres et à Wall Street, que seul Hitler aurait la capacité d'imposer le niveau d'austérité qu'ils jugeaient indispensable. Ainsi, le 16 mars 1933, après la consolidation du pouvoir du Führer, Schacht reprend son poste de gouverneur de la Reichsbank. Plus tard dans l'année, John Foster Dulles, en tant que représentant de Brown Brothers Harriman, Dillon Read, Kuhn Loeb, ainsi que de toutes les banques d'investissement privées et firmes de Wall Street, se rend à Berlin pour négocier avec Schacht le financement du nouveau gouvernement. Il est accompagné d'un subalterne de Sullivan et Cromwell et de trois employés de la Chase Bank.

En août 1934, Schacht est nommé ministre de l'Economie, poste qu'il conservera jusqu'en novembre 1937. De 1935 à 1937, il sert aussi de plénipotentiaire pour l'économie de guerre. Ce n'est qu'en janvier 1939 qu'il démissionnera de la Reichsbank, à cause d'une querelle juridictionnelle avec Hermann Göring, devenu le dictateur économique virtuel. Schacht reste néanmoins ministre sans portefeuille jusqu'en 1943.

Bien avant son arrivée au pouvoir en 1933, Hitler jouissait d'un soutien substantiel de la part des cartels privés. Le cas le plus fameux est celui de Fritz Thyssen, de Vereinigte Stahlwerke. Dans un livre publié en 1941 sous le titre J'ai financé Hitler, Thyssen admet qu'il avait commencé à financer Hitler en octobre 1923 avec une première contribution de 100 000 marks.

En 1922, W. Averell Harriman s'était rendu à Berlin pour établir la filiale berlinoise de W.A. Harriman & Co. Selon des enquêteurs du gouvernement américain, « à un certain moment avant 1924 », Harriman et Thyssen s'étaient mis d'accord pour créer une banque de Thyssen à New York. C'est ainsi qu'en 1924, fut créée la Union Banking Corp., en tant qu'entité dans les bureaux new-yorkais de W.A. Harriman & Co. appartenant à la Bank voor Handel en Scheepvaart (BHS) aux Pays-Bas, qui appartenait à Thyssen. Prescott Bush, le grand-père de George W., fut nommé vice-président de W.A. Harriman & Co. en 1926, la même année où fut créée la Vereinigte Stahlwerke avec l'aide de Dillon, Read.

Après la guerre, Fritz Thyssen déclara aux enquêteurs alliés :

CiterEn 1930 ou 1931 (...) j'ai dit à [l'adjoint d'Hitler Rudolf] Hess (...) que j'allais arranger un crédit pour lui avec une banque hollandaise à Rotterdam, la Banque commerciale et maritime [Bank voor Handel en Scheepvaart]. J'ai organisé le crédit, (...) il devait le rembourser en trois ans. (...) J'ai choisi une banque hollandaise car dans ma position, je ne voulais pas être mêlé à des banques allemandes, et parce que je pensais qu'il valait mieux faire des affaires avec une banque hollandaise, et que je tiendrais les nazis un peu plus en mains. (...)

Le crédit se montait à 250-300 000 marks-or - à peu près la somme que j'avais donnée auparavant. Ce prêt a été remboursé en partie à la banque hollandaise, mais je crois qu'il y a encore de l'argent à recouvrer.

Le 20 octobre 1942, en application de la loi sur le Commerce avec l'ennemi, le gouvernement américain saisit la Union Banking Corp. dont Prescott Bush était l'un des directeurs.
Friedrich Flick, le principal co-propriétaire de Vereinigte Stahlwerke avec Fritz Thyssen, finançait aussi le Parti nazi et était membre du Cercle des amis de Himmler, qui aida généreusement les SS.

En mars 1932, un représentant de DuPont en Allemagne, écrivait :

CiterC'est un fait bien connu en Allemagne qu'IG Farben finance Hitler. Il semble ne faire aucun doute que le Dr Schmitz au moins est personnellement un important contributeur au Parti nazi.

Le complot contre Roosevelt

Ces mêmes réseaux qui ont mis Hitler au pouvoir et soutiennent aujourd'hui l'administration Cheney-Bush conspirèrent au début de 1934 pour renverser le président Roosevelt à la faveur d'un coup d'Etat militaire. Parallèlement à la montée d'Hitler en Allemagne, les DuPont commencèrent à financer l'American Liberty League and Clark's Crusaders, qui comptait 1 250 000 membres en 1933. Pierre, Irenee et Lammot DuPont, John Jacob Raskob, ancien dirigeant du Comité national démocrate, ainsi que Alfred Sloan, de General Motors, contribuaient de leur côté financièrement à la ligue. Par ailleurs, Irenee DuPont et William Knudsen, directeur de General Motors, avec des amis de la banque Morgan, financèrent l'orchestration d'un coup d'Etat perpétré par une armée de terroristes modelée sur les Croix de feu françaises, moyennant trois millions de dollars. Les armes et munitions nécessaires auraient été fournies par Remington, une filiale de DuPont. Le complot était soutenu par Hermann Schmitz, le baron von Schröder et d'autres nazis.

Cependant, le général Smedley Butler de Pennsylvanie, pressenti pour diriger le coup d'Etat, en fut si horrifié qu'il révéla le complot aux autorités. Butler avait déclaré publiquement : « La guerre est largement une question d'argent. Les banquiers prêtent de l'argent aux pays étrangers et quand ceux-ci ne peuvent rembourser, le Président envoie les marines pour l'obtenir. Je le sais - j'ai fait partie de onze de ces expéditions. » En 1934, la Commission d'enquête du Sénat confirma « les soupçons [de Butler] selon lesquels le big business - Standard Oil, United Fruit, le trust du sucre, les grandes banques - avait été derrière la plupart des interventions militaires qu'on lui avait ordonné de conduire ».

Heureusement, ce coup d'Etat fut avorté. Etant donné le niveau de trahison et de sympathie nazie qui régnait aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, si Roosevelt n'avait pas survécu à ce complot et à d'autres, le fascisme serait très probablement sorti victorieux de la Deuxième Guerre mondiale.

La faction pro-Hitler en Angleterre

En Grande-Bretagne aussi, un puissant courant oligarchique soutint Hitler tout au long des années 30, jusqu'à défendre, en 1940, une paix négociée avec lui. The Link était une organisation britannique de sympathisants nazis haut placés, dirigée par Lord Halifax, le ministre des Affaires étrangères et futur ambassadeur aux Etats-Unis. Parmi les personnalités pro-nazies, il y avait aussi le duc de Windsor. En été 1937, le duc rencontre deux envoyés d'Hitler, Rudolf Hess et Martin Bormann, à l'hôtel Meurice à Paris, où il promet d'aider le premier à contacter le duc d'Hamilton, un homme directement lié à Himmler et à Kurt von Schröder, à la Schröder Bank et à la synarchiste Banque Worms. Hess était déterminé à forger une alliance avec la Grande-Bretagne, au point où il entreprit le vol se terminant par son parachutage dramatique sur la propriété d'Hamilton en 1941. On compte aussi, parmi les fervents sympathisants d'Hitler, Montagu Norman, de la Banque d'Angleterre et de la BRI, et Lord McGowan.

Signalons deux autres membres du cercle, Sir Samuel Hoare et Lord Beaverbrook. Le premier, en sa qualité de secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères en 1935, se joignit au Premier ministre français Pierre Laval pour soutenir l'invasion de l'Ethiopie par Mussolini. Comme retombée du pacte Hoare-Laval, Hoare devra démissionner plus tard, avant d'être nommé secrétaire d'Etat du Home Office dans le gouvernement de Neville Chamberlain. Lorsque Winston Churchill arriva au pouvoir, il nomma Hoare ambassadeur dans l'Espagne de Franco, de mai 1940 à juillet 1944.

Quant à lord Beaverbrook, il accompagnait Hoare dans les négociations avec Laval concernant l'Ethiopie et soutint le roi pro-nazi Edward VIII (l'ancien duc de Windsor), lors de la crise d'abdication. En 1935, Beaverbrook rencontra personnellement Hitler et Mussolini et fut l'invité du ministre allemand des Affaires étrangères, Joachim von Ribbentrop, aux jeux olympiques de Munich l'année suivante. L'homme de confiance du lord, Sefton Delmer, qui dirigeait le bureau du Daily Express de Beaverbrook à Berlin, était un confident d'Hitler. Dans son reportage sur l'incendie du Reichstag, il prit à son compte la version des nazis qui devait faciliter la consolidation du pouvoir d'Hitler.

Si une paix négociée ne fut pas conclue entre les nazis et la Grande-Bretagne, c'est parce que Churchill refusait à tout prix de laisser l'Empire britannique tomber sous la coupe d'Hitler, même s'il avait lui-même soutenu Mussolini. (Après la guerre, le commando Otto Skorzeny utilisa les lettres de Churchill à Mussolini, rédigées entre 1927 et 1944, pour exercer un chantage sur le Britannique afin d'obtenir la libération de prisonniers nazis.) Néanmoins, la détermination de Churchill de préserver l'Empire britannique jeta les bases de l'alliance américano-britannique pour poursuivre la guerre contre les puissances de l'Axe.

Les préparatifs de la Deuxième Guerre mondiale

Le renforcement du régime d'Hitler n'empêche pas les filiales américaines et britanniques des cartels allemands de consolider leurs partenariats au moment même où ces derniers, particulièrement IG Farben, commencent à préparer une guerre d'agression.

En 1936, par exemple, la Schroder Bank de New York fonde une société en commun avec les Rockefeller, la Schroder, Rockefeller and Co. Investment Bankers, qui a pour associés Avery Rockefeller, neveu de John Rockefeller, le baron Bruno von Schroder de Londres et Kurt von Schröder de la BRI et de la Gestapo de Cologne. Leurs avocats sont les frères John Foster et Allen Dulles, de Sullivan and Cromwell.

Sosthenes Behn, directeur de International Telephone and Telegraph (ITT), et Gerhardt Westrick, directeur de ITT en Allemagne et associé de John Foster Dulles, nomment au conseil d'administration de la société Walter Schellenberg, chef du service de contre-espionnage de la Gestapo (SD), et le baron Kurt von Schröder, afin de garantir la continuité des activités de la société en Allemagne au cours de la guerre à venir. Au même moment, le président de la Standard Oil de Rockefeller dans le New Jersey, Walter Teagle, est nommé directeur de American IG (Farben) Chemical Corp, dont le conseil d'administration comprend entre autres Edsel Ford, président de Ford Motor Co., Charles Mitchell, président de la National City Bank of New York de Rockefeller, Paul Warburg, président de la Réserve fédérale, et Herman Metz, directeur de la Bank of Manhattan.

Tandis que ces relations se consolident, IG Farben est en passe de se faire entièrement intégrer dans la machine de guerre nazie - qu'il dirige même en grande partie. En effet, comme le rapporte Josiah DuBois dans son livre Les chimistes du Diable, 24 cadres d'IG Farben allaient passer en jugement au tribunal de Nuremberg pour avoir « préparé et lancé une guerre d'agression » et « conspiré à lancer une guerre d'agression ». Cependant, dans l'atmosphère politique de la Guerre froide qui règne au moment de la conclusion des procès, le 28 mai 1948, les seules condamnations prononcées sanctionnent le « travail esclavagiste » et le « pillage », et les chefs d'accusation portant sur la préparation et la conduite d'une guerre d'agression aboutissent à un acquittement. Dans ce climat, les efforts pour démanteler les cartels après la guerre furent sabotés. Pour en donner une idée, pendant le procès, DuBois lui-même fut traité par le député américain Dondero de « gauchiste du département du Trésor qui avait été un étudiant proche de la ligne du Parti communiste ».

Il est clair qu'en septembre 1939, Hitler n'aurait pas pu lancer son offensive sans la guerre économique menée par IG Farben dans le cadre de la mobilisation de guerre. Manquant de matières premières, comme l'avait fait remarquer Schacht dans son discours de 1930 devant la Foreign Policy Association de New York, l'Allemagne nazie devrait fabriquer les matériaux synthétiques nécessaires à sa machine de guerre. Deux exemples illustrent ce point.

D'abord, bien que l'Allemagne nazie eût continué à recevoir du pétrole de la Standard Oil pendant la guerre, grâce aux livraisons en provenance d'Amérique ibérique transitant par l'Espagne de Franco, le processus d'hydrogénisation « Leuna », mis au point par IG Farben pour produire de l'essence à partir du charbon, était crucial pour faire rouler les blindés. En 1934, l'Allemagne importait près de 85 % de ses produits pétroliers. Sans l'essence synthétique, les nazis n'auraient pas pu mener une guerre mécanisée moderne. Le processus d'hydrogénisation même avait été mis au point et financé par les laboratoires de la Standard Oil aux Etats-Unis, en commun avec IG Farben, dans le contexte de l'accord de 1929.

Deuxièmement, sans le caoutchouc synthétique produit avec le procédé Buna mis au point par IG Farben, les véhicules nazis n'auraient pas eu de pneus. Avant la Deuxième Guerre mondiale, la Standard Oil avait convenu avec IG Farben, aux termes de l'accord de la Joint American Study Corp. (Jasco), que le caoutchouc synthétique resterait dans la sphère d'influence d'IG Farben et que la Standard Oil ne bénéficierait de son monopole aux Etats-Unis qu'à condition que la firme allemande en autorise le développement sur place. Or en 1936, le gouvernement nazi interdit de transmettre à quiconque aux Etats-Unis le savoir-faire pour la production du caoutchouc synthétique buna. En conséquence de cette mesure de guerre économique, le caoutchouc synthétique ne fut pas développé outre-Atlantique avant guerre.

En 1938, Standard fournit à IG Farben son nouveau procédé de caoutchouc butyl, tout en gardant secret aux Etats-Unis mêmes le procédé buna. Ce n'est qu'en juin 1940 que Firestone et US Rubber pourront participer aux essais de la méthode butyl et auront droit à des licences de production du caoutchouc buna.

En 1937, Schmitz, Krauch et von Kniriem, d'IG Farben, se rendent à Londres où ils réussissent à négocier l'achat de carburant d'avion provenant de Standard Oil, au profit de la Luftwaffe de Göring, pour un montant de 20 millions de dollars.

En outre, Standard fournit à IG Farben des plans pour la production de plomb tétraéthyle, composante indispensable au carburant d'avion, et sur l'insistance de Standard Oil, le ministère de la Guerre à Washington accorde un permis pour sa production en Allemagne, dans une usine dont les co-propriétaires étaient IG, General Motors et des filiales de Standard.

En 1938, la Luftwaffe a un besoin urgent de 500 tonnes de plomb tétraéthyle, que lui « prête » l'Ethyl Export Corp. de New York. La garantie pour la transaction est fournie par le biais de Brown Brothers, Harriman, dans une lettre datée du 21 septembre 1938.

Au moment de l'attaque japonaise sur Pearl Harbor le 7 décembre 1941, Farben avait réussi, grâce à ses relations américaines, à s'assurer 80 % de l'ensemble de la production de magnésium du continent américain. L'accord conclu entre IG Farben, Aluminium Co. of America et Dow Chemical Co., limitait sa production à l'intérieur des Etats-Unis et prévoyait que toutes les exportations en quantité importante à partir des Etats-Unis aillent à l'Allemagne.

Le rôle d'IG Farben dans la guerre d'agression

JacquesL

Le rôle d'IG Farben dans la guerre d'agression

Après l'arrivée d'Hitler au pouvoir en 1933, IG Farben mit en place sa propre entité d'espionnage international, opérant à partir d'un bureau dans le quartier Nord-Ouest 7 (N.O.7) de Berlin. Ce bureau avait d'abord été ouvert en 1927 par le président de la société, Hermann Schmitz, qui en confia la direction, deux ans plus tard, à son neveu Max Ilgner, également directeur de Farben. Ce dernier partit peu après aux Etats-Unis pour créer l'American IG Chemical Corp. En 1934, il fit venir son frère Rudolf Ilgner aux Etats-Unis, pour y travailler sous la direction du frère de Hermann Schmitz, Dietrich Schmitz, chez General Aniline and Film Corp, la société ayant pris la relève de American IG. En effet, Schmitz avait dû changer la dénomination sociale de la société pour échapper à une enquête du gouvernement américain.

Un exemple du modus operandi de N.O. 7 : avant l'entrée en guerre des Etats-Unis, ayant appris que le gouvernement américain voulait photographier ses installations militaires dans la zone du canal de Panama et en Alaska, General Aniline and Film proposa de fournir à titre gratuit les pellicules et les appareils photos. Les photos originales furent ensuite développées et envoyées à Berlin, et une copie remise au gouvernement américain.

Dans le quartier N.O.7, se trouvait également une agence créée en 1935 par Hermann Göring : la Vermittlungstelle Wehrmacht (liaison de l'armée chargée des relations entre IG Farben et le ministère de la Guerre), dirigée par Carl Krauch, le président du conseil de surveillance d'IG Farben. Lorsque Krauch prit son poste auprès de Göring, il fut remplacé à la Vermittlungstelle Wehrmacht par Fritz ter Meer, le directeur de la commission technique du conseil de gestion d'IG Farben et membre du conseil d'administration de General Aniline and Film dans l'Etat de New York. En 1937, chaque usine d'IG avait un représentant confidentiel à la Vermittlungstelle Wehrmacht.

Interrogé après la guerre à propos de ce bureau, von Schnitzler d'IG Farben répondra : « Pendant douze ans, la politique extérieure des nazis et celle d'IG Farben étaient inséparables. J'en conclus aussi qu'IG était en grande partie responsable de la politique extérieure d'Hitler. »

Pour ce qui est de l'Espagne, DuBois rapporte que les enquêteurs ont trouvé des documents montrant que Farben avait financé Franco de manière conséquente. Interrogé à ce propos, Schnitzler répondra : « Il n'est pas si improbable que nous ayons soutenu certains mouvements intérieurs dans des pays étrangers. »

En 1934, Hitler avait nommé à la direction de l'Institut latino-américain de Berlin le général Wilhelm von Faupel, connu comme le « général d'IG » car il comptait parmi ses protecteurs George von Schnitzler, Fritz Thyssen, le baron Kurt von Schröder et Franz von Papen. Pendant la guerre civile en Espagne, alors qu'Hitler et Mussolini apportaient un soutien militaire direct à Franco, von Faupel fut nommé ambassadeur allemand auprès du gouvernement insurrectionnel du généralissime. Après la consolidation du pouvoir de ce dernier, il utilisa la Phalange espagnole pour s'introduire en Amérique ibérique pour le compte d'IG Farben et des nazis.

DuBois note que dans plusieurs cas, les tueurs à gages économiques d'IG Farben brandissaient la menace des chacals nazis pour mettre la main sur l'industrie chimique d'un autre pays. Comme en Autriche, par exemple, où deux ans avant l'Anschluss, Farben s'était emparé de toutes les usines chimiques et d'explosifs. De même en Tchécoslovaquie, avant le pacte de Munich, les nazis avaient dépouillé une partie de l'industrie chimique nationale. Même avant cela, von Schnitzler avait préparé une monographie sur la structure de Prager Verein - une industrie chimique tchèque située dans le pays des Sudètes et sise à Prague - et un plan prévoyant de mettre ses usines sous contrôle de Farben en cas d'invasion nazie. En dépouillant Prager Verein, Farben commença par dérober les actions détenues par les Belges, puis arrêta toute livraison d'armes vers la Belgique.

Le 28 juillet 1939, un mois avant l'invasion de la Pologne, la Vermittlungsstelle Wehrmacht présenta au gouvernement allemand une étude préparée de longue date, intitulée « Les usines chimiques les plus importantes de Pologne ». Farben s'en servit pour prendre le contrôle de ses usines suite à l'invasion.

Farben avait aussi préparé un document intitulé « Le nouvel ordre pour la France ». Selon un de ses directeurs, le conseil d'administration de Farben « considérait la France non seulement comme un modèle pour les plans des pays qui suivraient peu après, mais comme un exemple classique de planification à grande échelle ».

En fait, le géant chimique comptait s'assurer, par le biais des brevets, le contrôle de l'économie de l'ensemble du continent. Il prévoyait que tous les pays seraient obligés d'enregistrer leurs brevets auprès de l'Agence centrale des brevets dirigée par Farben.

Après qu'Hitler ait rejeté le « Nouvel ordre pour la France », en novembre 1940, Farben rencontra en privé les dirigeants des industries de colorants en France, pour exiger une part majoritaire de 51 % dans le capital de toutes les sociétés. Aucun accord ne fut conclu à l'époque, mais l'année suivante, les sociétés françaises se plièrent aux menaces de Farben, en acceptant de créer un nouveau groupe, Francolor, dont les administrateurs comprenaient von Schnitzler et ter Meer. A travers Francolor, Farben accapara les licences exclusives de 259 brevets étrangers et de 53 applications de brevets. Pour une bouchée de pain, le géant contrôlerait dorénavant un nouveau groupe évalué à 800 millions de francs. De là, il se tourna vers le monopole pharmaceutique français.

Dans chacun de ces cas, Farben, tout en organisant la mobilisation de guerre nazie, brandissait la menace d'invasion nazie et même, le cas échéant, soutint une véritable invasion, afin de piller l'économie nationale des pays visés et de créer une économie « globalisée » placée sous son contrôle.

Auschwitz : la solution d'IG Farben au problème des matières premières

Dès le départ, le camp de concentration d'Auschwitz fut l'affaire d'IG Farben. Comme nous l'avons vu, l'Allemagne n'aurait pas pu faire la guerre si elle n'avait pas disposé de caoutchouc et d'essence synthétiques. En moins de quatre ans, l'application du procédé buna avait permis à l'Allemagne de réduire la part des importations de caoutchouc dans la consommation nationale de 95 % à seulement 7 %. C'est en 1936, moins de quatre ans avant l'invasion de la Pologne en septembre 1939, que les deux premières usines buna avaient été construites. Auschwitz deviendra la troisième en importance.

Elle avait pour vocation d'être l'« usine buna pour l'Est » et son nom était simplement la traduction allemande de la petite ville rurale d'Oswiecem, en Haute Silésie, que Farben avait choisie avant l'invasion de la Pologne pour y installer cette usine. En effet, la production de caoutchouc synthétique nécessitait beaucoup de charbon et d'eau et Oswiecem se trouvait à la limite sud des mines de charbon de Silésie et à la confluence de trois fleuves.

Le choix d'Auschwitz se basait sur quatre présuppositions :


  • la nécessité d'une usine buna à l'Est en vue d'une guerre d'agression contre l'Union soviétique ;

  • la probabilité d'une guerre sur le front ouest, qui rendrait vulnérables les autres usines à l'Ouest ;

  • l'invasion de la Pologne pour pouvoir y construire l'usine ;

  • la mise en place d'un camp de travail, vu qu'il n'y avait même pas 15 000 agriculteurs dans la région pour servir de main-d'œuvre.
En 1937, IG Farben considérait déjà les avantages économiques découlant de la mise à proximité de la production du caoutchouc buna et des carburants de Leuna (hydrogénation). Ainsi, après le choix d'Auschwitz pour le site buna, Farben décida d'y installer aussi l'usine de Leuna.

Plus tard, lors de la construction des installations, Göring autorisera Farben à utiliser des prisonniers des camps de concentration d'Auschwitz. Farben contrôlait aussi les mines qui devaient produire les 2 millions de tonnes de charbon par an nécessaires.

Tous les renseignements concernant les prisonniers qui travaillent pour Farben seront tenus à jour non pas par les autorités des camps, mais par le géant chimique lui-même. On constate que le Camp I d'Auschwitz, construit en 1940 pour abriter 26 000 personnes, en compte 40 000 en 1941, au moment où commence le chantier du site buna. De 1941 à 1943, plus de 2 millions de personnes passeront dans le Camp I, dont des centaines de milliers pour satisfaire les demandes de main-d'œuvre de Farben. Pendant cette période (qui exclut donc 1944, l'année la plus forte), plus de 100 000 travailleurs de Farben seront assassinés dans les chambres à gaz. Sur le site buna, sans compter celui de Leuna, Farben emploiera plus de 300 000 esclaves en tout, dont plus de 200 000 périront au travail. Pour ce qui concerne les Camps II et III, on n'a pas retrouvé les rapports de Farben. Le Camp IV, appelé « Monowitz », était connu comme « le camp de concentration de Farben ». Construit pour 5000 travailleurs, il s'y trouvait jusqu'à 20 000 par moments.

Les conditions dans les usines dirigées par Farben étaient pires que dans les camps. « Les prisonniers étaient condamnés à brûler le poids de leur propre corps en travaillant », disait un médecin tchèque. Même certains SS se sont plaints du traitement infligé aux prisonniers par les employés de Farben. Avant l'achèvement des usines, neuf punitions sur dix étaient infligées par des employés de Farben. Dès le début, il y avait une relation directe entre les besoins de production établis par Farben et le traitement des prisonniers.

Fin février 1943, un crématoire moderne fut installé à Auschwitz. Le Zyclon B, utilisé pour gazer les victimes des camps de concentration, avait été inventé par IG Farben, qui en détenait le monopole mondial des ventes depuis 1934. Chaque bidon de Zyclon B vidé à Auschwitz avait été produit par IG Farben.

Commerce avec l'ennemi
Pendant la guerre, la Chase National Bank des Rockfellers gardera ses bureaux ouverts dans la France occupée par les nazis, gérant les comptes de l'ambassadeur nazi Otto Abetz qui finançait le Mouvement synarchique révolutionnaire, celui qui liquidait les cellules anti-nazies à Paris. Ce mouvement, tout comme l'Union synarchiste nationale fondé au Mexique en 1937 par les nazis, se réclamait du synarchisme dans son titre. Mais en fait, tous les mouvements fascistes du début des années 20 jusqu'en 1945, y compris les nazis, furent des créations synarchistes de l'oligarchie financière internationale.

Chase aura également en charge les transactions de la Banco Aleman Transatlantico, le contrôleur du Parti nazi en Amérique ibérique. Le 17 avril 1945, Chase National Bank of New York sera traduite en justice devant un tribunal fédéral américain pour avoir enfreint la « Loi sur le commerce avec l'ennemi », dans l'affaire des diamants de Smit.

En mai 1940, Leonard Smit, un important négociant en diamants de New York, avait commencé à faire de la contrebande de diamants commerciaux et industriels à destination de l'Allemagne nazie par l'intermédiaire de Panama. Roosevelt donna l'ordre de geler ses avoirs, mais quelques jours plus tard, des responsables de Chase débloquèrent les fonds à la demande du propriétaire, permettant ainsi l'expédition des diamants de la zone du Canal vers Berlin.

La Chase fut acquittée et le fait qu'elle ait poursuivi ses activités dans la France occupée tout au long de la guerre ne fut pas rendu public.

Nous avons déjà vu comment IG Farben allait profiter de ses relations avec la Standard Oil avant la guerre pour affaiblir les Etats-Unis et renforcer la machine de guerre nazie. Pendant la guerre, le géant pétrolier du New Jersey continuera à fournir du pétrole au régime nazi, en passant par l'Espagne fasciste, où les cargaisons étaient payées par des fonds de Franco que la Réserve fédérale avait débloqués.

Le secrétaire d'Etat Cordell Hull, qui devait plus tard dénoncer l'Argentine pour avoir collaboré avec les nazis, protégea en 1943 la Standard Oil en déclarant que le pétrole expédié en Espagne venait des Caraïbes et non des Etats-Unis et était transporté par des pétroliers espagnols.

Le 27 février 1942, Thurman Arnold, directeur de l'Anti-Trust Division américaine, mit en accusation le président de la Standard, Oil Willam Farish. Selon lui, « en aidant Hitler dans l'accord sur le caoutchouc et les arrangements sur les brevets », Standard Oil « avait agi contre les intérêts du gouvernement américain ». Il proposa « une amende de 1,5 million de dollars et un décret de consentement en vertu duquel Standard remettrait tous les brevets » en question au gouvernement pour la durée de la guerre. Farish refusa et des poursuites pour conspiration avec l'ennemi furent engagées devant un tribunal de Newark (New Jersey). Mais celles-ci furent plus tard abandonnées en échange de la remise des brevets par Standard et de la condamnation à une amende modeste (Farish fut condamné à verser la somme ridicule de 1000 dollars).

Le 13 juillet 1944, au plus fort de la guerre, Standard Oil of New Jersey porta plainte contre le gouvernement américain pour avoir confisqué les brevets du caoutchouc synthétique. Le 7 novembre 1945, le juge Charles Wyzanski statua en faveur du gouvernement. La procédure en appel fut rejetée le 22 septembre 1947, le juge Charles Clark déclarant : « La Standard Oil peut être considérée comme un ennemi national au vu de sa relation avec IG Farben après que les Etats-Unis et l'Allemagne soient devenus des ennemis actifs. »

Quant à ITT, il continuera tout au long de la guerre à collaborer avec le gouvernement nazi. La branche allemande d'ITT, dont le PDG était Gerhardt Westrich, l'associé juridique de John Foster Dulles, fournira la Wehrmacht en téléphones, avertisseurs de raids aériens, équipements radars, mèches pour pièces d'artillerie, etc.

ITT contrôlait aussi le trafic entre les pays ibéro-américains et ceux de l'Axe. CIDRA, filiale d'ITT en Argentine, s'occupait des appels à Buenos Aires, en Allemagne, en Hongrie et en Roumanie. Une autre filiale d'ITT, United River Plate Telephone Co., a géré 622 appels téléphoniques entre l'Argentine et Berlin au cours des seuls sept premiers mois de 1942.

ITT, RCA, British Cable et Wireless, l'allemand Telefunken, l'italien Italcable et la Compagnie générale, contrôlée par Vichy, avaient des parts dans TTP (Telgrafica Telefonica del Plata), une société contrôlée par l'Axe qui fournissait un service télégraphique et téléphonique entre Buenos Aires et Montevideo (Uruguay). Les nazis de Montevideo pouvaient donc téléphoner à Buenos Aires au moyen de TTP sans être contrôlés par le système d'Etat en Uruguay ou le système ITT en Argentine.

Les messages étaient transmis alors directement à Berlin et à Rome par Transradio, dont le conseil d'administration comprenait des nazis allemands, des fascistes italiens et des représentants des alliés. Le président du conseil d'administration à Buenos Aires, Ernesto Aguirre, siégeait aussi au conseil d'administration de la filiale nazie de General Electric et de différentes compagnies italiennes, japonaises et allemandes. Par conséquent, nombre de messages envoyés aux capitales des pays alliés par les ambassades et consulats américains devaient d'abord passer par des amis de l'Axe !

Pendant la guerre, l'entreprise de roulements à billes basée en Suède, Swedish Enskilda Bank (SKF), expédia ses produits vers des entreprises ibéro-américaines associées aux nazis. Hugo von Rosen, l'un des directeurs de SKF aux Etats-Unis, n'était autre que le cousin par alliance de Göring. Les roulements à billes étaient transportés sur des bateaux enregistrés au Panama, depuis les ports américains vers des ports sud-américains, avant d'être réexpédiés via le Portugal, l'Espagne et la Suisse. En 1943, quand l'Allemagne commence à manquer de roulements à billes, von Rosen arrange une réexpédition de Rio de Janeiro et Buenos Aires via la Suède.

Henry Ford fut lui aussi un sympathisant d'Hitler et son livre publié en 1927, Le Juif international, fut largement diffusé en Amérique ibérique. Une des rares personnes louées dans Mein Kampf, il envoyait à Hitler 50 000 Reichsmarks par an. En 1938, Henry Ford, tout comme James Mooney de General Motors, recevra d'Hitler l'ordre de l'Aigle d'Or. En outre, le chef de la Vermittlungstelle Wehrmacht, Carl Krauch, était aussi le directeur de Ford Motor Co. en Allemagne.

En avril 1943, une enquête menée par le gouvernement américain sur les filiales de Ford en France conclut que « leur production ne bénéficie qu'à l'Allemagne et aux pays que celle-ci occupe ». En outre, « l'activité accrue des filiales françaises de Ford pour le compte des Allemands est approuvée par la famille Ford en Amérique ».

La Banque Worms et le synarchisme
En 1940, nombre des représentants de l'oligarchie financière qui avaient aidé à mettre au pouvoir Hitler comprirent que le Führer était devenu un monstre de Frankenstein qui menaçait leur dessein d'un empire financier globalisé, représentant aussi les intérêts anglo-saxons. Ce groupe, orbitant autour de la Banque Worms, entendait conclure rapidement la guerre en éliminant Hitler et sa Gestapo en Allemagne et en écartant du pouvoir le Premier ministre britannique Winston Churchill en faveur de Lord Beaverbrook et Sir Samuel Hoare.

L'objectif de ce groupe - en gros la création d'une forme de fascisme universel sans Hitler - allait devenir le principe de base de l'internationale synarchiste après guerre. Son plan était exposé dans un document du renseignement américain datant de 1940, intitulé « La « Synarchie » et « la politique du groupe de la Banque Worms ». (Notons déjà qu'après la guerre, l'assistant économique du général William Draper qui sabota la décartellisation était Alexander Kreuter, un ancien de la Banque Worms.)

Ce document du renseignement américain rapporte donc que « le mouvement réactionnaire connu comme la « Synarchie » existe en France depuis près d'un siècle. Il a toujours eu pour objectif de mener une révolution non sanglante, inspirée par les classes supérieures, destinée à produire une forme de gouvernement de « techniciens » (le fondateur du mouvement était lui-même un « polytechnicien »), dont la politique intérieure et extérieure serait soumise à l'économie internationale.

« Les objectifs du groupe de la Banque Worms sont les mêmes que ceux de la « Synarchie », et les dirigeants des deux groupes sont, dans la plupart des cas, identiques. »

Selon ce rapport, le programme continental du groupe synarchique de la Banque Worms consistait à « mettre en échec tous les nouveaux projets sociaux qui auraient tendance à affaiblir le pouvoir des financiers et industriels internationaux [et] à œuvrer à ce que l'ensemble de l'industrie soit en fin de compte sous le contrôle complet de la finance et de l'industrie internationales ».

En outre, le groupe Worms « avait l'intention de tirer avantage de la collaboration franco-allemande afin de conclure une série d'accords avec des industries allemandes, établissant ainsi une solide communauté d'intérêts entre industriels français et allemands, ce qui tendra à renforcer la position de la finance et de l'industrie internationales. On espère que le « bloc » franco-allemand ainsi créé sera en position : a) d'effectuer une fusion avec l'industrie anglo-saxonne après la guerre ; b) de neutraliser toute tentative de répandre le socialisme avec le programme de Hitler ; et c) d'empêcher le développement de toute union douanière européenne excluant les intérêts anglo-saxons. »

Toujours selon ce rapport de 1940, « il y a des raisons de croire que Göring et le Dr Funk considèrent avec sympathie ces aspirations. On dit aussi que certains milieux industriels en Grande-Bretagne ont de la sympathie pour ce mouvement. On prétend que des progrès ont été faits pour garantir l'adhésion de la grande industrie américaine à ce mouvement. »

Le groupe Worms souhaite « la conclusion rapide de la guerre, car ils pensent que sa continuation ne peut mener qu'à la ruine des intérêts de l'industrie lourde ». Concernant la Grande-Bretagne, leur objectif consiste à « provoquer la chute du gouvernement Churchill [et] à favoriser la formation d'un nouveau gouvernement comprenant Sir Samuel Hoare, Lord Beaverbrook et M. More-Belisha ». A travers Hoare, ils veulent « favoriser un accord entre l'industrie britannique et le « bloc » franco-allemand [et] protéger les intérêts anglo-saxons sur le continent ».

Leur politique envers l'Allemagne consiste à « éliminer Hitler, Goebbels et Himmler avec sa Gestapo et faciliter ainsi la formation d'un bloc anglo-franco-allemand ».

Opération Sunrise et Guerre froide

Avec la disparition de Roosevelt en 1945 et la fin de la guerre en Europe, le projet synarchiste pour l'après-guerre, consistant à former un bloc économique globalisé, fut lancé sans délai. On commença par rompre l'alliance avec l'Union soviétique et créer un bloc anti-communiste, en y intégrant des éléments de la machine nazie.

Roosevelt à peine décédé, on mena à bien l'opération Lever du soleil (Operation Sunrise) : la négociation de la capitulation des forces allemandes dans le nord de l'Italie, conduite par Allen Dulles et le général SS Karl Wolff. Ce premier pont jeté entre l'anti-communisme nazi et l'anti-communisme anglo-américain allait se développer tout au long de la Guerre froide.

Comme nous l'avons vu, avant la guerre, Allen et John Foster Dulles, du cabinet Sullivan et Cromwell, avaient été les conseillers juridiques du noyau dur des cartels nazis anglo-américains. De plus, Allen Dulles était membre du conseil d'administration de Schroder, Rockefeller et Co. Dès lors, il n'est pas surprenant que ce soit lui qui, en sa qualité de chef de l'OSS (Office of Strategic Services) à Berne, ait négocié la capitulation des forces allemandes dans le nord de l'Italie avec le général Karl Wolff, chef de la police et des SS dans cette région, le 2 mai 1945, cinq jours avant la capitulation générale à Reims.

En 1950, Allen Dulles sera nommé numéro deux de la CIA puis, trois ans plus tard, numéro un. Entre-temps, son frère John Foster sera nommé secrétaire d'Etat du président Eisenhower. L'adjoint de Dulles dans l'opération Lever du soleil, James Jesus Angleton, le suivra à la CIA, tandis que le général Lyman Lemnitzer, autre collaborateur de Dulles lors des mêmes négociations, deviendra plus tard commandant des forces de l'OTAN et chef de l'état-major conjoint des forces américaines.

Dulles, pour sa part, considérait les négociations sur la capitulation comme un pas important vers la formation d'une alliance anti-soviétique avec les éléments du Parti nazi et des SS qu'on pourrait « récupérer ». Par conséquent, il tenait à en exclure complètement les Soviétiques mais ceux-ci, informés de la manœuvre, exigèrent la rupture des négociations tant qu'ils n'y participeraient pas. Averell Harriman, ambassadeur américain à Moscou à l'époque, soutenait la position de Dulles. Dans une lettre à Roosevelt, Staline avait affirmé que « l'initiative de toute cette affaire (...) à Berne revient aux Britanniques ».

En Italie même, Dulles s'efforçait d'empêcher des éléments communistes de la résistance anti-fasciste de prendre le pouvoir, à la faveur du chaos devant suivre la retraite militaire des nazis. Cette inquiétude explique aussi la création, après la guerre, d'unités fascistes « stay behind », sous l'égide de l'opération Gladio.

Il est clair que le général Wolff, pour sa part, voulait que les négociations débouchent sur une scission définitive entre Anglo-Américains et Soviétiques. Certains de ses collaborateurs se berçaient de l'illusion de pouvoir « retourner au Reich et continuer, de concert avec les unités anglo-américaines, la lutte contre la Russie ». Plus réaliste, Wolff savait que c'était impossible, mais il espérait néanmoins que Dulles autoriserait les membres « idéalistes » et « décents » du parti nazi et des SS, y compris lui-même, à jouer « un rôle actif dans la reconstruction ».

Tout au long des négociations et par la suite, Wolff restera un nazi convaincu qui, au cours de discussions avec des officiers alliés, traitait les Polonais de « mongols slaves ». Un jour, il confia à deux SS sous ses ordres : « Nous allons récupérer notre Reich. Avec le temps, les autres commenceront à se battre entre eux et nous, nous serons au milieu et pourrons jouer les uns contre les autres. » Dulles le décrivait comme une personnalité « distinctive » et « dynamique », mais il impressionnait moins les autres négociateurs.

Au départ, protégé par Dulles, Lemnitzer et d'autres, Wolff échappera de justesse, grâce à eux, aux poursuites du tribunal de Nuremberg. Puis, en 1949, poursuivi par les Britanniques à Hambourg, il sera acquitté après avoir produit des témoignages de Dulles et Lemnitzer en sa faveur. Toutefois, en 1962, après le procès d'Adolf Eichmann en Israël, le gouvernement ouest-allemand intenta un procès contre lui pour avoir planifié l'extermination des Juifs pendant les années où il était adjoint de Himmler et officier SS de liaison au quartier-général d'Hitler. En effet, dans une lettre écrite en 1942, il avait exprimé sa « joie spéciale en sachant que désormais, cinq mille membres du Peuple élu arrivaient tous les jours à Treblinka ». Cette fois-ci, il fut condamné.

La tentative de protéger Wolff faisait partie d'une opération bien plus vaste par laquelle on cherchait à coopter certains nazis dans la reconstruction de l'Allemagne, en ce début de Guerre froide, tout en aidant d'autres à s'échapper par le biais des « lignes de rats ». Certains criminels de guerre seront bel et bien poursuivis à Nuremberg et ailleurs, mais grâce à Allen Dulles et à James Jesus Angleton, d'autres nazis et collaborateurs nazis pourront fuir, via l'Italie ou l'Espagne de Franco, vers l'Amérique ibérique et l'Asie du sud-ouest. Cette opération était coordonnée avec des éléments corrompus de l'Eglise en Italie. Ceux qui se réfugiaient en Amérique ibérique arrivaient via l'Argentine qui, du temps de Juan et Evita Peron, était un refuge et point de transit pour des milliers de criminels de guerre nazis, jusqu'à ce que Peron mette fin à l'opération en 1949-50.

L'opération Sunrise comportait au moins trois ramifications. D'abord l'opération Amadeus, destinée à financer la fuite de criminels de guerre en Amérique ibérique grâce à l'argent de la drogue, de gros stocks de morphine des SS ayant été passés en contrebande à cette fin. Deuxièmement, de faux billets de banque britanniques, contrefaits dans le cadrede l'opération Bernhardt, servaient par ailleurs à financer les lignes de rat. Et troisièmement, pendant que des milliers de nazis trouvaient refuge en Amérique ibérique, d'autres devaient former, en Europe, des unités « stay behind », dans le cadre de l'opération Gladio.

Mentionnons trois nazis de premier plan qui furent cooptés après guerre pour servir les intérêts « occidentaux » dans la Guerre froide : Reinhard Gehlen, Hjalmar Schacht et Otto Skorzeny, mari de la nièce de Schacht. Le premier, ancien général chargé des renseignements nazis sur le front Est, sera recruté par Dulles pour collaborer avec la CIA jusqu'à sa nomination, en 1956, comme principal officier de renseignement du nouveau gouvernement ouest-allemand. Quant à Schacht, il protégera surtout les avoirs des industriels nazis après-guerre, tandis que Skorzeny était affecté à l'organisation des lignes de rat.

Sabotage du programme de décartellisation
En dépit de la ferme intention de Franklin Roosevelt de démanteler I.G. Farben et les autres cartels dès la fin de la guerre, afin de neutraliser les « armes de guerre économique » des nazis, tous les efforts allant dans ce sens furent systématiquement entravés.

En avril 1945, par exemple, le chef d'état-major de l'armée américaine signe une directive (JS1067) précisant : « Vous interdirez tous les cartels et autres arrangements commerciaux privés et les organisations de type cartel (...) » De même l'accord de Potsdam conclu le 2 août 1945 entre les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l'Union soviétique affirmait qu'« à la date la plus rapprochée possible, l'économie allemande sera décentralisée afin d'éliminer la concentration excessive de pouvoir économique comme on le voit dans les cartels, syndicats, trusts et autres arrangements de type monopoles ».

L'intention de Roosevelt, reflétée dans ces deux documents, sera délibérément contrariée. L'homme chargé de la Division économique de l'armée américaine en Allemagne après la guerre, le général William H. Draper, s'était occupé du financement de la reconstruction allemande après la Première Guerre mondiale, en sa qualité de vice-président de Dillon, Read & Co. Son adjoint chargé des affaires économiques, Alexander Kreuter, travaillait à la Banque Worms et Averell Harriman, de Brown Brothers, Harriman, succéda à Jesse Jones au poste de ministre du Commerce des Etats-Unis.

Un livre rédigé en 1950 par James Steward Martin, All Honorable Men, décrit le sabotage du programme de décartellisation mandaté par Roosevelt. Martin parlait en connaissance de cause, ayant été chef de la division Guerre économique du département de la Justice, puis affecté, après la guerre, à la branche Décartellisation du gouvernement militaire de l'occupation.

La composition de cette branche au moment où Martin la rejoint illustre bien le problème. La division économique était dirigée par le colonel Graeme K. Howard, l'auteur d'un livre paru en 1940 (America and a New World Order) pour faire l'apologie du système économique nazi. Vice-président de General Motors, il était membre du conseil d'administration de GM-Opel qui resta actif en Allemagne pendant la guerre. Il sera ensuite remplacé par le général William H. Draper, par ailleurs secrétaire-trésorier de Dillon, Read & Co. Le responsable de la section Acier de la branche industrie est Rufus Wysor, PDG de Republic Steel Co., et l'adjoint de Draper est Frederick L. Devereux, vice-président à la retraite d'une filiale de American Telephone & Telegraph.

Côté britannique, la principale opposition à la décartellisation vient de Sir Percy Mills qui, en 1939, avait représenté la Fédération des industries britanniques dans diverses réunions à Dusseldorf, avec le Reichsgruppe Industrie, l'organisation nazie responsable de la mobilisation de guerre de l'économie allemande.

L'équipe de Martin chargée de la décartellisation devait travailler à la division finance avec le capitaine Norbert A. Bodgan, ancien vice-président de la J. Henry Schroder Banking Corp. de New York.

Rappelons que Dillon, Read & Co. et la J. Henry Schroder Banking Corp. sont les deux banques de placement américaines ayant géré le financement de la reconstruction de l'Allemagne après la Première Guerre mondiale. La première avait lancé aux Etats-Unis les obligations de la Vereinigte Stahlwerke, qui regroupait les quatre grands sidérurgistes allemands, dont Fritz Thyssen, l'un des premiers bailleurs de fonds d'Hitler. L'aspect juridique des prêts organisés par la Schroder Banking Corp. aux Etats-Unis était assuré par Sullivan & Cromwell, le cabinet de John Foster Dulles.

Pendant toute la guerre, Allen Dulles, un collaborateur de Sullivan & Cromwell et directeur jusqu'en 1944 de la Schroder Bank de New York, dirigea la mission européenne de l'OSS en Suisse. La vice-présidente de la Schroder Bank, V. Lada-Mocarski, était consul américain en Suisse.

Le 7 décembre 1946, Philip D. Reed, PDG de General Electric Co., compagnie qui avait supprimé le carbure de tungstène en faveur de Krupp et financé Hitler, arrive à Berlin pour mener à bien une mission commandée par le secrétaire au Commerce Averell Harriman. Dans son rapport au ministre, il dit que la politique de décartellisation est l'œuvre des « extrémistes » du département de la Justice.

Le 22 mai 1947, Martin démissionne, pour être remplacé par son adjoint, Philips Hawkins, le fiancé de la fille du général Draper. Martin est le troisième directeur du programme de décartellisation à donner sa démission. Ses prédécesseurs, le colonel Bernstein et Russell Nixon, étaient eux aussi partis à cause du sabotage de la décartellisation.

En mars 1948, Richard Bronson, le chef de la branche décartellisation, propose de soustraire à la réorganisation toutes les entreprises de biens d'équipement et d'industrie lourde et annonce qu'environ un quart des membres du personnel sera licencié. Dix-neuf employés qui s'opposent au sabotage de la décartellisation seront traités de « déloyaux » et une note sera insérée dans le dossier de chacun d'eux, précisant qu'il n'aura droit à aucune promotion, mutation ou autre modification de son statut sans l'approbation des autorités supérieures.

De même, en 1948, la commission de lutte contre les menées anti-patriotiques de la Chambre (House Un-American Activities Committee) ruina la carrière de deux responsables du département du Trésor, Harry Dexter White et Lauchlin Currie, qui participaient activement aux enquêtes sur la BRI, Standard Oil, Chase, ITT, SKF, Ford, General Motors et les Morgan. Ils seront tous deux dénoncés comme agents communistes. Currie disparaît en Colombie et sa nationalité américaine lui sera retirée en 1956, tandis que White mourra d'une crise cardiaque le 16 août 1948, à l'âge de 56 ans, en rentrant chez lui après un interrogatoire.

Les débuts de la globalisation

JacquesL

Les débuts de la globalisation
Martin identifie les principales sociétés américaines ayant œuvré contre le programme de décartellisation. Il s'agit d'un groupe autour des entreprises Morgan, de banquiers de Harriman et de consultants en gestion de Dillon, Read & Co. Voyons le profil de certains des directeurs. Après la guerre, James V. Forrestal, ancien PDG de Dillon, Read et vice-président de General Aniline and Film, est passé du poste de sous-secrétaire à la Marine à celui de secrétaire au Commerce. Robert A. Lovett, ancien collaborateur de Brown Brothers, Harriman, est passé du ministère de la Guerre, où il était sous-secrétaire, au département d'Etat, avec le même rang. Après avoir été ambassadeur en Russie et en Grande-Bretagne, W. Averell Harriman est nommé secrétaire au Commerce, puis, plus tard, ambassadeur sans portefeuille du plan Marshall. Draper lui-même avait été nommé sous-secrétaire de l'Armée en 1947, avant de démissionner pour reprendre son poste de vice-président de Dillon, Read.

Pendant la Deuxième Guerre mondiale, le président de la BRI était un Américain, Thomas H. McKittrick, en dépit du contrôle exercé sur cette banque par les nazis ! Lors de la conférence de Bretton Woods en juillet 1944, on adopta une résolution excluant explicitement du FMI et de la Banque mondiale tout pays n'ayant pas rompu toutes relations avec la BRI. Deux mois auparavant, McKittrick avait défendu sa position, disant que « nous continuons à faire tourner la machine, car quand l'armistice arrivera, les puissances autrefois hostiles auront besoin d'un instrument efficace comme la BRI ». Il resta d'ailleurs à la tête de cette institution pendant deux ans après la résolution de Bretton Woods. En 1948, la BRI est devenue la chambre de compensation des transactions en devises étrangères entre pays participant au programme de reprise européenne. McKittrick était alors vice-président de la Chase National Bank. Il servit aussi, un temps, de conseiller financier à Averell Harriman, lorsque celui-ci était ambassadeur sans porte-feuille en Europe de l'Administration de coopération économique.

Accusé d'avoir participé à la conduite d'une « guerre d'agression », Hjalmar Schacht fut acquitté à Nuremberg en 1946, bien qu'il ait favorisé l'accession au pouvoir d'Hitler et qu'il ait conçu et mis en œuvre le système économique fasciste qui permit la mobilisation de guerre. Impliqué dans le complot raté pour assassiner le Führer, en 1944, il passa le reste de la guerre en prison. Par la suite, une cour de dénazification le condamna à huit ans de camp de travail, mais il retrouva la liberté en 1948, après avoir gagné son procès en appel.

Alors qu'il était encore en prison à Stuttgart, Schacht déclara que si on lui donnait trois semaines, avec accès à ses dossiers personnels et trente à quarante feuilles de papier, il pourrait présenter un plan de reprise pour l'Allemagne dans l'après-guerre qui ne coûterait pas un centime aux puissances occupantes. Bien que celles-ci n'aient pas accepté immédiatement l'offre, le gouvernement militaire américain l'autorisa en 1949 à occuper des postes administratifs dans les organismes allemands.

L'homme qui portait la responsabilité de la politique d'austérité draconienne, de travaux forcés et de guerre d'agression fut donc libéré et réhabilité, parce que l'Internationale synarchiste entendait mettre à nouveau en œuvre la politique « schachtienne » dans l'après-guerre, après avoir réussi à éliminer le legs du président Franklin Roosevelt.

Comme Martin le fait remarquer, le danger après la guerre était que les cartels deviennent non pas l'instrument d'une résurgence du nazisme, mais des groupes financiers britanniques et américains. Il avertit que, si les Etats-Unis devaient connaître de graves difficultés économiques, « la plupart des conditions d'une nouvelle version du drame allemand se trouveraient réunies sur la scène américaine ».

Avant la Deuxième Guerre mondiale, les 250 plus grosses firmes américaines contrôlaient deux-tiers des avoirs industriels aux Etats-Unis, dont la majorité était dans les mains d'une centaine de sociétés. Après la guerre, les cent plus grandes entreprises, appartenant à huit groupes financiers, contrôlaient non plus les deux-tiers, mais les trois-quarts de l'économie industrielle américaine.

Martin écrit : « Tout comme les six plus grandes compagnies financières allemandes étaient entremélées aux sociétés industrielles dominantes, dans l'économie américaine, il y a huit grandes unités financières qui ont obtenu un degré de pouvoir comparable ici. Ce sont : 1) le groupe Morgan, qui contrôle United States Steel, General Electric, Kennecott Copper, Americain Telephone and Telegraph, International Telephone and Telegraph ; 2) les intérêts Rockefeller, dont les sociétés Standard Oil et la Chase National Bank ; 3) le réseau Kuhn Loeb de gaz, électricité et eau ; 4) les avoirs de Mellon, dont l'Aluminium Co, Gulf Oil, Koppers, Westinghouse Electric ; 5) le groupe de Chicago, dont International Harvester et les conserveries ; 6 ) les intérêts du Pont, dont General Motors, EI du Pont de Nemours, et United States Rubber ; 7 ) le groupe de Cleveland, avec Republic Steel, Goodyear et autres, et 8 ) le groupe de Boston, dont United Fruit, Stone and Webster Utilities et la First National Bank of Boston. »

Depuis la parution du livre de James Martin en 1950, l'organisation du monde financier et industriel anglo-américain a subi bien des changements. Notamment, à partir de 1971, avec l'évolution d'une société de production vers une société de consommation. Néanmoins, son avertissement sur le danger de fascisme aux Etats-Unis dans des conditions de dépression économique et son analyse des sociétés anglo-américaines ayant collaboré avec les nazis restent plus que jamais d'actualité.

[1] Confessions of an Economic Hit Man : How the U.S. Uses Globalization to Cheat Poor Countries out of Trillions (San Francisco : Berret-Koehler, 2004).

JacquesL

Toutefois, dans cet article un très léger détail historique n'est pas du tout conforme aux réalités :
Oui du zyklon B a été utilisé à Auschwitz, mais nullement comme la propagande de la caste d'élite, sûre d'elle-même et dominatrice nous le raconte.
Les conditions de travail esclave à l'usine de buna IG Farben était largement assez épouvantables, aidées du typhus, pour tuer d'abondance, sans moyens d'assassinats chimiques supplémentaires. Les crématoires n'ont jamais été dimensionnés pour de l'assassinat de masse, et les manutentions prétendues des cadavres gazés sont impossibles à réaliser dans ces lieux, et encore moins aux cadences prétendues.

https://www.bitchute.com/video/MT8RrU4jblRW/

https://www.bitchute.com/video/8xPkRhyWqRg0/

https://reseauinternational.net/faurisson-gagne-une-bataille-sur-la-chambre-a-gaz-du-struthof/

http://hgsavinagiac.over-blog.com/article-26947689.html

https://phdn.org/negation/faurisson/porte-cag-auschwitz-I.html


JacquesL

La Banque des règlements internationaux (BRI) et la solution finale

https://solidariteetprogres.fr/bri-banque-des-reglements-internationaux.html
Karel Vereycken
dimanche 9 juin 2013

Genèse
Le bail-out du plan Dawes
JP Morgan et le plan Young
Et Schacht créa la BRI
Un gouvernement mondial de banquiers
L'échec du plan Young
Le siège de la BRI, le bunker d'un gouvernement mondial
Schacht met la main sur les dépôts allemands
Du capitalisme financier au fascisme financier
La solution finale
Roosevelt voulait liquider la BRI
La BRI, combien de divisions ?
Charte constitutive de la Banque des Règlements Internationaux
Comment, à partir d'une dette, fabriquer une guerre
Chronologie des réparations allemandes après la 1ère guerre mondiale




A l'origine de la plupart des propositions visant à sauver la « stabilité financière » comprenant la procédure inquiétante de bail-in, on retrouve, via le Conseil de stabilité financière, la Banque des règlements internationaux (BRI).

Installée à Bâle en Suisse, cette vénérable institution, une banque privée autoproclamée « la banque centrale des banques centrales », fuit toute publicité comme la peste. En lisant cet article, vous allez comprendre pourquoi.


Genèse
La genèse de la BRI remonte à la fin de la Première Guerre mondiale, lorsque l'Allemagne, par le Traité de Versailles de 1919 est astreinte à de lourdes « réparations » de guerre. Estimé initialement à 226 milliards de mark-or lors de la conférence de Spa en 1920, le montant à débourser sera fixé à 132 milliards de mark-or lors de la conférence de Londres de 1921. Avant tout, il s'agit de forcer l'Allemagne de payer les vainqueurs de la guerre (France, Empire britannique, Belgique, Italie, etc.), qui se sont eux-mêmes lourdement endettés auprès des banques privées de la City de Londres et de Wall Street.


En 1913, John Pierpont Morgan Jr. (ici à droite) hérita de l'énorme fortune de son père John Pierpont Morgan (centre). Il deviendra le plus grand créancier privé des Alliés, notamment de la France, lors de la Première Guerre mondiale. En 1930, il sera, au même titre que la Banque de France, l'un des neufs actionnaires de la Banque des règlements internationaux (BRI).

Au cœur de cette histoire, les ancêtres de la Banque JP Morgan Chase, aujourd'hui le leader mondial pour la partie banque d'affaires.

Avant de se mettre à son compte, Junius Pierpont Morgan, n'était qu'un simple partenaire en affaires de la firme financière londonienne George Peabody & Co. Opérant pour la City de Londres, Junius, qui va fonder JS Morgan, fait rapidement fortune. Après la défaite française de Sedan, en 1870, c'est lui qui négocia un prêt de 250 millions de francs-or avec Gambetta, alors chef de la Défense nationale.

Son fils John Pierpont Morgan, surnommé le Napoléon de Wall Street fonda à son tour sa propre banque : JP Morgan & Cie qu'il dirigea d'une main de fer. La banque s'érigea en quasi-banque centrale lors de la crise financière de 1893 et en 1907 lors de la panique bancaire et JP Morgan jouera un rôle prééminent dans la création de la Réserve fédérale en 1913.

Après son décès cette même année, son fils, Jack Morgan Jr., hérita de l'énorme fortune de son père. Il va la faire fructifier en la mettant au service de Alliés en guerre contre l'Allemagne. JP Morgan prêtera 12 millions de dollars à la Russie et 50 millions de dollars à la France. Il mit sur pied un groupement de 2200 banques qui accordèrent un prêt de 500 millions de dollars aux alliés, le plus important jusqu'à là dans l'histoire de Wall Street.

A cela s'ajoute le fait qu'en janvier 1915, le gouvernement britannique nomma JP Morgan comme adjudicataire munitionnaire pour tous ses achats militaires en Amérique. En total, Morgan fournira pour environ 3 milliards de dollars de matériel de guerre, notamment des chevaux, des munitions ou encore des céréales, quasiment la moitié de tout le matériel fourni par les Etats-Unis. Sans surprise, les munitions achetées par la Grande Bretagne aux Etats-Unis furent produites et fournies par de gros clients de la banque, notamment les firmes Remington et Winchester qui ont fourni plus de trois millions de fusils. Aux Etats-Unis, Londres devint également le garant « pour les achats des Russes, des Italiens et des Français ».


1923. Soldat français surveillant un train de charbon réquisitionné. Ruhr, 1923.

A la fin de la guerre, pour honorer eux-mêmes leurs dettes auprès des banquiers anglo-américains, les pays alliés fantasmaient sur les montants qu'ils espéraient extorquer aux Allemands. En 1919, l'un des délégués américains à la conférence de Versailles se nommait d'ailleurs Thomas W. Lamont, un proche et partenaire d'affaires de J.P. Morgan, chargé de veiller au grain. Pour sa part, interrogé sur les difficultés de la reconstruction en France, Clemenceau répondra : « L'Allemagne paiera ! »

Face à l'incapacité et au refus de l'Allemagne de livrer les richesses physiques promises, le Président du Conseil Raymond Poincaré, en accord avec le roi des Belges Albert Ier, prit la décision d'envahir la Ruhr le 11 janvier 1923. Il s'agit de confisquer les quantités de charbon, de fer et d'acier dues par l'Allemagne. Le 31 mars cinquante mille ouvriers des usines Krupp manifestèrent à Essen pour protester contre la réquisition de camions par l'armée française. Le 16 mai, à la suite d'une flambée des prix, une grève sauvage est déclenchée dans la Ruhr. Des combats de rue éclatent.

Cette politique encouragea encore un peu plus l'Allemagne à faire marcher sa planche à billets, provoquant la fameuse hyperinflation de 1923.

En quelques mois, le prix d'un simple timbre poste explosa pour atteindre plusieurs milliards de marks. Inversement, des millions d'Allemands virent leur épargne fondre comme neige au soleil. C'était l'effondrement de la République de Weimar. Le 8 novembre, Hitler et Luddendorf tentèrent le « putsch de la Brasserie » à Munich. D'autres envisageaient d'imiter la révolution bolchévique.

Le bail-out du plan Dawes

Deux figures au service de l'Empire Morgan : Charles G. Dawes (à droite) et Owen D. Young (à gauche). Chacun donnera son nom à un plan de "sauvetage" de l'économie allemande au service des banques et des cartels.

En réalité, tout défaut sur la dette allemande aurait immédiatement provoqué des défauts dans les pays alliés et une série de faillites en chaîne. Comme en 2008, il fallait donc intervenir en renflouant le système. L'Allemagne, deuxième partenaire de l'Angleterre, était tout simplement, comme les banques françaises aujourd'hui, too big to fail.

Les Alliés ont alors formé, en 1924, un comité de dix banquiers de cinq pays sous la direction du directeur du budget américain Charles G. Dawes. Ancien PDG de General Electric, Dawes était un banquier républicain qui devait l'essentiel de sa carrière à Morgan. Il sera assisté par un autre banquier proche de Morgan, Owen D. Young. Chacun donnera son nom à un plan de sauvetage de l'économie allemande.

Le « Plan Dawes » mis au point par le comité et signé à Londres en 1924 prévoyait plusieurs actions :


  • Retrait immédiat des troupes française et belges ;

  • Réduction la première année des annuités à payer par l'Allemagne. Elles augmenteront progressivement les années suivantes ;

  • La Reichsbank (banque centrale allemande) serait réformée sous la direction des alliés qui exigeaient que l'on nomme Hjalmar Schacht, un cadre de la banque Dresdner et fondateur du parti libéral. En tant que banquier, Schacht avait des bons rapports avec les financiers américains et britanniques et lors d'un déplacement professionnel en 1905, Schacht avait pu s'entretenir directement avec J.P. Morgan père ainsi qu'avec le Président Theodore Roosevelt. Le secret de Schacht, présenté généralement comme un « grand sorcier de la finance », n'était pas sa science économique, mais son culot, son carnet d'adresse et une créativité comptable hors pair. Pour mettre fin à l'hyperinflation, Schacht, à la tête de la Reichsbank, lança le rentenmark, une devise garantie par des biens immobiliers. Admiratif de Schacht, Keynes, par ailleurs impérialiste britannique convaincu, qualifia l'introduction de cette nouvelle monnaie de « miracle » ;

  • Assuré d'avoir la haute main sur la situation, un cartel de banques américaines dirigé par Morgan accorderait un prêt de 800 millions de dollars à la Reichsbank.

Aujourd'hui, du moins sur le papier, le schéma du plan Dawes paraît bien plus intelligent que tout ce qui a été proposé jusqu'ici par la Troïka pour les pays de la zone euro en difficulté. L'argent prêté par les banques américaines devait s'investir dans une relance économique de l'Allemagne (industrie, infrastructure, etc.). Grâce à un revenu fiscal accru par des taxes sur les transports et les exportations, l'Allemagne paierait les réparations de guerre à la France et aux alliés. Ces derniers utiliseraient ce revenu pour acheter des biens aux Etats-Unis et rembourseraient leurs propres dettes aux banques anglo-américaines....

En réalité, l'argent alla surtout à des clients choisis pour qui l'Allemagne d'après 1923 était un eldorado. Une partie des prêts fut allouée par Schacht à la création de cartels industriels supranationaux, dont le cartel chimique IG Farben, fondé en 1926 et partenaire du cartel pétrolier Standard Oil de la famille Rockefeller (également à l'origine de la Chase Manhattan Bank), sera un exemple caricaturale. La même année, un partenaire de JP Morgan, Thomas Lamont, qui se considérait comme un missionnaire du fascisme italien, organisa un prêt de 100 millions de dollars au profit de Mussolini.

Socialement, le plan Dawes imposa également des restructurations et des licenciements massifs dans les services publics. Au mieux, à très court terme, le plan Dawes donna une bouffée d'oxygène à l'économie allemande et il se vit même attribuer le prix Nobel en 1925.

JP Morgan et le plan Young
Si l'Allemagne commençait à rembourser sa dette, tout le monde savait que les montants à payer étaient totalement irréalistes. Le plan Dawes se montra rapidement inopérant et, dès 1928, les Alliés décidèrent d'élaborer un nouveau plan de sauvetage sous la direction de Owen D. Young, lui aussi un banquier proche de Morgan.

Les discussions s'ouvrirent en février 1929 à l'Hôtel George V, à Paris. Schacht, qui représentait l'Allemagne, raconte dans son autobiographie que les Etats-Unis y étaient représentés par Owen Young et John Pierpont Morgan en personne !

C'était certes le plus grand créancier des alliés. Les négociations allèrent bon train jusqu'en octobre 1929, quand le krach de Wall Street vint brouiller les cartes. Finie toute idée de pouvoir exporter en masse des biens européens vers le marché américain. Les banques américaines, dont Morgan, subirent des pertes énormes sur les marchés et cherchèrent à rapatrier au plus vite leurs capitaux aux Etats-Unis. Toute clémence à l'égard de l'Allemagne fut abandonnée, elle fut sommée de payer en cash au plus vite. Entre 1929 et 1932, le chômage passa de 1,5 à 6 millions de personnes.

Et Schacht créa la BRI
Selon ce qu'affirme Schacht dans son autobiographie, c'est lui qui convainquit Young que le succès de son plan ne serait total que si l'on confiait à l'avenir les négociations sur les réparations de guerre à un organisme d'experts indépendants disposant d'un statut d'immunité totale et hors d'atteinte de tout contrôle parlementaire : la Banque des règlements internationaux (BRI).



Cette photo de 1927, ici accrochée au mur du bureau du Président de la Réserve fédérale Ben Bernanke, réunit les banquiers centraux considérés comme les fondateurs de la BRI : de gauche à droite Hjalmar Schacht (Reichsbank allemande), Benjamin Strong (Réserve fédérale américaine), Montagu Norman (Banque d'Angleterre) et Charles Rist (Banque de France).

Comme le laisse penser la photo accrochée dans le bureau de l'actuel Président actuel de la Réserve fédérale, Ben Bernanke, (voir ci-dessus), une forte synergie semblait déjà dominer leurs relations.


Sur ce dépliant de la BRI de 2007 figurent les grandes figures à l'origine de la vénérable institution de Bâle. Le troisième à partir du haut est Hjalmar Schacht, nommé à la tête de la Reichsbank par Adolphe Hitler en 1933.

Il est intéressant de noter que premier président de la BRI était le banquier américain et dirigeant de la Astor Foundation Gates White McGarrah, qui démissionna de son poste de président de la Réserve fédérale de New York pour occuper cette nouvelle fonction. McGarrah avait été président de la Chase National Bank de la famille Rockefeller et fut nommé par les alliés à la tête du conseil d'administration de la Reichsbank en 1923 lorsque Schacht en fut nommé président. Les deux premiers vice-présidents de la BRI furent le Britannique Sir Charles Addis, un ancien dirigeant de la Hong-Kong and Shanghai Banking Corporation (HSBC) et l'Allemand Carl Melchior, un ancien de la Banque Warburg de Hambourg. Comme directeur général, on nomma Pierre Quesnay, chef des études économiques de la Banque de France.

En tout cas, la Charte constitutive de la BRI (voir Annexe 1) dissipe tout doute sur sa véritable nature : il s'agissait pour les créanciers (Morgan et compagnie) de désigner un liquidateur (un syndic de banques centrales constituant la BRI) chargé de faire honorer les créances d'une dette de guerre impayable.

Bien qu'elle se présente comme « la banque centrale des banques centrales », la BRI, à la demande de Schacht, fut constituée comme une banque privée (société anonyme par actions de droit suisse). Elle disposait d'une cagnotte confortable et prélevait une petite somme sur chaque transaction.

D'après l'Article 3 de ses statuts (mis à jour en 2005), « la Banque a pour objet : de favoriser la coopération des banques centrales et de fournir des facilités additionnelles pour les opérations financières internationales ; et d'agir comme mandataire (trustee) ou comme agent en ce qui concerne les règlements internationaux qui lui sont confiés en vertu d'accords passés avec les parties intéressées ».

Pour accomplir au mieux cette tâche délicate, la BRI, qui n'a de compte à rendre à aucun Parlement et à aucune législation, s'accorde, par un accord spécifique entre le Conseil fédéral suisse et la BRI, un statut d'immunité juridique et diplomatique absolue. La banque et ses fonctionnaires sont exonérés de tout impôt. Par son statut particulier, la BRI serat un des premiers paradis fiscaux au monde facilitant le blanchiment d'argent. Preuve qu'il s'agit d'un Etat dans l'Etat, nul agent de l'autorité publique suisse ne peut pénétrer dans son siège car la banque exerce le contrôle et la police dans ses locaux.

L'Article 55 des statuts précise :
Citer1) La banque bénéficie de l'immunité de juridiction, sauf : a) dans la mesure où cette immunité a été formellement levée dans des cas individuels par le Président du Conseil, le Directeur général, le Directeur général adjoint ou par leurs représentants dûment autorisés ; (...)

2) Les biens et avoirs de la Banque, où qu'ils se trouvent et quels qu'en soient les détenteurs, bénéficient de l'immunité d'exécution (notamment à l'égard de toute mesure de saisie, séquestre, blocage ou d'autres mesures d'exécution forcée ou de sûreté) (...) ;

3) Les dépôts confiés à la Banque, toute créance sur la Banque, ainsi que les actions émises par la Banque, où qu'ils se trouvent et quels qu'en soient les détenteurs, ne pourront faire l'objet, sauf accord exprès préalable de la Banque, d'aucune mesure d'exécution (notamment de saisie, séquestre, blocage ou autres mesures d'exécution forcée ou de sûreté).
Les actionnaires initiaux étaient les banques centrales de six pays (55 en 2013 : Belgique, France, Allemagne, Royaume-Uni, Italie et Japon. Chaque banque disposait de 16 000 actions qu'elle pouvait placer chez ses clients. La Réserve fédérale ne rejoigna pas la BRI et à sa place, trois banques américaines possédaient chacune 16 000 actions : JP Morgan, First National Bank of New York et First National Bank of Chicago. Ainsi, dans les années 1930, jusqu'à 30 % des actions étaient aux mains d'actionnaires privés, par ailleurs confortablement à l'abri de toute confiscation de leurs avoirs.

L'Article 10 de la Charte constitutive (voir Annexe 1) précise expressément : « La Banque, ses biens et avoirs, ainsi que les dépôts ou autres fonds qui lui seront confiés, ne pourront faire, ni en temps de paix, ni en temps de guerre, l'objet d'aucune mesure telle que expropriation, réquisition, saisie, confiscation, défense ou restriction d'exporter ou d'importer de l'or ou des devises ou de toute autre mesure analogue. »

Avec le recul, pour tous ceux qui ont étudié l'économie nazie, deux passages prennent ici une importance singulière : « ni en temps de paix, ni en temps de guerre » et « exporter ou importer de l'or »....

Un gouvernement mondial de banquiers
La BRI, par sa nature, donnera un pouvoir exorbitant aux banquiers centraux à la tête de banques centrales dites « indépendantes », c'est-à-dire gérées par des intérêts privés. L'historien américain Carroll Quigley, dans Tragedy and Hope (MacMillan, 1966), affirme que :

CiterLa puissance du capitalisme financier avait un autre plan, celui de créer rien de moins qu'un système mondial de contrôle financier aux mains du privé capable de dominer le système politique de chaque pays et l'économie mondiale comme un tout. Le système serait contrôlé de façon féodale par les banques centrales du monde agissant de concert, grâce à des accords secrets obtenus lors de réunions et conférences fréquentes.

Le sommet de la pyramide devrait être la BRI de Bâle en Suisse, une banque privée possédée et contrôlée par les banques centrales mondiales.

Chaque banque centrale, aux mains de gens comme Montagu Norman de la Banque d'Angleterre, de Benjamin Strong de la Réserve fédérale de New York, de Charles Rist de la Banque de France et de Hjalmar Schacht de la Reichsbank allemande, cherchait à dominer son gouvernement par sa capacité à placer des emprunts du Trésor, à manipuler les cours de change, à influencer le niveau d'activité économique du pays et à influencer des hommes politiques coopératifs par des récompenses dans le monde des affaires.

L'échec du plan Young
Lors de la conférence de la Haye aux Pays-Bas en janvier 1930, le plan Young fut adopté. L'Allemagne, mise sous tutelle, obtint une forte réduction de sa dette envers les alliés et des délais de paiement, elle n'était plus « que » de 112 milliards de marks or (équivalent de 107 milliards de dollars en 2013 !) et payable sur 59 ans (jusqu'en 1988), c'est-à-dire sur trois générations ! (Voir Annexe 2)

Mais la créativité de JP Morgan et Schacht ne connaissait pas de limites. Les annuités de remboursement, désormais versées non pas en marks, mais en devises et fixées par un échéancier précis, devaient désormais servir d'instruments d'émission obligataire. Pour gérer la dette et placer les obligations allemandes, la BRI, qui reprenait les fonctions remplies jusqu'alors par l'Agent général en charge des réparations de guerre à Berlin, était l'intermédiaire incontournable. L'émission de ces obligations était une garantie supplémentaire de paiement ponctuel, car toute suspension du service des titres ainsi émis porterait une atteinte directe au crédit de l'Allemagne.

Schacht déclarera qu'aucun débiteur allemand ne saurait se soustraire à ses obligations, mais que chaque débiteur, quand l'échéance sera venue, paiera sa dette à la caisse de conversion. Les paiements ainsi effectués y seront à la disposition des créanciers qui, bien entendu, ne pourront les utiliser qu'à l'intérieur de l'Allemagne. Ainsi sera sauvegardée, avec le principe de l'autarcie, la stabilité du reichsmark.


En 1930, le banquier Hjalmar Schacht (à droite) inventa la Banque des règlements internationaux (BRI). En 1933, aussitôt élu, Hitler le nomma à la tête de la Reichsbank (Banque centrale allemande). Ici, lors de l'ouverture d'un nouveau bâtiment de la banque.

Schacht, qui savait que suite au crash boursier de 1929 le plan Young était condamné à l'échec et allait provoquer l'ire de la population allemande, donna d'abord son agrément, puis démissionna tout en dénonçant immédiatement le plan qualifié par Hitler de « diktat de Versailles ». Le plan Young était si répugnant qu'il poussa de nombreux Allemands dans les bras du parti national-socialiste.

Après les élections de 1932, où le parti nazi NSDAP raflait plus du tiers des sièges au Parlement, Schacht, organisa une réunion afin de réunir 2 millions de marks pour renflouer le parti nazi et lança un appel signé par les grands dirigeants industriels demandant au président Hindenburg de nommer Hitler chancelier.

Cela fait, Hitler nomma, le 17 mars 1933, Schacht à la tête de la Reichsbank. Schacht jugea peu efficace les ratonnades commises par les nazis « de base » et proposa à Hitler des méthodes « plus efficaces » pour valoriser leurs biens.

Tout comme le Plan Dawes, le plan Young échoua rapidement, et Hitler cessa de payer les réparations de guerre tout en utilisant la BRI pour la vaste palette de facilités qu'elle offrait. Owen Young tenta alors de nouveau sa chance en se présentant en 1932 à l'investiture présidentielle démocrate contre Franklin Roosevelt ; en vain. Depuis lors, le rôle de la BRI consiste officiellement à servir de simple lieu privilégié permettant aux banquiers centraux de se parler à intervalles réguliers lors de rencontres organisées à Bâle.

JacquesL

Le siège de la BRI, le bunker d'un gouvernement mondial

L'Hôtel Savoie-Univers (aujourd'hui Euler) en face de la gare centrale de Bâle, abrita dans le plus grand secret les premières réunions de la BRI à partir de 1930.
En 1930, en attendant de disposer de vrais bureaux, les banquiers centraux se donnaient rendez-vous à l'Hôtel Savoie-Univers (Aujourd'hui nommé Hôtel Euler), juste en face de la gare de Bâle.

Aucune plaque n'indiquait qu'il s'agissait de la BRI et pour y accéder les banquiers traversaient d'abord la boutique de la chocolaterie Frey.

L'anecdote n'est pas sans nous rappeler le Mécanisme européen de stabilité (MES), doté d'un statut d'immunité totale et installé dans un bureau anonyme d'un paradis fiscal nommé Luxembourg. Peu de doutes que c'est la BRI qui a servi de modèle !


D'après Edward Jay Epstein, un des rares journalistes à avoir pénétré les lieux, le siège de la BRI à Bâle dispose d'un abri antiatomique, plus de trente kilomètres d'archives souterraines et un triple système anti-incendie permettant d'éviter toute visite inopportune des pompiers...

Depuis 1977, dans un souci de transparence, une tour de dix-huit étages accueille les hôtes prestigieux de la BRI.

L'étage supérieur, où se trouve un restaurant de luxe, offre une vue panoramique sur trois pays : l'Allemagne, la France et la Suisse. Les autres étages sont occupés par le personnel de la BRI ou hébergent des suites et des bureaux individuels au service des banquiers centraux. Un système de lignes téléphoniques dédiées et codées leur permet d'accéder directement à leurs pays respectifs. A cela s'ajoute l'un des ordinateurs les plus modernes, une équipe professionnelle de plusieurs centaines de secrétaires, de traducteurs, de chauffeurs et de chercheurs compétents. Le club est équipé de cuisines, de tennis et de golf à la hauteur de l'importance de ses hôtes.

Schacht met la main sur les dépôts allemands


En 1934, Schacht fera une grande démonstration de sorcellerie financière en revigorant une vieille technique éprouvée lors de la Révolution française. Sur la base des ventes futures des biens de l'église qu'ils avaient confisqués, les révolutionnaires français paient leurs prestataires avec des titres appelés « Assignats ». Garantis par l'Etat, les prestataires pouvaient s'en servir à leur tour pour régler des dépenses. Lorsqu'il devint clair qu'il ne s'agissait que de promesses, la pyramide des assignats s'effondra.

Pour sa part, la Reichsbank sous Schacht, avec le ministère de la Défense et les quatre plus grands producteurs d'armement, monta une société écran, le Metal Forschungsinstitut Gmbh (Mefo), une société anonyme à responsabilité limitée dite « Recherches sur les métaux », servant de base juridique à des lettres de change tirées, pour la plus grande partie, par des fournisseurs de l'armée. Ces derniers, ne payaient plus leurs fournisseurs en reichsmark, mais en « effets Mefo » dont la signature d'acceptation était garantie à l'égard de la Banque du Reich par le Reich lui-même.

Les effets Mefo avaient toujours échéance à trois mois, mais étaient prolongeables pour cinq ans au maximum. La Banque du Reich s'engageait à escompter les effets en tout temps si ceux-ci étaient présentés trois mois après leur date d'émission. Si le tireur avait besoin d'argent liquide auparavant, il pouvait vendre l'effet à une banque ou à un tiers. Les banques acceptaient volontiers ces effets en raison de leur convertibilité garantie auprès de la Banque du Reich. Ainsi les effets Mefo pouvaient remplacer les encaisses liquides et mobiliser des montants qui seraient, sans cela, restés inutilisés. On évitait tout accroissement de la circulation fiduciaire. D'autre part, on ne pouvait créer des disponibilités en effets Mefo que dans certaines limites, et l'émission devait se tenir dans le cadre des crédits à court terme disponibles sur le marché.

Ensuite, le gouvernement Hitler força les caisses d'épargne et les banques commerciales à investir jusqu'à 30 % de leurs dépôts dans des effets Mefo ! Pour les municipalités, c'était 90 %, et des ratios similaires étaient imposés aux caisses d'assurance publiques et privées ! C'est à peu de détails près ce qui vient de se passer cette année avec les preferentes (actions préférentielles) de Bankia en Espagne !

De cette façon « magique », Schacht, a pu contenir l'inflation. La masse monétaire augmenta seulement de 33 % entre février 1933 et février 1938. Mais en même temps, de 1934 a 1938, c'est 12 milliards de reichsmarks qui furent créés en effets Mefo (non comptabilisés dans la masse monétaire). L'on peut imaginer quelle aurait été l'inflation si cet argent avait été de l'émission monétaire pure. Se pose alors la question fondamentale : comment cet empire de valeurs papier peut se maintenir puisque la production d'armement, si elle crée de l'emploi pendant un certain temps, n'engendre en aucune façon des instruments permettant de multiplier la création de richesses futures... ?


Brochure de la BRI de 2007. La troisième figure à partir du haut est Hjalmar Schacht.

C'est là où, pour obtenir du solide en échange de ce qui s'apparente à de simples jetons qu'on multiplie à bon compte à l'intérieur d'un casino, il faut des hommes armés et une dictature pour les faire accepter à l'extérieur du casino, c'est-a-dire dans le monde réel. C'est bien là que Schacht va appliquer à l'Allemagne une politique d'auto-cannibalisation qui aboutira, par sa logique infernale, aux camps d'extermination des « bouches inutiles » et des populations « en excès » ainsi qu'aux guerres de conquête territoriale dictées pour l'essentiel par le besoin de ressources (or autrichien et tchécoslovaque, charbon polonais, eau lourde norvégienne, etc.), dont le complexe militaro-financier cherchait à s'accaparer.

Bien qu'en septembre 1939, la BRI, se drapant dans la neutralité, cessa d'organiser les rencontres entre banquiers centraux, elle continua, au nom de l'impérative nécessité de préserver la « stabilité financière », de faciliter des transactions de très haut niveau entre des pays en guerre.

Après l'entrée dans Prague, Hitler exige et obtient de la BRI la restitution des dépôts d'or à l'Allemagne qui vient d'avaler ce pays. Au printemps 1939, Pierre Mendès France, qui avait étudié de près la formation de la BRI, déplore le fait qu'on ait de nouveau cédé à Hitler. Pessimiste sur l'avenir de la paix mais volontariste contre Hitler, il conclut à ce propos :

CiterLe problème de la BRI n'est donc pas un problème juridique ou financier. C'est l'un des aspects de la politique générale de l'Europe actuelle. La BRI n'est que l'un des terrains sur lesquels se déroule la grande guerre blanche qui dure depuis de longs mois et semble devoir se prolonger encore. Mener cette guerre blanche sur certains domaines et négliger les moyens d'action dont on dispose sur d'autres, c'est une impardonnable défaillance.

Les transferts de l'or autrichien et tchécoslovaque, consentis par la Banque d'Angleterre présidée alors par Montagu Norman, feront scandale. Fallait-il vraiment offrir des facilités financières à Hitler pour préserver la « stabilité financière » ?

Du capitalisme financier au fascisme financier
Ce n'est qu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale que l'on « découvre » que l'or fourni par l'Allemagne à la BRI provenait en fait des stocks d'or de la Belgique et des Pays-Bas pillés par les nazis. Ce n'est pas étonnant puisque la BRI était truffée de sympathisants enthousiastes du régime Hitlérien.

Rappelons que c'est à la demande d'Hitler que Schacht redevint président de la Reichsbank en 1933, position qu'il cumulera à partir de 1934 avec celle de ministre de l'Economie. (Ah bon ? je croyais que les ministres n'avaient rien à voir avec le Conseil d'administration de la BRI... )

Jusqu'en 1936, Hitler donna carte blanche à Schacht. En janvier 1937, il est nommé membre honoraire du parti nazi et décoré de la Swastiska d'or. Cependant, Schacht, mis en concurrence avec Goering, démissionna de son ministère en 1937 et de la Reichsbank en 1939, estimant que les dépenses d'armement excessives allaient réveiller l'inflation et ruiner les finances allemandes. Schacht restera cependant ministre sans portefeuille jusqu'en 1943. A partir de cette date, toute personne intelligente savait que le régime était condamné et rejoignait éventuellement, comme Schacht, la Résistance. C'est sans doute pour cela que la brochure de 2007 de la BRI exhibe encore fièrement son portrait...

La solution finale
Walter Funk, le ministre de la Propagande d'Hitler en 1933, succéda à Schacht à la tête de la Reichsbank en 1939, et devint également ministre de l'Economie du IIIe Reich en 1938. En tant que banquier central allemand, il siégeait d'office au conseil d'administration de la BRI et le vice-président de la Reichsbank chargé des transferts en or, Emil Puhl en faisait également parti.


Heinrich Himmler, grand patron des SS et Rudolf Hess, admirant la maquette du camp de concentration de Dachau.

En 1942, Funk conclut un accord avec Himmler, à la tête des SS et un des architectes de la Shoah : les possessions, l'argent, les titres de valeurs, les bijoux et enfin l'or dentaire récupéré sur les Juifs et tous ceux envoyés aux camps de la mort, seraient transmis à la Reichsbank. Cette dernière les revendrait et mettrait l'argent sur un compte spécial portant le nom fictif de « Max Heiliger » [1], permettant l'autofinancement des SS et l'expansion des camps de la mort. Funk et Puhl ont été condamnés par le Tribunal de Nuremberg.

Parmi les autres administrateurs de la BRI de cette époque sombre, mentionnons Hermann Schmitz, le grand patron du cartel de la chimie IG Farben. L'entreprise, productrice du gaz zyklon B employé pour l'élimination des opposants et des races jugées « inférieures », avait des accords juteux avec le cartel pétrolier de la famille Rockefeller, Standard Oil, et exploitait l'usine d'Auschwitz dont le tristement célèbre camp de concentration n'était qu'une annexe. Le banquier et baron Kurt von Schröder, directeur de la Stein Bank de Cologne, la banque de la Gestapo, était lui aussi administrateur de la BRI, comme l'atteste le rapport annuel de la BRI de 1944.

Charles Higham, dans Trading with the ennemy, note que « la BRI était un instrument d'Hitler, mais son existence fut appuyée par la Grande-Bretagne, même après que ce pays entra en guerre contre l'Allemagne, et le directeur britannique de la BRI Sir Otto Niemeyer, ainsi que Montagu Norman, restèrent en fonction pendant la guerre ». Pour Higham, la BRI était devenue un « moyen de faire transiter des fonds britanniques et américains vers les coffres d'Hitler ».

Roosevelt voulait liquider la BRI


Dexter White (à gauche), l'envoyé de Franklin Roosevelt à la Conférence de Bretton Woods et l'économiste impérialiste John Maynard Keynes, à peu près en désaccord sur tout. Alors que White voulait supprimer la BRI au plus vite, Keynes la jugea un instrument très utile pour l'avenir de l'Empire britannique.

A la dernière session de la conférence de Bretton Woods de 1944, la Norvège proposa officiellement qu'on « liquide au plus vite » la BRI.

La motion fut violemment combattue par l'économiste impérialiste britannique John Maynard Keynes et le département d'Etat américain (plusieurs présidents de la BRI n'étaient-ils pas des Américains... ?).

En face, Henry Morgenthau, le secrétaire au Trésor américain, et Dexter White, le représentant de Franklin Roosevelt, s'opposaient à Keynes sur toute la ligne en soutenant la motion norvégienne, et la résolution finale des accords de Bretton Woods appelle à « la liquidation de la BRI le plus tôt possible ». Morgenthau, dans le New York Herald Tribune du 31 mars 1946 dira : « A cette époque je voulais transférer le centre financier du monde de Wall Street et de la City de Londres, à Washington. » Malheureusement, Roosevelt mourut en 1945.

Entre-temps, les banquiers recommencèrent leurs grands rendez-vous à Bâle et en 1948, grâce à Harry Truman, la motion fut officiellement révoquée. A nous de finir le travail !

La BRI, combien de divisions ?

  Les 18 personnes qui siègent au Conseil d'administration (Board of Directors) élisent leur président. Par leur vote ils en désignent un président (A l'heure actuel le Français Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, ami intime de Michel Pébereau de BNP Paribas et opposant virulent à tout retour à Glass-Steagall). Le CA est composé de trois types de membres : sont membres ex-officio (de fait) : uniquement les gouverneurs des banques centrales de Belgique, de France, d'Allemagne, d'Italie, du Royaume Uni et (depuis 1994) des Etats-Unis (avant il s'agissait de représentants de grandes banques américaines actionnaires : JP Morgan, First National Bank of New York et First National Bank of Chicago).

Les administrateurs supplémentaires nommés par les banques centrales le sont pour une période de trois ans, mais rééligible. Les statuts de la BRI prévoient l'élection, par une majorité aux deux tiers, de seulement 9 autres gouverneurs de banques centrales membres.

Selon certaines sources, le CA et son directeur ne sont qu'une façade et les vraies décisions sont prises par un « club interne » d'une demi-douzaine de banquiers centraux dont le sort est intimement lié. En seraient membre : l'Allemagne, les Etats-Unis, l'Angleterre, la Suisse, l'Italie et le Japon, mais pas la France...

221 milliards de dollars de dépôts. En 2013, 60 banques centrales du monde sont actionnaires de la BRI. En date du 26 mars 2006, la BRI abrite 221 milliards de dollars, dont 5,8 milliards de ses fonds propres. Lors de la fondation de la BRI en 1930, les banques (centrales et privées) actionnaires pouvaient soit acheter des actions de la BRI et éventuellement les revendre à leurs clients. En 2007, 86 % des actions de la BRI restaient détenus par les banques centrales, 14 % par le privé. Dans les années 1930, le privé détenait environ 30% des actions. Aujourd'hui, tout est dans les mains des banques centrales. Tous les actionnaires reçoivent les dividendes de la BRI.

712 tonnes d'or. Le rapport annuel de la BRI de 2005 indique que 712 tonnes d'or sont déposées dans ses caves sans indiquer la répartition de cette quantité entre membres et la banque elle-même.

7 % des réserves de change du monde. La BRI dispose d'une vaste panoplie de services financiers pour assister les banques centrales dans la gestion de leurs réserves externes. A peu près 140 banques centrales et institutions financières internationales ont des dépôts à la BRI. En mars 2006, les dépôts en devises totalisaient environ 186 milliards de dollars, à peu près 7 % des réserves de change du monde. Depuis mars 2003, elles ne sont plus calculés en Franc suisse or mais en Droits de tirage spéciaux (DTS) une monnaie fiat conçue par le FMI dont la valeur est définie à partir d'un panier de monnaies : 44 % dollar américain, 34 % euro, 11 % yen japonais, 11 % livre sterling).

La plupart de ces fonds servent des placements de banques commerciales et des achats d'obligations d'Etat à court terme. La BRI gère également des opérations de change et des transactions en or pour ses clients. La BRI prête également à court terme, avec ou sans collatéral, des fonds qu'elle reçoit d'autres banques centrales. A plusieurs reprises, la BRI a secouru des pays avec l'appui d'un groupe de banques centrales dirigeantes. Par exemple, en 1998, la BRI a organisé une ligne de crédit de plusieurs milliards de dollars pour le Brésil.

La BRI, mère de l'Euro. Dans un résumé de son histoire, la BRI souligne son rôle dans la naissance de l'euro : « Depuis 1964, le comité des gouverneurs des banques centrales des pays membres du Marché commun (CEE) se rencontraient régulièrement à Bâle. A partir de 1972, la BRI gérait le "serpent monétaire", un mécanisme commun permettant de réduire les fluctuations entre les monnaies européennes. En 1979, le Système monétaire européen fut crée et l'Unité de compte européenne (ECU) mis en place. La BRI a fourni le secrétariat et a agi comme son agent. Au début des années 1980, les gouverneurs des banques centrales de la CEE, réuni à Bâle, ont été les artisans du cadre de l'union monétaire incorporée dans le Traité de Maastricht (Le "Comité Delors"). Issu de ce traité, l'Institut monétaire européen (IME), le précurseur de la Banque centrale européenne (BCE) a été créé le 1er janvier 1994. Le déménagement de Bâle à Francfort, en novembre 1995, a mis un terme à l'implication directe de la BRI dans l'unification monétaire européenne ».



Annexe 1

Charte constitutive de la Banque des Règlements Internationaux
(du 20 janvier 1930)

Extraits :

Considérant que les Puissances signataires de l'Accord de La Haye de janvier 1930 ont adopté
un Plan qui envisage la création par les banques centrales d'Allemagne, de Belgique, de France, de Grande-Bretagne, d'Italie et du Japon et par un établissement financier ou groupe bancaire des États-Unis d'Amérique d'une banque internationale qui sera appelée la « Banque des Règlements Internationaux » ;

et considérant que lesdites banques centrales et un groupe bancaire comprenant MM. J. P. Morgan & Co. de New York, The First National Bank of New York, New York, et The First National Bank of Chicago, Chicago, ont entrepris de fonder ladite banque et ont garanti ou pris des mesures pour faire garantir la souscription de son capital autorisé s'élevant à cinq cents millions de francs suisses, équivalant à 145 161 290,32 grammes d'or fin et divisé en deux cent mille actions ;

et considérant que le Gouvernement fédéral suisse a conclu, avec les Gouvernements d'Allemagne, de Belgique, de France, de Grande-Bretagne, d'Italie et du Japon une convention par laquelle il a accepté d'accorder la présente Charte constitutive de la Banque des Règlements Internationaux, s'engageant à ne pas abroger cette Charte, à n'y apporter ni modifications, ni additions et à ne pas sanctionner les modifications aux Statuts de la Banque visées au paragraphe 4 de la présente Charte, si ce n'est d'accord avec lesdites Puissances ;

(...)

6. La Banque est libre et exempte de tous impôts rentrant dans les catégories suivantes :

a) droits de timbre, d'enregistrement et autres droits, sur tous actes ou autres documents ayant trait à la constitution ou à la liquidation de la Banque ;

b) droits de timbre et d'enregistrement sur toute émission initiale des actions de la Banque souscrites par une banque centrale, par un établissement financier, par un groupe bancaire ou par une personne ayant pris ferme soit à la création de la Banque, soit avant, soit en vertu des dispositions des articles 5, 6, 8 et 9 des Statuts ;

c) tous impôts sur le capital de la Banque, ses réserves ou ses bénéfices distribués ou non, qu'ils frappent ces bénéfices avant distribution ou qu'ils soient perçus au moment de la distribution, sous forme d'une taxe à payer ou à retenir par la Banque sur les coupons. Cette stipulation ne porte pas atteinte au droit de la Suisse d'imposer les personnes résidant en Suisse autres que la Banque, comme elle le juge opportun ;

d) tous impôts sur tous contrats que la Banque pourra conclure en liaison avec l'émission d'emprunts de mobilisation des annuités allemandes et sur les titres d'emprunts de cette nature émis sur un marché étranger ;

e) tous impôts sur les rémunérations et les salaires payés par la Banque à ses administrateurs et à son personnel n'ayant pas la nationalité suisse.

7. Toutes les sommes déposées à la Banque par n'importe quel Gouvernement en vertu des dispositions du Plan adopté par l'Accord de La Haye de janvier 1930 seront libres et exemptes d'impôts à percevoir soit par voie de retenue par la Banque agissant pour le compte de l'autorité imposante, soit de toute autre manière.

8. Les susdites exemptions et immunités s'appliqueront aux impôts présents et futurs, sous quelque nom qu'on les désigne et qu'il s'agisse d'impôts de la Confédération, de cantons, de communes ou d'autres autorités publiques.

9. En outre, sans préjudice aux exemptions spécifiées ci-dessus, il ne pourra être levé sur la Banque, ses opérations ou son personnel, aucun impôt qui n'aurait pas un caractère général et auquel les autres établissements bancaires établis à Bâle ou en Suisse, leurs opérations ou leur personnel, ne seraient pas assujettis en droit et en fait.

10. La Banque, ses biens et avoirs, ainsi que les dépôts ou autres fonds qui lui seront confiés, ne pourront faire, ni en temps de paix, ni en temps de guerre, l'objet d'aucune mesure telle que expropriation, réquisition, saisie, confiscation, défense ou restriction d'exporter ou d'importer de l'or ou des devises ou de toute autre mesure analogue ;

11. Tout différend entre le Gouvernement suisse et la Banque concernant l'interprétation ou l'application de la présente Charte sera soumis au Tribunal arbitral prévu à l'Accord de La Haye de janvier 1930.

Source : BRI



JacquesL

Annexe 2
Comment, à partir d'une dette, fabriquer une guerre
Chronologie des réparations allemandes après la 1ère guerre mondiale

Le parti d'Hitler sortant du Traité de Versailles

1919 : L'article 231 du Traité de Versailles déclare l'Allemagne « responsable, pour les avoir causés, de tous les dommages subis par les gouvernements alliés, par suite de la guerre qui leur avait été imposée par son agression ». Cet article constitue la base juridique des réparations imposées à l'Allemagne vaincue. Une Commission des réparations est chargée d'en évaluer le montant, d'en établir les délais de paiement et d'en déterminer la répartitions entre les pays bénéficiaires. En attendant, l'Allemagne devra payer 20 milliards de marks-or avant le 1er mai 1921.

1920 : La Conférence de Spa fixe les pourcentages attribués aux différents pays bénéficiaires : 52 % pour la France ; 22 % pour l'Empire britannique ; 10 % pour l'Italie ; 8 % pour la Belgique. Les Français estiment que le montant total des dommages subis par les Alliés s'élève à 226 milliards de marks-or.

1921 : La Conférence de Londres évalue le montant des dommages subis par les Alliés à 150 milliards de marks-or et fixe le montant des réparations que devra payer l'Allemagne à 132 milliards de marks-or.


Janvier 1923, Les troupes française et belges occupent la Ruhr pour confisquer la production de charbon, de fer et d'acier afin d'obtenir les montants dus par l'Allemagne.

1923 : L'Allemagne confrontée à une grave crise financière déclare qu'elle n'est pas en état de payer les réparations et sollicite un moratoire. Le gouvernement français décide l'occupation militaire de la Ruhr, la plus importante région industrielle allemande, pour l'obliger à payer. Cette occupation provoque un profond ressentiment anti-français dans la population alors que le gouvernement allemand décrète la « résistance passive » qui se traduit par une grève générale, des attentats, des sabotages, ce qui accélère l'effondrement du mark. Les Alliés américains et britanniques conseillent la modération. Très isolée, la France doit retirer ses troupes de la Ruhr sans contrepartie.

1924 : Le plan Dawes accorde un prêt américain à l'Allemagne pour l'aider à effectuer ses premiers versements et fait adopter le principe d'annuités progressives fondées sur son redressement économique.

1929 : Le plan Young abaisse le montant des réparations à 38 milliards de reichmarks payables en 59 annuités jusqu'en 1988.

1931 : Le moratoire Hoover suspend pendant un an le paiement des réparations et des dettes interalliées.

1932 : La conférence de Lausanne ramène le total des réparations à 3 milliards de marks qui ne seront jamais payés.

1933 : Parvenu au pouvoir, Hitler met fin définitivement au paiement des réparations. Au total, l'Allemagne n'a versé que 22,8 milliards de marks au lieu des 132 prévus initialement. Durant l'entre-deux-guerres, la question des réparations a empoisonné les relations franco-allemandes, mais aussi les relations entre la France et ses anciens alliés, en particulier les États-Unis. C'est ainsi que la France faisait dépendre le remboursement de ses dettes de guerre aux États-Unis, au paiement par l'Allemagne des réparations imposées par les vainqueurs. De leur côté, les États-Unis, bien qu'ils n'aient finalement ratifié ni leur adhésion à la Société des Nations, ni le traité de Versailles, se posèrent en arbitres et s'efforcèrent de trouver un compromis entre l'Allemagne qui se déclarait insolvable, et les pays qui, comme la France, persistaient à vouloir la faire payer.

C'est ainsi que les plans Dawes et Young portent le nom des experts américains qui les ont négociés. De même, le moratoire Hoover qui a suspendu le paiement des réparations allemandes et des dettes interalliées porte le nom du président républicain qui a succédé à Wilson aux États-Unis. En Allemagne, la question des réparations a amplifié le ressentiment contre la France et nourri un révisionnisme revanchard qu'ont largement exploités Hitler et les nazis dans leur conquête du pouvoir.



La taille de la dette allemande par rapport au PIB : 295% lors du Traité de Versailles de 1920, 123% lors du plan Dawes en 1924, 80% lors du plan Young et 19% lors de la Conférence de Lausanne de 1932.

En France, elle a alimenté un nationalisme cocardier et chauvin, et entretenu l'illusion que tous les problèmes financiers seraient résolus, sans avoir à exiger d'efforts des Français, convaincus que l'Allemagne paierait. En réalité, la France n'a pu éviter en 1928 une dévaluation de sa monnaie qui a perdu les 4/5 de sa valeur par rapport à 1914. Au total, la France n'a touché que 9,5 milliards de marks, alors qu'elle devait en percevoir plus de 68.

Source : Histoire et mémoire des deux guerres

Bibliographie :
The Bank for International Settlements, Organisation and history, BIS Archive guide, 2007.
Statuts de la Banque des règlements internationaux, BRI, Bâle.
Confessions of the Old Wizard, The Autobiography of Hjalmar Horace Greeley Schacht, Diane Pike, Houghton Mufflin Company, Boston, 1956, The Riverside Press, Cambridge.
— Le banquier américain de Hitler, Marc-André Charguéraud, Editions Labor & Fides, Genève 2004.
Comment Londres et Wall Street ont mis Hitler au pouvoir, Will Wertz, octobre 2009.
Fascisme financier hier et aujourd'hui, le choix de la défaite., entretien avec Annie Lacroix-Riz, Nouvelle Solidarité, 28 juillet 2006.
— VIDEO : Banking with Hitler, Paul Elston, Time Watch, BBC 1998.
Ruling the World of Money, Edward Jay Epstein, Harper's, 1983.
L'or dentaire nazi, Xavier Riaud, histoire-medecine.fr.
Self financing genocide, Gabor Kadar et Zoltan Vagi, Central European Press, Budapest, Hongrie.

[1] Extrait de l'article l'Or dentaire nazi de Xavier Riaud. « La Reichsbank ouvre un compte spécial au nom de Max Heiliger en 1942, suite à un coup de téléphone du Général SS Frank au vice-président de la Reichsbank, Emil Puhl. Peu de temps après, Albert Thoms doit accuser réception des livraisons des pillages des SS, dont le montant après estimation est crédité sur le compte Max Heiliger qui n'existe pas. Ce n'est qu'un pseudonyme. Avec la débâcle allemande, ce compte est pour une partie attribué au service économique de la NSDAP dirigé par un homme de Bormann, Erich Von Hummel. C'est à la demande de Bormann que Puhl accepte ce transfert, Bormann ayant compris le secret du mystérieux compte début 1944. Le rapport d'interrogatoire de Thoms, daté du 8 mai 1945, explique en détail l'organisation de la Reichsbank : « Le chef de Brigade SS Frank m'a informé que les livraisons se feraient par camions, sous la direction d'un SS nommé Melmer. Je dois lui établir une quittance provisoire pour les caisses livrées. Melmer doit me signaler plus tard, sur quel compte, le montant des objets doit être crédité. A la livraison, les marchandises sont inventoriées et réparties dans les départements correspondants de la Reichsbank. Par la suite, une liste véritable des objets livrés est dressée et une quittance définitive est remise en mains propres à Melmer. Celui-ci m'informe que le montant des livraisons doit être versé sur le compte de Max Heiliger. Je signale la chose par téléphone à Patzer, directeur des comptes au Ministère des Finances, qui valide la transaction, que je confirme à Melmer, le 16/11/1942. Le 26 août 1942, Melmer, vêtu de civil et accompagné de deux sentinelles SS en uniforme, achemine la première livraison : des conteneurs scellés qui sont ouverts au département des métaux précieux de la Reichsbank. Un des premiers signes de l'origine de ces conteneurs est l'estampillage de certaines caisses au nom des camps de concentration de provenance, Lublin et Auschwitz, notamment. La dixième livraison, celle de novembre 1942, inclut pour la première fois de l'or dentaire. Les suivantes en contiennent d'importantes quantités, s'accroissant de manière inhabituelle. Les transports se font généralement la nuit, des bâtiments du WVHA [organisation logistique des SS] à Berlin, vers la Reichsbank berlinoise. »